The Virgins au Virgin ! C’est hier en fin d’après-midi que l’on a pu faire connaissance avec The Virgins, nouvelle sensation rock venue de New York. Si les showcases peuvent être frustrants à plusieurs titres -absence de véritable scène, vue parfois aléatoire, son- c’est souvent intéressant de pouvoir se déplacer, déjà c’est gratuit ! Ensuite, bien souvent, ces mini-concerts (mini c’est bien le mot) permettent de découvrir, comme hier, les chansons dans des versions acoustiques, différentes et donc instructives. Car l’acoustique permet véritablement de mettre en valeur le songwriting. C’est exactement ce à quoi on a assisté hier, au-delà du tube pop/disco/funk « rich girls », The Virgins a un répertoire assez élaboré bien servi par une excellente section rythmique et un guitariste moustachu plutôt doué. En dehors de cela, l’autre guitariste et le chanteur, deux de tension à eux deux, donnent l’impression de s’emmerder royalement. Mettons cela sur le compte du décalage horaire et sur la fatigue de la tournée. Ce fut bref, cinq titres balancés en à peine 20 minutes. Mais on en a vu assez pour penser que l’on tient là un peu plus qu’une étoile filante de plus. www.myspace.com/thevirginsnyc www.thevirgins.net
Pour tous les malheureux qui, à l'instar de votre serviteur, ne pourront aller voir l'excellent Raphael Saadiq au Bataclan, voici, en lot de consolation, une version live de "100 yard dash", extraite d'un concert récent à la Bellevilloise.
En première partie, on a découvert Malko! qui ce soir se retrouve confronté au triste sort des jeunes groupes, condamné à jouer dans des salles au trois-quarts vide. Cela, heureusement, n’altère en rien leur enthousiasme. Malko! navigue entre la new-wave des années 80 et la brit-pop de la décennie suivante quelque part entre Salad et Martha & The Muffins. C’est frais, un peu kitsch, mais dans le bon sens du terme, et plutôt bien exécuté même si la basse sature à plusieurs reprises, ce qui a tendance à polluer l’écoute. Excellente première partie.
Changement d’ambiance ensuite avec le duo électro Silent composé de Nico à la batterie et fK aux claviers. Le concert commence avec un grondement sourd, anxiogène, qui va en s’intensifiant. Un peu comme lorsque le ciel s’obscurcit peu à peu avant que l’orage n’éclate. La tension est palpable, Nico est rouge comme une tomate sous pression et mâchouille nerveusement son chewing gum. Frank, lui reste plutôt cool. Et, alors que la batterie se met en route, d’un coup toute l’énergie et la tension accumulée jusqu’alors est brusquement libérée. Le son explose dans tous les sens. La machine infernale est en route et elle est loin d’être silencieuse. Nicolas bat la mesure avec précision et puissance. Excellent batteur. Frank, lui est en transe. Arc-bouté sur ses machines, les yeux révulsés, il est comme possédé par la musique. Le changement est radical chez ce garçon, plutôt calme et réservé dans la vie de tous les jours, qui se transforme dès qu’il met le pied sur scène. Il connaît par cœur tous les samples des dialogues utilisés et grimace comme un enragé. Les deux musiciens viennent du métal, un groupe nommé Ran, ça s’entend et ça se voit dans le jeu de scène plutôt physique voire même carrément violent. Cela cadre parfaitement avec la petite salle de la Mécanique Ondulatoire, une cave rectangulaire comme un tunnel au plafond voûté et murs en pierre blanche. Le duo est ce soir renforcé sur quelques titres par le bassiste/contrebassiste, David (51 cents) aux interventions judicieuses. La formule passe très bien le test de la scène et bat en brèche l’idée reçue selon laquelle les musiques électroniques ne peuvent pas être « live ». La dénomination de « rock synthétique » leur va comme un gant. Hélas, le concert est court et passe à la vitesse de l’éclair. Peut-être un mal pour un bien finalement vu la débauche d’énergie et l’engagement physique de tous les instants. Silent, duo certes aphone et sans paroles, mais qui donne un visage oh combien humain aux musiques électroniques. Et confirme l’adage selon lequel « les gens silencieux sont dangereux » (surtout pour vos oreilles !!). http://www.soundofsilent.com/ www.myspace.com/princemalko
C’est avec une émotion particulière que l’on retourne à la Flèche d’Or ce soir. Emotion particulière depuis que l’on a appris la fermeture du lieu, consécutive au rachat de ce dernier par un nouveau propriétaire qui souhaite arrêter toute activité musicale, eu égard aux nombreuses plaintes du voisinage à propos des nuisances sonores. La Flèche d’Or doit cesser les concerts fin avril, mais aux dernières nouvelles, on aurait un sursis jusqu’à juin. Quoiqu’il en soit, il est probable qu’il s’agisse de ma dernière visite. L’endroit est atypique, il s’agit de l’ancienne gare de Charonne, et incontestablement à une âme. Pour Pamela et son groupe, c’est assez émouvant également puisque jusqu’ici sa carrière a été rythmée au fil des différents passages à la Flèche, tout premier concert sur cette même scène le 4 février 2006 et tout premier concert en power trio en 2007. Alors qu’elle s’apprête à franchir une nouvelle étape, avec la sortie du premier album le 25 mai prochain, Pamela se produit, certainement, pour la dernière fois ici.
Donc, forcément, ce concert prend une résonance particulière. Ceci dit l’efficacité est toujours au rendez-vous. Après quelques nouveaux morceaux, on se retrouve en terrain connu avec des titres plus anciens : « Don’t help me », « Pink Safari », « My Dear », « Chocolate soup ». Les musiciens sont en grande forme, et Pamela parle au public plus qu’à l’accoutumée. Excellent concert, mais un peu court, une grosse demi-heure, comme d’habitude ici, pour se mettre totalement dans l’ambiance. Beau succès cependant à l’applaudimètre.
Vint ensuite les rennais de My Lullaby, amputés ce soir de deux membres, en quatuor. Belle découverte que ce groupe entre dream-pop et rock. Les libellules utilisent tout un attirail : shakers, mini-moog, pads électroniques pour bâtir un labyrinthe rêveur dans laquelle il fait bon se perdre. Avant de réduire en miettes tout l’édifice à grands coups de guitares. Malheureusement, le groupe (tout comme Pamela) n’est pas vraiment aidé par le son, assez brouillon toute la soirée.
Enfin bon, alors que la soirée s’achève, on se retourne une dernière fois vers la Flèche d’Or, ses toilettes, assez rock n’roll, les âmes sensibles feraient mieux de ne pas avoir d’envie pressante car il faut avoir le cœur bien accroché pour faire pipi là-bas. C’est sûr, ça va me manquer, la Flèche d’Or, c’était vachement bien… www.myspace.com/ourlullaby
Brooklyn, comme son nom ne l’indique pas, est un nouveau groupe de rock français. Ce jeune quatuor est un cas un peu isolé dans l’hexagone. Le chant est en anglais, ça c’est plutôt classique, et, plus d’une fois à l’écoute de ce CD, on se prend à croire que l’on a affaire à un groupe new-yorkais oublié des 70s, une sorte d’avatar moderne des New York Dolls, un peu le sentiment que procurait en son temps le premier album des Strokes. « Only Changing » sonne d’ailleurs un peu comme du Strokes justement. Sur cet excellent premier album Brooklyn pratique une power-pop music sur-vitaminée, viciée et dynamitée de l’intérieur par une guitare particulièrement explosive et une batterie à l’avenant. Bénéficiant de qualités d’écriture certaines, les chansons se retiennent immédiatement. Bien joué, par d’excellents musiciens, superbement produit, l’écoute de l’album procure un bon moment. Le disque se tient du début à la fin sans temps morts ni filler, tous les morceaux ont du potentiel, probablement explosif sur scène, aussi je ne m’attarderais pas trop sur une description titre par titre. Assurément, clandestin, ce disque ne mériterait pas de le rester. Brooklyn, faux groupe new-yorkais, mais authentique talent. www.myspace.com/aboutbrooklyn
Le Blues Power Band est de retour ! Seul problème, ils ont perdu Zee ! Zee, c’est la pierre angulaire du nouveau (concept) album, sorte d’opéra blues-rock qui s’articule autour de la recherche du fameux Zee et du périple qui en découle. En attendant de pouvoir découvrir la chose, assez intrigante avouez-le, les Beeps nous donne rendez-vous pour une première étape, un concert de présentation qui a pour cadre la superbe salle du Réservoir.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, un petit mot sur le duo folk/blues Charlie Fabert et Paul-Emmanuel Delanoy qui a assuré la première partie. De l’aveu même des intéressés, l’acoustique n’est pas leur mode d’expression habituel. C’est pourtant très agréable, deux très bon guitaristes : une folk pour assurer les rythmes jouée par Paul-Emmanuel et Charlie et sa Telecaster, son clair, aux solos. Malheureusement, c’est bien trop court, seulement quatre titres qui sont passés à la vitesse de l’éclair.
Puis, vient le Blues Power Band et c’est un sentiment familier que l’on retrouve dès les premières notes, quel plaisir de revoir ce groupe toujours aussi spectaculaire sur scène et, ce soir, accompagné par un petit nouveau au clavier. Je suis assez content de retrouver mon homonyme Régis « Papy-gratteux » Lavisse, qui a troqué la Les Paul pour la Gibson Explorer (enfoiré !). Papy-Gratteux est multi-talentueux : super guitariste, mais aussi roi de la grimace (il y a de la concurrence à ce niveau là au sein même du groupe) et gymnaste accompli. A quand un grand écart facial à la Jean-Claude Van Damme sur scène (je sais que tu peux le faire) ? Ce qui est frappant c’est la cohésion, l’assise rythmique : Nico à la basse, Olivier à la batterie et Paco à la guitare est remarquable. Tout est en place pour mettre la voix, de fumeur invétéré, d’Hervé en valeur. Leurs nouvelles compositions, tout en restant dans un cadre blues-rock, les voient jouer avec différents styles jusqu’à la limite du métal. Autre nouveauté marquante, pour la première fois, Hervé ose un texte en français, l’occasion de vérifier que sa voix passe très bien dans la langue de Molière et, peut-être, une nouvelle direction à explorer. Le son est énorme et la soirée se passe agréablement quand, coup de tonnerre, les danseuses font leur apparition : bas résilles, frou-frou, porte-jarretelles : la température, déjà torride, vient de monter de plusieurs degrés. Le blues, quand il est joué avec un enthousiasme à renverser les montagnes et une puissance digne, pour reprendre l’un de leurs titres, d’un « Tyson’s fist in your face », on en redemande ! Maintenant, précipitez-vous chez votre disquaire et que l’on retrouve ce putain de Zee, si essentiel à la survie de BPB. http://www.bluespower-band.com/ www.myspace.com/bluespowerband www.myspace.com/findzee
Même si je suis, d’une manière générale, assez peu porté sur la chanson française ou le rock en français, j’aime beaucoup Ronnie Bird, Bijou et les premiers Gainsbourg, Polnareff et Bashung. Si l’on suit le dogme de la doxa de la critique rock, il est de bon ton d’adorer « Play Blessures ». J’ai essayé, plusieurs fois, de l’écouter cet album mais ça m’est toujours passé, un peu, au dessus de la tête, non, ceux que je préfère, moi, c’est « Roulette russe » (1979) pour le feeling bluesy assez marqué et « Pizza » (1981) avec les premiers tubes « Vertige de l’amour » et « Gaby Oh Gaby». Bashung, il a longtemps galéré et patiemment attendu son heure, ses premiers 45 tours datent de la fin des années 60 alors qu’il n’avait que 19 ans. Son tout premier album, « Roman photo » (1977), a longtemps été renié par son auteur. D’ailleurs ce disque maudit n’existe pas en CD et, pour l’écouter, il faut acquérir un dispendieux coffret intégral. L’anecdote résume bien la singularité de Bashung, son côté mystérieux, dû en grande partie aux textes obscurs, et le fait qu’il a toujours été un personnage à la marge du rock et de la chanson française. Quelqu’un qui se fait un devoir de ne rentrer dans une aucune case. Je ne l’ai vu qu’une seule fois en concert, le 10 janvier 2004 à la maison des arts de Créteil. J’en garde le souvenir d’un chanteur sensible d’une grande timidité, qui n’a pas dit un mot de la soirée, sauf une connerie à la toute fin du concert comme quoi on lui reprochait d’être trop bavard histoire de, quand même, remercier le public d’être venu. Il est surtout très impressionnant en live, une vraie présence, renforcée par ce côté mutique. Ses gestes étaient assez lents, choisir le bon harmonica, glisser délicatement les doigts sur les cordes de la guitare… C’était vraiment quelqu’un…
Le grand Elliott Murphy est probablement l’un des artistes que j’ai vu le plus souvent en concert, si je compte bien, ce soir j’en suis à mon huitième concert de ce Monsieur. Pourquoi le voir aussi souvent, eh bien tout simplement par ce que c’est un plaisir à chaque fois renouvelé et le show d’hier soir fut encore énorme. Il y a plusieurs facteurs qui rentrent en compte, tout d’abord la date, Elliott fête ses soixante ans demain. Ensuite il y a la salle, le petit club du New Morning où il joue régulièrement et où il se sent comme chez lui, d’ailleurs il habite juste à côté et arrive à la salle à pied en voisin. Au new morning il joue toujours avec son groupe, qui a maintenant un nom « The Normandy All-Stars », soit le fidèle Olivier Durand à la guitare, le bassiste Laurent Prado et le batteur Alain Fatras. Et puis souvent il y a des invités : son fils Gaspard à la guitare, superbe Gibson ES 335 couleur crème, et les cœurs. Je ne sais pas pourquoi mais dès que j’entends ou je vois Elliott je suis comme transporté à New York et je revois automatiquement les rues de la grosse pomme, Central Park, Greenwich Village, la gare de Grand Central et le train qui va chez mes cousins… Probablement que sa ville natale, qu’il a quitté il y a 20 ans, lui manque quand même un peu et que de ce fait, il en parle mieux que personne. Et que du coup cela m’aide à revoir ce qui est un petit peu aussi ma ville, celle où j’ai quelques attaches. Bref, je referme là cette parenthèse personnelle.
Donc reprenons. Le concert. Comme à leur habitude, les deux « partners in crime » Elliott Murphy et Olivier Durand ont débuté le show en duo acoustique à deux guitares avec une nouvelle composition. Puis la section rythmique fait son entrée en piste et attaque un « Oh Wyoming » de feu enchaîné avec un « Green River » de folie, le public tape des mains à l’unisson et une fois de plus il est difficile de ne pas se laisser emporter par l’euphorie ambiante. Grosse ambiance, grand moment. On est particulièrement gâté ce soir au niveau de tracklisting avec une petite dizaine de titres des années 70 dont certains ne sont jamais joués en live : « How is the family », « Hollywood » et les plus classiques « You never know what you’re in for », débutée à l’extrême bordure de la scène et sans micro, « Rock Ballad », « The last of the rock stars », « Diamonds by the yard », « Drive all night ». Parmi ses titres les plus récents, l’émotion est toujours grande quand il joue « On Elvis Presley’s birthday » où il évoque son père décédé et « A touch of Kindness » est très efficace avec un très bon riff de guitare (regardez la vidéo…) et il y a encore eu ce long et excellent medley « LA Woman / baby please don’t go / Got my mojo working ».
Comme on l’a vu plus tôt, Elliott aura soixante ans demain, il ne les fait pas et a une pêche incroyable. Son anniversaire a été un peu le fil rouge de la soirée, sa sœur, venue tout spécialement de New York lui a lu une lettre, son fils Gaspard également et il y a eu plusieurs messages d’anniversaire. Le public lui a également préparé une petite surprise tendant des pancartes avec les noms de ses chanteurs préférés : Garland Jeffreys, Dylan et Jim Morrisson. Il est visiblement très touché, surtout quand la foule lui chante « Happy birthday ». Enfin, je voudrais terminer en soulignant l’énorme générosité d’Elliott Murphy qui, à minuit passé, est revenu une énième fois sur scène pour un dernier rappel après un concert qui a, une fois de plus, dépassé les trois heures. Grand Artiste, grand bonhomme. Merci. http://www.elliottmurphy.com/
Elliott Murphy & Olivier Durand : « A touch of Kindness »
Voilà un album que l’on n’attendait pas. Sur son nouvel opus, Raphael Saadiq opère un virement inattendu vers une soul vintage toute droit sortie du Detroit des années 60. Petit rappel des faits, Raphael Saadiq est depuis le début des années 90 une figure du paysage musical « black » des Etats-Unis. Natif d’Oakland (Californie, dans la banlieue de San Francisco), il fut membre des groupes Toni, Tony, Tone et Lucy Pearl, ces derniers obtenant un tube au début de ce siècle. Saadiq est également un producteur accompli, qui a notamment bossé sur le dernier Joss Stone. Son CV est donc loin d’être celui d’un débutant. Pourtant, jusqu’à présent, je ne m’intéressais que de loin à son travail, que je trouvais un peu trop « tendance » et pas assez authentique. Avec ce nouveau disque, « The Way I see it », la donne a clairement changée. Raphael y est méconnaissable. Probablement lassé de se faire piquer la vedette par toute une bande de jeunes blancs-becs, si vous lisez régulièrement cette page, vous n’aurez aucun mal à savoir de qui je parle, Raphael Saadiq nous a pondu une sorte de petit chef d’œuvre soul/pop qui sonne comme un inédit de la Motown. Doté d’authentiques qualités d’écriture, l’album aligne les tubes et les perles avec une facilité déconcertante. « Sure Hope you mean it », « 100 yard dash », « Staying in love », « Oh girl », « Let’s take a walk » sont irrésistibles. La performance prend tout son sens quand on lit que Saadiq a enregistré son album pratiquement tout seul puisqu’il y joue à la fois de la guitare (son instrument de prédilection), de la basse, de la batterie et du piano. De quoi quand même laisser un peu de place pour les sections de cuivres et de cordes et quelques invités Joss Stone, la chanteuse hispanique Rocio Mendoza, CJ Hilton et le grand Stevie Wonder, à l’harmonica sur l’excellente « Never give you up », qui vient apporter sa caution comme il l’avait fait il y a quelques années sur le premier album de Raul Midon. Seul petit bémol l’album se termine en queue de poisson avec, en bonus track, un remix inutile de « Oh Girl » avec Jay-Z qui rappelle trop le Raphael Saadiq d’avant. Ce Raphael new look est promis à un gros succès, les concerts prévus au Bataclan sont d’ores et déjà archi-complets, les possesseurs d’un ticket-sésame ont bien de la chance. Ce disque est un véritable coup de cœur…
Trois ans après l’excellent « Nice and Nicely Done », le sextet du Delaware, The Spinto Band, nous revient avec un nouvel opus intitulé « Moonwink ». Le cocktail proposé par le Spinto Band comprend peu où prou les mêmes éléments : cœurs qui font « la la la » et une voix de tête posée sur une musique entre douceur pop et efficacité rock, certains titres (« The Black Flag ») envoient tout de même pas mal. Pour les arrangements le groupe s’appuie tantôt sur des orgues moog un peu kitsch, tantôt sur les cuivres et un piano plutôt enlevé et jazzy pour apporter un peu de swing à l’ensemble. Ce court album (34 minutes) est assez bon et s’écoute avec plaisir. Alors comment expliquer, en dépit de quelques belles réussites (« Pumpkins & Paisley », « The Carnival ») la relative déception à la première écoute ? Peut-être est-ce l’absence d’un tube puissant comme pouvait l’être « Oh Mandy » sur le disque précédent ? Où peut-être faut-il arrêter de se prendre la tête et apprécier ce disque pour ce qu’il est : enjoué, frais et plaisant.
Ca marche de mieux en mieux et de plus en plus fort pour l’expatrié Hugh Coltman (voir mon message du 2 mars 2009), la salle comble de l’Alhambra est là pour le certifier. Entouré par un vrai groupe, et un sacrément bon à tel point que cela serait dommage de le dissoudre, Coltman a fait preuve de son savoir faire sur une scène. Savoir-faire patiemment poli au fil des concerts au Réservoir ou à la Flèche d’or. Hugh Coltman est particulièrement en voix ce soir, à plusieurs reprises, on a cru réentendre les envolées lyriques du regretté Jeff Buckley. Le concert enfile comme les perles les morceaux de l’album, un ange passe lors de « sixteen » jouée en solitaire au ukulélé et quasiment sans micro. L’émotion palpable traverse la salle avant le tonnerre d’applaudissement, sur scène Hugh exulte, dans un français très vernaculaire : « merci, putain, merci, yeah !!!!!!! ». Un concert riche en surprises quelques inédits, une excellente reprise du « Jealous guy » de John Lennon et une autre, rigolote, du « Summertime » de Mungo Jerry. Et puis il y a eu aussi quelques invités, les chanteuses Krystle Warren et la sublime Sandra Nkaké, quelle voix ! Ce fut d’ailleurs le climax à la toute fin du concert sur un blues très électrique que la belle Sandra a fait une apparition miraculeuse. A cette occasion, allongé sur le sol de la scène, Coltman a laissé apparaître un tempérament de feu assez surprenant comparé à la douceur du disque. A mon sens on a découvert un artiste et son univers ce soir, espérons toutefois qu’il a les épaules pour tenir toutes ces belles promesses…
Les Sisters of Mercy, menés par l’énigmatique Andrew Eldritch, sont un cas unique dans l’histoire du rock. Ce groupe, d’obédience gothique tendance métal light à grosses guitares, formé à Leeds au nord de l’Angleterre en 1980 n’a enregistré en tout et pour tout trois albums : « First and Last and Always » en 1985, « Floodland » en 1987 et « Vision Thing » en 1990. A ces trois albums il faut rajouter « Some girls wander by mistake », CD qui compile tous les 45 tours enregistrés avant le premier album entre 1980 et 1983 et une poignée de maxi sortis au début des années 1990. Depuis 1993, il n’y a plus de trace discographique des Sisters, ils ne survivent depuis que comme un groupe de scène. Ils ont beau ne plus faire de disques depuis presque 20 ans, ils remplissent les salles dans le monde entier, à la faveur de tournées régulièrement organisées, au cours desquelles ils présentent de nouvelles chansons, suffisamment pour remplir un album que l’on se désespère de voir sortir un jour… Voilà on appelle cela un groupe culte, un vrai…
La dessus se rajoute la personnalité trouble du leader Andrew Eldritch qui a longtemps proclamé haut et fort sa haine de tout ce qui était français, de près ou de loin. D’où vient cette francophobie assumée. D’un cœur brisé adolescent par une jeune française en séjour linguistique ? D’un cauchemar horrible ayant Paris pour cadre ? Toutes ces interprétations ont été entendues maintes fois au cours des années sans que personne ne sache vraiment de quoi il retourne. Quoi qu’il en soit pendant des décennies, Eldritch a refusé toutes les demandes d’interviews émanant de la presse française et il a fallu attendre 2006 pour qu’enfin il accepte de donner un concert (au Zenith) à Paris. Concert sinistre et lugubre devant une salle comble qui l’a longtemps attendu ce concert. Il fallait voir les mines déconfites des spectateurs à la sortie (moi le premier) la déception avait été à la hauteur de l’attente. Le son était mal foutu, un véritable déluge sonore dans lequel on peinait à reconnaître les chansons. Le plus perturbant avait été d’apprendre, à l’occasion de ce show, qu’à notre grand étonnement, Andrew Eldritch parlait très bien le français, ça pour une surprise !
Enfin tout ceci nous mène au 7 mars 2009, date du deuxième concert français (en 29 ans d’existence) des Sisters of Mercy. J’ai, depuis toujours, un gros problème avec les Sisters. A mes heures perdues, j’essaye d’être batteur. Or, depuis 1980, les Sisters jouent avec une boîte à rythmes, affectueusement baptisée Doktor Avalanche (de décibels !). Il en résulte ce son robotique, laissant peu de place à l’improvisation, ce qui, en règle générale, sied assez mal au live. Il faut peu de temps pour constater que dans les travées du Bataclan, où il y a presque autant de spectacle que sur scène, on parle beaucoup allemand et anglais ce soir, il est vrai que les Sisters ont toujours marché assez fort dans ces pays. Par où commencer ? Les Sisters ont un gros faible pour les fumigènes. Ils font leur apparition dans une salle remplie de fumée d’où émerge les quatre musiciens (un guitariste, un bassiste, un gros malabar aux machines et Eldritch) comme autant de créatures de la nuit sortant du brouillard. Les spots multicolores ajoutent à l’ambiance. On est comme enveloppé dans une sorte de halo où on a parfois du mal à distinguer les membres du groupe, à la limite cela tient plus du spectacle d’ombres chinoises que du concert de rock. Enfin bon cela appartient à la légende. Musicalement je suis soulagé car le mix me semble nettement meilleur qu’en 2006, même si l’Avalanche est toujours un peu trop en avant pour mon goût personnel. Armé de sa stratocater couleur crème le guitariste a fait un véritable festival, « Alice » est particulièrement hypnotique, « This corrosion », « Dominion », « Detonation Boulevard » et « Vision thing » sont rageuses. La bonne surprise vient de « Marian », en version allemande et « First and last and always », chansons du premier disque rarement jouées en live pour éviter d’avoir à payer des royalties aux anciens membres du groupe (ça c’est encore une autre histoire…). La très belle « Something Fast » offre un moment calme et apaisé au cœur de la tourmente. Par contre Eldritch est toujours aussi bavard sur scène, quelques « thank you » et c’est tout. Le set est assez court et est passé à la vitesse de l’éclair. Même si Eldritch, dans un grand soir, est revenu par deux fois sur scène pour les rappels. Au final ce fut une bonne soirée, un chouette concert, largement de quoi gommer l’amertume laissée en 2006 et de finir de nous réconcilier avec les Sisters of Mercy. http://www.thesistersofmercy.com/
The Sisters of Mercy : "Vision Thing"
The Sisters of Mercy : "Detonation Boulevard"
The Sisters of Mercy : "Temple of Love (92)" (touched by the hand of Ofra Haza)
Pour son nouvel album, l’américain Ray La Montagne a collaboré avec le producteur Ethan Johns (Ryan Adams) qui a également, en sus, assuré la batterie, la basse et les claviers sur la quasi-totalité des titres. Mais c’est surtout son travail de producteur qui attire l’oreille, le son est riche et luxuriant, exactement ce qu’il fallait au songwriter La Montagne. Le disque commence fort avec « You are the best thing », petite bombinette irrésistible qui restera très probablement au palmarès de l’année, et ses cuivres reluisants. Cela sonne comme le meilleur Van Morrisson. Le reste de l’album, s’il n’en est pas dénué de qualité est plus convenu. L’occasion pour Ray La Montagne de retrouver son costume de folkman mi-triste/mi-mélancolique armé de sa guitare sèche et accompagné d’une section de cordes ce qui sied particulièrement bien à sa voix. Entre autres réussites, et elles sont assez nombreuses ici, citons « I still care for you » à l’ambiance rêveuse à la lap-steel guitar ; « winter birds » ou Ray, en solo à la guitare acoustique, retrouve la magie des arpèges à la Nick Drake et la country « Hey Me Hey Mama ». Le moment le plus touchant du CD est certainement « Meg White », déclaration d’amour à la batteuse des White Stripes sur fond de western. Un disque agréable et homogène. http://www.raylamontagne.com/ www.myspace.com/raylamontagne
« Je n’ai plus 16 ans, chaque jour mon innocence se meurt peu à peu » c’est avec cette complainte traînante que commence « Stories from the safe house » le, très contemplatif, premier album d’Hugh Coltman. Après avoir fait ses premières armes, sans grand succès, au sein de groupes de blues dans sa Grande-Bretagne natale, Coltman s’est exilé en France, il parle paraît-il très bien le français, où il a chanté dans les cafés parisiens. Et c’est ainsi qu’est née cette collection de chansons. Si l’ensemble est plutôt acoustique à la guitare ou au ukulélé, l’album varie les ambiances et les plaisirs allant de surprises en surprises. Bossa nova, tango, reggae, blues, Coltman s’amuse entre différents styles qu’il adapte à sa façon sans pour autant commettre un disque patchwork décousu. Du lot, ressort surtout « Could you be trusted » qui renoue avec une certaine idée du rock seventies ; c’est la petite bombe du disque et de loin le morceau le plus électrique. En songwriter prolifique et inspiré, Cotlman nous propose un album qui s’écoute facilement, une petite ballade dans son univers personnel fait d’arpèges de guitare délicats. Et le plaisir de couler de source tout au long de ces douze plages, réconfortantes à la fin d’une harassante journée.
Originaire du Delaware, sur la côte est des Etats-Unis entre Washington et New York qui est, pour la petite histoire, le plus petit état des Etats-Unis, The Spinto Band est un fleuron power-pop, genre un peu en perte de vitesse ces temps-ci. A ce titre les deux albums du groupe, le bien nommé « Nice and Nicely Done » (sorti en 2005) et « Moowink » (sorti l’automne dernier) ont été d’excellentes surprises. Certes la formule délivrée par le désormais sextet (ils ont perdu un membre en cours de route) est cousue de fil blanc, mais il est difficile de résister à leurs petites perles de deux minutes (en moyenne). C’est frais, primesautier et en règle générale ça met de bonne humeur. Leurs chansons sont plutôt bien troussées, acidulées aux claviers et contrebalancées avec trois guitares. Et lorsqu’ils sortent la mandoline ils accouchent d’un tube pop-folk « Oh Mandy » qui a encore fait un tabac hier soir.
Sur scène, l’aspect festif du groupe joue à plein. Avec leurs visages juvéniles, équipés de guitares vintages (Gretsh et Gibson demi-caisse) qui semblent presque trop grandes pour eux, le Spinto Band, s’amuse et saute dans tous les sens, leur bonne humeur est contagieuse. Ils entament avec « Direct to helmet » un titre assez percutant extrait du premier disque. Leur assise rythmique est remarquable le batteur et le bassiste sont excellents et il y a une alchimie palpable entre eux. Ils ont visiblement bien progressé et jouent de mieux en mieux. Par rapport au studio le clavier est un peu effacé et ce sont les trois guitaristes qui prennent le dessus. Le rendu scénique est beaucoup plus brut. Comme quoi, derrière le masque pop innocent, se cache un véritable groupe de rock n’roll, diablement efficace. http://www.thespintoband.com/ www.myspace.com/thespintoband