Daniel et Gilbert, les deux organisateurs des agapes du soir, nous avaient prévenus en ouverture de la soirée en envisageant cette dernière comme un voyage au cœur du corpus Gainsbourgien. Le lieu s’y prête particulièrement, une jonque sur le Seine, un écrin boisé, patiné par le temps et exotique. Ne manque plus que Corto Maltese fixant l’horizon de son regard sombre et on s’y croirait. Ils sont donc quatorze, issus de la scène indé parisienne, à se succéder, une reprise après l’autre. Un programme chargé mais harmonieux en dépit des incessants changements de plateau et autant de scènes cocasses. On commence avec Gilbert reprenant « Ford Mustang » accompagné de S.am (le nouveau nom de scène de Sarah Amsellem), laquelle se glisse à la perfection dans le rôle de Brigitte Bardot. Une mise en jambe avant les choses sérieuses quand la guitariste Lisa Portelli rejoint S.am. Une configuration guitare/voix assez inédite pour la chanteuse (qui a plutôt l’habitude de s’accompagner au piano ou au ukulélé). Se glissant avec malice dans les interstices laissés vacant l’une ou l’autre, la performance est riche d’enseignement. Se concentrant sur le chant, sans se polluer l’esprit à devoir jouer d’un instrument, S.am déclenche des torrents d’émotion. Un moment de grâce suspendu, sous le soleil exactement, dans les reflets mordorés du jour finissant, le soleil se couchant sur la Seine, magique ! On retiendra de cette soirée, le charme de Pauline Drand (« La Chanson de Prévert » qui sera reprise une deuxième fois en compagnie du chanteur de Collateral), la fureur fuzz psychédélique de la Bestyons (Olivier Azzano et Armelle Yons qui a ressorti sa flûte traversière pour la première fois depuis 20 ans) dont les éclairs électrise « L’homme à tête de chou » entrecoupé d’un petit bout de « Je suis venu te dire que je m’en vais » ou la basse de François Puyalto, la longue dérive psyché de « Variation sur Marilou ». En reprenant « Sorry Angel », Guilhem Valayé étonne (il sera d’ailleurs le seul à aller piocher dans cette période honnie, les années 1980, musicalement médiocre, ou en Gainsbarre, Gainsbourg n’était plus que l’ombre du lui-même). Et pourtant, seul à la guitare, tirant la substantifique moelle de la chanson, Guilhem en soustrait une beauté absente de l’originale. Grand moment ! S’il était un animal, le duo Pur-Sang serait incontestablement un Crazy Horse filant à travers les plaines, en direction de la ville fantasmée « New York USA », le temps d’une cavalcade folk rock échevelée. Le public est emballé. Pour être tout à fait exhaustif, Robi et Lembe Lokk ont complété la soirée avec charme et beaucoup d’humour pour la seconde nommée. Enfin, tout ce beau petit monde s’est retrouvé pour le grand final « La javanaise » reprise en cœur par le public refusant de quitter le navire, dans un grand moment d’émotion partagée.
samedi 16 avril 2022
Mélodies pour Gainsbourg, La Dame de Canton, 14 avril 2022.
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