Vendredi 13 février 2009 : Le dernier week-end du cru 2009 du festival sons d’hiver commence par un énorme coup de cœur pour le slameur Anthony Joseph et son bien nommé Spasm Band. Originaire de Trinidad, ce dernier nous a gratifié d’un concert aussi chaud (ça fait du bien) et humide que son île natale. Le Spasm band a la particularité de ne pas avoir un batteur mais trois percussionnistes, le mélange entre le djembé, typiquement africain, et les percussions latines créent une sorte de groove world assez irrésistible. Quant au batteur son kit est tellement réduit, une caisse claire et quelques cymbales, qu’il joue debout. Sur cet aspect « world » vient se greffer un saxophone typiquement free jazz, une basse très solide et une guitare wha-wha toute droit échappée d’une bande originale blaxploitation 70s. Et puis il y a notre lascar Anthony Joseph qui, finalement, chante beaucoup plus qu’il ne slamme et plutôt bien d’ailleurs. Belle voix, suave et chaude. Un bon chanteur donc et aussi un sportif accompli : 100 mètres, le long de la scène, saut en hauteur, gymnastique rythmique et sportive, contorsions diverses et variées, mais toujours en rythme. Quel athlète ! Il danse comme un dieu, la gente féminine adore. Showman accompli, il met le public dans sa poche dès la fin du deuxième titre. Le public s’agite devant la scène, ça chauffe dans les allées. Je suis assez fier de le dire, mais ce soir ça swingue sec dans ma banlieue de Créteil ! Il y eu un très beau moment quand Anthony Joseph a chanté avec pour seul accompagnement son guitariste, Christian Arcucci, qui porte des dread locks qui lui arrivent aux genoux, et public qui frappe des mains à l’unisson, comme le reste du groupe d’ailleurs. La communion entre l’artiste et son public est alors totale. Hélas, le concert s’achèvera bien trop tôt, les bons moments passent toujours trop vite de toute façon…
Changement radical d’ambiance avec Saul Williams l’autre slammeur qui a la lourde tâche de succéder sur scène à Anthony Joseph. Vous-vous souvenez peut-être de « Slam », film qui il y a une dizaine d’année a révélé Saul Williams. J’avoue que je l’avais un peu perdu de vue depuis. Pour son dernier opus Williams a été chercher une collaboration inédite avec Trent Reznor, le leader de Nine Inch Nails, qui artistiquement parlant est à son opposé. Donc sur scène, cela se résume à un déluge sonore entre électro et métal phrasé slam/rap en plus. A noter toutefois une reprise étonnante de « Sunday, bloody Sunday » de U2. Cependant il y eu dans l’œil du cyclone, alors l’énorme machinerie s’arrête, de véritables moments de poésie où Saul Williams déclame ses textes avec ardeur. Par contre la sécurité n’est pas à la fête, la scène est envahie par les spectateurs qui sautent dans tous les sens, les pauvres types de la sécurité sont complètement débordés, génial ! Saul Williams, pas un mauvais gars, congratule un par un le public venu le rejoindre sur scène et remercie tout le monde de s’être déplacé, c’est rafraîchissant et agréable. Et c’est sur cette note que s’achève cette avant dernière soirée.
Samedi 14 février : Comme l’année dernière, la dernière soirée du festival est consacrée à la Black Rock Coalition Orchestra qui délègue deux formations cette année. Tout d’abord, et il s’agit là du deuxième coup de cœur du week-end, The Yohimbe Brothers, le nouveau projet de la star, le guitar-hero, ex-Living Colour, Vernon Reid associé pour la circonstance à DJ Logic. Avec ce nouveau groupe, les deux partenaires dans le crime, revisitent la musique noire américaine du rock n’roll au hip-hop en passant par toutes les variantes jazz, soul et reggae qui soient. Et surtout, ils ont trouvé, tour de force, le point d’équilibre parfait entre efficacité, brute de décoffrage, binaire et expérimentation sonore, nappes synthétiques et scratches. La chanteuse à une très belle voix, soulful à souhait et le MC, Taylor McFerrin, apporte une touche hip hop plus moderne. Le résultat est assez irrésistible et échevelé à souhait. Les claviers, basse et batterie sont à l’unisson et nous ramènent dans des structures connues que DJ Logic se charge de faire exploser de l’intérieur à grands coups de scratches ravageurs. Un petit mot pour finir sur l’excellent batteur Don McKenzie, une montagne de muscles, entre force brute et swing.
Après cette excellente mise en patte vint ensuite l’événement du soir avec la toute première européenne de la dernière création de la Black Rock Coalition Orchestra, The Daughters of Nina, conçu comme un hommage (après celui à James Brown de l’an dernier) à Nina Simone. Elles sont donc 19 femmes, menées par la délicieuse Tamar-Kali, à mille lieues de ses assauts afro-punk-métal de l’an dernier, à rendre hommage à la grande Nina. Les 19 protagonistes n’interviennent pas en même temps, ce qui pourrait rapidement virer à la cacophonie, mais l’une après l’autre. Cela occasionne quelques flottements mais permet de varier avantageusement les ambiances, du quatuor à cordes à la section de cuivres. Seule la pianiste, Angela Johnson, est restée sur scène du début à la fin. Cette dernière s’est taillée un joli succès lorsque son tour de chant fut venu grâce à une interprétation toute en émotion chaleureusement saluée par le public. La pauvre, chavirée d’émotions, a fini le cœur au bord des lèvres et a aussitôt fondue en larmes. Autres grands moments les reprises de « Lilac Wine » avec les cordes et « Feeling good », interprété avec classe par Tamar-Kali. La batteuse Lauren Sevian a également été assez impressionnante, toute la soirée, c’est assez rare de voir des filles oser s’attaquer à cet instrument, il faut donc la saluer avec respect. C’est assez injuste pour les autres protagonistes mais la place manque pour les saluer toutes, elles ont été, cependant toutes excellentes sans exception. Et c’est donc sur cette soirée exceptionnelle que le rideau est tombé sur ce cru 2009 du festival sons d’hiver. A l’année prochaine.
www.myspace.com/yohimbebrothers