jeudi 30 juin 2016

Aberdeeners : « Rewind to the end »



Les appartenances sont parfois trompeuses. Les Aberdeeners, ne sont pas originaires d'Aberdeen, une bourgade écossaise, que l'on présume chouette en attendant d'y aller, dont les louanges ont été chantées naguère par Cage The Elephant. Non, non les Aberdeeners sont bien de chez nous, de Clermont-Ferrand, ville jumelée par ailleurs avec Aberdeen. En revanche leur inspiration vient d'ailleurs, quelque part entre outre-Manche et Atlantique. Le groupe comprend officiellement six membres mais, décidant de repousser les murs, c'est toute la petite communauté artistique locale qui se retrouve impliquée dans le projet qui se conçoit plus comme un collectif plutôt qu'un groupe au sens strict du terme. Il en résulte une pop étonnante, richement arrangée avec forces vents et cordes et pourtant tendue au cordeau par le biais de guitares (folks ou électriques) aussi sèches qu'un coup de trique (« Into the glass ») et d'une batterie en forme de bâton de dynamite (« Parachute »). A noter, une chouette reprise du « 80 windows » de Nada Surf.


mercredi 29 juin 2016

Stewart Lindsey : "Spitballin"




Inutile de rechercher dans vos encyclopédies et autres petits blues illustrés un certain Stewart Lindsey, bluesman oublié dans les limbes de l'histoire, ce dernier n'existe pas. Stewart Lindsey est le résultat de l'association entre Dave Stewart, guitariste star (ex-Eurythmics) et Thomas Lindsey, jeune chanteur inconnu originaire d'un patelin paumé au fin fond de la Louisiane. Et le résultat est pour le moins explosif entre la guitare acérée de l'un et le falsetto terriblement évocateur de l'autre. Car, a n'en point douter, un grand interprète est né avec cet album : Thomas Lindsey. Son chant expressif et haut perché le classe d'emblée dans la cour des grands. Pour accoucher de ce nouvel effort, Dave Stewart a du revoir ses méthodes de travail. Habitué au contact physique avec ses interprètes, à l'ancienne, Stewart a cette fois-ci travaillé à distance sur la base de fichiers échangés sur le web. Étonnamment, la distance ne s'entend absolument pas dans le travail des deux hommes. Les cinq premiers titres du disques, les premiers accouchés sur bande par le duo, trempent dans le blues (« Friend zone ») ou le gospel (« Lonely ») à la fois totalement fidèles aux idiomes du genre mais avec une dynamique moderne (« Another lie ») propre à renouveler le genre. Ensuite, le duo effectue un virage pop. En effet, à partir de l'excellente « Look at those flames », la machine à tube s'enclenche avec une mention particulière pour l'imparable « Crocodile ». Avec ce nouvel effort, Dave Stewart nous prouve une fois de plus qu'on aurait tort de le réduire à sa seule participation à Eurythmics, groupe ancré dans les 80s et aujourd'hui daté. Dave Stewart vaut décidément bien mieux que cela. Pour finir, signalons que la pochette est magnifique.




mardi 28 juin 2016

Santana : IV


Guitariste star, grande révélation du festival de Woodstock au siècle dernier (1969), Carlos Santana effectue un retour surprise après des années de vaches maigres et un brusque regain de popularité au début des années 2000 en dépit d'albums pas franchement satisfaisants d'un point de vue artistique. Mais tout cela semble appartenir au passé tant sur ce nouveau disque le guitariste renoue avec un niveau de maîtrise que l'on croyait définitivement perdu. Comme à la grande époque, Santana mixe les influences et mâtine son rock n'roll d'influences latines aussi brûlantes qu'un piment avec l'aide, sur deux titres, de Ronald Isley. Chant en espagnol, percussions folles, le contexte est idéal pour ces éructions de guitares dont il a le secret, sa pédale wha-wha déchire l'air convoquant le fantôme de Jimi Hendrix. Mais le talent de Santana et multiple et comme c'était le cas sur l'album Caravanserai (1972), ce nouvel effort le voit s'intéresser à des musiques connexes, proche d'influences venue du free jazz (« Fillmore East »). Un album d'excellente tenue, qui n'aurait toutefois pas souffert d'être un peu plus court, 16 titres c'est long et il n'est pas évident de tenir la distance même pour une légende de son calibre. On peut également regretter quelques arrangements un peu cheap, notamment des trompettes jouées aux claviers, pour un rendu plus proche du klaxon pouet-pouet que du souffle délicat d'un jazzmen. Néanmoins, cet album se révèle être une excellente surprise…

En concert le 5 juillet à Paris (Accor Hotels Arena)

lundi 27 juin 2016

Boyarin



L'écoute de ce premier album nous confirme ce que la pochette semblait indiquer : Boyarin cultive une proximité certaine avec les Beach Boys et plus particulièrement avec l'album « Pet sounds » (1966) dont ils s'inspirent pour la pochette de ce premier effort. Et pourtant nul passéisme chez eux. Plutôt que de plagier à la lettre, Boyarin préfère en perpétuer l'esprit, comprenant bien rapidement qu'il est impossible de reproduire les méandres du cerveau torturé de Brian Wilson. Tout au long des douze titres de ce premier effort, plus baroque que psychédélique, Boyarin explore les tréfonds de la pop sur la base d'arrangements complexes et élégants mélangeant sonorités passéistes et futuristes, chant de tête et boîtes à musique. N'ayant absolument pas peur des changements de directions radicaux, Boyarin perturbe plus d'une fois les oreilles de l'auditeur à tel point que seule une écoute répétée permet de faire le tour des richesses de ce disque. A découvrir…


vendredi 24 juin 2016

Bantam Lyons : « Melatonin Spree »



Après nous avoir mis KO il y a peu avec un EP remarquable, les Bretons en exil à Nantes de Bantam Lyons sont de retour avec un premier album en bonne et due forme. Un peu courte (sept titres seulement) cette livraison ne s'en révèle pas moins intense. Puisant son inspiration dans la cold wave des années 1980, le quatuor réveille en nous des sentiments oubliés depuis longtemps, lorsqu'on avait découvert The Cure, Joy Division ou The Smiths. Soit une pop froide, matinée de brusques envolées de guitares noise et servie avec une intensité qui laisse pantois (fantastique « Beds »). Habité par une tension qui va crescendo, Bantam Lyons nous livre un album absolument tourneboulant…


mercredi 22 juin 2016

Un nouveau clip pour I Love My Neighbours

I Love My Neighbours, trio devenu quatuor, signe son grand retour avec un clip, le plus ambitieux du groupe à ce jour, faisant honneur à ces anciens étudiants en cinéma. Intitulé "Horizon" la vidéo fait montre d'un groupe arrivé à maturité altérant son rock bruitiste caractéristique d'un soupçon de pop par le biais d'une dualité entre piano et guitare. Ainsi que le montre la vidéo jouer dans une grange reste le meilleur moyen de ne pas se faire taper sur les doigts par les voisins (cf. le patronyme du groupe) !
https://www.facebook.com/ilovemyneighbours

mardi 21 juin 2016

Vintage Trouble, le Trianon, 20 juin 2016.



Un chanteur soul à la tête d'un groupe de pur rock n'roll surfant sur une vague nostalgique dont la source se trouve dans les sixties, telle est la formule du quatuor Vintage Trouble, venu nous rendre visite lundi soir sur la magnifique scène du Trianon. Certes la recette n'est pas neuve en soi, et le groupe s'impose comme un pendant masculin des BellRays ou une version aseptisée des Dirtbombs, puisant sa source dans le rock n'roll sixties plutôt que dans le punk. Pour le reste, le quatuor de Venice Beach (comme les Doors) impose son groove soigneusement ourlé, incapable de choisir entre soul, rhythm n'blues, blues et rock n'roll mais excellent dans tous les registres. Le show débute sur les chapeaux de roues, le batteur Richard Danielson debout derrière son kit, imprimant le rythme en frappant des mains, faisant groover la grosse caisse d'un seul pied. Devant le public le guitariste Nelle Colt chauffe la salle à coups de bottelneck inspirés, soulful et bien sentis. Jouant au doigt, sans médiator, le guitariste impose une griffe élégante. Puis le charismatique chanteur Ty Taylor fait son entrée en scène, aussi classe que Sidney Poitier et dansant aussi bien que James Brown. Impeccablement sapés, costumes trois pièces, cravate et chapeau de rigueur. Les musiciens ont visiblement de la bouteille et ont longtemps tâtonné (voire galéré) avant de trouver la formule gagnante (un peu à l'image des Rival Sons dans un autre genre). On voit aujourd'hui le résultat de toutes ces années formatrices, Vintage Trouble emballe le public comme pas deux et dès la première minute l'audience est comme emporté dans une sorte d'euphorie musicale manifestement sa satisfaction assez bruyamment. Ty assure le show et assure la proximité, visitant régulièrement la fosse, chantant depuis le balcon, réussissant l'exploit de crowd surfer et de revenir sur scène impeccable jusqu'au moindre pli. On vous l'a dit, chez Vintage Trouble, on ne plaisante pas avec le style. Le message du groupe est positif : « Toute cette folie à l'extérieur de ces murs ne nous a pas empêché de venir jouer » peace and music s'imposant comme le leitmotiv de la soirée. Le groupe innove au moment des rappels demandant au public la chanson de son choix. Vainqueur du soir « With a little help from my friends » dans une version assez proche de Joe Cocker. Chez Vintage Trouble on quitte la scène par la fosse (et non par les loges) pour retrouver le public à la sortie signant ainsi la fin d'une chouette soirée.


lundi 20 juin 2016

Sunset Sons : « Very rarely say die »



En 1978, Black Sabbath proclamait fièrement : « Never say die ! ». Quelques quarante années plus tard, les Sunset Sons reprennent, « very rarely », l'antienne à leur compte. Mais le quatuor est d'une extraction différente. Un peu australien, un peu plus anglais et même un peu français puisque le groupe s'est formé à Hossegor où une passion commune pour le surf les a réunis. D'obédience pop, le groupe excelle dans le genre sans oublier la nécessaire dose d'énergie via des guitares bien senties, maîtrisées comme le swell d'une fin d'été (« Tick Tock », « Remember »). Entre mélodies bien senties et déluge sonique (« Bring the bright lights »), le disque repose sur deux piliers. Le piano, l'ingrédient pop de l'équation, et la guitare, nettement plus rock. Le tout forme l'album de plage idéal, accrocheur juste comme il faut, gorgé de tubes en puissance parfaitement produits (« She wants », « Gold » ). En cherchant bien  on pourrait même y trouver le tube de l'été.


dimanche 19 juin 2016

Fantastic Negrito : « The last days of Oakland »




Derrière le pseudonyme, assez interpellant, de Fantastic Negrito, se cache Xavier Dphrepaulezz, un musicien actif depuis le mitan des années 1990, ayant déjà connu plusieurs incarnations musicales. Récemment, Xavier a vu la lumière en redécouvrant les artistes de blues originels. On parle ici de Robert Johnson (évidemment), de Leadbelly (« In the pines » totalement repensée) ou de Son House, d'artistes de cet acabit. Sur ces treize compositions, Xavier donne sa version du Delta Blues. Et elle pour le moins très personnelle. Le feeling ternaire reste, mais il est traversé par une foudre punk/rock, riche en guitares grasses (« The Worst », « Lost in a crowd ») et de quelques ersatz de gospel et de soul. Le tout se fond dans un univers urbain particulièrement prégnant, conscient de la réalité sociale (« Working Poor ») qu'il aborde de front (« The Nigga Song »). Empruntant des chemins détournés, les oreilles ouvertes sur le monde et sur la musique au sens large, Fantastic Negrito trahit le blues pour mieux lui rester fidèle. Une révélation.

samedi 18 juin 2016

Butch McKoy + Bror Gunnar Jansson, la boule noire, 17 juin 2016.



Magnifique plateau en ce vendredi soir à la boule noire. On commence avec Butch McKoy, l'ex-leader des dingos psyché de I Love UFO reconverti en hobo country folk. Tatouages, barbe fournie et chapeau sur la tête notre bon vieux Butch navigue sur des eaux fréquentées naguère par Tom Waits et Captain Beefheart. Seul guitare acoustique en mains (un seul morceau électrique au programme) Butch évoque des paysages désertiques le temps de compositions suintant la poussière. Excellent.


Place ensuite au gros morceau de la soirée en la personne du bluesman Bror Gunnar Jansson. Difficile de décrire avec des mots la charge tant sonore qu'émotionnelle que provoque une prestation live du Suédois. Partout où il passe, Gunnar relocalise le Delta du Mississippi. Seul, arc-bouté derrière sa guitare, martelant les percussions avec les pieds (magnifiques chaussettes à pois multicolores soit dit en passant) Gunnar ressuscite à lui seul la puissance des White Stripes et autres Black Keys (ceux des premiers disques). Les traits du visage tirés à la serpe, façon Rutger Hauer dans Blade Runner, entre blues et garage rock, Jansson est un artiste rare pouvait clouer le public sur place dans un tonnerre de décibels en ternaire, dégoulinant de rage, ou sécher le cœur de son audience de son americana dark. Le regard fou et exorbité le musicien, timide maladif dans la vie, se transforme une fois sur scène chantant des histoires de serial killer (entre autres joyeusetés) chapeau sur la tête et costume de dandy telle une créature du passé débarquée par accident. Évidemment, on l'adore. Et vu le volume des applaudissement à la fin, on n'est pas les seuls.
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vendredi 17 juin 2016

Spain, Petit Bain, 14 juin 2016.

Josh Haden (c) Miriam Brummel


Après maintes péripéties et une fermeture pour cause d'inondation après les pluies diluviennes de ces derniers jours, le Petit Bain (une péniche sur la Seine, rappelons-le) a rouvert ses portes pour accueillir les mythiques Spain mardi soir dernier. Du line-up des années 1990, ne reste plus aujourd'hui que le bassiste /chanteur Josh Haden. Le groupe se présente en formation serrée, un trio guitare/basse/batterie en opposition à la configuration quatuor qui a fait la gloire du groupe. Spain œuvre dans un genre répondant au nom de slowcore, mais qu'importe les étiquettes, le nouveau trio est profondément ancré dans les musiques telluriques étasuniennes. Le jazz par atavisme familial (Josh est le fils du regretté et mythique contrebassiste Charlie Haden) et le folk. Il est finalement logique que l'intérêt du groupe se soit ensuite déplacé vers des genre cousins comme le blues et la country qu'il mélange avec des sons venus du rock et de la pop indé. Ainsi, un concert de Spain prend la forme d'une ballade bucolique dans le patrimoine musical américain ce qu'a retranscrit le concert du soir, alternant les passages mélancoliques ("Ten Nights") et les brusques envolées de décibels. Passant d'un genre à l'autre, le trio fait preuve d'une cohésion remarquable et d'une maîtrise à toute épreuve (la version free de « World of blue » assez différente de l'originale). Enfin, Josh a ravit ses plus anciens fans piochant dans le répertoire des premiers albums (« Nobody has to know », « Untitled #1 ») pour le plus grand bonheur du public. Un chouette moment.
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mercredi 15 juin 2016

Interview avec Bror Gunnar Jansson



Avant de prendre d'assaut la scène de la boule noire de son show incendiaire, pour deux soirs de suite, Bror Gunnar Jansson, le très dark bluesman suédois, a accepté de se soumettre à la question...

Comment as-tu découvert le blues ?
Bror Gunnar Jansson : J'ai découvert le blues et bien d'autres musiques grâce à mon père. Il est musicien, bassiste.

Tes chansons ressemblent à des histoires, le cinéma a été une influence important pour toi ?
B. : Absolument. Lynch, Jarmusch, Gondry, Hitchcock, les frères Cohen, Argento, Sofia Coppola, Roy Andersson, Karismäki, Jeunet & Caro sont de grandes sources d'inspiration. Le fait de lire beaucoup de comics books (The Phantom, Asterix, Lucky Luke, Mega Marvel, Spider Man, Tintin) en grandissant m'a inspiré pour les histoires et les images.

Tes concerts sont assez intenses, comment te sens-tu sur scène ?
B. : Sur scène je ressens beaucoup de choses et je pense à beaucoup de choses aussi. Mais le plus important pour moi c'est de ressentir la connexion avec le public, l'énergie peut circuler librement entre moi sur scène et le public. La communication, c'est vraiment l'ingrédient clé pour faire du concert une expérience à la fois bonne et intense.

Tu as des inscriptions sur ta guitare…
B. : « Oh death, where is thy sting. » (Oh mort, où est ton dard, ndlr).

Le mal, la mort, il y a quelque chose de fascinant.

Pourrais-tu nous parler de William Joseph Dean, un personnage récurrent de tes chansons ?
B. : William est un de mes personnages préférés. Il est en partie inspiré d'une vieille légende de ma ville natale. L'histoire d'un sheriff maléfique, en partie inspirée par un des personnages de « Pretty Polly », une murder ballad traditionnelle. Sa mère s'appelait Mary Lee, une personne très religieuse, ayant peur de Dieu, qui pense que le mal se cache derrière toute source de plaisir. William est tombé amoureux de Polly étant jeune, avant de la tuer sans raison. Après, il devient de plus en plus vicieux, tue et mange ses victimes. Finalement, ses concitoyens de sa ville, Muddum, trouvent le courage de l'arrêter. Ils forment une sorte de mafia. William est attrapé, pendu et décapité. Mais plus tard, William revient d'entre les morts pour les hanter. J'ai enregistré plusieurs chansons sur William : Mary Lee, Pretty Polly, William Joseph Dean, He had a knife in his hand, William is back, Mean Old Billy's cry for freedom (j'ai enregistré cette dernière avec le groupe Det Blev Handgemäng).

Comment se fait-il que ton univers soit aussi sombre ?
B. : Ce genre d'histoire c'est vraiment mon truc. Le mal, la mort, le fait que les choses peuvent mal tourner, il y a quelque chose de fascinant.

Et pour finir, où est-ce que tu achètes tes fameuses chaussettes (rires) ?
B. : Je les achète chez un vieil homme appelé Sverker. C'est le propriétaire d'une vieille boutique abandonnée spécialisée dans les costumes et accessoires de cirque dans la banlieue de Göteborg.
Propos recueillis par email le 14 juin 2016.
En concert les 16 et 17 juin à Paris (La boule noire) avec Hoboken Division et Butch McKoy


mercredi 8 juin 2016

Bombino, Café de la danse, 7 juin 2016.

 BOMBINO CREDIT (c) MARIJE KUIPER

Hier soir, dans le cadre intime du café de la danse, le guitariste touareg Bombino était de passage pour un merveilleux concert aux allures de voyage immobile. La soirée a débutée pour un mini set acoustique, à base de guitare, de basse et de percussions hélas émaillée de quelques incidents techniques. Le bassiste, qui étonnamment joue avec des gants sur un instruments à cinq cordes vertes, apporte une solide assise rythmique complétée par le groove exotique des percussions. Ensuite, un changement radical s'est opéré alors que Bombino se saisit d'une guitare électrique. Est-ce les vertus de l'instrument ? Impossible à dire mais une guitare électrique en main, Bombino n'est plus le même et semble être emporté dans une transe impossible, s'agitant dans tous les sens. Et ce n'est pas un nouveau problème de retour qui va l'arrêter. Son jeu est empreint de blues, mais c'est au rock psychédélique que l'on pense à l'écoute du rendu live, sa guitare partant dans de longues dérives, arabesques instrumentales tissant un lien musical entre les traditions africaines et occidentales.

mardi 7 juin 2016

Ba Cissoko : « Djeli »



Déjà auteur d'un album au titre particulièrement évocateur « Electric Griot Land » (en référence à Jimi Hendrix), sorti en 2006, Ba Cissoko, griot guinéen, est de retour avec son quatrième disque. Alors que la musique s'écoule des enceintes, il apparaît au fil des titres que Ba Cissoko redessine la carte du monde, créant un nouveau continent où se retrouverait les musiques d'Afrique et d'occident, l'içi et le là-bas. Bien décidé à sortir la tradition mandingue de son carcan, afin de mieux la faire connaître, Ba Cissoko fait ainsi l'aller-retour et fait se rencontrer le n'goni, la kora (les airs folks traditionnels « Djougouya » et « Baye fall », le très beau et mélancolique « N'goni solo ») et une guitare furieusement rock ondulant sur des rythmes reggae (« N'fasso », « Teme »). Dans le même ordre d'idée Ba Cissoko ose pour la première fois le chant en français, « C'est pas facile », évoquant la difficulté de trouver sa place entre deux continents et l'arrachement que représente l'immigration et l'éloignement. Un bel album situé au croisement des cultures, exotique et proche à la fois.


dimanche 5 juin 2016

Jazz Oil : « Lamma »



« Lamma » signifie, en langue arabe, la rencontre. C'est aussi, accessoirement, le titre du premier album de Jazz Oil, groupe originaire de Tunisie. Et finalement, on ne saurait mieux résumer la chose. D'obédience jazz, comme son nom l'indique, Jazz Oil parsème sa musique d'effluves orientales par le biais d'instruments traditionnels (Qanun, Tounes). Les compositions, toutes instrumentales, du groupe sont construites selon un modèle alternant passages très électriques, rappelant la fusion jazz/funk ou le free, et la musique traditionnelle plus acoustique. Titre après titre, Jazz Oil bâtit ainsi un monde idéal où les cultures se mêlent plutôt que de se détester. Rafraîchissant et exotique.

samedi 4 juin 2016

Eli Paperboy Reed, La Boule Noire, 03 juin 2016.



Après bien des déboires niveau business, des hauts et des bas artistiques, notre homme Eli Paperboy Reed est de retour au meilleur de sa forme et nous l'a prouvé sur la scène de la boule noire en ce vendredi soir. Le chanteur s'est recentré sur sa musique et a retrouvé l'inspiration en retournant à la source, celle du gospel et de la soul. Le groupe s'est épuré, on l'a connu en grande formation (avec section de cuivres) puis expérimentant en trio, Eli a dorénavant trouvé son bonheur dans l'intermédiaire : guitare, basse, batterie et clavier. Désormais seul guitariste de son groupe, Eli a pris de l'assurance, instrument en main. Ses qualités de musicien et sa guitare rugueuse sont ainsi mieux mises en valeur dans cette nouvelle configuration dans laquelle on retrouve l'organiste JB Flatt et le bassiste Mike Montgormery (qui a abandonné la contrebasse au profit d'un instrument électrique), tous deux ex-membres des True Love qui l'ont accompagné pendant des années. Cette nouvelle formation s'apparente à un animal fou dégageant une énergie affolante et est bien aidé dans sa tâche par un nouveau batteur, Noah Rubin au swing dévastateur. Les titres du nouvel album profitent à fond de cette énergie (« A few more days »), le rock n'roll n'est jamais bien loin, et on redécouvre sous un jour nouveau les morceaux les plus anciens. Sur scène Eli est particulièrement impressionnant au niveau vocal. Sa manière de chanter est très particulière, entre cri et voix de velours, un « howl » très étrange où l'énergie se fait mélancolique. Jouant la proximité avec le public, généreux (il finira en nage) rigolant et s'éclatant sur scène, Eli joue avec la foule, l'invite à s'accroupir puis à sauter pour faire monter l'ambiance. Notons pour finir un magnifique rappel « What have we done » à quatre voix avec la guitare pour seul accompagnement. Accessible et proche du public, Eli restera ensuite de longues minutes pour signer des autographes. Un chic type que l'on est bien content de retrouver. Un concert d'Eli Paperboy Reed, c'est toujours la promesse d'un bon moment et on ne connaît pas de meilleur moyen de débuter le week-end.


jeudi 2 juin 2016

Fraser Anderson : « Under the cover of Lightness »



Il y a un an, l'écossais Fraser Anderson nous avait estomaqué avec ses torch songs délicatement ourlées tenant autant du folk que du jazz, réveillant le fantôme des grands disparus Nick Drake ou John Martyn. Après une campagne de financement participatif réussie lui ayant ouvert les portes du studio de ses rêves (Real World, propriété de Peter Gabriel) notre troubadour écossais est déjà de retour. De prime abord, rien n'a changé dans le petit monde de Fraser, sa voix délicatement perchée caresse toujours les oreilles des auditeurs sur de jolies mélodies nocturnes à dominante acoustique (« Simple Guidance », « Beautiful eyes », « Please let it go »). Hélas, les choses se gâtent lorsque Fraser se met en tête d'expérimenter avec l'électronique et les beats hip hop comme sur la première partie du diptyque « Go on wide » ou "With you all". Le résultat surprend, désarçonne et, il faut bien le dire, tombe comme une poignée de cheveux dans un délicat potage. Moins homogène, ce nouvel effort semble de prime abord moins indispensable que le merveilleux « Little glass box ». Néanmoins les bons moments sont suffisamment nombreux sur ce nouveau disque pour que l'on en recommande l'écoute.

mercredi 1 juin 2016

John Cunningham : « Fell »



Avec la sortie de ce nouvel album, John Cunningham s'apprête à rompre un silence discographique entamé, dans l’indifférence générale, en 2002. Soit quatorze longues années que les mélodies intemporelles du surdoué Anglais n'étaient pas venues nous hanter. Certains mystères restent insolubles et on ne s'expliquera jamais comment un tel talent n'a jamais eu la reconnaissance qu'il mérite. Car Cunningham est un prodige, un vrai, pas un de ces talents savamment marketés par un label en manque de « chiffre » et sur-vendu par une presse spécialisée en perte de vitesse. Sa discographie est sans tâche et ce nouvel effort, le sixième, ne fait que confirmer l'excellence passée. Tu penses avoir tout entendu, qu'il est rigoureusement impossible, en 2016, de surprendre tout en respectant à la lettre les codes de la pop établis dans les lointaines sixties ? Cela fait longtemps que tu n'es pas, littéralement, tombé amoureux d'un disque ? Écoute John Cunningham, mon pote, tu m'en dira des nouvelles ! Sa musique, entre pop et folk, possède cette immédiateté qui fait les grands classiques. Intemporel, « Fell » fait le lien entre les mélodies des Beatles et un soupçon de mélancolie à la Nick Drake. Et cela fonctionne dès les premières notes, l'auditeur est sous le charme, conquis. Mais Cunningham est aussi homme de risque et n'hésite pas à se promener hors des chemins battus. Avec « We get so we don't know » et la dissonante « For the love of money », l'Anglais propose de petites merveilles de pop tortueuse à souhait et jamais lourdingue (miracle!). Incroyable pour un disque enregistré « par erreur ». Qui peut en dire autant ? Personne ! Ce retour est une excellente surprise et peut-être bien la meilleure nouvelle de l'année. Ultra-conseillé.
http://www.johncunningham.co.uk/