Mélangeant la guitare
blues et le beatbox, le duo britannique
Heymoonshaker créer une
sorte de musique hybride. Les racines blues sont bien présentes mais
se teintent de couleurs inédites évoquant pèle mêle le dubstep ou
l'électro sans jamais utiliser le moindre sampler ou clavier. Le
résultat pourrait être indigeste mais il n'en est rien. Au
contraire, Heymoonshaker crée une musique à son image :
entière, naturelle et profondément humaine. Rencontre...
Vous vivez en France
maintenant, comment se fait-il ?
Andy Balcon
(voix/guitare) : On vivait en Suède mais ma copine nous à
viré. On a déménagé en France.
Dave Crowe (Beatbox) :
La France nous a vraiment accueillis à bras ouvert. Dès notre
arrivée, on s'est senti bienvenus. Les gens comprennent notre
musique, la nourriture est excellent, les femmes sont magnifiques, on
peut fumer partout...
Non, pas vraiment...
DC : Si, si on
peut. Il suffit d'attendre suffisamment longtemps !
Donc la France ça vous
plaît jusqu'ici ?
DC : C'est
incroyable. Authentique. On se sent comme à la maison.
Expliquez-moi le nom du
groupe.
AB : Cela date de
l'époque où je travaillais dans un bureau, il y a sept ans. J'avais
imaginé un groupe imaginaire.
DC : Le concept
des Heymoonshaker ne se limite pas à un groupe. C'est une idée, un
style de vie. On fait la promotion de notre style de vie. Cela n'a
rien à voir avec le fait d'être un musicien en voyage.
AB : Il faut
prendre le contrôle de ta vie. Etre capable de façonner ta vie
comme tu l'entends au lieu de subir. Parfois tu penses que tu veux
quelque chose et il faut être capable d'y arriver. Trouver la bonne
fréquence dans ta vie.
DC : Heymoonshaker
c'est un choix de vie. Et un choix heureux jusqu'à présent.
Andy quand tu a
commencé à jouer avec Dave, est-ce que tu as eu l'impression que le
Beatbox pouvait ajouter de nouvelles couleurs à la musique ?
AB : Oui
définitivement. Au début j'écoutais beaucoup de hip-hop. J'étais
aussi très influencé par le rock n'roll. Il y avait comme une sorte
de croisement qui n'avait pas encore été fait. Le beatbox semblait
idéal pour créer un nouveau son. Ce que devient la musique en ce
moment... Hip hop, rock ou même électro, même maintenant j'ai du
mal à trouver quelque chose que j'ai envie d'écouter. Il y a un mec
incroyable, John Fairhurst, c'est un guitariste brillant. On a fait
une tournée avec lui en Grande-Bretagne et il a une vision très
claire de la musique qu'il veut créer. Il est très impliqué dans
le son de sa guitare. Il arrive. C'est assez difficile à expliquer.
DC : Ces derniers
temps, on a beaucoup voyagé, beaucoup tourné et rencontré pas mal
de musiciens. Il y a une nouvelle énergie, un nouveau son qui
arrive. John Fairhurst en fait partie...
AB : C'est une
combinaison entre rock n'roll et électro. C'est très très bon.
C'est exactement ce que tu as envie d'écouter.
Vous n'utilisez aucun
instrument électronique et pourtant il y a comme des touches de
dubstep dans votre son...
AB : C'est Dave,
il est électronique ! On essaye d'avoir un son aussi primitif
que possible. Juste deux voix et une guitare.
C'est une démarche
très naturelle...
DC : Oui. La
musique électronique est quelque chose de très naturel.
Vous avez beaucoup joué
dans la rue. Cela a-t-il influencé la manière dont vous abordez les
concerts ?
AB : Oui
définitivement. Dave est un bon exemple de la façon dont on aborde
les concerts en salles. Avoir autant joué dans la rue nous a appris
a interagir avec la foule qui n'est pas nécessairement là pour la
musique. En fait ils n'écoutent pas la musique. Ils vont faire du
shopping ou je ne sais quoi d'autre.
DC : Ils font tout
sauf t'écouter.
AB : Il faut
capturer la foule. Et Dave est l'un des meilleurs pour embarquer le
public. C'est le meilleur que je n'ai jamais rencontré.
Vous vous êtes
rencontrés à l'autre bout du monde, en Nouvelle-Zélande. Les
voyages c'est quelque chose d'important pour votre musique ?
DC : Absolument.
C'est le cœur de ce que nous sommes. Et c'est de là que vient notre
musique. Tout ce que l'on veut dans la vie, c'est voyager. Et pour
cela il faut travailler et gagner de l'argent. Et dans le fond, on
n'a pas envie de travailler. Ou plutôt on veut travailler pour nous.
Et tout ce qu'on veut c'est faire de la musique.
AB : Et c'est ce
que l'on a décidé de faire.
DC : Ouais, on a
décidé de faire de la musique et de voyager. Et heureusement on
arrive à gagner suffisamment d'argent pour vivre. C'est ça l'idée.
Et dès que l'on a commencé à voyager on a rencontré de plus en
plus de gens passionnants, des musiciens, des gens qui nous inspirent
pour écrire encore mieux. Et faire de la musique encore plus
honnête.
AB : C'est aussi
important de connaître des cultures et des styles de vies
différents. On a vécu en Australie, en Nouvelle-Zélande et en
Suède. C'est des destinations très anglo-saxonnes. Venir en France,
c'est une grande chance et un plaisir de pouvoir apprendre la culture
française.
DC : Cela apporte
beaucoup à la musique et à nos concerts. Je suis sur qu'une
personne aussi élégante que toi peut comprendre. En France, dans
les grandes villes tout du moins, tout le monde est élégant. Tout
le monde à l'air beau. Les Français font attention à ça. Un tel
environnement te fait faire plus attention à ton apparence. Je me
sens plus élégant, plus beau. Sur scène je ne suis plus le même.
J'ai plus confiance en moi.
Et votre prochaine
destination ?
AB : Le Canada
probablement.
DC : J'aimerai
jouer plus souvent dans le sud. Beaucoup plus.
AB : Ah oui !
Moi aussi !
D'un point de vue
français, on a l'impression que chaque musicien anglais qui prend un
jour une guitare veut être les Beatles...
AB : C'est vrai.
DC : Je ne sais
pas. Je ne connais pas vraiment la scène britannique. Je connais
beaucoup de très bons musiciens grâce à notre tourneur mais à
part ça... Ca fait sept ans que je suis loin de la Grande-Bretagne.
Le mois dernier on a fait notre première tournée au Royaume-Uni.
C'était marrant, vraiment incroyable. On a rencontré plein de très
bons musiciens. Mais je ne sais pas si tout le monde veut être les
Beatles ou non.
Sur le cd il y a
marqué : « bienvenue dans la famille
heymoonshaker ». Ce sentiment d'appartenance c'est important
pour vous ?
DC : Il faut que
les gens qui nous écoutent sachent que l'on est exactement comme
eux. C'est très important. Tous les gens avec qui on travaille sont
de la famille. On veut être sur que tout le monde est cool. Tout le
monde fait son boulot et c'est cool. Et après on a aussi
l'impression que les gens qui viennent aux concerts sont aussi de la
famille.
AB : C'est une
relation moitié/moitié avec la musique et avec le public. Le public
est impliqué dans la musique.
DC : C'est aussi
très important.
AB : L'énergie
avec laquelle on joue vient du public. Ce n'est pas juste nous en
train de jouer. On laisse la musique aller librement et après elle
nous revient.
Comme une énergie qui
va et vient ?
DC : Tout ceux qui
nous écoutent et viennent aux concerts, on est vraiment avec eux.
C'est très important que le public le sache. On est vraiment avec
eux. Ce n'est pas des conneries ! On vends toujours nos cds
nous-mêmes, on vient discuter avec le public après les concerts. On
n'est pas spéciaux parce qu'on est musiciens. On est juste des
gars ! On veut traîner avec des gens biens. On veut que les
gens biens se sentent bien. En ce sens, le design du cd est aussi
très important. Il n'y a aucune information sur la couverture. C'est
basé sur la confiance parce que tu ne sais pas ce qu'il y a à
l'intérieur. Et quand tu ouvres le cd tu vois le logo du groupe et
la liste des chansons. Tu sors le cd et tu vois un message
personnel : « bienvenue dans la famille ». Et
j'adore ça ! C'est toujours une expérience particulière
d'acheter de la musique.
AB : On a fait ça,
vraiment ? C'est cool j'aime bien...
DC : Tu te fous de
ma gueule ? On a passé un temps fou là-dessus ! Andy a
toujours adoré acheter un album. Déballer une cassette, l'odeur...
Moi je ne connais pas trop. J'ai découvert la musique très
tardivement. Je n'avais pas l'habitude d'acheter de la musique...
Vraiment ?
DC : Oh ouais.
Vraiment tard. Jusqu'à 19 ans, je n'écoutais que du gangsta rap.
J'étais complètement incapable d'avoir une conversation sur la
musique, sauf le hip hop, jusqu'à 19 ans. J'avais l'esprit très
étroit dans mes goûts musicaux. C'est assez tard, mec ! J'ai
fait mes devoirs depuis. Maintenant je comprends vraiment ce que les
fans de musique ressentent. Ce que je ressens à propos des autres
groupes, le fait de suivre un groupe. C'est une expérience vraiment
spéciale. Notre cd, c'est une grosse création pour nous. Et j'en
suis heureux.
Dave, tu peux nous
parler de tes tatouages ?
DC : C'est
l'histoire de ma transition entre mon ancienne vie et ma vie
d'heymoonshaker. J'avais tout ce dont j'avais besoin en Suède.
J'habitais un appartement magnifique près de la foret. J'avais un
chien. J'étais amoureux. De l'argent...
T'avais un boulot ?
DC : Je faisais du
beatbox dans la rue. C'était parfait. J'avais accompli tous mes
objectifs. J'avais 24, 25 ans, la vie était douce. Après on a fait
notre première tournée en France et j'ai réalisé l'éventail des
possibilités. Je pouvais passer ma vie à faire du beatbox dans la
rue, me faire de l'argent. Je pouvais avoir une bonne vie. Une
famille, tout ce que tu veux... Ou je pouvais essayer de maximiser
cette expérience autant que possible. Essayer de réunir autant de
gens que possible dans une salle, soir après soir. Et faire et dire
exactement la même chose qu'à l'époque de la rue. Après beaucoup
de trucs sont devenus très compliqués dans ma vie. Avec ma copine.
Ce que je voulais de la vie. Ce qu'elle voulait de la vie... J'ai
quitté la Suède, j'ai tout plaqué. Le jour où je suis devenu un
heymoonshaker, j'ai fait tatoué le logo du groupe dans mon cou pour
montrer à Andy ma dévotion au groupe.
Tu as des tatouages
Andy ?
AB : Non, ma peau
change tout le temps, comme un serpent. J'ai changé plusieurs fois
de vie jusqu'à maintenant.
DC : On est de
toute façon très différents tout les deux. J'ai réalisé très
jeune que j'avais besoin d'un aide-mémoire pour me souvenir de tout
ce que j'ai appris. Je dois m'en rappeler tout le temps. Et mes
tatouages sont très importants pour moi. Pour me rappeler ce que je
dois faire. Je n'ai pas le temps d'oublier ne serait-ce qu'une
journée. Il n'y a pas assez de temps.
C'est profond...
DC : Ça l'est !
(fou rire général).
Quelle est la prochaine
étape ? Un album ?
AB : C'est
possible. C'est assez bizarre d'enregistrer de la musique. On a
enregistré un album en trois jours. On a dix chansons. On avait
quelques idées, quelques riffs et à la fin cela a donné dix
chansons. Quatre de ces morceaux sont sur l'EP. On ne sait pas encore
si on va réutiliser les chansons de l'EP pour l'album. De toutes
façons les titres sont tous joués en concert.
DC : Enfin, l'idée
générale des chansons est jouée. C'est déjà ça.
AB : On jamme
beaucoup autour de ces idées. On essaye de trouver du temps pour
aller en studio. Le dernier EP « Shakerism » est une
compilation de notre EP enregistré en Suède « Heymoonshaker
block » et des chansons issues des sessions pour l'album. On
sent bien comment le son se développe. « Colly Drop » a
beaucoup plus de structure. Il y a plus de sons et de couleurs
différentes dans la musique. Mais ce n'est pas le sujet. Le son se
développe encore et toujours, change de direction. Et on est aussi
très influencé par nos rencontres.
DC : C'est aussi
une bonne idée de voir ce qu'il va se passer cette année avec l'EP.
On essaye de se créer une bonne base de fans avec ce que l'on a crée
et pour l'instant on n'a pas encore crée grand chose. On est
toujours en train d'enregistrer. Pour ce qui est des sorties, je ne
sais pas. On essaye de faire beaucoup de vidéos pour intéresser les
gens dans des pays différents.
AB : On aime
beaucoup aussi le live. Le contenu sur disque est très différent de
l'expérience live. Nos concerts sont toujours différents. On veut
partager ça sur le prochain disque. On voudrait capturer le feeling
d'une jam.
DC : On a capturé
2012 sur « Shakerism ». Il faudra faire le bilan de 2013
pour la suite...
Andy, je viens de
réaliser que ta voix est très différente quand tu parles. Ta façon
de chanter est très intense...
AB : Oui (rires) !
Quand je joue, quand je chante, je m'exprime réellement sans
m'occuper du jugement d'autrui. Sans barrières. Ce sont des émotions
que je n'exprime pas vraiment en dehors de la scène.
DC : Je pense
qu'Andy commence tout juste à réellement exprimer et partager sa
personnalité profonde. C'est pour cela qu'il est aussi intense.
Peut-être que dans quelques années tout cela va descendre d'un
cran.
AB : Disons que
pour l'instant j'ai des choses à dire.
Propos recueillis le
09/04/2013