vendredi 29 décembre 2023

Tell Everybody !

 


Au fil des années, Dan Auerbach (la moitié des Black Keys) se sent de plus en plus à l’aise dans le rôle du passeur. Producteur de quelques légendes dont il perpétue la mémoire (Dr John, Son House), découvreur de talents, des juvéniles Ceramic Animal au vétéran Robert Finley, au sein de son label Easy Eye Sound, Auerbach s’est trouvé un nouveau rôle : sauveur du juke joint blues (attention, Jack White va être jaloux). C’est donc Dan Auerbach qui est le grand ordonnateur de la présente compilation, regroupant 12 titres, destinée à poser un regard sur la scène contemporaine. De RL Boyce qui ouvre le débat à Glenn Schwartz qui le ponctue (en solo acoustique), l’excellence est au rendez-vous. Et nous donne à retrouver quelques figures connues, Robert Finley, sublime comme d’habitude, le regretté Leo Bud Welch (décédé en 2017) qui fait une apparition d’outre-tombe, ou Auerbach lui-même, surpris en flagrant délit d’excellence par deux fois en solo (l’hypnotique « Every Chance I get ») et avec les Black Keys (« No Lovin’ » parfaitement exécuté dans la droite lignée de leur magnifique album « Delta Kream »). Au rayon des découvertes signalons les hypnotiques Moonrisers ou le grain de voix cabossé de Gabe Carter que l’on retrouve par deux fois. Et tant d’autres qu’on vous laisse le soin de découvrir car, non, le blues n’est pas mort, tenez-vous le pour dit, et dites le à tout le monde !

https://store.easyeyesound.com/




jeudi 28 décembre 2023

Pacôme Rotondo : « World of Confusion »

 


La pochette nous dit finalement tout. Un jeune homme assis sur un fauteuil sa guitare dans les mains. Dans le petit monde de Pacôme, tout tourne autour dudit instrument qu’il manie avec maestria. Trempé dans des influences très marquées, autour du blues et du gros son rock, Pacôme n’a pas son pareil pour tirer de son instrument des riffs qui tournent et vrillent l’oreille de l’auditeur (« Burning Winds » ; « You’re A Liar ») ou au contraire étirer les compositions pour leur conférer cet aspect planant, quand il ne décide pas de faire les deux en même dans un écart stylistique dont lui seul à le secret (« Love Means Life »). Misant sur la puissance brute de décoffrage, typique du power-trio, aidé dans sa tâche par une section rythmique aussi solide que du béton, il n’y a pas grand-chose à reprocher sur le strict plan musical à cet album. Un flirt un peu poussé vers le métal de temps en temps, qu’une jolie maîtrise acoustique (« Dancing Queen ») et mélodique (« Interlude ») compense amplement. La limite viendrait plutôt du chant, des coups de gorge pas très bien maîtrisés surjouant le côté guttural et graveleux. La voix se révèle finalement assez clivante, tellement spécifique qu’elle marque les esprits, en bien comme en mal. Une maladresse que le temps corrigera probablement. Un album qui, quoi qu’il en soit, respire la passion et le travail bien fait.

https://pacomerotondo.com/

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mardi 26 décembre 2023

Robert Finley : « Black Bayou »

 


Et dire que si sa route n’avait croisé un jour celle de Dan Auerbach (la moitié des Black Keys et patron du label Easy Eye Sound), nous serions passé à côté d’un sacré talent ! Robert Finley donc, nous le disait dès son premier album : « Age don’t mean a thing » (sorti en 2016 sur Big Legal Mess), il avait à l’époque 62 ans. Sept ans plus tard Finley sort son quatrième album (le troisième pour le label d’Auerbach) et il temps d’apporter une petite correction à son assertion initiale. L’age change quelque chose, il permet de se bonifier ! Ainsi ce nouvel effort tient à la fois du miracle et du petit bonheur d’écoute. Il est bien évidemment question de blues, aussi poisseux que les marais de sa Louisiane natale (« Sneakin’around ») aux cuivres funky du plus bel effet (« Waste of time »). Remarquablement produit, groove à tous les étages, diversifié mais parfaitement cohérent, le son a fait l’objet d’un soin tout particulier (une constante chez Auerbach) les guitares et la section rythmique sonnent swampy à souhait. En résumé, l’écrin est à la hauteur de la singularité vocale de Robert Finley, une voix rocailleuse, trahissant le vécu, cabossé avec une petite cassure soul dans le fond de la gorge. Profitons-en tant qu’il est encore là !

En tournée française dans le cadre du festival des Nuits de l’Alligator du 23/01 au 11/02

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dimanche 24 décembre 2023

Dr Sugar : « These words »

 


Après plusieurs aventures en compagnie de groupes (Marvelous Pig Noise, Hush, Sugarcane) le temps était venu pour Pierre Citerne de se lancer en solo. Et aussi de renouer avec sa passion première, la Nouvelle-Orléans dont l’ombre plane sur la totalité du disque, enregistré dans la région de Montpellier en compagnie de l’excellent batteur Niko Sarran (Red Beans & Pepper Sauce). De très haute tenue, le résultat est plus vrai que nature et plonge l’auditeur en plein bayou à peine le cd (à la très belle finition vinyle) inséré dans le lecteur. Les doigts de notre docteur Sugar dévalent sur le piano avec groove et agilité rappelant au passage un autre illustre docteur nommé John (« Ready to give love again »), le sens de l’humour en plus (« Drinking muddy water »!) L’orgue, les cuivres et les chœurs gospel permettent de prolonger l’expérience mené par le groove expert de la section rythmique. Il y est donc question de soul option funk sans oublier un nécessaire détour par le blues soulful (« Half-hearted lovin’ »). Comme Pierre le chante si bien, « I want to go to New-Orleans », rappelant en cela la démarche de Jon Cleary, fameux Anglais expatrié dans la cité du croissant. Et à défaut d’embarquer dans le premier avion venu, écouter ce merveilleux album c’est voyager un petit peu.

http://www.drsugar.org/

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samedi 23 décembre 2023

Christina Rosmini, Studio de l’Ermitage, 21 décembre 2023.

Alors que les rues sont humides et balayées du vent mauvais de décembre, c’est un véritable plaisir de retrouver, sur scène, l’univers aussi réconfortant qu’un doudou de Christina Rosmini. Installée à Marseille, Christina ramène partout où elle chante, du soleil et de la chaleur. Chaleur humaine tout d’abord tant ses textes sont empreints d’humanisme et de considérations écologiques, délivrées sans donner de leçons mais avec toujours un état d’esprit positif. Chaleur musicale ensuite grâce à son accent chantant mis au service de nombreuses langues, du français à l’espagnol en passant par les dialectes vernaculaires mexicains. La musique chante le sud, des guitares (souvent acoustiques mais uniquement) au cajon, instruments qui à eux seuls exhalent le soleil, sous oublier le piano et la basse et les nombreuses « petites percussions » utilisées par Christina qui apportent cette note chaude et voyageuse. Sur scène, Christina Rosmini est charismatique et incarne une présence solaire, son prestation est mise en scène comme une pièce de théâtre, changement de costume et tour de magie lumineux à l’appui. Tous les ingrédients sont réunis pour une magnifique soirée.

https://www.christinarosmini.com/

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vendredi 22 décembre 2023

Songs For Eloa

 


Alors que l'année s'achève, rendons un dernier hommage à notre amie attachée de presse Eloa Mionzé qui nous a quittés, de manière totalement inattendue, en avril dernier. La présente compilation regroupe des artistes amis avec lesquelles elle a travaillé (Bender, Archi Deep, Daniel Jea, L'Ambulancier, Myosis, Glenn Over) ainsi que le groupe Les Iguanes, formé pour l'occasion, qui reprennent "The Passenger" d'Iggy Pop en français. Tous les bénéfices de la compilation iront aux enfants d'Eloa.




jeudi 21 décembre 2023

Delphine : « Hyperrêve »

 




Derrière l’étonnant pseudonyme se cache Samuel Lequette, dont le nouvel EP (cinq titres) a été produit par l’excellent, le légendaire Bill Pritchard ! Dépouillé, on y entends guère que des arpèges de guitare et quelques notes éparses de clavier, Delphine se niche dans une enclave entre folk, pop et chanson française de haute facture. Vaporeux et mélancolique, l’accompagnement minimaliste convient à merveille au timbre de voix de Samuel. L’ambiance y est ainsi particulière, mi-figue/mi-raisin, évoquant la souffrance et le deuil amoureux (« Je vous vois encore ») mais aussi la magie de la rencontre (« Mon plus intime confident »). Superbe, doux et délicat, c’est peut-être ça l’hyper rêve...




mardi 19 décembre 2023

Geese : « 4D Country »

 


Rock’n’roll band from New York City. Depuis combien de temps n’avions pas eu l’occasion d’utiliser cette phrase ? Autant dire, que l’apparition de Geese, il y a deux ans, avait particulièrement fait plaisir, ne serait-ce que pour perpétuer cette tradition (Velvet Underground, Television, Sonic Youth, New York Dolls, Kiss etc.) en totale perdition ces dernières années. Mais au-delà du cliché, les qualités musicales propres à Geese suffisent à faire l’unanimité. Il s’agît, en l’espèce, de prendre des gants pour être sûrs de ne rien oublier, car Geese propose un sacré et détonnant cocktail. Il y a tout d’abord le post-rock/punk adage de l’époque que le groupe a su faire sien. Mais pas que. Au fil des titres de ce nouvel EP Geese se fait tour à tour psychédélique, progressif ou classic-rock. Un peu pour tous les goûts en fait sans que la remarquable cohérence de l’ensemble n’en souffre. Et enfin pour finir, Geese possède cet élément incontrôlable, aussi rare qu’indéfinissable, qui fait vriller les chansons suivant les coups de folie des musiciens. Ainsi, le groupe affiche une capacité à partir dans n’importe quelle direction, et d’emporter l’auditeur avec eux, un espèce de grand délire qui n’est pas sans rappeler Frank Zappa. Mais il convient de ne pas se laisser abuser par l’aspect volontairement (mais faussement) foutraque de l’ensemble, joyeusement affiché ici. La musique de Geese est, dans le fond, pensée dans ses moindres détails. L’avantage est que l’on ne risque pas de se lasser, tant chaque nouvelle écoute révèle de nouveaux détails. Bref, voici une affaire à prendre très au sérieux. Tant mieux !

https://geeseband.com/

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lundi 18 décembre 2023

Lisa Oribasi : « Red Earth Live Session »

 


Inconnue au bataillon jusqu’alors, la jeune Suissesse vient de nous gratifier d’une session live de toute beauté. La guitare acoustique posée sur les genoux, il serait facile de classer la chanteuse dans la rubrique folk, ce qu’elle n’est que partiellement. Car, si la guitare acoustique fait totalement partie de son univers, ce dernier est constitué de pistes multiples cochant autant de cases au passage. Il y a tout d’abord son grain de voix, charmant, et toutes les intonations que la chanteuse peut apporter à son chant, qui rappelle la soul music. A ces influences classiques, Lisa rajoute une note plus contemporaine, par la grâce de sa voix toujours. Ainsi c’est un flow hip-hop qui s’ajoute à la table ainsi que quelques intonations reggae. Le songwriting enfin rapproche l’artiste de la pop. Pop, soul et folk constitue le triangle sur lequel s’appuie la chanteuse. Mélodique, doux, entraînant et ensoleillé, c’est toujours bon à prendre.

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samedi 16 décembre 2023

Batlik, La Maroquinerie, 15 décembre 2023.

En dépit de ses propres termes, l’artiste se décrit comme « confidentiel », la Maroquinerie est bien pleine, si ce n’est complète, en ce vendredi soir pour sa dernière prestation parisienne ; après l’annonce de l’arrêt de sa carrière musicale, programmée après la sortie d’un magnifique dernier album. L’émotion est donc forte et parcourt la salle, mais pas forcément la scène, Batlik affichant un certain détachement et aucune peur du vide. Le public quant à lui semble prêt à chavirer à chaque instant. Le fait est que Stéphane Batlik a mis les petits plats dans les grands pour cette dernière, accompagné d’un clavier, d’une batterie et de deux cuivres. C’est aussi une nouvelle ère pour le chanteur, l’absence d’Alice Animal à la deuxième guitare a incontestablement une influence et le rendu global est nettement moins rock. Cependant, la présence des deux cuivres apporte une touche envoûtante et hypnotique à la musique. Le jeu de guitare, si particulier, et son son très travaillé et assez bas dans les basses y joue pour beaucoup également. Est-ce parce que la fin est proche, mais sur scène, Batlik affiche un sens de l’humour imparable, notamment lorsque la guitare tombe en panne décrivant, en rigolant, une scène digne d’un cauchemar. Un tabac récompensé par deux rappels et un tonnerre d’applaudissement très émouvant. Il reste encore quelques occasions de le voir sur scène un peu partout en France d’ici le printemps, et vous seriez bien avisés de ne pas les louper !

https://www.abrulepourpoint.com/

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jeudi 14 décembre 2023

Lux The Band : « Before Night Falls – The Black Box Sessions »

 


Lux the band profite des fêtes de fin d’année pour sortir un nouvel EP de cinq titres qui s’annonce comme le parfait complément de l’album « Gravity », qui fête par ailleurs son premier anniversaire. L’EP retranscrit une session enregistrée live au Studio Black Box et se compose de trois titres extraits de l’album et, chose relativement rare pour le groupe, de deux reprises piochées avec goût chez Neil Young (« Cinnamon Girl », dans une version survoltée et efficace) et PJ Harvey (« You said something » en version duo acoustique). Et avouons-le, c’est un plaisir de retrouver la puissance de la formation en live, real to reel, parfaitement restituée en l’espèce, la section rythmique pulse dans une euphorie contagieuse et Sylvain manie sa guitare avec sa virtuosité habituelle, délivrant quelques soli d’anthologie au passage (« Chemical Love », « Lullaby »). Voici donc un EP qui ravira les nostalgiques du classic-rock ou du rock des années 60, 70 de manière générale, dont ils s’approprient les codes avec talent. De plus, les recettes de l’EP seront reversées durant la fin de l’année à la World Central Kitchen qui lutte contre la faim dans le monde. A écouter pour se faire plaisir tout en faisant une bonne action.

mardi 12 décembre 2023

BlauBird, La Manufacture Chanson, 11 décembre 2023.

Une présence solaire et lumineuse qui fait oublier, une petite heure et demie durant, les tracas du quotidien, c’est un peu ça BlauBird. Il y a plusieurs raisons à cela, son sourire et son charisme et puis, surtout, la musique et les textes. Il y a, dans le creuset des émotions qui constitue le corpus de BlauBird, quelque chose qui nous ramène à l’essentiel. La vie, la mort, l’absence de nos chers disparu(e)s. Ainsi la voix du grand-père de la chanteuse, enregistrée et sauvegardée comme par miracle, chantant le mythe de « La Lorelei », utilisée comme un sample pendant le concert sonne comme un rappel urgent du côté éphémère de toute chose (ou presque) ici bas. Ainsi, alors que sa voix s’élève au-dessus des notes mélancoliques du piano, les émotions se bousculent dans le cerveau de l’auditeur alors que les gorges se nouent et les yeux se gonflent. Au fil du concert, BlauBird nous conte une histoire, un fil qui relie les chansons les unes aux autres, un récit appuyé par de nombreux dialogues extraits de films samplés, comme autant d’interludes. Et puis il y a les musiciens invités, le merveilleux Nicolas Beck, un habitué désormais, dont le tarhu aux cordes pincées ou frottées procurent une sensation mélancolique prégnante. Le saxophone de Rémi Fox aux effluves orientalisantes colorant une improvisation jazzy d’allure quasi-psychédélique. Et la sublime chanteuse Siân Pottok dont le n’goni (sublime reprise de « Donna » en anglais et en yiddish) rajoute de nouvelles notes inédites dans le dialogue entre les cultures (« Fairuz » en yiddish, arabe et français) établie par la chanteuse, et qui constitue une de ses marques de fabrique.

En concert le 22 janvier à La Manufacture Chanson.

https://blaubird.com/

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dimanche 10 décembre 2023

Joy Denalane : « Willpower »

 


Bien décidée à relancer sa carrière internationale (comprendre chantée en anglais) après le magnifique « Let Yourself Be Loved », sorti en 2020, dont les ailes furent coupées net par la pandémie, Joy est de retour avec un nouvel album marqué par le décès de son père, entre résilience et mélancolie (« Revolutions »). Une manière pour l’artiste de reprendre le fil de sa carrière après un intermède soul rétro sorti sur le label Motown. Aujourd’hui, la chanteuse ne s’inscrit plus exclusivement dans cette veine nostalgique (toujours très présente néanmoins) et ce nouvel effort la voit collaborer avec un rappeur (« Happy » avec Ghostface Killah) pour la première fois depuis le « Born & Raised » de 2006. Langoureux, l’album est marqué du sceau de l’élégance, le groove déployé y est soyeux avec force claviers vintage assurés de Roberto Di Gioia (également co-producteur de l’album). En ce sens, l’album prend avec panache la relève des productions de la Motown 70s, un peu de jazz et un peu de psychédélisme à la clé (sublimes « Far Cry » et « Hideaway »). Un registre qui convient parfaitement à la chanteuse et à la sensualité de son chant. Une éclatante réussite.

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Et en bonus une toute nouvelle chanson de Noël inédite qui ne figure pas sur l'album :




samedi 9 décembre 2023

Stacey Kent : « Summer me, Winter me »

 


Un nouvel album de la chanteuse américaine est la promesse de retrouvailles chaleureuses, un cocon musical doux et délicat où l’élégance le dispute au raffinement, un disque à écouter pour se laisser bercer quand dehors il fait gris, il pleut et il fait froid. Mais qu’importe puisque avec ce nouvel effort, la chanteuse fait briller le soleil par les enceintes (cf. la reprise de « Corcovado » ; « Happy Talk »). Ce nouvel album ne faillit pas à la tradition, le grain de voix de la chanteuse s’y fait aussi charmant qu’à l’accoutumée et, une fois encore, l’accent mis sur la France est parfaitement assumée par la chanteuse, bilingue francophone (« La Valse des Lilas » de Michel Legrand, « Ne me quitte pas » de Jacques Brel repris par deux fois en français et en anglais) à la diction parfaite. Ainsi c’est à un voyage transatlantique musical où nous sommes conviés bercés par le chaloupement de la contrebasse, le swing délicatement ourlé de la batterie, les cuivres discrets et les touches du piano effleurées. On aurait tort de refuser.

En concert le 13 mai 2024 au Théâtre de l'Odéon (Paris - Festival Jazz à St-Germain-des-Prés) et le 16 mai 2024 à l’espace Marcel Carné (St-Michel-Sur-Orge)

https://staceykent.com/

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vendredi 8 décembre 2023

Brigitte Calls Me Baby : « This House is Made of Corners »

 


Le groupe chicagoan sort son premier EP et pose, immédiatement, un énorme cas de conscience au chroniqueur. Posons les choses en ces termes. Puisque tous les groupes rappellent systématiquement quelque autre formation plus ancienne, il n’est pas interdit de penser que le rock tourne en rond. Mais on peut également réfléchir à revers et penser qu’à force d’associations improbables associations d’influences, on finit par écouter quelque chose de nouveau. Et, niveau grand écart, Brigitte Calls Me Baby se pose là. Et avouons-le tout net, le principal point d’attraction du groupe et de ces cinq titres inauguraux réside en la personne de Wes Leavins, son chanteur. Une voix classe et maniérée, maniant le trémolo comme on ne l’entendait plus depuis des années. Il y a du Morrissey en lui (« Impressively Average »), du Roy Orbison voire du Elvis également (« Eddie My Love », la meilleure plage de cette première livrée). La musique ? Une somme d’influences trop évidentes (pour l’instant) allant des Strokes (« You Are Only Made of Dreams ») aux Smiths. Un défaut qui devrait normalement s’effacer avec le temps, à supposer qu’ils n’explosent pas en vol d’ici là. Un EP de très bonne facture cependant mais dans le fond un peu vain.

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jeudi 7 décembre 2023

Bordelophone : « Noir Fluo »

 


Déjà repéré sur la foi d’un excellent premier album, Bordelophone fait une fois de plus honneur à son patronyme avec ce nouvel EP (en attendant le deuxième album), musicalement aussi paradoxal que son titre. En effet, Bordel (pour les intimes) synthétise à merveille l’art de sauter du coq à l’âne et, se faisant, d’abolir les frontières entre les genres. Aussi étonnant que cela puisse paraître la formation instrumentale vient du jazz et cela s’entend, notamment grâce à la trompette (cf. « Noir Fluo »), avant que les guitares ne viennent mettre le proverbial bordel sous-entendu semant le chaos en passant du gros rock (« Keep it hot ») au reggae où à la surf music (« Surfin in Bordelotown »). Le tout sans jamais se départir de leur virtuosité, normal attendu que la moitié du groupe enseigne au conservatoire. Excellent !

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dimanche 3 décembre 2023

Popincourt : « We were bound to meet »

 


Dandy à l’allure toute britannique, Olivier Popincourt agite le Landerneau pop d’ici depuis une dizaine d’années. Posant énamouré à côté de sa guitare, « Nous étions faits pour nous rencontrer » nous assure-t-il. Connaissant ses goûts (Paul Weller, Elvis Costello) et, au-vu de la qualité mélodique de son dernier effort (le troisième), il semble qu’effectivement cela soit le cas. Pas revivaliste pour un sou, mais peut-être bien nostalgique (cf. « Song for Yeu » nommée d’après l’île du même nom en Vendée), Olivier est passé directement à l’étage supérieur : celui d’un album intemporel. Superbe écrin pop en vérité que celui-ci : langoureux, passé au filtre de la soul, et richement arrangé avec force claviers autant vintage (piano, orgue) qu’élégants, des cordes soyeuses et de délicats arpèges de guitare mélancoliques (« Little Rainfall, intense sunshine »). Soulignons également la modestie de son auteur qui n’hésite pas à se mettre en retrait, laissant le chant lead aux amies de passage, Gabriela Giacoman (la chanteuse de French Boutik) ou Susanne Shields, simplement dans le but de rendre la chanson meilleure. Une réussite éclatante.

https://www.popincourtmusic.com/

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samedi 2 décembre 2023

They Call Me Rico : « Wheel of Love »

 


Cela fait quelques années que Frédéric Pellerin, le Québecois installé à Lyon, n’avait plus donné signe de vie discographique. Un hiatus qui préparait en fait le retour en grandes pompes de l’ex-one man band (si le travail en studio reste solitaire, il est accompagné d’un groupe pour les concerts). Un retour méticuleux, soigné et ouvert à de nouveaux horizons musicaux. Si la base en reste le blues et le rock (le rageur « Wheel of Love »), le premier titre de cette nouvelle livrée pour le moins ramassée (huit chansons), « You Done Me Wrong » surprend par son utilisation judicieuse de synthés pour créer une toile hypnotique tenant l’auditeur en haleine sur une durée assez longue (6 minutes). La première surprise d’une longue série proposée par l’album et autant de détour vers le folk (« Sorry if I kept you waiting » ; « Please don’t go »), la pop (« Ease my mind ») ou la soul qui parsèment le disque en autant d’arrangements audacieux, sans jamais perdre de vue l’électricité. Jouant ainsi avec les contraires They Call Me Rico accouche d’un album à la fois éclectique et cohérent. Un retour aussi surprenant que réussi.

https://www.theycallmerico.com/

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vendredi 1 décembre 2023

Jimmy Diamond : « You Radiate »

 


Ah les mystères de la création ! Est-ce pour échapper à la morne plaine grise hollandaise (Lemele, à proximité de la frontière allemande) dont ils sont originaires que Jim Zwinselman (guitare, pedal-steel, chant), Ruud Gielen (batterie) et Floris Poessé (basse) ont formé Jimmy Diamond, transformant un trio batave en groupe étasunien plus vrai que nature ? Dans la lignée de leurs compatriotes Alamo Race Track, Jimmy Diamond a rêvé, en grand, d’Amérique, d’un couché de soleil dans le désert entre deux cactus (cf. la pochette), d’autoroutes à perte de vue traversant le désert sous un ciel au bleu céruléen. Avant d’y poser le pied pour de vrai, à Los Angeles dans le studio de Kevin Ratterman, pour enregistrer leur premier album en deux semaines tout pile et d’y faire voyager ensuite quiconque aura la chance de poser une oreille sur ce merveilleux disque. De fait, Jimmy Diamond s’inscrit dans une esthétique assez originale. Un grand tout fantasmé où indie rock, roots et americana se côtoient harmonieusement. D’un côté il y a cette lap-steel cotonneuse et de l’autre ces guitares indie avec force écho. Le chant éthéré de Jim Zwinselman rajoute une couche au rêve éveillé des compositions à l’avenant (cf. « Let’s not get used to this »). Remarquablement cohérent d’un bout à l’autre l’album plonge l’auditeur dans un entre-deux à la fois planant (cf. la coda de « Chase the moon ») mais pas totalement dénué d’aspérités rock’n’roll (« In the dark » ; « You Radiate »). Superbe disque !

En concert le 27 janvier 2024 (La Maroquinerie – 1ère partie d’Israel Nash)

https://www.jimmydiamondofficial.com/

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jeudi 30 novembre 2023

Batlik : « Numéro 13 »

 


Au fil des treize albums sortis tout au long de son parcours, long de deux décennies, Batlik aura réussit à mettre au point une formule en tous points fascinante. Que d’échos résonnent dans ses guitares précieuses ! Tout d’abord il y a chez Batlik un amour des mots, sans érudition ostentatoire, une recherche de la formule juste, de la chanson qui plonge l’auditeur dans un abîme d’émotions. Un genre bien trop réducteur pour l’artiste qui se garde bien de rentrer dans une case en particulier. Une sorte de tension sous-jacente anime sa musique, perceptible dans chaque geste. Dans ses arpèges de guitares balancés avec minutie, dans la batterie dont le coup de fouet réveille l’auditeur, dans les cuivres parsemés ça et là qui nous transportent en plein désert, une poignée de sable sonore balancée à nos oreilles (« VV » ; « Baiser »). Chez Batlik on peut entendre, au choix, du folk, du blues, du rock ou de la chanson. Chaque genre est abordé par un prisme personnel, qui n’appartient qu’à lui. Le rendu est unique en son genre et atteint ce but rare, la musique au-delà du style et une ambiance qui finit par prendre à la gorge. Ce nouvel album est annoncé comme son dernier. Il va nous manquer.

En concert le 15/12 à La Maroquinerie.

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dimanche 26 novembre 2023

Jim Jones All Stars, Petit Bain, 25 novembre 2023

 

C’est peu dire qu’il nous avait manqué ! Forcé au renouvellement après la pause forcée due aux confinements l’Anglais Jim Jones nous revient avec un nouveau groupe les All Stars. Une transformation habituelle pour le chanteur, ancien leader des Thee Hypnotics, Black Moses, Jim Jones Revue et Jim Jones & The Righteous Mind. Et encore une fois, il s’agît pour Jim Jones de s’approprier l’histoire (cf. les nombreuses reprises qui ont émaillées le set) mais aussi son histoire personnelle reprenant en public le répertoire de la Jim Jones Revue (reprise mortelle de « Burning your house down ») pour la première fois depuis la mise à l’arrêt du groupe il y a une dizaine d’années maintenant. Côté musiciens on retrouve dans cette nouvelle formation l’inamovible Gavin Jay, ancien bassiste de la Revue et de Righteous Mind et Elliot Mortimer (ex pianiste de la Revue), Chris Ellul (le batteur de The Heavy, absent ce soir sur scène) et deux saxophones (contre trois sur l’album) ainsi que le guitariste Carlton Mounsher. Un sublime album, « Ain’t no peril » vient de sortir que le groupe défend sur scène avec conviction ce soir. Dès le premier titre on est estomaqués, scotchés sur place, par la puissance de la batterie et des guitares. Le bassiste Gavin Jay envoie des lignes énormes tout en gesticulant dans tous les sens, il est à l’évidence en très grande forme. Quant à Jim Jones, ce dernier hurle toujours aussi bien avec les années. Parti sur des bases aussi fortes, le soufflé pourrait retomber aussi vite. Il n’en est rien car à la puissance sonore, s’est adjoint un geste musical, plein de swing et de feeling, de très grande classe. C’est précisément là que se situe l’apport du piano et des deux saxophones. Modérer la puissance par la musicalité. Nous sommes ainsi passés par tous les états au fil de la soirée. Une véritable leçon de rock’n’roll.

https://www.facebook.com/JimJonesAllStars/

https://jimjonesallstars.bandcamp.com/





samedi 25 novembre 2023

Laudanum : « As black as my heart 4 : 1»

 


Après une décennie d’absence, Matthieu Malon (chanteur auteur et compositeur très attachant par ailleurs entre pop rock et chanson) réactive son projet électro Laudanum. Un retour en très grandes pompes pour l’artiste dont le quatrième album se divise en trois parties. Les deux premiers volumes sont sortis respectivement en septembre et novembre, le dernier arrivera au mois de janvier. Trois albums donc faisant honneur au patronyme de l’auteur. En effet, apparu au 16ème siècle, le laudanum est une teinture alcoolique d’opium, aux effets particulièrement addictifs. Un adjectif qui convient à merveille à la musique de Laudanum. Seul derrière ses machines et avec l’aide d’une pléiade d’invités, Laudanum met au point une toile, semblable à celle d’une araignée, laquelle ne manquera pas de scotcher l’auditeur. On oserait presque parler de psychédélisme moderne si ce n’était la tonalité relativement dark (cf. le titre) de l’ensemble. Tout est affaire de rythme, que celui-ci soit imprimé par une vraie batterie (Philippe Entressangle) ou une boîte à rythmes réglée à la perfection (cf. « ReZisTanZ ») qui fait vriller les oreilles. La tonalité synthétique, parfois agrémentée de guitares électrisantes (« Howl in the dark »), est assez sombre et proche des années cold-wave, la décennie 80 (The Trophy Room ») ou plus dansante (« I want the horizon ») enveloppe le tout d’un voile hypnotique aussi entêtant que persistant. C’est un fait : l’écoute hante longtemps après la fin du disque.

En concert le 27/11 (Petit Bain)

https://www.facebook.com/welovelaudanum/





jeudi 23 novembre 2023

BlauBird, Manufacture Chanson, 20 novembre 2023

A la fois fidèle à son univers mais en constante évolution, BlauBird n’a de cesse de nous surprendre. Ainsi son retour à la Manufacture Chanson, pour un set complet, le premier depuis longtemps après une longue série de showcases et de premières parties, la voit accompagnée d’un nouveau musicien, Nicolas Beck, au tahru. La connaissant, on s’imaginait avoir affaire à une improbable viole scandinave d’un siècle passé. Et non, absolument pas, le tahru est un instrument récent apparu entre les années 1970 et 1980 dont la sonorité rappelle le violoncelle. Intrinsèquement mélancolique, le son du tahru s’accorde à merveille à l’univers de BlauBird. Sa musique nous touche autant, surtout sur scène, car elle nous ramène à quelque chose de foncièrement essentiel : la vie, la mort, l’absence. On l’a maintes fois répété, et le phénomène se renouvelle à chaque concert, sur scène, BlauBird nous émeut aux larmes. Le visage tourné vers le ciel, les yeux gonflés, alors que les notes s’échappent du piano, à l’évocation de chers disparus (son grand-père, la chanteuse Barbara), l’émotion nous gagne une fois encore. Et pourtant le concert du soir révèle de nombreuses surprises, exhumant des titres peu joués jusqu’alors (« Daddy » extrait du premier album) ou à l’occasion d’un sublime duo folk avec Lonny, dans une configuration guitare classique/voix assez rare, leurs deux voix s’harmonisant à merveille. Sublime soirée.

En concert le 11/12 à la Manufacture Chanson

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dimanche 19 novembre 2023

Great Lake Swimmers : « Uncertain Country »

 


Débuté il y a 20 ans avec une approche folk rustique, avec des albums enregistrés dans des églises et autres improbables silos à grains du siècle dernier (en dignes héritiers des Cowboy Junkies), les Canadiens prennent une nouvelle envergure avec ce nouvel effort. Un changement de direction qui les voit s’éloigner, un peu du folk pur et dur, pour mâtiner leurs guitares acoustiques (on ne se refait pas totalement) d’un soupçon de pop. Ainsi le son de ce nouvel album est ample, avec de l’écho, arrangé avec des claviers et des guitares électriques, et une rythmique qui pulse à rythme d’enfer (« Riverine »). Loin de nager en eaux troubles, le groupe joue la sécurité et alterne les morceaux intimistes basés sur une émotion vive véhiculée par la voix de Tony Dekker et chansons plus enlevées (« Swimming like flying ») qui devraient logiquement faire un tabac sur scène. Les véritables pépites se trouvent, à notre humble avis, dans la première catégorie (« I tried to reach you » ; « Moonlight, stay above » ; « Quiet before the storm ») mais l’ensemble, d’excellente facture, constitue une sublime virée au pays des grands lacs.

En concert le 4 décembre à La Boule Noire

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samedi 18 novembre 2023

Logan Ledger : « Golden State »

 


Incarnant une time capsule idéale, par la seule grâce de sa voix, le jouvenceau Logan Ledger nous propulse dans les années 1950 avec ce deuxième album. Un idéal fantasmé fait de country, de folk et de rock’n’roll des pionniers. Et ce ton si particulier de la voix trouvé par l’artiste, finalement autant crooner que rocker. Le numéro de charme peut commencer et il dure 10 plages durant, soit autant de chansons, toute d’une qualité superlative et marquées du sceau de l’élégance, batterie aux balais, swing détendu et laid-back : voici l’album idéal pour roucouler les longues nuits d’hiver en rêvant au printemps et à l’été à venir. La bande son du soleil couchant sur la nature verdoyante. Qu’il est doux de visiter en musique ce « Golden State » rêvé. Une pépite !






jeudi 2 novembre 2023

Gurl : « Maybe we’re not kids anymore »

 


Le tout jeune power-trio sort son deuxième EP en à peine trois ans d’existence. C’est peu dire que les choses vont vite pour Gurl ! Comme décidé à ne pas perdre son temps, le groupe fonce pied au plancher, toutes guitares dehors, tout en prenant d’admirer les bas-côtés de l’existence. Peut-être que nous ne sommes plus des enfants songent-ils en tirant de la sentence une petite collection de chansons, pas tout à fait mélancoliques mais assez énergiques, dont la dimension électrique est contenue. Surf music, rock garage et grunge cohabitent, en toutes circonstances le trio ménage son aspect mélodique. La dernière plage prouve également que le trio est aussi très habile en acoustique. Une affaire à suivre.

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mercredi 1 novembre 2023

Jean-Philippe Goude : « Le salon noir »

 


Alors que n’a pas tout à fait sonné l’heure des bilans de fin d’année, c’est pour bientôt, l’un des événements marquants aura certainement été le retour dans les bacs de Jean-Philippe Goude après quinze ans d’absence. Compositeur aux accents classiques, ce dernier signe un retour des plus ambitieux avec un double album pantagruélique contenant 19 pièces. Un effort colossal, dont le titre est inspiré du site préhistorique de la Grotte de Niaux (sise en Ariège) : le salon noir qui orne la pochette. Un salon que Goude se fait fort de nous faire visiter en musique, usant à merveille du piano mélancolique (« La Rage »), étrange lorsque ledit instrument est préparé (« Deci-delà » ; « Tomber dans les fragments ») ou des cordes stridentes (« Même les étoiles »), mettant ainsi en harmonies mélancolie et autres angoisses nocturnes (« J’habite une blessure »). Entêtante, obsédante, l’œuvre impressionne par sa grandeur, sa grandiloquence, digne d’une bande originale de Bernard Herrmann pour Hitchcock. Un sentiment encore surligné par les textures sonores concoctées par le compositeur (dont il est également friand), contrastant avec l’esthétique classique de l’ensemble. La musique happe littéralement l’oreille de l’auditeur pour mieux lui en faire voire de toutes les couleurs. Ecouter cet album est comme monter dans un ascenseur émotionnel faisant passer par tous les états. Enfin, et il est important de le souligner, l’album signe la rencontre de Goude avec un instrument inattendu et jusqu’ici peu utilisé dans l’univers de Goude : la voix. Celle du contre-ténor Paulin Bündgen que l’on retrouve sur 8 plages incarnant ces différents états d’âme. Sans doute la bande originale idoine pour l’automne et l’hiver.

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mardi 31 octobre 2023

Alamo Race Track : « Greetings from Tear Valley and the Diamond Ale »

 


Groupe américain plus vrai que nature, ils sont en réalité Hollandais, Alamo Race Track est de retour dans les bacs après 17 ans d’absence ! Un événement d’importance donc signant un retour sous les meilleurs auspices. Ainsi, dès le titre d’ouverture, la magnifique « Sally H », c’est toute une foule de souvenirs qui saisit l’auditeur, quelque part entre la pureté mélodique de Big Star et des harmonies vocales à se damner dignes des Beach Boys. Ainsi sans chercher particulièrement à s’inscrire dans une esthétique retro ou nostalgique, le groupe mené par Ralph Mulder y arrive le plus naturellement du monde, s’appuyant sur la force de ses compositions. Une pop pratiquant une ligne claire mélodique, s’appuyant sur des guitares cristallines (« Got to get home » ; « Romney Shed 1 »), tout en sachant faire monter la pression sans ostentation aucune (« Fight » dont la ligne de basse dégage une tension sous-jacente contrastant avec le chant aérien), Alamo Race Track atteint une forme intemporelle propre à égaler ses prestigieux modèles. Il se dégage de ces compositions quelque chose d’éthéré, une sensation calme et apaisée. « Wish I Was a Bird » chante Ralph Mulder sur ce nouveau disque. À défaut de voler lui-même, ses compositions s’envolent et planent comme dégagées des contingences terrestres. Un chef d’œuvre et un retour réussi au-delà de toutes les espérances !

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lundi 30 octobre 2023

Karkwa : « Dans la seconde »

 


Vingt ans après leurs débuts (« Le Pensionnat des Établis », 2003) et après treize années de silence discographique (« Les Chemins de Verre », 2010), le groupe montréalais est de retour et c’est une merveilleuse nouvelle ! Bien que l’on ne les ait jamais vraiment perdus de vue, le chanteur/guitariste Louis-Jean Cormier est devenue dans l’intervalle une superstar dans son Québec natal, grâce à ses disques en solo et en qualité de membre du jury de « La Voix » (« The Voice », chez nous), mais c’est une dynamique unique et bien particulière qui se met en marche lorsque le quintet se réunit et que l’on retrouve aujourd’hui avec plaisir. Amateur d’ambiances planantes et autres artefacts progressifs, le groupe n’a pas son pareil pour mettre en sons la bande originale imaginaire d’un rêve musical éveillé (cf. « Miroir de John Wayne » ; « Dans la seconde »). Une sensation que l’on retrouve dans cette « Ouverture » majestueuse qui débute l’album. La nouveauté réside dans l’appropriation par le groupe des sons psychédéliques (cf. « A bout portant » ; « Gravité »), chose inédite jusqu’ici. Mais Karkwa ne serait pas Karkwa s’ils se contentaient bêtement de suivre un modèle (l’occasion nous est ici donnée de tordre le cou à cette réputation ridicule de Radiohead francophone qu’ils traînent depuis des années, ce groupe vaut bien plus et mieux que ça!) Ainsi le psychédélisme de Karkwa se veut dénué de guitares garage ou du moindre aspect nostalgique rappelant les années 60. Non Karkwa s’enferme, cherche et se perd dans un labyrinthe sonore bien à eux et en livre le résultat à nos oreilles émerveillées. C’est émotionnellement très fort, une sorte de manège la tête à l’envers, bruitiste à l’occasion (« Nouvelle Vague »). Cela valait le coup d’attendre !

En concert le 3/11 à La Maroquinerie

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samedi 28 octobre 2023

Dylan LeBlanc : « Coyote »

 


Depuis 2019 et la réussite exceptionnelle de son précédent album « Renegade », on avait un peu perdu du vue le chanteur. Et à l’écoute de ce nouvel effort, le cinquième, on reste pantois devant l’écart entre la maturité affichée sur ce nouveau disque et le jeune age (33 ans) de son auteur. Si dans un premier temps une forme de déception se fait jour à l’écoute de ce nouvel album, le sentiment s’efface aussitôt. Comparativement à l’album précédent, ce « Coyote » souffre de s’écouter dans une dimension unique. En effet, l’album voit Dylan LeBlanc renouer avec ses racines folk et country. Le disque se conçoit donc comme une formidable collection d’arpèges délicats et de nappes de cordes rêveuses, assez loin donc des tentatives pop/rock et des riffs de guitares survoltés du disque précédent. Le présent album se veut beaucoup plus rêveur, voire planant dans une certaine mesure, c’est un peu les grands espaces qui s’ouvrent à son écoute, la bande originale d’un voyage imaginaire dans l’ouest américain. Quoi qu’il en soit, il constitue une preuve supplémentaire du talent de LeBlanc en termes acoustiques, qui s’impose, un disque après l’autre, comme une valeur sûre du songwriting.

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vendredi 27 octobre 2023

Black Box Revelation, La Maroquinerie, 25 octobre 2023

Comme tant d’autres groupes en noir (Black Keys) ou blanc (White Stripes), la formation belge a débuté comme un duo guitare/batterie hybridant habilement influences blues aux sons rock garage. Comme tant d’autres (Dirty Deep), le groupe s’est adjoint les services d’un musicien additionnel. Et c’est dans cette configuration que l’on retrouve les Bruxellois sur la scène de La Maroquinerie, après une longue absence. Le troisième larron alterne entre plusieurs instruments, des synthés vintage à la basse voire une deuxième guitare. L’effet se fait immédiatement sentir et ouvre de nouveaux horizons au groupe, plus pop (les claviers) ou groove (la basse), suivant l’instrument utilisé par le troisième membre du groupe. Une démarche qui les éloigne de leur son originel, une évolution qui se fait sentir chez Jan (le chanteur / guitariste) aux longues improvisations psychédéliques et blues. Ce n’est finalement que lorsque le troisième musicien se contente d’un tambourin que l’on retrouve le sel qui faisait le groupe auparavant, ce son lourd et massif, plus violent aussi, qui fait immédiatement partir la fosse en pogo. Voilà néanmoins un retour qui fait du bien !

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mardi 24 octobre 2023

Israel Nash : « Ozarker »

 


A bien des égards, Israel Nash appartient à cette catégorie de songwriters, typiquement étasunienne, dont les influences raciniennes, country, se fondent dans un format teinté de rock, voire pop dans une certaine mesure, propre à séduire le grand public : le heartland rock. Chant à la virilité assumée autant que nuancée, nappes synthétiques dans le fond assurant le lit sur lequel se posent les mélodies, batteries propres et carrées, pour le groove on repassera, et saillies millimétrées à la guitare en constituent les principaux éléments ; fournissant autant de points de comparaisons avec Bruce Springsteen ou John Mellencamp, un compagnonnage prestigieux auprès duquel Israel Nash fait bonne figure. Dans cette collection d’hymnes fédérateurs, faîte pour résonner dans les stades et autres arénas de grande ampleur, on a tendance a surtout apprécier les intros. C’est à dire ce moment crucial où l’intimité transperce, juste avant que la machinerie lourde ne se mette en marche. C’est au travers de ces interstices que l’on aperçoit la trempe de l’artiste qu’est Israel Nash, le songwriter précieux, le guitariste inspiré. Ces mêmes interstices qui laissent deviner le grand album qu’aurait pu être « Ozarker », si seulement quelqu’un avait mis la pédale douce sur les effets et tempéré l’artillerie lourde. Ah si tout l’album avait pu sonner comme « Lost in America », « Midnight Hour », "Travel On" voire « Firedance » (nos préférées) ! On rêverait d’une version acoustique dépouillée. Navré, mais en l’espèce la chose sonne à nos oreilles comme datée et figée dans le temps. Et c’est bien dommage…

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lundi 23 octobre 2023

Thomas Kahn : « This is real »

 


Thomas Kahn, après une première tentative indie-rock, s’est métamorphosé en soulman plus vrai que nature. Son premier véritable album dans ce style s’intitule « This is real », un titre pour le moins indiqué tant le chanteur clermontois a véritablement chopé le truc. Son grain de voix un peu rocailleux, un peu cassé dans le fond de la gorge, typiquement soul, incarne à merveille le genre. D’autant plus que, musicalement, l’album se nourrit aux meilleures sources. Groove incendiaire, les cuivres pêchus bien en avant et coup de gorge à l’avenant (« More than sunshine », « Don’t look at me ») ou plus langoureux (le funky sexy « Stay Away », la sublime « Try to see Further »), tentatives acoustiques émouvantes (« Hope ») ou chaloupement reggae (« Flying Around ») l’album fait mouche à tous les coups mettant en valeur le feeling, le moment, l’émotion, transformant chaque chanson en pur moment de bonheur soul. Sorti il y a un peu plus d’un an maintenant, la qualité de l’album méritait bien qu’on s’y arrête même avec retard. D’autant plus que l’artiste défend encore actuellement son disque sur scène, avec un certain succès. Un passage à la Maroquinerie est annoncé pour le 2 février prochain. On s’y retrouve ?

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dimanche 22 octobre 2023

The Silencers : « Silent Highway »

 


La parenthèse Celtic Social Club refermée, Jimme O’Neill est retourné à ses premières amours (et en famille cette fois-ci), The Silencers, groupe phare des années 80 et 90. Un retour fidèle aux canons du rock et de la new-wave FM des années 1980 particulièrement efficace et accrocheur dans la première partie de l’album, notamment par son adaptation au sonorités blues et rock’n’roll (la guitare twang de « Western Swing » ; la rythmique ternaire de « Whistleblower » et sa ligne d’harmonica inspirée). Dans ce registre, le timbre devenu légèrement rocailleux avec les années de Jimme, comme nourri aux gravillons, fait des merveilles. Cependant, on assiste à une rupture de ton de l’album dans sa deuxième moitié, plus émotive et plus lente. Une forme de nostalgie s’installe ainsi après des retrouvailles vigoureuses. Un album d’excellente facture qui se clôture sur la superbe « Torchsong ». Un retour réussi.

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samedi 21 octobre 2023

Cash Savage and The Last Drinks + Kim Salmon, Petit Bain, 20 octobre 2023.

On commence cette belle soirée placée sous les bons auspices du rock australien avec le vétéran Kim Salmon, un ex-Scientists au début des années 80, qui n’a de cesse d’arpenter les couloirs obscurs du punk et du rock garage depuis la fin des années 1970. Un musicien expérimenté donc qui a toujours de beaux restes à savoir un grain de voix à cracher du gravier, trahissant le vécu du personnage, et une guitare à l’avenant, saturée à point. Le set part sur des bases élevées grâce à une section rythmique qui mène la danse sur les chapeaux de roues et des guitares abrasives. Le répertoire trahit les influences power-pop vitriolées au punk et se révèle riche en chansons fédératrices, entraînantes à écouter en concert. Une petite heure et un très bon moment marqué par la présence du légendaire Warren Ellis en guest sur deux titres.

Nous l’avions, à titre personnel, découvert en 2018 avec son fabuleux album « Good Citizens », une claque à l’époque, mais l’Australienne Cash Savage, en compagnie de son groupe The Last Drinks, est active depuis 13 ans, et est forte d’une discographie de cinq albums (+ un album live) dont le dernier est sorti il y a quelques mois. Aussi, la rumeur enfle autour des prestations scéniques de la chanteuse depuis quelques temps et nombreuses sont les connaissances à nous avoir averti de sa puissance en concert. Les aléas de l’existence ont fait qu’il nous avait été impossible de le vérifier de visu avant hier soir et on ne peut que souscrire à sa réputation après une heure et demie sous (très haute) tension. Cash Savage est avant toute chose une présence assez impressionnante sur scène, qui occupe l’espace et focalise les regards grâce à un langage corporel trahissant l’intensité du moment. Elle cherche souvent le public du regard, cherche à nouer le contact, pour elle le plus important est le moment passé ensemble. Musicalement la chose se révèle hybride, intensément rock’n’roll, mais pas dans le sens où on pourrait l’imaginer, c’est à dire sous un déluge de décibels. Certes les guitares sont saturées, mais dans une juste mesure, c’est à dire sans assommer le spectateur. A ce titre, la présence d’un violon et du clavier ajoute une note mélodique et mélancolique qui participe de la fascination exercée par le groupe. Le truc viendrait plutôt de la dynamique et du rythme, tantôt extrêmement élevé, tantôt ralenti, le tout créant une sorte de grand huit, fait de brusques montées en tension et d’accélérations subites, dont on ressort sonné. Enfin l’intensité mise par tous les musiciens dans la moindre note jouée crée énormément de feeling et fait ressortir les émotions. Dans le contexte tragique qui est le notre depuis deux semaines, Cash Savage and The Last Drinks nous redonne foi en l’humanité.

https://cashsavage.com.au/

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