mercredi 29 mars 2023

Vipères Sucrées Salées

 


Le premier EP de la jeune formation lyonnaise intrigue autant qu’une tartine, baroque (cf. « Hannibal ») au goût sucré et salé, aussi acide qu'une vipère. Le beat implacable de la boîte à rythme mêlé au son brut et mat de la basse ramène immanquablement le trio du côté de la cold wave des années 1980, d’autant que le disque n’est pas avare non plus en synthés, rehaussé de quelques lignes de guitares. Mais la voix, récitante plus que chantée, apporte une note post-punk plus proche, dans l’esprit, des Sleaford Mods. Dans l’esprit seulement car le groupe a univers bien à lui avec ses paroles ancrées dans le réel (« Le Cœur et les Lumières ») ou, à l’inverse, fantasmant des scènes cinématographiques, sang et poursuites automobiles à la clef (« Ceinture »). Un disque dans lequel on se perd, comme étourdis dans un mystère vaporeux, œuvre d’un groupe qui n’est pas prêt, loin s’en faut, de dévoiler tous ses secrets. A écouter pour sortir des sentiers battus.

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mardi 28 mars 2023

Dead Chic : « The Venus Ballroom »

 


A peine un an après leur coup de poing live inaugural « Bastion Session », le supergroupe mené par Andy Balcon (Heymoonshaker) et le guitariste Damien Félix (Bigger, Catfish) est de déjà de retour avec ce premier EP studio de six titres. Psychédélique (« The Belly of the Jungle ») et baroque (« Les Fleurs séchées »), Dead Chic fait montre d’un savoir faire certain en matière de rock garage entêtant où l’art consommé de la guitare fuzz dispute le premier rôle au chant écorché venu des tripes. Les échos western (« El Malecón » ; « Ballad of Another Man ») complètent ce trip hallucinogène en terra incognita rock. A découvrir.
En concert le 8 juin au Backstage BTM

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lundi 27 mars 2023

Moonlight Benjamin : « Wayo »

 


Toujours accompagnée du guitariste Matthis Pascaud, Moonlight Benjamin, une authentique prêtresse vaudou née à Haïti, est de retour avec un troisième album, « Wayo », une expression signifiant « cri de douleur » en créole haïtien. Une fois encore, l’association entre le chant puissant et expressif et les guitares abrasives, saturées, puisant à la source du rock’n’roll et du blues crée des merveilles ! Un magma hypnotique et enivrant porté par la transe rythmique des batteries et autres percussions (assurées par Raphaël Chassin) scellant la rencontre rêvée des Black Keys et de Dr John. C’est peu dire que l’album crée des étincelles ! Après des projets orientés jazz auprès de la chanteuse Marion Rampal ou à la tête de sa propre formation Clap Clap, et un hommage remarquable à Dr John en compagnie d’Hugh Coltman, le guitariste Matthis Pascaud fait montre une fois de plus de la largeur de sa palette et de son touché tout en feeling qui ne disparaît jamais en dépit de l’avalanche de décibels (cf. « Limiyè »). Et il fallait bien ça pour accompagner Moonlight Benjamin, chanteuse au coffre impressionnant qui déclame et scande avec aplomb. Finalement, preuve que la musique est universelle, c’est vers le blues africain que l’on trouverait une filiation probable, pour une question de répétition hypnotique. Pour en avoir été témoin, on sait que la chose fait des ravages équivalents à une tempête tropicale sur scène. On attend la tournée avec impatience !

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dimanche 26 mars 2023

DeLayne : « Karu »

 


Tout ceux qui ont suivi l’émergence de Grant Haua ces deux dernières années se souviennent très probablement de la chanteuse DeLayne présente sur les albums « Awa Blues » et « Ora Blues at The Chapel ». Fort logiquement, les premiers pas en solo de la chanteuse se font en compagnie de son mentor qui est aussi son frère. Une présence que l’on pourrait juger encombrante tant l’empreinte de Grant Haua, et en particulier son inimitable jeu de guitare, se fait ressentir sur un album dont il signe (ou co-signe) par ailleurs 7 titres sur 10. Et c’est à double tranchant. A la fois un gage de qualité, incontestablement l’album est bon et s’écoute avec plaisir, mais aussi un facteur inhibant empêchant la chanteuse, dotée d’impressionnante capacité vocales, d’aller à sa guise (cf. « Billie Holiday » qui pourrait être extraite d’un album de Grant). C’est lorsque le guitariste s’efface (la formidable soul jazzy de « Little by Little » et de « Small Change/Pai Take ») que l’on peut apercevoir, en filigrane, le potentiel de la chanteuse. Un album d’excellente facture à prendre comme la promesse de lendemains qui chantent quand la chanteuse volera de ses propres ailes au gré d’un son qui lui sera personnel.



samedi 25 mars 2023

Eric Bibb : « Ridin’ »

 


Un nouvel album d’Eric Bibb, c’est un ravissement à chaque fois renouvelé. Perché sur son fier destrier, le musicien chevauche ses territoires musicaux favoris, le blues, le folk sans oublier un petit détour vers l’Afrique ou les idiomes soul/gospel qui imprègnent son chant. Le chanteur n’oublie pas d’embarquer quelques amis fidèles dans sa folle cavalcade, Harrison Kennedy, Taj Mahal, Russell Malone ou Jontavious Willis, dans un joli brassement des générations, ainsi que les fidèles Amar Sundy et Habib Koité. Le résultat est d’une élégance folle, comme toujours ! La voix hypnotise de son doux feulement grave et évocateur ; l’oreille succombe sous le charme de ces arpèges de guitare folk, précis, précieux et raffinés. Le banjo utilisé, ici ou là, apporte une touche proche de la country et on note quelques envolées de guitare électrique assez inhabituels où la musique s’élève encore plus qu’à l’accoutumée. De la belle ouvrage, soignée dans les moindres détails, et d’une sobriété exemplaire (seule la chanson compte) qui scelle des retrouvailles spectaculaires avec Dixiefrog, son label fétiche. Intemporel.

En concert le 23 avril à la Cité de la Musique/Philharmonie

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vendredi 24 mars 2023

Sheitan and The Pussy Magnets : « In the mood for nothing »

 


Nouvel EP pour le groupe parisien qui, visiblement, n’a plus envie de rien. C’est fort dommage et c’est l’exact opposé de quiconque aura la chance de poser une oreille sur ce disque. Plongeant dans les racines des années 1960, ce nouvel effort de six plages (cinq titres et un interlude), conjugue évidence mélodique, une forte appétence pour le psychédélisme, sitar à l’appui (« In the mood for nothing ») et coups de sang sous influence Rolling Stones (« Back into the trap »). Du tout bon à la qualité d’écriture équivalente à ce qui se pratique de l’autre côté de la Manche.

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jeudi 9 mars 2023

Nico Wayne Toussaint : « Burning Light »

 


Peut-être, avec le recul des années, arrivera-t-on peut-être à se dire que, finalement, les confinements ont eu du bon. Une nouvelle preuve nous en est faîte avec Nico Wayne Toussaint, un artiste qui s’est totalement réinventé pendant la pandémie. Pendant 25 ans, nous l’avons écouté comme harmoniciste et comme chanteur. En secret, Nico rêvait des six cordes de sa guitare, qui traînait toujours dans un coin de la pièce et qu’il n’osait exposer en public. Puis, vint l’enfermement généralisé pendant lequel Nico s’est enfin laissé aller à son fantasme de guitare électrique. La dernière étape est la sortie de ce nouvel album guitare/voix, enregistré en solo absolu et en à peine trois jours, avec tout de même un peu d’harmonica, on ne se refait jamais totalement. Toujours fidèle au blues, Nico Wayne Toussaint en donne une version intime et lancinante (« Remembering John Campbell »), brute et sans fioriture, proche de l’os, où l’émotion l’emporte sur toute autre forme de considération (« One More Day »). Mais on aime surtout cet album pour les images mentales qu’il convoque, celle d’un musicien que l’on imagine aisément ne jouer rien que pour nous dans un coin de la pièce, celle d’un album enregistré en toute discrétion au cœur de la nuit, et cette sensation d’intimité immédiate avec l’artiste et sa musique.

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mardi 7 mars 2023

Théo Lawrence : « Chérie »

 


De sortie en sortie, la carrière de Théo prend de la consistance. Leader successif des Velvet Veins puis de Théo Lawrence & The Hearts, on l’a connu pratiquant le rock garage ou la blue-eyed soul. En solo depuis deux disques, Théo donne libre cours à son fantasme country et à son territoire de prédilection : le sud des Etats-Unis. Un parcours qui le mène aujourd’hui à cet improbable petit miracle, un album de country pur-sucre, enregistré (en prises live) sur les lieux même ou s’est écrite la légende, au Texas, par des musiciens français ! Un style qui lui sied à ravir. Songwriter fin et précis, Théo se double d’un chanteur/crooner au charme indéniable dont la voix, profonde et riche de mille nuances d’émotions, se niche parfaitement dans cet écrin idéal que l’on jurerait sorti tout droit des années 1950. Point de passéisme ici mais un Texas swing constant, raffiné et élégant, à visée intemporelle, enluminé du twang de la guitare, de basse ronde, de pedal-steel et de violons. Une réussite éclatante à tous points de vue.

En concert les 12, 13 et 14 avril à La Boule Noire

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dimanche 5 mars 2023

Tio Manuel : « ¡Ocho ! »

 


Parsemant son blues d’influences latines, lui dont les origines familiales se trouvent au-delà des Pyrénées, Tio Manuel s’impose, album après album, comme un musicien de plus en plus attachant. La chose ne déroge pas avec ce huitième album (« ocho » !) qui voit, comme d’habitude, l’artiste déployer une palette assez large allant du folk/americana (la bien nommée « Le Voyage ») au rock’n’roll (« The Moment » ; « Heading to Sorbas ») en passant par le blues (« Bad cloud blues ») ou la soul (« Box of pictures » . "Assassination Machine"). Manuel possède ce don rare, celui d’incarner pleinement le genre dans lequel il s’inscrit, grâce à son chant, sa voix légèrement éraillée, laissant passer les émotions au travers d’une petite cassure dans le fond de la gorge. Tio Manuel c’est le genre d’artiste qui vous emporte avec lui tant l’imaginaire et son univers sont prégnants. Les influences latines, qu’il affectionne tant, font le reste. L’écouter c’est partir avec lui en road-trip sur des routes que l’on imagine poussiéreuses. Un excellent album de plus !

Sortie le 24 mars.

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samedi 4 mars 2023

Quintana Dead Blues Experience : « One of us »

 


Et si finalement tout était expliqué dans le titre ? On pense plus particulièrement au mot « expérience ». Car effectivement tout dans ce disque, de sa conception du blues à son écoute relève de l’expérience. Seul avec sa guitare et son antique GrooveBox Roland MC909 (à la fois sampler et boîte à rythme), Piero Quintana donne de l’idiome bleu une version toute personnelle à la fois marqué par les guitares puissantes entre (hard) rock et métal. Une charge sonique impressionnante prête à tout emporter sur son passage (« Crazy »). Mais les sons synthétiques du sampler apportent et une dimension, quelque chose qui sonne, curieusement, comme du Depeche Mode à nos oreilles, du moins quand ces derniers s’essayaient au blues et au rock (« I wish you’d never been here »). Radical, intense, et sans concession, certes, mais émouvant aussi.

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vendredi 3 mars 2023

Patrick Coutin : « L’homme invisible »

 


Les choses les plus simples sont souvent les meilleures. C’est fort de cette certitude que Patrick Coutin, le légendaire auteur du cultissime « J’aime regarder les filles » (1981), s’est envoler pour Austin, Texas, sa guitare et un paquet de chansons composées entre deux confinements, sous le bras. Il n’a fallu que quelques jours sur place, et quelques musiciens pointures locales, pour que l’affaire soit emballée. Au final, le meilleur album de Coutin depuis des lustres ! Coutin, au plus proche de ses inspirations rock’n’roll, touche ici à la formule magique : des guitares échevelées (« La nuit est là » ; « La star du comptoir » ; « Rien que pour ses yeux »), brutes, mais pas dénuées de groove, tant que le blues (« Quand je suis loin de vous ») et l’americana à la française (« Mon bébé par la main ») traînent toujours dans les parages. C’est aussi un formidable appel à la vie, un regard lucide posé sur le destin, et un cri libérateur au beau milieu de la folie ambiante entre guerre et virus. Simple et inspiré, enregistré à l’ancienne, ce nouvel effort possède tous les attributs du classique immédiat. Rock on !

En concert le 21 mars 2023 (La Bellevilloise)

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mercredi 1 mars 2023

North Mississippi Allstars + Vicious Steel, Les Nuits de l’Alligator, La Maroquinerie 27 février 2023.


Dans quelques heures il en sera fini de l’édition 2023 des Nuits de l’Alligator, le temps passe trop vite ! On commence par un trio français, Vicious Steel qui pratique un hybride blues rock garage particulièrement énergique et efficace. Une prestation hélas en partie obérée par de nombreux problèmes d’ampli qui font que l’on perd la guitare (fabriquée avec un bidon d’essence) au fur et à mesure que l’on avance dans le set. Fâcheux, certes, mais pas de quoi doucher l’enthousiasme du groupe qui se donne à fond qu’importe les circonstances. Mention particulière au tracteur / lap steel guitare qui, tout phares allumés, a foncé dans la nuit du rock. Un clin d’œil amusant et efficace aux racines terriennes du groupe.

Entendons-nous bien, il n’est point question ici de remettre en question les compétences de ces deux formidables musiciens que sont Luther (guitare) et Cody (batterie) Dickinson, dont le dernier album nous avait charmé, qui à eux deux forment l’ossature des North Mississippi Allstars. Simplement, en se présentant sur scène dans une formation réduite à l’essentiel (une guitare et une batterie), probablement pour une question de budget, la fratrie ne s’est pas mise dans une position idéale pour défendre l’excellence de son dernier effort, particulièrement arrangé et ouvragé. Le répertoire ne colle donc pas vraiment avec une formation réduite au minimum. Une situation encore aggravée par l’appétence de Luther pour le solo de guitare à rallonge dont on finit par perdre le fil. On décroche ainsi progressivement et nous ne sommes visiblement pas les seuls si on tient compte des discussions entre spectateurs qui reprennent dès que le groupe baisse en intensité. Et pourtant les deux frères se donnent de la peine et mettent du cœur à l’ouvrage. Ainsi le set est traversé de fulgurances, trop rares, scotchant le public sur place, porté par la batterie au groove diabolique. Le temps d’un morceau, le guitariste Luther se révèle un formidable batteur, et son frère Cody un merveilleux guitariste. Comme quoi, même un concert moyen ne nous fera pas remettre en question la haute estime que l’on porte à ces musiciens.