A l'instar d'un
Elliott Murphy, Terry Lee Hale fait partie de ces étasuniens
expatriés qui ont trouvé chez nous un environnement plus propice à
leur épanouissement que dans leur patrie natale. Installé à
Marseille, le Texan a une longue carrière derrière lui et les
initiés se souviendront peut être de « Oh what a world »
son magnifique premier album de 1993. Terry a beau avoir quitté
l'Amérique, cette dernière n'a jamais vraiment quitté sa musique.
Son nouvel effort, le quatorzième, respire les grands espaces,
chaque arpège de guitare acoustique dévoile un petit bout de
bitume, la route comme métaphore de l'existence. Entre folk et
spoken word, Terry nous ensorcelle de sa voix grave, nous comptant
l'Amérique des laissés pour compte, la vie des gens de peu et des
petits boulots aléatoires dans une démarche profondément
humaniste. Un grand disque, dépouillé, intime et élégant.
samedi 30 avril 2016
vendredi 29 avril 2016
Autour de Chet
Épitomé du cool,
symbole à lui seul du jazz west-coast, belle gueule d'amour, ChetBaker incarne une certaine idée du glamour sous les palmiers, et,
par extension, la Californie. Et pourtant, le personnage porte en lui
une part d'ombre, magnifiée par le réalisateur Bruce Weber dans son
magnifique « Let's get lost », jusqu'à sa fin tragique,
après une chute à travers une fenêtre dont on ne saura jamais si
elle fut volontaire ou non… Trente ans après sa disparition, Baker
charrie toujours autant de fantasmes autour de sa personne et sa
musique n'a aucunement perdu de son pouvoir de séduction. Musicien
réputé, trompettiste mais également chanteur, ce nouveau disque
rend hommage à sa musique en associant vocalistes issus de la
nouvelle scène pop (Rosemary Standley, Hugh Coltman), soul (le
magnifique duo Ibeyi, Sandra Nkaké) ou jazz/blues (Charles Pasi,
José James) et trompettistes réputés. Le tout autour de quelques
musiciens fines gâchettes du jazz (le pianiste Bojan Z, Cyril
Atef...), qui étaient déjà au générique d' « Autour de Nina » sorti en 2015. Plutôt de haute tenue, cette nouvelle
compilation rend hommage avec talent à la musique de Chet. Certains
titres, bien que de facture assez classique, laissent entrapercevoir
une émotion à fleur de peau (cf. « The Thrill is gone »
par Camelia Jordana et Erik Truffaz, « But not for me »
par Elodie Frégé et Alex Tassel), la palme revenant à la relecture
de « Let's get lost » par Rosemary Standley et Stéphane
Belmondo (qui a bien connu Chet à ses débuts). Mais le disque
fascine également par son aspect frondeur, ces reprises prenant des
chemins détournés, trahissant la forme pour mieux en respecter le
fond. C'est le cas de la reprise blues, tout en charme, de « It
could happen to you » (sans trompette) par Charles Pasi ou du
duo soul latin Ibeyi qui réinvente et se réapproprie totalement
« Moon & Sand » accompagné par l'inattendu Benjamin
Biolay à la trompette. Voici une excellente occasion de
(re)découvrir le répertoire de Chet Baker sous un angle nouveau,
comme une manière d'en perpétuer l'esprit et l'héritage...
jeudi 28 avril 2016
Klink Clock : « Kid »
Découvert il y a
quelques années sur la foi d'un excellent premier album, le duo
Klink Clock est de retour avec un nouveau disque. Un peu courte, cinq
titres seulement, cette nouvelle livrée nous laisse sur notre faim
et nous donne l'envie furieuse d'en entendre plus. Fidèle à la
ligne directrice qu'il s'est fixé depuis ses débuts, le duo évolue
tout en douceur avec ce nouvel effort. Toujours inspiré par le
garage rock, Klink Clock continue de nous ébaudir à coup de
décibels et de riffs de guitare bien sentis (« Spass »,
« Cheers », « Hear me now ») cependant le
groupe réussit à passer un cap en terme de songwriting. Les
influences venues du blues s'effacent peu à peu pour laisser un peu
de place à une écriture power pop, toujours sacrément envoyée, et
le groupe tente des choses nouvelles en termes d'arrangement sortant
quelques synthés discrets et trafiquant un peu les voix (cf.
« Cheers »). Ailleurs, Jennie s'essaye au chant en
français (« Spass », « Dead end ») et le
résultat, assez concluant, rappelle, étrangement, Indochine. Une
excellente surprise que ce nouveau disque, œuvre d'un groupe qu'on
avait un peu perdu de vue ces dernières années.
En concert à Paris
(Supersonic) le 3 mai.
mercredi 27 avril 2016
Leyla McCalla : « A day for the hunter, a day for the prey »
Née à New York de
parents haïtiens, ancienne membre des Carolina Chocolate Drops,
dorénavant installée à la Nouvelle-Orléans, l'itinéraire de Leyla
McCalla est pour le moins fascinant. Et par conséquent, son album
« A day for the hunter, a day for the prey » est au moins
aussi riche que son parcours. De par son passé, la violoncelliste se situe au
croisement de plusieurs cultures, le jazz, le folk, un soupçon de
country et de musique cajun ; un sacré cocktail formant une
sorte de bouillonnement perpétuel qui a, naturellement, trouvé sa
place à la Nouvelle-Orléans. En effet, la musique de Leyla est
protéiforme et s'exprime en plusieurs langues : l'anglais, le
créole haïtien, le français ce qui résonne d'un écho particulier
dans nos oreilles francophones (cf. « Les plats sont tous mis
sur la table », « Manman »). Alternant les
compositions personnelles et les reprises issues du folklore haïtien,
Leyla n'a de cesse de questionner son identité et son héritage
culturel, le tout teinté d'un humanisme touchant. Entouré de
musiciens prestigieux (le guitariste Marc Ribot sur « Peze
Café ») Leyla livre un album intime et bouleversant. A découvrir.
En concert à Paris (le café de la danse) le 5 mai.
mardi 26 avril 2016
Los Disidentes Del Sucio Motel X Thomas Schoeffler Jr.
En matière de
musique, le croisement d'influences donne des résultats étonnants
et le mélange des genres reste un exercice la plupart du
temps assez rigolo. Dans le cas qui nous occupe aujourd'hui, tout est parti de la
ville de Strasbourg où le groupe stoner Los Disidentes Del Sucio Motel (deux albums au compteur) partage son local de répétition
avec Thomas Schoeffler Jr (deux albums également), un guitariste
acoustique émérite, spécialiste du blues teinté de country se
produisant en one man band. Par pur esprit de jeu, et pour la beauté
du geste aussi, les deux entités ont collaboré sur ce très beau 45
tours vinyle, Thomas s'amusant à écrire des arrangements sur un
titre des LDDSM et inversement sur la face B. A priori tout sépare
le déluge sonore des uns du fingerpicking délicat de l'autre. A
priori car, tour de force, les deux univers trouvent de quoi échanger
sur la base de racines communes. Cela donne l'harmonica qui orne,
assez étonnamment « Brutal Work » ou le virage inattendu
et fort en décibels sur la coda de « Sadness ». En
l'espèce la prise de risque a été payante, la musique et les
musiciens en ressortent grandis.
LDDSM en concert le
28 avril à Paris (Glazart avec Dirty Deep et Bad Juice)
Libellés :
Los Disidentes Del Sucio Motel,
Thomas Schoeffler Jr
lundi 25 avril 2016
The New Mastersounds : « Made for pleasure »
Vétérans de la
scène soul britannique, The New Mastersounds s'est délocalisé à
la Nouvelle-Orléans le temps d'enregistrer ce (déjà) dixième
album. Le voyage s'avère plutôt bénéfique et l'écoute de ce
nouvel effort ne fait que le confirmer. En effet le savoir faire
jazzy-soul du quartet brille d'un éclat magnifié par le funk moite
de la cité du croissant. Il en résulte un « feel good
album », tellement évident que le disque rivalise sans peine
avec le haut du panier de la scène soul actuelle. Break de batterie
funky, cuivres inspirés tout dans cet album respire le respect de la
tradition, le genre d'album qu'on ne se lasse pas d'écouter. D'une
grande variété, l'album se permet le grand écart entre funk
d'inspiration Meters, Big Easy oblige (cf. « Cigar time »)
et reggae (« Fancy » chipée chez Iggy Izalea et
totalement réinventée). A noter également la participation de
l'excellente chanteuse Charly Lowry (« Joy ») dont la
voix charmeuse fait monter la température. Made for pleasure, c'est
le cas de le dire en effet…
dimanche 24 avril 2016
Tedeschi Trucks Band : « Let me get by »
Superstar de la
guitare moderne (à égalité avec Warren Haynes et Joe Bonamassa)
Derek Trucks a joint ses forces avec celles de son épouse, la
chanteuse Susan Tedeschi. Depuis 2011, le couple blues anime le
Tedeschi Trucks Band, formation XXL d'une dizaine de membres
comprenant percussions, claviers et cuivres. Immanquablement, le
groupe n'est pas sans rappeler les jam bands des années 70, ce rock
sudiste qui des Allman Brothers à Lynyrd Skynyrd a fait fantasmer
plus d'un ado en manque d'exotisme à l'époque. Ce nouvel album, le
troisième, se situe à l'exact crossroad, là où les musiques et
les cultures se croisent. On y trouve du rock et du blues, bien
entendu, joué par la six cordes habile et habitée de Derek Trucks.
Le contrepoint se trouve dans la voix de Susan Tedeschi, un peu
rauque, un peu éraillée qui incarne les compositions d'un feulement
évoquant à la fois le blues et un petit quelque chose de soul.
Influence que l'on retrouve également dans les arrangements, le
groove des percussions, batterie et claviers et la pêche apportée
par des cuivres, généralement bien sentis. Un album inspiré qui,
plutôt que de singer les seventies, préfère en perpétuer l'esprit
de communion et de partage autour de la musique. Excellent.
@derekandsusan
samedi 23 avril 2016
They Call Me Rico
Partons aujourd'hui
à la découverte d'un personnage fascinant et on l'appelle Rico.
They Call Me Rico, derrière ce patronyme se cache Frédéric
Pellerin, Québécois de naissance, Français d'adoption et chanteur
des Madcaps, formation dont il s'échappe régulièrement depuis 2009
le temps d'un album en solo. They Call Me Rico est le médium utilisé
par Frédéric pour renouer avec ses premières amours l'americana,
les songwriters, le blues cru, le tout en version one man band. Le
projet, en dépit de sa nature solo, permet une grande marge de
manœuvre au musicien qui ne se prive pas du plaisir de rajouter un
peu de piment rock n'roll, à sa musique ou, à l'opposé, de créer
des tableaux sonores évoquant la bande originale d'un western
imaginaire. Privilégiant les prises directes et l'analogique, They
Call Me Rico joue une musique profondément authentique quelle que
soit ses différentes incarnations : mélodique ou brute de
décoffrage à base de guitares déglinguées et de piano boogie
endiablé. They Call Me Rico a sorti trois album studios, l'excellent
« This Time » est le dernier en date, et un disque live.
Et vu l'énergie déployée par le bonhomme, on vous conseille
fortement d'aller le découvrir sur scène.
lundi 18 avril 2016
Exposition Chalk Custom Boards
Alors que le beaux jours reviennent remettant les activités de plein air au cœur de nos préoccupations, la galerie l’œil ouvert, sise dans le Marais, nous propose d'admirer une sublime collection de planches de skate artistiques réalisées par le collectif Chalk Custom Boards. Ledit collectif, basé à Bruxelles, regroupe des artistes de toutes nationalités, venant d'horizons divers, dessin, graffiti, peinture, design...
http://www.loeilouvert.com/blog/les-planches-artistiques-de-chalk-custom-boards
https://www.facebook.com/events/1539901049644797/
Galerie L’œil ouvert/Marais
74, rue François Miron
75004 PARIS (Métro St Paul)
Du mardi au samedi de 11h à 19h
Dimanche de 14h à 19h.
Libellés :
Chalk Custom Boards,
expositions
dimanche 17 avril 2016
Autour de Nina
Grande voix de
l'Amérique Noire, Nina Simone était tout d'abord destinée à une
carrière de concertiste classique, la première de couleur, avant
d'être brutalement expulsée du conservatoire. Nina Simone, décédée
en 1993, a traîné toute sa vie cette blessure intime qui l'a fait
dériver, un peu par hasard, vers les rivages du jazz domaine dans
lequel elle a débuté en chantant dans des bouges un peu louches.
C'est ce traumatisme initial qui a nourri la carrière de Simone,
dont le répertoire a galvanisé la « blackattitude ».
Organisée autour de fines gâchettes du jazz, notamment le pianiste
Bojan Z, le présent disque rend hommage au répertoire de Nina
Simone en confiant les clés à de jeunes voix, masculines et
féminines, issues de la pop (Keziah Jones, Camille), de la soul (Ben
l'Oncle Soul, Hindi Zahra) ou du jazz vocal (Melody Gardot, Gregory
Porter). Chaque voix a surtout la particularité d'être différente
de l'originale et il s'agît là de la première victoire de cet
album (heureusement) bien éloigné du pâle recyclage. Chacun verra
midi à sa porte à l'écoute du disque en fonction de ses goûts
personnels. Mais il est impossible de ne pas avoir des frissons à
l'écoute de la reprise, puissante, de « I put a spell on you »
par Sophie Hunger ou d'être bouleversé par la relecture touchante
de « Black is the color (Of my true love's hair) » par
Gregory Porter. Un projet attachant à découvrir.
samedi 16 avril 2016
Yann Kornowicz : « Chaos in Chatelet »
Bande originale,
d'un film sans image, imaginaire et restant à tourner, « Chaos
in Chatelet » est l’œuvre de Yann Kornowicz, un jeune
beatmaker travaillant exclusivement sur des synthés analogiques et
sans aucun sample. Le disque s'écoute comme une suite de tableaux
sonores évoquant aussi bien le minimalisme dark et l'angoisse sourde
des BO de John Carpenter (cf. « Undercity sound »,
« Laura ») mais aussi les rythmes funky de la
blaxploitation agrémentés de chaudes voix féminines délicieusement
soul (cf. « Le dragon peep show club », « Opening »
qui fait le lien entre les deux univers). Projet nostalgique et de ce
fait éminemment attachant, « Chaos in Chatelet » est un
hommage aux années 1980, une ode à la gloire de la VHS qui ne
manquera pas de raviver maints souvenirs chez l'auditeur. Ah et oui,
la pochette est très cool aussi.
vendredi 15 avril 2016
Guillaume Stankiewicz : « Sans cesse et sans bruit »
Il y a des disques
qui, comme ça, d'un coup, s'imposent comme une évidence. A peine
posé sur la platine, d'emblée, ce deuxième EP du jeune
multi-instrumentiste Guillaume Stankiewicz se classe dans cette
catégorie aussi rare que précieuse. La touche play enfoncée et
c'est tout un imaginaire qui défile devant nos oreilles. La
Californie, le Topanga Canyon (le repaire des hippies sixties), c'est
tout un héritage, de Neil Young aux Beach Boys, en passant par
Townes Van Zandt, que revisite Guillaume, aux goûts décidément
très surs. Mais au-delà du simple hommage revivaliste, Stankiewicz
impose sa patte, et la langue française au passage, sur cet univers
éminemment anglo-saxon. Délicatement acoustique, arrangé à
grandes lampées d'instruments aussi exotiques que mélodieux
(glockenspiel, vibraphone etc.) « Sans cesse et sans bruit »
impose un univers, élégant, sophistiqué, délicieusement
mélancolique. Une révélation.
En showcase gratuit
le 17 avril aux ballades sonores (18h)
mercredi 13 avril 2016
Bror Gunnar Jansson, Institut Suédois, 12 avril 2016.
C'est dans le cadre
du nouveau festival Polar, consacré à la culture nordique, que le
bluesman Bror Gunnar Jansson a investi l'écrin intime de l'institut
Suédois, sis dans le Marais, pour un concert intense et absolument
tourneboulant. Savamment looké façon vintage, chapeau, costume
trois pièces à rayures et chaussettes absolument délirantes
(l'artiste a l'habitude de se déchausser sur scène) notre bluesman
Suédois excelle dans l'exercice, compliqué, du one man band,
assurant à lui seul la guitare et l'assise rythmique grâce à une
caisse claire, une grosse caisse et une cymbale charleston dont il
joue avec les deux pieds. Dès les premières notes, c'est une boule
d'émotion qui nous prend à l'écoute de l'artiste. Littéralement
habité par la musique, les yeux clos ou totalement exorbités,
Gunnar nous fait même un peu flipper lorsqu'il chante les histoires
de serial killer, que, visiblement, il affectionne. Faisant de la
noirceur sa marque de fabrique, débarrassant sa musique de ses rares
oripeaux (saxophone, cordes) dans le contexte du live, Gunnar touche
au cœur et dégage, à lui seul, autant d'énergie qu'un power trio.
Un ange passe parmi les spectateurs, silencieux la plupart du temps,
captivés par la performance du Scandinave. S'éloignant parfois des
rivages du blues pour se rapprocher d'une americana gothique, Gunnar
sait également faire preuve de mesure, alternant morceaux enlevés
et douloureusement lents. Un concert dont l'intensité, la variété,
dépasse très allègrement le cadre, restrictif au possible, du one
man band. Une claque.
En concert le 16
juin à Paris (la boule noire) avec Hoboken Division
http://www.polarfestival.com/
Trixie Whitley en concert le 2 mai au Café de la Danse
La sublime Trixie Whitley (lire chronique ici) sera en concert le 2 mai prochain au Café de la Danse.
http://www.cafedeladanse.com/trixie-whitley/
lundi 11 avril 2016
Lilimarche : « Chansons polaroids »
Deuxième EP pour ce
« petit rat de conservatoire » (dixit la bio du dossier
de presse), premier prix de piano. Le titre « Chansons
polaroids » résume assez bien le tout, Lilimarche compose ses
chansons comme autant de polaroids décrivant le quotidien, ses
petites misères et ses joies aussi. Contrairement à ce que sa
formation classique pourrait laisser penser, Lilimarche ne s'est pas
enfermée dans un carcan mais propose une musique libre et parsemée
d'influences modernes. Comme un mix idéal entre chanson française
d'obédience dite classique, de la belle ouvrage façonnée comme
dans les 70s (« Flashball ») et électro (« Amour
d'été »). Séduisant.
dimanche 10 avril 2016
Rhett May : « Fast Cars and Sitars »
Artiste indépendant,
et fier de l'être si l'on en croit les notes de la pochette,
l'Australien Rhett May a enregistré cet album en duo avec James
Payne, les deux hommes se partageant l'ensemble des instruments, pas
le job le plus facile. Le disque s'intitule « Fast cars and
sitars » et le titre résume assez bien le tout. D'un côté on
retrouve du rock n'roll tendance dure, mené sur un tempo infernal,
les guitares bien mises en avant comme dans les seventies, le genre
de musique qu'effectivement on prend beaucoup de plaisir à écouter
en conduisant (cf. « Rich Bitch »). Ceci pour la facette
« fast cars » de la chose. Et puis, côté sitar, May se
fait beaucoup plus calme, trouvant l'inspiration dans la scène
psyché (« Drifting dreaming », « Keep of the
grass » qui sonne comme une version électrique de CSN),
toujours riches en guitares avec un chant étrangement modifié.
Ajoutez un peu de groove au milieu (« My Baby's got style »,
« So delicious », excellentes), un soupçon d’hindouisme
(« Cute Calcutta Boy ») et une ballade que l'on jurerait
inédite depuis 30 ans et les glorieuses années hair metal (« The
Violence of ice ») et vous obtenez ce disque qui, s'il ne
révolutionnera rien, respire l'authenticité et c'est suffisamment
appréciable pour faire notre journée.
samedi 9 avril 2016
The Jezabels : « Synthia »
Souvent l'Australie
nous envoie des nouvelles prenant la forme d'un nouveau groupe de
rock surpuissant, sous influence 70s tentant d'égaler AC/DC modèle
esthétique déclaré du continent « down under ». The
Jezabels quant à eux, font tache dans la débauche de décibels
locales avec son amour déclaré de l'électro. Des années 1980 il
en est souvent question sur ce nouvel album (cf. « Unnatural »),
de Kate Bush également, influence palpable dans le falsetto sexy,
aigu et ravageur de la chanteuse Hayley Mary (cf. « Smile »).
Et pourtant, considérer le quatuor Aussie comme un énième (et
vain) revival des années 1980 serait terriblement réducteur.
Parsemant sa musique d'effets contemporains, lorgnant parfois vers le
côté obscur (cf. « A message from my Mothers passed »)
The Jezabels livrent un album puissant et animé d'un véritable
énergie rock (« My love is my disease ») via une section
rythmique en constant survoltage ; démarche qui n'est pas sans
rappeler The Do. Intéressant.
https://twitter.com/thejezabelsvendredi 8 avril 2016
M Toro Chamou : « Punk Islands »
« Punk
Islands », le titre du dernier projet de M Toro Chamou, vétéran
de la scène de Mayotte, qui a sorti son premier disque en 1998, peut
laisser augurer d'un album brut de décoffrage. De fait, en dépit de
quelques accélérations fulgurantes de guitares (« Revolution »,
« Uvoimoja », « Utungu »), tenant plus pour
le coup du rock classique, il n'en est rien. Et c'est tant mieux !
Car, au fil de l'écoute, M Toro Chamou trouve l'équilibre juste
entre culture rock et le groove chaloupé du reggae et des rythmes
traditionnels de Mayotte (« Radio Tranganika »,
« Kossa ») relevant ainsi d'un cran l'intérêt musical
de la chose. Et c'est précisément là, dans la rencontre et le
dialogue entre ces deux mondes, que réside tout l'intérêt de cet
album. L'acceptation punk du titre faisant en l’occurrence
référence au système néo-colonialiste ayant actuellement cours à
Mayotte (où l'artiste est né et à grandi) et à la Réunion (où
il vit et enregistre) et dénoncé par le chanteur dans ses textes.
Ainsi, ne pas comprendre les paroles relève d'une terrible
frustration pour l'auditeur. Il en reste cet album exotique et
attachant car, après tout, les occasions d'écouter le groove de
l'archipel des Comores restent relativement rares…
jeudi 7 avril 2016
Desert Mountain Tribe : « Either that or the moon »
Desert Mountain
Tribe est peut-être bien la meilleure nouvelle qui nous soit arrivée
d'Angleterre depuis le début de l'année. Ces impétrants Londoniens
œuvrent dans un genre assez couru à l'heure actuelle, le
psychédélisme. Assez éloigné du lot de clichés, généralement
charriés à grande pelletés, Desert Mountain Tribe accommode la
psychédélie à sa sauce et autant vous prévenir de suite, cette
dernière est autrement plus relevée qu'un énième revival Pink
Floyd. Qui dit psychédélisme dit musique planante et répétitive,
en l'espèce Desert Mountain Tribe remplit les cases sans problème
(cf. « Midnight Sky »). Mais, grande nuance, le trio n'a
ni oublié de brancher ses guitares, d'une part, ni de pousser les
potentiomètres de l'ampli au-delà du raisonnable (l'énorme « Feel
the light » d'ouverture). Il en résulte cette musique hybride,
faite de strates de guitares distordues boutée hors de sa zone de
confort par une basse aux lignes puissantes sur lesquelles planent
l'ombre de l'irremplaçable Lemmy (« Runway ») ; de
fait on pense souvent à Hawkwind à l'écoute de l'album. On n'avait
plus entendu ça depuis le premier effort de Wall of Death (groupe
psyché qui avait trouvé le moyen de se faire programmer au
Hellfest) ! Recommandé aux amateurs de sensations fortes !
mardi 5 avril 2016
The Dandy Warhols : « Distortland »
Autant l'avouer de
suite, recevoir le nouvel album des Dandy Warhols en vue d'une
chronique n'est jamais anodin. Tout simplement parce qu'il y a fort
longtemps, dans les années 1990, à l'époque de leur trois premiers
disques, les Dandys étaient notre groupe préféré. On garde un
souvenir ému de « Come down » (1997) et « Thirtheen
tales from Urban Bohemia » (2000), époque où, en pleine
décennie de plomb néo-métal, ils étaient considérés comme les
sauveurs du rock n'roll. On est bien sur revenu des sauveurs, et ils
ont nombreux a avoir adopté la posture depuis, avant de tomber les
guitares à la main. Les Dandys eux ont continué leur bonhomme de
chemin, bon an mal an, avec des disques de qualité égale mais
diversement appréciés. Ce nouvel effort est donc le neuvième de la
bande de Portland, ce qui ma foi,commence à peser. Après toutes ces
années, le quatuor a maintenant du savoir faire que l'on retrouve
sur ce nouvel effort, comme à la glorieuse époque des 90s,
flamboyance qu'ils retrouvent par intermittence (« Styggo »,
« Search party », « Give »). Le truc des
Dandys, c'est l'attaque de biais. Apparenté à la mouvance psyché
sans jamais avoir recherché à en copier les codes, contrairement à
d'autres, le groupe n'a jamais cédé aux sirènes du vintage, à la
recréation obsessionnelle des années 60. Au contraire, c'est en
allant picorer dans d'autres formes musicales, la pop, les synthés
qu'ils se sont définis, ce qui aujourd'hui se traduit par « Semper
fidelis », une petite merveille de surf électro. Bien malin
qui peut dire quelles sont leurs influences, tant rien d'évident ne
saute aux oreilles. Guitares en sourdines en mode riff répétitif,
voix blanche presque effacée de Courtney Taylor, beat disco :
les Dandys font du Dandys avec ce que cela suppose de bricolage
bordélique (« All the girls in London »). Leur nouvel
album est à leur image, foutraque mais attachant. Ce qui en 2016 est
plutôt une bonne nouvelle…
En concert le 10 mai
à Paris (Le Trianon)
lundi 4 avril 2016
Toybloid
Déjà auteur il y a deux ans d'un
remarquable EP qui avait durablement marqué nos oreilles, le power
trio Toybloid est de retour avec un premier album en bonne et due
forme. Ce premier effort, le trio l'a imaginé/rêvé en grand.
Direction Londres et les fameux studios « vintage »
Toe-Rag, totalement dépourvus d'équipement numérique, où le
producteur Liam Watson (The Kills, The White Stripes, James Hunter) a
su extraire la substantifique moelle du trio. Il en résulte un album
incandescent, brûlant la chandelle par tous les bouts possibles et
imaginables, débordant d'énergie. Le disque repose sur des lignes
mélodiques simples et précises, rien de révolutionnaire certes,
mais qui accrochent l'oreille dès la première écoute (cf. « Boring
City »). Guitare puissante (même en version acoustique cf.
« Hell Yeah »), section rythmique au bord de l'explosion,
tout au long de ces douze pistes, le groupe aligne les coups de
massue, le pied à fond sur l’accélérateur : direction
electric punk(ette) land. L'auditeur, est ko, sonné pour le compte
par cette débauche d'énergie démentielle, mais qu'est-ce que c'est
bon ! Toybloid ? Les dignes héritières des riot girls de
1977 !
En concert le 12
avril à Paris (Point éphémère).
https://twitter.com/toybloiddimanche 3 avril 2016
Ebbot Lundberg & The Indigo Children : « For the ages to come »
Personnage
légendaire s'il en est, Ebbot Lundberg, leader d'Union Carbide
Production dans les 80s puis de The Soundtrack of our lives lors de
la décennie suivante, est de retour. Ce disque marque un retour vers
des sonorités rock après deux premiers albums solos expérimentaux.
En compagnie de The Indigo Children, jeune combo suédois, comme lui,
d'obédience garage, le vieux maître retrouve une nouvelle jeunesse.
Dans ses meilleurs moments, le disque s'impose comme un classique
immédiat, une perle oubliée des sixties, portée par des mélodies
d'une ligne claire imparable, richement arrangée à grands renforts
de cordes, vents et même sitar, picorant à la fois aux sources folk
et psychédéliques (« In subliminal clouds », « Drowning
in a wishing well ») ; « Backdrop people »
draguant du coin de l’œil le rock n'roll garage et assurant le
quota électrique du disque. Conscient de sa posture tutélaire Ebbot
se retourne vers sa propre histoire et sa discothèque trouvant en
« Don't blow your mind » (Alice Cooper) et « Calling
for heaven » (« Cerca de las estrellas » des
espagnols Los Pekenikes) la matière pour deux chouettes reprises,
les guitares en avant et les potentiomètres dans le rouge. Le disque
trouve ainsi son équilibre entre psychédélisme béat et adrénaline
électrique. Renouant avec la durée d'un ancien vinyle, 42 minutes,
Ebbot Lundberg et ses nouveaux compagnons de jeu nous livrent un
album remarquable intemporel plutôt que revivaliste.
Libellés :
Ebbot Lundberg,
The Indigo Children
samedi 2 avril 2016
Michel Cloup Duo : « Ici et là-bas »
Infatigable artisan
du rock en français, Michel Cloup, ex-leader de Diabologum, continue
son travail d'épure musicale en compagnie d'un nouveau partenaire
dans le crime, le batteur Julien Rufié. Revenu (provisoirement?) de
toutes ses expériences de groupe, Michel a décidé de bannir le
superflu pour revenir à l'essentiel, une guitare et une batterie.
Depuis trois albums, en dépit de quelques changements de batteurs,
la formule du duo permet à Michel d'explorer voire de tester les
limites de ce que nos collègues d'outre-Manche appellent
l'interplay, à savoir cette capacité qu'ont les musiciens à faire
dialoguer les instruments entre eux. Et le résultat, magnifique,
appelle plusieurs niveaux de lecture. Il y a d'abord du rock n'roll,
comme on l'aime, aussi simple, direct et vivifiant qu'une décharge
d'adrénaline. Ainsi « La classe ouvrière s'est enfuie »
ou « Nous qui n'arrivons plus à dire nous » sont autant
d'uppercuts sonores et, soit dit en passant, la meilleure publicité
qui soit pour quiconque ayant l'envie de chatouiller les six cordes
électriques. Mais, au-delà, et c'est là que l'album devient
réellement fascinant, en dépit de l'économie volontaire de moyens,
le duo réussit a créer nombre de paysages musicaux avec un certain
sens de l'esthétisme, remettant la créativité au premier plan. La
mélancolie qui irradie « D32W », « Séparer »
ou les harmonies assez étonnantes d' « Ici et là-bas »
en sont des preuves éclatantes. Et que dire alors des 14 minutes
fleuves d' « Une adresse en Italie », une longue
dérive dont l'écho raisonne longtemps chez l'auditeur ? « Less
is more ». Mais la musique ne constitue que la moitié du
travail de Michel qui s'impose également comme une plume unique dans
la scène française. Se retournant sur son passé et ses origines,
Michel ne cesse de questionner la société tout au long de ce disque
avec une franchise assez peu commune chez ses collègues (à
l'exception peut-être de Pascal Bouaziz, chanteur de Mendelson/BruitNoir). Un grand disque tant au niveau des paroles que de la musique.
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