mardi 29 janvier 2019

The White Crow, un film de Ralph Fiennes.



C'est dans le cadre de la soirée de clôture de la 19ème édition du festival de « l'industrie du rêve » que l'on a pu découvrir, en avant-première, le film « The White Crow » un choix particulièrement judicieux tant le métrage nous rappelle ce que l'on aime tant dans le cinéma, l'évasion, le rêve, le voyage dans le temps... 

« The White Crow ». L'expression désigne, en anglais, le marginal, le laissé pour compte, l'original. Cet homme, refusant de rentrer dans le moule, c'est le danseur russe Rudolf Noureev dont le film, un biopic, retrace en partie la vie. 
Nous sommes au début des années 1960. Noureev se trouve en France pour une série de spectacles. A Paris, le danseur se laisse aller à l'exaltation pour l'art, fait le pied de grue dès potron-minet pour pouvoir profiter des musées dans la solitude la plus complète du matin, sort le soir, fait des rencontres et se lie d'amitié, boit, découvre les danseuses nues du Crazy Horse... Le tout sous l’œil exigeant de Moscou, discret mais impitoyable, qui, le temps d'un regard oblique d'un type cravaté griffonnant quelques notes à la volée sur un carnet, cherche à juguler la soif de liberté du danseur… 

Dans sa première partie, multipliant les flash backs entre les époques, le métrage exalte les sens, exprime une passion pour les corps en mouvements le temps de quelques séquences virtuoses, flatte l’œil de nombreux plans représentant œuvres, peintures et bâtiments. Le charme des années 1960, parfaitement reconstituées, fonctionne à plein. Puis dans son dernier tiers, le film bascule dans le thriller, une scène étouffante dans un hall d'aéroport digne d'un film d'espionnage et finit par nous rendre sympathique un personnage passablement égocentré et pas toujours très avenant. 

Le troisième film, en qualité de réalisateur, de Ralph Fiennes n'a pas de date de sortie française définitivement arrêtée.


dimanche 27 janvier 2019

Daisy Driver : « Nulle Part »



Premier album pour Daisy Driver, formation qui n'arrive cependant pas de nulle part, les musiciens traînant depuis longtemps leurs guêtres dans les arcanes de la scène rock et ont décidés de se lancer dans cette nouvelle aventure après s'être découvert une passion commune pour le rock des années 1990. Un style qui hante les compositions de ce premier effort, dès les premières mesures belligérante de la guitare (« Drowning »), tant en ce qui concerne le son (« Blesse mon coeur », les scratches qui ornent « Mya » comme au plus belles heures de la fusion) mais également en termes de dynamique, cette alternance entre tension et détente (« Le cri du monde », « On est tous »), popularisée naguère par les stars du grunge. Mais cette attirance pour les sons du siècle passé constitue plus, le moteur, le point de départ du groupe que le véritable enjeu de l'album. Le groupe se place plutôt dans une posture d'héritier, perpétuant une tradition du chant en français qui était la norme du rock hexagonal avant que les groupes ne se jettent les uns après les autres dans une faille anglophone maîtrisée de manière plus qu'aléatoire. Le groupe se place dans cette perspective, assumant la francité, déclarant sa flamme, entre amour et haine, pour Paris (« I love Paris ») et nous réservant au passage deux énormes surprises que l'on avait pas vu arriver en la forme deux reprises : « Morgane de toi » (Renaud, si, si!) et, plus étonnant encore : « Elle a les yeux revolver » de Marc Lavoine (si, si!) dont le nom est évoqué ici pour la première fois sur ce blog en douze années d'existence (comme quoi!) revisitées ici sur un ton très rock. Qu'il se place dans une optique nostalgique (« Tous les garçons ») ou qu'il garde les yeux ouverts sur le monde et ses maux actuels (« De New-York à Madrid », « Le cri du monde », « On est tous ») le quatuor affiche ainsi la volonté de se démarquer du revivalisme qui anime les groupes de rock depuis 20 ans. Mission réussie en l'espèce. 

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samedi 26 janvier 2019

Big Dez : « Last Train »



Huitième album pour le groupe en forme d'une ballade (en train, évidemment) le long de musiques que l'on affectionne particulièrement. Ainsi ce disque nous invite à la promenade, une de déambulation musicale, un voyage, en 12 titres, où tout partirait du blues avec ce que cela suppose de feeling. Un feeling assumé donc, dans le chant de Phil Fernandez évoluant sur le fil, puissant mais émotif, servant à la perfection des compositions rivalisant de puissance rock'n'roll (cf. « The Felione », « You know what I mean », « We gonna make it ») mais aussi de groove à réveiller les défunts (ah cet orgue cf. « That's the way you can change », « Until the broad daylight »). Un sacré trip, ensorcelant de bout en bout, avec quelques passagers clandestins de renom tels que Lucky Peterson (à l'orgue) ou Sax Gordon Beadle. C'est sûr, on ne prendra jamais plus le métro (cf. la pochette) de la même façon. Embarquement immédiat ! 

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vendredi 25 janvier 2019

Undervoid



Quatrième épisode des aventures du quatuor strasbourgeois avant d'attaquer un premier long format. Une nouvelle livraison de cinq titres qui continue d’approfondir le sillon du groupe au pays des décibels et des guitares saturées ; dans la lignée de la scène française des années 1990 (l'ombre de No One plane sur « A tes dépens ») et du punk : les voilà prêts à tout dégommer sur leur passage. De la celtique « A ta santé », à l'explosion de « Perdu pour perdu » (1 minute 44), du gros son seventies (« Qu'à cela ne tienne », Led Zeppelin n'est pas très loin) à la virtuosité quasi psychédélique des guitares entremêlées qui orne le pont de « On part au loin » ; le groupe fait ainsi preuve d'un bel éclectisme sans perdre de vue ce qui fait son identité musicale. Loin de partir dans tous les sens, le disque est, au contraire, d'une parfaite cohérence : la voix, les textes, la dynamique de la section rythmique (on pense en particulier au batteur en survoltage permanent) servant de guide à l'auditeur dans ce dédale électrique. On se demande bien ce qu'ils nous préparent pour leur premier album… 

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jeudi 24 janvier 2019

Le Groupe Obscur : « Selesȼa »



Avec son look dark, son nom inquiétant, sa langue imaginaire inventée pour l'occasion (l'obscurien), ce groupe à la démarche obscure n'est pas sans rappeler, grâce à de nombreux points de convergence, les vétérans de Magma. La comparaison s'arrête là cependant, le Groupe Obscur préférant une subtile mélopée à mi-chemin des rocks psychédélique et gothique, au free jazz des survivants des 70s. Une association étonnante, contre nature, mais qui, ici, fait des merveilles. Les mélodies, délicates, dégagent un charme mystique, envoûtant, dont la nature répétitive ne fait qu'accentuer le mystère. Ceci pour la partie psychédélico-progressive de la chose. Mais, point de revival sixties ici. Au contraire, l'instrumentation penche plutôt vers le versant cold, subtilement synthétique (« Planètes Ténèbres »), où les guitares arpégées avec soin et beaucoup d'effets, de delay se marient harmonieusement aux synthés analogiques. Ainsi, l'écoute de l'ep plonge l'auditeur dans un abyme de noirceur psyché, en apnée (« Apnea »). Le parti pris de la langue imaginaire ajoute une nouvelle facette à ce diamant noir. Partant du principe que, de toute manière, personne ne comprendra rien aux paroles, la voix, féminine, est traitée comme un instrument à part entière, une couche sonore supplémentaire qui s’agrémente harmonieusement au arrangements. La démarche rappelle les Cocteau Twins, en plus organique, le groupe n'étant pas spécialement focalisé sur les sons des années 1980, préférant inventer plutôt que de vainement recréer. Un écueil de plus évité par les Rennais qui permet d'étoffer le relief de leur séduisant EP. 

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mercredi 23 janvier 2019

Skopitone Sisko : « Kaleidoskope »



Comme son titre l'indique, le nouvel EP de Skopitone Sisko (le projet personnel de Elouan Jégat, Thomas Howard Memorial) est à plusieurs facettes. Son écoute plonge l'auditeur dans une sorte de langueur psychédélique (« Brstmm ») entre guitares acoustiques délicatement arpégées (« Sad day ») à la mélancolie prégnante et nappes électroniques planantes, pop et psyché (« In Cage », « Kaleidoskope »). On pense tantôt à Tame Impala (le chant éthéré « Brstmm ») tantôt à Tuung, le mètre étalon du genre folk électronique (« Sad day »). Deux sacrées références auxquelles les Bretons tiennent largement la comparaison. Et même encore mieux lorsque les musiciens dégainent l'artillerie lourde en fin de programme : « The Pursuit » la véritable petite bombe du disque : une spirale de guitares addictives, entêtantes, hypnotiques qui va crescendo jusqu'au final, rudement bien envoyé, plus cold et baroque mais tout aussi intense de « Randomized ». 

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mardi 22 janvier 2019

Six-Ring Circus



Mesdames et Messieurs, nous sommes ravis de vous accueillir ce soir au « cirque à six pistes ». Le Six-Ring Circus ? Un groupe mutant, d'un genre inédit que, par commodité, on serait tenté de cataloguer comme du free-jazz progressif. Un raccourci qui ne dit rien, ou si peu et, surtout, si mal, de la sophistication musicale ici déployée. A peine a-t-on fini d'écouter les deux premières pistes que l'on a déjà l'impression d'avoir ingurgité un album entier tant, dans l'intervalle, le groupe a multiplié les expériences, les essais, les tentatives pour, au final, balader l'auditeur dans de tortueux chemins, généralement empruntés par les têtes chercheuses désireuses de s'éloigner des itinéraires bien balisés (on pense notamment à Tortoise). Le Six-Ring Circus, donc, fait assez fort dans le genre. Et puisqu'il faut bien une base, cette dernière viendra du jazz voire, éventuellement de la soul (cf. « Poppies Dream »). Et puisqu'ils ont décidés de s'amuser un peu, au lieu d'emprunter une ligne droite, le quintet passe par des divagations électroniques (« Cirkus part II »), planantes voire métalliques (cf. « Sonate for Gent ») entre-deux. Qui dit progressif, dit, généralement, années 1970. Et non, pas ici ! Ou, plus exactement, plutôt que de s'inspirer du passé, le groupe préfère en garder la substantifique moelle. L'ombre des seventies plane sur l'album (« Thamel ») sans pour autant en altérer la capacité d'innovation, la créativité, la volonté de chercher a se faire rejoindre les contraires. Tout le disque est résumé là. Dans cette voix, féminine, classique, celle de Célia Forestier, qui cherche à ramener sur terre des musiciens, acrobatiques, désireux de s'envoler loin des contingences terrestres (les breaks de batteries audacieux, la guitare en roue libre et les plages généralement assez longues). Voilà un album qui réclame du temps, de l'écoute, de l'attention et une forme de lâcher prise de l'auditeur. De la patience aussi. Mais, surtout, voilà un groupe qui en vaut la peine. Ecoutez-le ! 

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lundi 21 janvier 2019

Boney Fields : « Bump City »



Pour son nouvel album le Chicagoan, installé de longue date en France, nous emmène en virée à « Bump City ». Dans sa géographie imaginaire, comme dans celle de ceux qui l'écouteront, « la ville qui cogne » est un endroit, rêvé, fantasmé, idéal. Une cité remplie de sons qui tabassent, idéal pour faire la fête, à l'image des accents assumés de ce nouveau répertoire, rock (cf. « Bump City », la plage d'ouverture du disque) ; funk (« Sadie » une réminiscence du « China Girl » du duo Iggy Pop / David Bowie), New Orleans ("Around the corner", "Dark side of a love affair") ou soul langoureux (« Feelings »). Mais qui dit géographie, dit route, itinéraire, voyage. L'occasion pour le musicien de se retourner sur son propre parcours, et de rendre hommage aux musiciens qui ont compté (« Ying Yang » dédié au regretté James Cotton, Charles Pasi enfilant avec brio l'intimidant costume) ou de relire ses propres œuvres (« Ride to the city » enregistré une première fois il y a 20 ans). Une petite merveille de soul, de funk et de rock entre groove dévastateur et puissance sonore. Grosse fiesta sur scène en perspective… 

En concert le 30 janvier à Paris (Jazz Café Montparnasse)
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dimanche 20 janvier 2019

4dB : « Animal »



Sur la pochette s'affiche une forme cubique, seventies, vaguement menaçante, ou plutôt suggérant une menace sous-jacente : quel drôle d'animal que voici ! Deuxième album donc pour le quatuor, qui dégage une puissance bien supérieure à quatre décibels. A l'image de la forme indéterminée s'affichant sur la pochette, le groupe (dans lequel on reconnaît Olivier Michel, bassiste de Bordelophone) navigue en eaux troubles. L'utilisation de nombreux claviers millésimés rappelle les années 1970 et le groupe établit ainsi une passerelle entre le jazz (le swing précis et élégant de la section rythmique constitue la base de tout cf. « Senzala ») et la musique progressive sans en occulter la puissance rock (« Fleur de singe part 2 », « Sauvage ») incarnée par le biais d'une guitare déchaînée, ni les accents pop planants voire spatiaux (« Lune Rousse », « Abysses »), enfilant le costume d'héritiers des Magma et autres Cortex d'antan. Les compositions sont à l'avenant, assez longues et multipliant les pistes, sans jamais perdre la direction générale. Le tout est magnifié par une production nickel chrome et un travail d'arrangement à la précision millimétrée. Plusieurs écoutes sont ainsi nécessaires, voilà un album qui réclame du temps à l'auditeur, pour en saisir la substantifique moelle, les subtilités mélodiques et les climats variés (apaisés ou plus tourmentés) à contre-courant de l'époque. Bien plus qu'un album d'ailleurs, un véritable voyage instrumental ; le vol fut superbe, merci.
En concert le 19/02 à Paris (Les Disquaires) et le 22/03 (Péniche Antipode)

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samedi 19 janvier 2019

Hyleen, Le New Morning, 16 janvier 2019.


Prenant le contre pied d'un parti pris généralement répandu sur la scène soul actuelle, celle d'un revival sixties/seventies, la chanteuse et guitariste Hyleen assume pleinement une démarche funky et plus proche des années 1980, évoquant parfois Prince dans le jeu de guitare, n'occultant pas la part synthétique de l'affaire (quelques pads électroniques sur la batterie et des synthés en lieu et place de la basse). Pour fêter dignement la sortie de son excellent nouvel effort, le trio de base de la chanteuse est ce soir renforcé par deux cuivres, de quoi renforcer l'aspect jazz de sa musique, un angle que l'on ressent surtout dans l'interprétation (les morceaux gagnent en longueur surtout sur scène) que dans l'écriture. La chanteuse fait preuve de beaucoup de charisme, parfois mutine, parfois charmeuse et un décalage humoristique (cf. la présentation de l'album). La bande est soudée et cela s'entend, les « douceurs » sont prodiguées avec beaucoup de feeling alors que l'alchimie fonctionne à plein sur les titres les plus dansants délivrés avec une belle énergie funk. Généreuse, la chanteuse et son groupe nous ont offert plus d'une heure et demie de concert, on n'en attendait pas tant compte tenu de sa (pour l'instant) courte discographie. Quelle excellente soirée ! 

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Cécile McLorin Salvant : « The Window »



70 minutes et 88 touches. Pour son cinquième album, la chanteuse étasunienne prend un risque considérable. Celui de s'exposer sur un double album, seule, accompagnée par un simple piano, sur un temps très long, au risque de provoquer une certaine lassitude chez l'auditeur. Mais c'était sans compter sur le talent exceptionnel d'interprétation de Cécile McLorin Salvant capable de charrier des torrents d'émotions par sa seule voix qu'il s'agisse d'un doux murmure (cf. « Visions » chipé à Stevie Wonder ; « Obsession ») ou d'un registre plus fort et appuyé (« Ever since the one I love's been gone »). Ainsi, quelque soit le contexte, l'interprétation est toujours juste et émouvante (« Wild is love »). Derrière son clavier, Sullivan Fortner, est à l'unisson offrant quelques magnifiques moments de dextérité, principalement au piano mais aussi un peu à l'orgue, mais en étant toujours juste, servant à la perfection la voix de la chanteuse sans ostentation manifeste. Le public ne s'y trompe pas, offrant de magnifiques ovations aux artistes sur les quelques plages éparses enregistrées en concert. Comme d'habitude, Cécile ne se prive pas de rendre hommage à ses racines francophones s'offrant deux titres dans la langue de Molière (« A clef », écrite par ses soins et « J'ai l'cafard »). Enfin, citons pour finir les deux morceaux de bravoure de ce sublime album, les sept minutes du « Somewhere » de Bernstein et les neuf de « The Peacocks » avec le renfort de la saxophoniste Melissa Aldana. Et si la fenêtre du titre offrait une vue directe sur l'âme de la chanteuse ?

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dimanche 13 janvier 2019

Th Da Freak




Anti-héros improbable du rock français, slacker indécrottable, bricolant des chansons sur une guitare de fortune dans une chambre d'ado attardé où trône des posters défraîchis de Sonic Youth et autres Pavement (enfin tel qu'on l'imagine), le Bordelais Th Da Freak se pose là. Enfin il ne s'agît là que de visions imaginaires, de flashs provoqués par l'écoute de la musique de Th, le bizarre en chef. Le premier album, « The Hood » est une petite merveille minimaliste, dont le charme naît justement de l'économie de moyen, procurant une sensation d'intimité immédiate avec la musique, provoquant nombre d'image mentales (comme le prouve le début de cette chronique). Nostalgique, mais pas trop, Le Freak fait le lien entre grunge (pas trop gueulard non plus) et rock psychédélique. Si, si, après tout les deux genres ont en commun le fait d'avoir eu dans leurs rangs un groupe nommé Nirvana. Bien loin des clichés sixties, guitare fuzz et orgue Farfisa, la psychédélie chez Th Da Freak vient de compositions solides, jouant sur la répétition hypnotique (« Old ladies of the block ») sur des tempos alanguis, suivant une approche do it yourself, soit autant bricolée que jouée (la merveilleuse « Thick head », la petite bombe de toute cette affaire). Ajoutez à cela un sens de la mélodie (« Bored », « Moonmate », « I was such an idiot »), de l'accroche (« Bienvenidos at Satori Park », "Sophism profesionnal") et un soupçon de cold wave cheap (« I don't understand ») et vous tenez-là la cerise qui finit d'emballer toute l'affaire sur une note charmante et sucrée. Et comme ce mec est sacrément cool, ce premier album est complété par une collection de faces B, « T-Sides » (pardon de faces T), disponible gratuitement sur Bandcamp et dont la pièce de choix réside dans les dix minutes inoubliables d' « Immortality ». Voilà de quoi patienter en attendant la sortie du prochain album, prévue pour mars prochain, car en plus d'être talentueux, le type bizarre est hyper-actif. 

En concert à Paris (Point Ephémère) le 27/03.

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vendredi 11 janvier 2019

Kyrie Kristmanson : « Mon Héroïne EP »



Il y a des auteurs, des compositeurs, des musiciens et des interprètes. Kyrie Kristmanson quant à elle est un peu tout cela à la fois et même au-delà. Plus que de la musique, l'Artiste a bâti, patiemment et une note à la fois, une cathédrale sonore, un univers où l'auditeur n'a de cesse de se perdre dans les délicieuses méandres. La Canadienne chante en mariant les deux langues, le français et l'anglais, mais qu'importe car dans ce contexte les paroles, cryptiques, ne sont qu'un assemblage, un élément constitutif du son dont on ressent le sens plus qu'on en comprend la signification profonde. Entre guitare acoustique (cf. « Songe d'un ange ») et machinerie électronique délicate (« Mon héroïne ») ou percussive (« The garden of Mrs. Woolf »), Kyrie se constitue un petit nuage musical où l'auditeur est convié, brinquebalé, confortable mais pas trop. Sa voix de tête, pleine mais délicate semble sortie d'un songe. Il se dégage de l'ensemble un sentiment d'une profonde mélancolie dans lequel se retrouve pleinement Brendan Perry (Dead Can Dance) venu prêter sa voix (en français!) le temps du « Songe d'un ange ». 

En concert à Paris (Café de la danse) le 13 mars.
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jeudi 10 janvier 2019

Shirley Davis and The Silverbacks : « Wishes and Wants »



Si l'épicentre de la soul se trouve ces temps-ci à Brooklyn et sa cohorte de labels branchés, l'Europe est également capable de produire de biens belles choses en la matière. Prenons donc aujourd'hui la direction de l'Espagne à la découverte d'une nouvelle petite merveille, après The Pepper Pots et les Sweet Vandals, en la personne de Shirley Davis et son groupe les Silverbacks. Ce nouvel album, le deuxième, se situe dans un pré carré bien défini, une triangle au cœur des influences des années 1960 et 1970. Cela n'a certes rien de follement original par les temps qui courent, mais qu'est-ce que c'est bon, lorsque la chose est exécutée avec un telle maestria ! Une écoute attentive révèle en effet un disque bien plus complexe qu'il n'y paraît avec un effort assez poussé en termes d'arrangements, on pense en particulier à l'interaction entre les claviers et les cuivres, et à la force des compositions tirant vers la face psychédélique (« Fire » une réminiscence des Doors et « Treat me better ») voire le baroque (« Nightlife » portée par une cavalcade de percussions afro et folles) sans pour autant dénaturer le groove intrinsèque et dévastateur du groupe. Au chant, Shirley Davis (dont le timbre rappelle Nicole Willis) dévoile un organe aussi souple que puissant, d'une grande expressivité, s'adaptant à tous les contextes ; car ainsi que la chanteuse l'affirme tout n'est question de musique (« All about music »). Voilà une excellente résolution qui nous autorise à passer ce début d'année en compagnie de cet excellent album. 

https://the-silverbacks-soul.bandcamp.com/
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mardi 8 janvier 2019

Hyleen : « B-Side »



Si en matière de soul music le revival des années 60 et 70 est à la mode, Hyleen a décidé de prendre le contrepied, la face B, de cette tendance s'inspirant d'une période mal aimée, celle des années 1980 (cf. « My First of all ») et 1990 (cf. « I'm on the ride », « I just wonder », "Black Box") tout en évitant le copiage stérile pour privilégier une dynamique pop et contemporaine. Le disque fait ainsi le grand écart se révélant aussi langoureux que funky et ce, parfois, au sein du même morceau (cf. « Dark Knight »). Un registre étendu donc que la chanteuse fait sien avec grâce, démontrant, au passage, une belle souplesse vocale, effeuillant un timbre charmant, sexy et évocateur. Mais l'idée de génie fût d'enregistrer, en trio, dans les conditions du live, conférant à l'ensemble un plus incontestable en termes de fraîcheur. Une démarche finalement pas si éloignée du jazz (« Beside you ») qui donne au disque son aspect vivant, organique, s'articulant autour de compositions ménageant de nombreuses surprises à l'auditeur (« Breeze ») et finit par donner à cet album un charme unique et incontestable. Une grande bouffée d'air frais. 

En concert à Paris (New Morning) le 16 janvier. 




lundi 7 janvier 2019

Fast Friends : « Unknown Homes »



Le titre de l'ep laisse supposer une part d'inconnu, à la lisière de l'étrange et de la mélancolie, autant de sentiments qui assaillent l'auditeur à l'écoute de ce nouveau duo. Il y a d'abord ce son cotonneux, entre élégance et nonchalance, cette boîte à rythme hypnotique et ces mélodies jouées en sourdine, faisant ressortir le chant de manière claire et précise. A l'écoute on se retrouve propulsé au pays de la pop « do it yourself » autant inspirée que bricolée sur le vif, entre les Etats-Unis et l'Angleterre : le folk (« Enchantment ») ou l'influence du blues que l'on croit deviner sur le premier titre « Eureka ». Pensée autour des guitares, la musique des Fast Friends laisse pourtant un peu de place aux claviers dont les interventions sporadiques prennent la forme de virgules oniriques. Une belle réussite rêveuse mais pas tout fait apaisée.

En concert à Paris (Le Motel) le 16/01

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samedi 5 janvier 2019

Cathédrale : « Facing Death »



Ne surtout pas sous estimer les disques qui, sous des aspects modestes, atteignent des petits sommets, en l’occurrence une mini cathédrale du son, bâtie une pierre (ou une note) après l'autre pour le plus grand plaisir de nos oreilles. Cathédrale, donc, nous vient de Toulouse et il s'agît là de leur deuxième album. Un effort entre deux eaux, bien connues des amateurs de rock rock’n’roll, l'Angleterre (pour la morgue du chant) et les Etats-Unis pour le son garage énergique. Les titres sont balancés en environ trois minutes, ce qui confère à la galette un petit quelque chose de modeste. Qui prend une toute ampleur lorsque l'on se donne la peine de creuser le sillon. La production est claire et inventive ; c'est alors une foule d'arrangements détaillés (cf. « Facing Death ») que l'on se prend en pleine poire, une note qui sort du bois et qui change tout. Car pour le reste Cathédrale fait dans le carré et l'efficace. La basse, roborative, bourdonne (« Game ») le jeu de batterie ne fait pas dans la dentelle ni dans la fioriture mais fonce à pleine bourre sur l'autoroute du son. Carré et efficace, on vous le dit, mais qui s'autorise cependant quelques détours expérimentaux vers le post rock (cf. « Facing Death » et son étonnante intro instrumentale, « The Knight is gone », « Yet so easy »), pas trop hein, mais le soupçon d'audace, discret, à bon escient et nécessaire pour placer le groupe en orbite vers le sommet de la cathédrale. Au final un bon petit shoot d'adrénaline rock rock’n’roll ce qui nous fait largement la journée et même plus si affinités. Ah oui, une dernière chose, la pochette est magnifique ! 

https://cathedrale-tls.bandcamp.com/album/facing-death
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vendredi 4 janvier 2019

Peace Me Off : « Damaged Coda »



L'EP commence par une sorte de bourdonnement, comme un drone planant. Le calme avant la tempête tant le déchaînement de guitares grunge, influence également perceptible dans le chant, surprend l'auditeur. Autre particularité les titres s'enchaînent, s'emboîtent l'un dans l'autre, formant deux blocs de deux chansons, donnant l'illusion de morceaux très longs. Dans l'intervalle, le groupe joue avec les codes, et les nerfs de l'auditeur également, passant du (presque) calme à la franche tempête réinventant avec audace le post rock et le grunge. Ainsi, même dans les moments les plus apaisés (« Like the others do ») règne une tension sous-jacente où l'on sent la bête prête à sortir les crocs (l'intro de « My Own Shadow », « Concealed Coldness »). Hélas, les influences restent un peu trop identifiables, un manque de personnalité, ou plus précisément une personnalité pas encore totalement définie, qui obère (pour l'instant) une adhésion pleine et entière au projet. On sent que le groupe se cherche encore un peu, tâtonne, peut être aveuglé par l'écoute répétée de ses albums préférés. Mais l'ensemble est suffisamment maîtrisé, ambitieux (les sept minutes de « Concealed Coldness » passent comme une lettre à La Poste) et prometteur pour que l'on ait envie d'y croire. 

https://peacemeoff.bandcamp.com/
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jeudi 3 janvier 2019

EggS



Conglomérat de musiciens issus de différents groupes (Joujou Jaguar, Bootchy Temple) EggS débarque avec un premier EP de quatre titres bien balancés où la guitare crade mais ciselée le dispute à un synthé cheap. Une sorte de charme minimaliste se dégage de l'ensemble, celui du bricolage avec les moyens du bords, et on finit par se demander dans quelle mesure la chose a été improvisée… Le mystère reste entier sur ce dernier point, ce qui n'empêche nullement de goûter ce bonbon au charme suranné faisant revivre la pop/noise indie diy des années 80 et 90.


mercredi 2 janvier 2019

Candi Staton : « Unstoppable »



Cinquante ans de carrière et trentième album, ainsi que l'indique le titre, la vétérante de la soul Candi Staton est inarrêtable ! Qu'importe les hauts et les bas, en 2019 Candi Staton est toujours là et chante mieux que jamais, l'empreinte du temps laissée sur ses cordes vocales donne un supplément d'âme au chant, de la soul music au sens propre du terme, on en frissonne à l'écoute (cf. « Love is you », « The price is not worth the pain », « Revolution of change »). Hélas pour cet anniversaire on aurait aimé un accompagnement musical un peu plus conforme à sa légende. L'album débute bien mal avec un « Confidence » certes touchant mais bien mal ampoulé, une tentative maladroite d'infuser un soupçon de modernité dans la production mais rappelle plutôt le funk électro des années 1980 pas vraiment la meilleure période de l'artiste. Passée la pilule amère du début le reste de l'album est plus conforme à nos attentes (« I fooled you didn't I ») toujours dans la même veine plus funky que soul (« It ain't over ») sans vraiment atteindre les sommets d'émotion espérés. Un album en demi-teinte donc, mais on retiendra une surprenante reprise chipée chez Patti Smith (« People have the power ») et l'émouvante reprise du classique « What's so funny about peace, love, understanding ». L'artiste a certes fait mieux auparavant mais l'essentiel n'est-il pas ailleurs dans cette exceptionnelle longévité qui confine à la résilience ? 

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