Découverts l'année dernière, les
Montréalais de Your Favorite Enemies sont de retour avec un premier
album dans la droite continuité de leur magnifique premier EP.
Depuis quand n'avait-on pas entendu un groupe avec un tel engagement,
total ? At the drive-in ? Leurs compatriotes Canadiens des
Cancer Bats ? C'est dans cette lignée bruitiste que se situe
YFE, à un tel point que l'on finit par penser qu'ils portent bien
leur nom, abasourdis que nous sommes par le déluge sonore. Il est
bien entendu question ici de rock indé, formule que le sextet porte
à l'extrême : rythme infernal de la section rythmique,
guitares constamment dans le rouge, le groupe est parti pour faire
pêter les potentiomètres. A l'opposé la voix paraît comme en
décalage, le chant est presque détaché, calme, intelligible au
milieu de ce chaos savamment organisé de guitares en fusion. Chaque
composition prends alors des allures d'armaggedon sonore, comme un
grand huit se terminant invariablement dans le mur, alternant les
poussées de fièvre et les passages apaisés. Leurs chansons se
terminent souvent avec l'ultime souffle, le dernier larsen, le groupe
laissant un champ de ruines derrière lui. Fort.
dimanche 26 avril 2015
vendredi 24 avril 2015
Zo, Les Trois Baudets, 22/04/2015.
S'il facilite bien la tâche du
chroniqueur, le petit jeu des comparaisons ne rends pas forcément
compte de la réalité d'un projet artistique. Prenez Zo par exemple
(dont on avait évoqué le dernier album par içi). Parce que ce
dernier a choisi de chanter dans la langue de Molière, on pense
instantanément « chanson française ». Or Zo est
intrinsèquement rock n'roll. Et on en a eu une splendide
démonstration mercredi soir dernier sur la scène des Trois Baudets,
petite salle de pigalle consacrée à la chanson. Entouré de son
excellent groupe (deux guitares, basse, batterie et clavier), Zo a
pris un petit coup de fouet rock n'roll dans le manche de sa guitare
lorsqu'il s'est agit de dévoiler son répertoire sur scène. Ses
chansons évoquent l'errance, les voyages en train, les ports, des
destinations proches ou plus lointaines. La musique est sacrément
ancrée dans les années 60/70, et pas n'importe laquelle :du
blues, du folk, du rock n'roll. L'enchaînement de « Teddy la
montagne », dans une version particulièrement inspirée et
bluesy à souhait (magnifique ligne d'harmonica soit dit en passant)
avec le rockabilly yéyé « Slow guimauve twist et soda »
fût tout bonnement magique. C'est le golf drouot réssucité !
Il ne manquerait plus qu'un petit « Strass avenue »
derrière ça et c'était le tiercé gagnant. Malheureusement par
manque de temps, le groupe enchaine directement sur « Jaisalmer »,
un magnifique final avec violon et guimbarde, les silences comptent
alors autant que les notes, les instruments dialoguent avec
délicatesse, on est transporté là-bas en Inde à Jaisalmer. La
chaleur est palpable. Dommage que le set n'ait duré qu'une
demi-heure !
The Green Flamingos
Alors que le disque tourne à 45 tours
et que l'aiguille se pose sur le sillon, rugit un riff de guitare
bien gras comme on les aime... Les Green Flamingos sortent leur
premier EP en édition vinyle limitée, bienvenue à eux ! Les Green
Flamingos c'est un peu tout ce que l'on aime dans ce bon vieux rock
n'roll, une guitare survoltée (cf. « Come out at night »),
une rythmique speedée (« Special to you » pleine de
swing) et de charmants vocaux féminins tout ceci dans la plus pure
tradition garage rock sur fond de compositions pop. Le groupe
rallonge un peu la sauce avec une dose de psychédélisme de bon aloi
(cf. la pochette, « The Monday song ») sous la forme de
nappes d'orgues barrées à point ajoutant une bonne dose de groove
pour l'ensemble tienne bien (« Rolling Down South »). Ces
cinq titres constituent de remarquables débuts, et c'est l'occasion
pour nous de souligner l'opiniatreté du label le Pop Club Records
qui multiplie les excellentes sorties (The Monkberry Moon Orchestra,The Rebels of Tijuanas...).
https://www.facebook.com/pages/The-Green-Flamingos/492662357461187mercredi 22 avril 2015
Bristol
Derrière l'alias Bristol se cache le
nouveau projet du producteur Marc Collin, ex-membre d'Ollano dans les
années 1990 et tête pensante du groupe Nouvelle Vague lors de la
décennie suivante. La démarche est à peu près similaire à celle
de Nouvelle Vague mais transposée dans les années 1990. Prendre un
courant musical dominant de cette décennie, le trip hop, et proposer
des reprises emblématiques du genre assaisonnées à la sauce
sixties. Marc a également élargi le spectre au delà de la ville de
Bristol, piochant dans le répertoire de Bjork (« All is full
of love ») ou de Jay-Jay Johanson (« It hurts me so »).
Pour se faire, Marc s'est appuyé sur de jeunes musiciens, nés dans
les années 1990 et qui n'ont vécu que de loin ces années et qui
par conséquent ont un regard frais sur la musique. Cet aspect est
prépondérant dans la fraîcheur du disque (cf. « Moog
Island » chanté par l'Anglaise Prudence Fontaine). La grande
révélation de l'album pourrait bien être le chanteur Jim Bauer qui
incarne de façon stupéfiante les paroles, le feeling de la chanson
(cf. « Roads ») sa voix regorge d'émotions ("Gabriel"). En quatorze
titres, Bristol revisite le passé sur un mode original en apportant
fraîcheur et parfois même de la légèreté à un répertoire plutôt marqué par la
neurasthénie (« Widows by the radio », "Paper Bag"). La sortie de
l'album sera accompagnée d'une exposition de photos.
En concert à Paris le 29 avril (Café
de la danse).
"Mad About You" by Bristol (A project by Marc Collin of Nouvelle Vague) from Halo Films Ltd on Vimeo.
mardi 21 avril 2015
Ron Sexsmith : « Carousel One »
Avec la régularité d'un métronome
(13 albums en 24 ans), Ron Sexsmith se bâtit peu à peu une
discographie des plus respectables. On avait donc quitté notre ami
Ron en 2013 avec un album « Forever Endeavour »,
enregistré suite à une alerte médicale (finalement sans
conséquence), majoritairement acoustique et à dominante
mélancolique. Maîtrisant l'art du contre pied comme personne, Ron
Sexsmith est de retour deux ans plus tard avec un disque
diamétralement opposé. Signe que quelque chose a changé chez lui,
sur la pochette arbore un sourire (certes timide) lui que l'on a
plutôt l'habitude de voir la mine boudeuse. « Carousel One »
(qui tire son nom du nom de la plateforme de livraison des bagages en
provenance de Toronto à l'aéroport de Los Angeles) est donc un
disque enjoué, dans la lignée des grands songwriters pop des années
1960/1970. Un disque fait pour le voyage. Tout au long des quatorze
plages qui le compose, Ron s'amuse avec différents genres s'essayant
au folk teinté de country (« Loving You ») ou au rock
n'roll teinté d'influences 50s (« Getaway car » et son
charmant piano). Au fil des écoutes, alors que le disque dévoile
ses trésors un à un, on prend alors conscience d'être en
possession d'un classique instantané. Ni plus, ni moins. Une
réussite de plus à mettre au crédit de Ron Sexsmith, décidément
une valeur sûre un songwriting à l'heure actuelle.
lundi 20 avril 2015
Twin Peaks : « Wild Onion »
Plongeant la tête la première dans le
garage rock des années 1960, le nez entre les compiles Nuggets et
l'intégrale de Ty Segall et de Thee Oh Sees pour la touche moderne,
Twin Peaks (aucun rapport avec la série télé de David Lynch)
ressort avec un effort compilant la bagatelle de 16 titres dépassant
rarement les trois minutes. L'affaire est pliée en quarante minutes,
c'est dire ! Se distinguant du premier combo punk venu, Twin
Peaks, dont les membres sont à peine sortis de l'adolescence, trouve
l'inspiration aussi bien dans le psyché (« Strange World »,
« Stranger World ») que dans la pop ensoleillé des
années 1960 (« Making Breakfast », « Sweet thing
», « Ordinary People »), ces derniers titres sonnant un
peu comme des Beach Boys passés à la moulinette punk ; « Fade
away » nous rappelle bruyamment les racines bruitistes de la
chose. S'il ne fallait retenir qu'un titre (difficile!), notre cœur
balancerait certainement du côté de « Telephone », dont
l'accroche power pop bien envoyée a tout du tube potentiel. Faisant
de son agrégat d'influences sa richesse potentielle, le quatuor
Chicagoan brille lorsqu'il s'agit de mélanger le tout passant d'une
attaque démentielle de guitare à un pont acoustique (« Flavor »).
Bien envoyé, varié, efficace, noisy mais planant, ce deuxième
album tout à fait honorable ressemble au résumé de la journée de
quatre musiciens bipolaires. Emotions fortes garanties...
vendredi 17 avril 2015
Mountain Men + Thomas Schoeffler Jr, Le café de la danse, 15 avril 2015.
On commence par un énorme coup de cœur
pour le bluesman alsacien Thomas Schoeffler Jr, auquel il revient
d'ouvrir les festivités. Charismatique, Thomas introduit chaque
chanson avec un sens de l'humour sans pareil. Se présentant sur
scène avec pour seuls arguments sa guitare, son harmonica et une
impressionante capacité à battre le rythme du (ou des) pied(s), le
Strasbourgeois nous embarque dans son univers entre blues acoustique
et hillbilly. Surprenant d'aisance vocale l'Alsacien imite à la
perfection le phrasé et les intonations country : c'est simple
on se croirait en plein bayou poisseux ! A la guitare,
Schoeffler maîtrise également son sujet, ses accélérations sont
fulgurantes et son attaque nette et précise. Une petite discussion
impromptue d'après concert nous apprends que Thomas s'est converti
au Stoner depuis qu'il partage son studio de répétition avec Los Disidentes Del Sucio Motel. Est-ce de là que vient son attaque
diabolique de la main droite ? Mystère... En attendant l'auteur
de ces lignes est très content d'avoir trouvé un allié de poids
dans sa croisade pour la réhabilitation de la country dans notre
pays ! Un talent à suivre quoi qu'il en soit...
Il est environ 20h30 lorsque le duo
Mountain Men prend possession de la scène et on s'apprête alors à
vivre un grand moment de communion collective. Les Mountain Men sont
donc deux, à droite de la scène, assis, se trouve Mat, chanteur et
guitariste, frappant le rythme du pied avec autorité, très classe
dans son costume. A gauche, on retrouve l'harmoniciste Iano,
également en costume, pieds nus, faisant honneur à son surnom de
Barefoot Iano. La première chose qui frappe avec ce duo c'est
l'énorme complicité qui les unis, les regards se croisent, les
instruments dialoguent entre eux, ces deux là se sont bien trouvés.
Dans le duo, Mat incarne la force brute, sa voix porte, forte, ses
mains attaquent les cordes avec un sens acéré du rythme. Iano,
serait plutôt l'électron libre, qui tournicotte autour de son
micro, danse en faisant l'idiot et amuse la galerie avec son humour à
froid, un type loufoque, un peu perdu dans son monde. Les deux
partagent un sens de l'humour imparable et n'ont aucun problème à
se mettre le public dans la poche en vannant à tout va : « Il
y a des chansons qui te donnent envie de faire du foot. Tout à
l'heure on a écouté NRJ, wouah !». Leur univers musical est
beaucoup plus riche qu'il n'y paraît de prime abord. Majoritairement
acoustique, mais pas dépourvu d'électricité quand il le faut
(« Spoonfed », « Hellhole »). Ancré dans le
blues certes, mais un blues qui irait de Ray Charles (« Georgia
on my mind ») à Nirvana (« Smells like teen spirit »)
tout en reprenant « La valse bleue » en passant. Car
chaque reprise est marquée du sceau Mountain Men, totalement
réappropriée. C'est un grand groupe, pense-t-on, quittant la salle,
le sourire jusqu'aux oreilles... Superbe programmation pour une
chouette soirée.
Libellés :
Mountain Men,
Thomas Schoeffler Jr
White Crocodile, La Boule Noire, 14/04/2015
Sorte de multinationale du rock
(chanteuse anglaise, batteur suédois,
guitariste français) White Crocodile fête en grande pompe la sortie
de son premier album The Stranger. Comme l'affirme la chanteuse
Julie : « Ce soir le crocodile sort des égouts » !
Pour l'occasion, la petite salle de la boule noire, dont le charme
cabaret rétro leur va comme un gant, a été redécorée par le
quatuor avec moult sculptures de dragons et des lampes en forme de
bouquets de fleurs ; tout un décorum a été mis en place pour
traduire sur scène l'univers frappadingue de White Crocodile et
affirmer encore un peu plus l'identité visuelle du groupe. Plus
qu'un concert on assiste à un spectacle rock avec changement de
costumes voire de masques (presque aussi laids que ceux de Slipknot)
en ce qui concerne le batteur et une voix off intervient plusieurs
fois pour narrer le fil de l'histoire (qui reste malgré tout un peu
obscur pour l'auteur de ces lignes). Sur scène, White Crocodile fait
péter les potentiomètres par une décharge d'énergie pure en
dignes héritiers de la scène punk (« Restless »), bien
aidé en cela par le guitariste Julien Omé, impressionant d'un point
de vue rythmique (« Big City »). Le batteur Erik Manoury
se distingue par son kit de batterie customisé par ses soins, sa
complémentarité avec le bassiste Mathias Fédou apporte au groupe une
dose de groove élevant le groupe bien au-dessus du tout venant punk.
Particulièrement charismatique, Julie nous fait un grand numéro de
charme et assure le show. Ah c'est sur qu'on la suivrait les yeux
fermés quand elle nous sussure, allongée sur le dos, « Oh oui
oh mon Chéri viens avec moi oh oui je t'adore» au milieu de « Je
t'aime l'amour » et on irait même en sa compagnie jusqu'à
« Santa Fe » où il fait, selon elle, « chaud ».
Sacré personnage que cette chanteuse, balançant à tire larigot des
poignées de faux billets en hurlant « where is the fucking
money » ! Parfois, Julie joue de la grosse caisse, prenant
le soin de recouvrir l'instrument de confettis au préalable,
provoquant un mini feu d'artifice. Entre la scène recouverte de
confettis et le sol de la salle jonché de faux billets, la boule
noire ressemble à un foutoir sans nom une fois la tornade White
Crocodile terminée... Les femmes de ménage vont avoir du boulot !
mardi 14 avril 2015
Kim sings the blues
Trublion unique en son genre de la
scène française, Kim Giani joue de vingt instruments différents et
a publié environ 27 albums sur une multitude de structures
indépendantes. Une sorte d'Anton Newcombe de chez nous pour résumer.
Pour son dernier projet Kim s'est mis en tête de faire un album de
blues, une envie impérieuse venue par hasard. Pour la première fois
donc, Kim se décide à un faire un disque sur lequel il ne joue pas
(ou très peu) mais se contente de chanter des chansons écrites par
d'autres (6 reprises et 2 inédits dont l'excellente "Crystal in veins"). Il ne faut donc pas se fier à
la pochette qui pourrait laisser penser que l'on a affaire à un
disque acoustique enregistré en solo. Dans les faits, Kim ne
s'inscrit pas dans un courant blues spécifique (Chicago, Delta
etc...) mais rend hommage à l'idiome de façon générale, ce qui
nous donne un disque un peu foutraque, manquant parfois de direction,
mais c'est là que réside le charme de la chose. De la même façon Kim
ne s'attaque pas à un répertoire exclusivement blues (« Vampire
Blues » de Neil Young dans une chouette version) mais lui donne
incontestablement cette couleur. Parmi les grandes réussites, notons
l'ambiance nocturne de « Without you », débordante de
feeling et dans un autre genre, plus énervé, « Snatch it back
and hold it » (Junior Wells) est excellente tout comme
« Preachin' blues » (Robert Johnson) dans une veine
acoustique. Un effort louable, pas dénué de qualités, mais qui
paraîtra vain aux oreilles des exégètes de la note bleue.
En concert le 25 avril à Paris (La
Loge Théâtre).
lundi 13 avril 2015
The Ones : « The Great Unknown »
Après un EP sorti l'année dernière,
le quatuor Vendéen (Challans) The Ones est de retour avec un premier
album en bonne et due forme. Dans l'intervalle le groupe a quelque
peu revu sa formule. Si l'EP était dans l'ensemble plutôt
convaincant, le disque souffrait parfois de quelques longueurs et de
chansons parfois inutilement alambiquées, autant de défauts de
jeunesse gommés ici. Très plaisant, l'album est également plus pop
et moins systématiquement axé sur les guitares. Le son est
globalement plus aéré et les arrangements, souvent à base de
synthés, apportent de la diversité et une touche 80s d'autant plus
appréciable qu'elle n'est pas envahissante (« The awful
tape »). Ce qui n'empêche nullement le groupe de proposer
quelques bons moments de rock par ailleurs et des accroches de
guitares bien trouvées (« Brand new start »,
« 2gether », « Wrong turn ») sous influence
1990s. C'est sur cet horizon entre pop et rock que The Ones navigue
sur les dix titres de cet effort très réussi passant d'une intro
« dure » à refrain « doux » et vice versa.
Enfin venu faire coucou au studio, Boris Jardel (Indochine) a mis à
profit sa visite pour collaborer avec le groupe le temps d'un
« Liars » d'excellente tenue, qui se trouve être un des
morceaux les plus rock de l'album. A découvrir.
vendredi 10 avril 2015
Parlor Snakes
Déjà dix ans d'existence pour les
Parlor Snakes et seulement deux albums, comme si le groupe prenait
son temps, histoire de ménager son petit effet. Pour ce nouvel
effort, le quatuor Parisien s'est donné les moyens de ses ambitions
et a effectué le grand saut, direction New York City et le NYHED
Studio tenu par le légendaire Matt Verta Ray (Speedball Baby, Heavy
Trash). Et le pari est tenu haut la main tant Verta Ray a réussi a
extraire la substantifique moelle rock n'roll qui habite le groupe.
Dans les faits, Parlor Snakes ne s'éloigne jamais très loin de ses
deux poles d'attraction : d'un côté le rock n'roll, le blues
de l'autre. En résulte un album élégant aussi séduisant dans sa
face accrocheuse (le « We are the moon » d'ouverture,
« Watch me live », « Sure shot ») que dans
les morceaux plus lents et veloutés où la tension est soujacente
(cf. « Dirt to gold », « Fade in the light »,
« Strangers »). Le groupe est aussi impressionant qu'il
s'agisse de lâcher les chevaux ou de justement les retenir d'une
main de fer. Le quatuor a mis à profit son séjour chez Verta Ray,
puisant dans sa réserve d'instruments vintage pour y pêcher
quelques claviers qui s'intègrent naturellement dans le mix sans le
vampiriser. L'album est soigné dans les moindres détails, produit
au millimètre, regorge d'astuces que l'on découvre au fil des
écoutes (« Always you »). Et que dire enfin de la
chanteuse Eugénie Alquezar qui vocalise à tout va et dont la voix
griffe ou caresse suivant le contexte ? Enfin dans cet ambiance,
très analogique 60s/70s, un morceau étonne et tombe comme un ovni
dans la soupe : « Man is the night », où
l'influence de Kate Bush est pregnante. Comme quoi le groupe évite
la routine et aime la surprise. Classieux, vénéneux comme son titre
reptilien le suggère, gageons que le disque vieillira bien.
En concert le 29 avril à Paris (Divan
du Monde) avec The Craftmen Club (la soirée s'annonce immanquable !).
jeudi 9 avril 2015
Interview with Sallie Ford (English Edition)
(c) Florie Berger |
A
lot of things have changed in Sallie Ford's approach to music. She's
now playing with a new band, yet to be named, and her new sound is
less rockabilly and more close to the 60s garage rock. Interview with
a changing artist...
(c) Florie Berger |
So, new band, new Sallie ?
Sallie Ford : In
some ways I'm new, in some ways, I'm the same. I fell really happy
with the new band, you learn a lot to play with new musicians. It's
also good to be with them because they are excited to be touring and
it brings a good energy for the project. I'm always wanting to
explore new sounds in music and learn new things. The biggest thing I
learned since the last album was to play more guitar, especially the
lead part. I really found a new love to play guitar, and now I'm
wanting to learn a lot of new instruments, and I do play some bass
and keyboard during the show, and I want to learn the drums. That's
the new Sallie.
You never really liked the vintage stamp press gave you. Is this new
band a way to broke that image ?
SF : I
only didn't like when people think the way I look impacts the way my
music sounds. I have always had vintage glasses and wore a lot of
vintage clothes, but that's everybody in Portland. Of course I love
old bands and I take influences from bands from the past but I want
to make something new and unique, not have my music viewed by the way
I look.
You're using keyboards now. How would you describe the input of this
new instrument in your sound ?
SF : At
first I just wanted keyboard because I love 60's music with organs
and electric pianos but then the producer I worked with had the idea
to add some keyboards with a more electronic sound, and it creates a
psychedelic landscape.
On stage in Paris, you looked very happy with your new band. Are you
happier now ?
SF : Yes.
This last year, I've had a lot of time off. I do love to make music
and I'm lucky to have it as my job, but it was nice to have time off
and be good to myself. I've been really healthy and trying to better
myself, maybe that's what people feel now when I'm on stage? I'm
trying to learn how to cope with touring. People assume touring is
just a party, but it's very hard work, for you body and your mind, so
I'm trying to approach it differently.
(c) Florie Berger |
You also seems to be more free with the new band...
SF : I
think the new band has a free and fun presence on the stage. It's
always the best to just relax and to have fun when you're on stage.
Your new sound seems to be more influenced by 60s/70s garage rock
bands. Do you agree ?
SF : Yes,
but it's not just limited to that. It's different in the US,
especially in Portland, there is more genre crossing. I always prefer
to describe my music with a feeling or a description of a song rather
than a genre.
For
me it's harder to describe my music because I think people just need
to listen to it and make up their own mind.
Back to the Paris show, the Nirvana cover was really surprising
(really good too).
SF : Thanks!
I loved Nirvana since I was a teenager, I think everybody has a
nostalgic feeling for them. Even though they were grunge, everyone
can appreciate their music. And all bands can cover and appropriate
their music, Kurt Cobain was a really amazing songwriter. I try and
write songs like him, the kind of songs that are good songs and could
fit with any types of music.
Guitarist Jeffrey Munger used to bring a lot of country music
influences to the music. Are those country sounds all gone now ?
SF : Actually
he's the one who introduced me to a lot of new music. I found out
some amazing 60's surf and garage rock band with him. He did have a
kind of country style in the way he dressed and talked, but he really
is a rock n roll guy. I miss playing with him.
Was it hard to broke from the sound outside?
SF : It
was actually hardest to break with Jeff, because he was the one that
was the most tired of the road and he helped collaborate the most,
taught me guitar. He didn't love touring though and I can understand
that. He also wanted to focus on making his own music. Who knows?
Maybe I can convince him to make another album with me one day. I'm
not sad though to expand my musical relationships and play with a lot
of different people, you can find new magic when you have new people
to collaborate with.
http://www.sallieford.com/https://www.facebook.com/salliefordmusic
Libellés :
English,
Interview,
Sallie Ford
mercredi 8 avril 2015
White Crocodile : « The Stranger »
Premier album pour White Crocodile dont
on avait évoqué l'ep l'année dernière. Si les influences cabaret
de l'ep précédent semble avoir été remisée sur ce disque, White
Crocodile continue de nous captiver grâce à la diversité
d'influences dont se teinte leur crête punk. On embarque dans
l'album avec la bien nommée « One way ticket », morceau
plutôt calme en apparence mais à la violence soujacente, rentrée.
Un peu à l'image de l'univers de White Crocodile fait de faux
semblants subtils, comme autant de niveaux de lecture différents.
« Santa Fé » nous transporte dans un western spaghetti
de pacotille alors que « Le Crocodile Blanc » nous
entraîne en plein trip psyché (Julie dans le rôle de la prêcheuse
possédée). La face la plus expérimentale du groupe. On retrouve
sur cet album trois titres qui nous avaient régalés sur l'ep :
« Big City », « Restless » (gros son
rock/punk classique et efficace) et l'acoustique crépusculaire de
« The Walker ». Entre autres réussites marquantes citons
la mélancolie de « Loneliness » et de « Sleepless
Tango » cette dernière rappelant le son cabaret de l'ep (grand
numéro de charme de Julie). Au terme des onze titres, il apparaît
que White Crocodile se moque des genres et des écoles et aborde des
styles différents qu'il arrive à faire sien à chaque fois grâce,
entre autre, au charisme de la chanteuse anglaise Julie Biereye dont
la voix puissante personifie les différentes incarnations du groupe.
Saluons également le bilinguisme de Julie qui fait l'effort de
chanter en français sur quatre titres. Un disque bigarré, barré,
gentiment bordélique à l'image de sa pochette.
En concert à Paris (la boule noire) le 14 avril
www.facebook.com/whitecrocodile1En concert à Paris (la boule noire) le 14 avril
mardi 7 avril 2015
Interview avec Sallie Ford
Accompagnée de son nouveau groupe,
Sallie Ford est apparue métamorphosée sur la scène du divan du
monde à l'occasion du festival les femmes s'en mêlent. Libre et
s'amusant à tâter de nouveaux instruments comme la basse et le
clavier. Une évolution dans la lignée de son dernier et excellent
album « Slap Back », moins marqué par le rockabilly et
plus proche du rock garage des années 60, claviers à l'appui.
Interview avec une artiste en pleine mutation...
Sallie Ford : C'est toujours moi,
il y a des choses qui ont changées et d'autres qui sont identiques.
Je me sens vraiment heureuse avec le nouveau groupe, on apprend
beaucoup en jouant avec de nouveaux musiciens. Elles sont excitées
par la tournée et cela apporte beaucoup d'énergie positive au
projet. J'ai toujours voulu explorer de nouveaux sons et apprendre de
nouvelles choses. Le changement le plus important concerne la
guitare. J'en joue beaucoup plus et en lead. J'ai découvert un
nouvel amour pour l'instrument. Maintenant j'ai envie d'apprendre
plein de nouveaux instruments. Je fais un peu de basse et de clavier
pendant le show. Je veux apprendre la batterie. Voilà, c'est ça la
nouvelle Sallie.
Tu n'as jamais vraiment aimé cette
étiquette vintage que l'on t'avait collé...
Sallie : Ce que je n'aimais pas,
c'est que l'on puisse penser que mon look avait une influence sur ma
musique. J'ai toujours eu des lunettes et des vêtements vintage,
comme beaucoup de monde à Portland. Bien sur, j'aime beaucoup les
anciens groupes et beaucoup de mes influences viennent du passé.
Mais j'ai toujours voulu faire quelque chose de neuf et d'unique, pas
de voir ma musique jugée suivant ma façon de m'habiller.
Tu utilises des claviers maintenant.
Quel influence a eu l'instrument sur ta musique ?
Sallie : Au début je voulais des
claviers parce que j'adore les années 1960, les orgues et les pianos
électriques. Mais le producteur avait une autre idée, des synthés
pour donner un son plus électronique. Cela crée un paysage
psychédélique.
Sur scène à Paris, tu avais l'air
très heureuse. Tu te sens plus heureuse maintenant avec ton nouveau
groupe ?
Sallie Ford : Oui. J'ai eu
beaucoup de temps libre l'année dernière. J'adore faire de la
musique et j'ai de la chance que cela soit mon job. Mais c'était
chouette d'avoir du temps de libre et ça m'a fait du bien. J'ai eu
une période très saine et j'ai essayé de m'améliorer, et c'est
peut-être ce que l'on voit maintenant sur scène ? J'essaye
d'apprendre à me débrouiller avec le fait d'être en tournée. Les
gens s'imaginent que tu fait la fête tous les soirs, mais c'est un
travail très dur, pour ton corps et ton esprit. J'essaye d'avoir une
approche différente.
Tu as l'air plus libre aussi...
Sallie Ford : Je crois que le
nouveau groupe a une liberté et une présence plus marrante sur
scène. Le mieux, c'est quand même d'être relax et de s'amuser sur
scène.
Ton nouveau son a l'air plus influencé
par le rock garage et les années 1960/1970. Tu es d'accord ?
Sallie Ford : Oui, mais il n'y a
pas que cela. C'est différent aux Etats-Unis et à Portland en
particulier où on s'amuse beaucoup à mélanger les genres. Je
préfère décrire ma musique avec des sentiments ou des chansons
plutôt que de parler de genres. Pour moi c'est difficile de décrire
ma musique, les gens écoutent et se font leur propre idée et c'est
tout.
Ta reprise de Nirvana sur scène est
très étonnante et réussie...
Sallie : Merci ! J'adore
Nirvana depuis mon adolescence. Je pense que tout le monde a un
sentiment nostalgique à leur égard. Même si c'était un groupe
grunge, tout le monde peut les apprécier. Et tout le monde peut
reprendre et s'approprier la musique de Nirvana. Kurt Cobain était
un songwriter incroyable. J'essaye d'écrire comme lui, ce genre de
bonnes chansons qui peuvent s'intégrer à n'importe quel genre.
Le guitariste Jeffrey Munger apportait
beaucoup d'influences country à ta musique. Elles sont toutes
remisées maintenant ?
Sallie Ford : Il m'a fait
découvrir plein de musiques différentes. J'ai écouté plein de
groupes incroyables, du surf et du garage des années 1960 avec lui.
Il a un petit côté country mais dans le fond c'est vraiment un mec
rock n'roll. Ca me manque de jouer avec lui.
C'était difficile de splitter The Sound Outside ?
Sallie Ford : C'était surtout
difficile de quitter Jeff. Il en avait marre de la vie en tournée.
C'était le membre du groupe le plus important, il m'a appris la
guitare. Celui avec qui la collaboration était la plus étroite. Il
n'aimait pas être en tournée, je peux le comprendre. Il voulait
aussi se consacrer à sa propre musique. Qui sait, j'arriverai
peut-être à le convaincre de faire un nouvel album avec moi un
jour ? Cependant je ne suis pas triste d'avoir élargi le cercle
de mes relations musicales et de jouer avec des gens différents. Tu
peux trouver une nouvelle magie quand tu collabores avec de nouvelles
personnes.
Propos recueillis par email le
01/04/2015
https://www.facebook.com/salliefordmusiclundi 6 avril 2015
Dupain : « Sorga »
Mandole, Vielle à roue, flûte, chant
en occitan, avant même d'avoir écouté la moindre note de musique,
Dupain intrigue. Puis la surprise se transforme en fascination...
C'est en mettant la main sur Sorga, un recueil de poèmes signé
Maxence (Maxence Bernheim de Villers, 1958) que le chanteur Sam
Karpienia décide de redonner vie à son groupe Dupain, en sommeil
depuis une décennie, auteur de trois albums dans la première moitié
des années 2000. Alors surtout ne pas se laisser abuser par le côté
baroque voire expérimental de l'instrumentation. Car sans utiliser
la moindre note de guitare, le cœur de Dupain bat à un rythme on ne
peut plus binaire par le truchement d'une excellente section
rythmique sur le fil, constamment à l'épreuve du feu (François
Rossi à la batterie, Emmanuel Reymond à la contrebasse). Le souffle
puissant de la vielle à roue, comme un incessant bourdonnement
inquiétant, évoque des paysages escarpés sous un ciel d'orage,
noir de suie, avant que la pulsation rythmique ne déchire les nuages
telle la foudre. Parfois électrifiée (du moins nous semble-t-il) la
mandole remplace efficacement la guitare, a n'en point douter,
l'énergie de Dupain est rock, presque métal dans les passages les
plus intenses de ce disque sous haute tension. Et puis il y a la voix
du chanteur Sam Karpienia, gutturale, profonde, une voix de conteur
qui nous embarque même si on ne comprends pas un traitre mot de
l'occitan. Du rock ? Non, mieux que ça : Dupain !
Interview avec Charlie
C'est dans le hall de
l'hôtel Kipling à Paris que l'on a retrouvé Charlie. Un peu
timide, s'exprimant d'une voix douce et feutrée, cette dernière est
revenue sur son parcours d'artiste et la sortie l'année dernière de
son deuxième album « Les fleurs sauvages », synthèse
impeccable de folk-rock à l'américaine et de chanson française. Un
disque malheureusement passé un peu inapperçu. Rencontre avec une
artiste discrète.
Est-ce que tu pourrais
te présenter en quelques mots ?
Charlie : Je suis
artiste, je fais de la chanson française. Chanteuse, conteuse. Folk
en français, c'est pas mal.
Il y a eu quatre ans
entre les deux premiers albums que s'est-il passé entre temps ?
Charlie : Beaucoup
de voyages. Il s'est passé pas mal de choses en fait. J'ai beaucoup
écrit mais j'avais envie de prendre mon temps. J'avais envie de
faire un album différent. Pendant longtemps j'ai écrit mais je
faisais un peu les mêmes choses que sur le premier. Du coup j'ai mis
beaucoup de chansons de côté. Il y a eu aussi la tournée qui a
duré deux ans après la sortie du premier album.
Le premier disque était
très chanson acoustique, piano, guitare. Celui-ci est plus rock,
blues. Penses-tu avoir trouvé ton identité musicale avec cet
album ?
Charlie : Je crois
que l'identité musicale se trouve plus dans le texte et dans la
voix. Le fait de poser le chant sans en faire des caisses. Après la
musique autour... Peut-être que le prochain album je ferais quelque
chose d'encore différent. Je ne sais pas. Je suis un peu un électron
libre en matière de musique. Je n'ai pas non plus envie de
m'enfermer dans un seul et même registre. C'est bien d'aller faire
des choses différentes d'un album à l'autre. Finalement on s'amuse
à faire de la musique. L'interprétation, le fait de chanter,
raconter des histoires c'est ça qui est important. Le reste je
m'amuse avec.
C'est important qu'il y
ait une continuité, comme un fil entre les disques vis-à-vis de ton
public ?
Charlie : Pas
forcément. C'est vrai que le deuxième disque est très différent
du premier. Mais je pense que le public va l'aimer aussi. Je me vois
plus comme un conteuse, je raconte des histoires. C'est des tableaux,
doux et légers, comme sur mon premier disque. C'est vraiment
l'identité du projet.
Est-ce le disque de la
maturité ?
Charlie : Un peu
plus dans le sens où il y a une vraie réalisation, une direction.
Le premier était très chanson. Sur un premier disque on part
toujours un peu dans tous les sens, il y a comme une profusion
d'idées. Je m'éparpille un peu moins.
On ne sait jamais, le
premier peut aussi être le dernier...
Charlie : C'est
pour ça qu'on met tout ce qu'on a. Le paquet (sourire) !
Quel serait le lien
entre les deux disques ?
Charlie : La
recherche sur les textes, l'interprétation. J'aime bien la douceur
dans le chant. Quelque chose d'assez calme et posé. Je crois que je
me suis libérée de pas mal de choses, je n'arrive pas trop à faire
le lien entre les deux albums.
Comme quoi par
exemple ?
Charlie : J'avais
beaucoup écrit pour le premier. Là, j'ai plus ciblé les thèmes.
J'avais vraiment envie de quelque chose de cohérent. Un disque
métaphorique sur les éléments, la nature. Un titre s'appelle « Les
pluies » un autre « Les vents ». Sur le premier
c'était plus un enchaînement de petites histoires. Je voulais plus
de liens entre les chansons. Même au niveau des arrangements. Il y a
un chant un peu tribal qui revient des fois. Il y a ce côté
Americana aussi. J'avais envie que cela se sente dans les thèmes et
dans les arrangements.
L'aspect naturel du
disque m'a fait imaginé un enregistrement dans une grange ou une
cabane dans la fôret...
Charlie : Non, non
on a enregistré dans un grand studio. C'est rigolo. Par contre tout
le monde a enregistré en même temps, dans les conditions du live.
Il y avait une espèce de cohésion qui s'est créée en studio.
C'était vraiment agréable, quelque chose que je n'avais jamais
vécu. Il y a des choses très intéressantes qui ressortent. On
était en Belgique, en huis clos. On vivait ensemble. Il y avait cet
état d'esprit de se retrouver et de faire de la musique dans un seul
et même lieu. C'est agréable.
Il y a eu beaucoup de
répétitions au préalable ?
Charlie : Non, par
contre on avait fait des maquettes. Mais une grosse part de la
création s'est fait en studio.
De l'improvisation ?
Charlie : Oui tout
à fait. On cherche des choses. Les maquettes, c'est les directions,
les structures. Après le studio c'est une phase de recherche de sons
etc... Souvent quand les gens se mettent à jouer ensemble il se
passe un truc un peu magique. Les musiciens se trouvent les uns par
rapport aux autres. C'est ça qui est intéressant.
C'est plus excitant ?
Charlie : C'est
différent. On peut avoir plus de surprises. Il faut être bien
préparé. Sinon on se retrouve bloqué. Mais cela laisse plus de
place à la spontanéité, au hasard et à la créativité de chacun.
Une fois lancé, il faut assurer.
Le lien avec les
musiciens était plus fort ?
Charlie : C'est
une expérience particulière. On voit son album prendre vie en
direct. C'est rigolo. C'est une super expérience. C'est très
excitant, on est sur un petit nuage. C'est chouette.
Un petit mot sur la
collaboration avec Emmanuel Da Silva ?
Charlie : Je ne le
connaissais pas avant. Je cherchais un réalisateur pour l'album,
j'avais envie de travailler avec quelqu'un contrairement au premier
où j'étais autonome. J'ai toujours beaucoup aimé ce qu'il faisait
et il a aussi fait beaucoup de réalisations. Pour moi c'était
intéressant de bosser avec lui qui a l'habitude de se mettre au
service des artistes. Ca s'est fait très rapidement, le projet lui a
plu tout de suite. Assez naturellement.
Ta façon de chanter,
comme un murmure, est assez séduisante à l'oreille. Tu as trouvé
ta voix de chant assez facilement ?
Charlie : Non. Il
faut beaucoup se réécouter. Au bout d'un moment je me suis dit
qu'il fallait chanter de façon très naturelle. C'était la chose
qui me correspondait le plus et qui correspondait également à ce
que j'avais envie de dire, dire les choses simplement. Je ne
travaille pas spécialement ma voix, je n'ai jamais pris de cours de
chant de ma vie, j'ai tout appris sur le tas, en concert, en studio.
J'ai un studio chez moi, je travaille beaucoup à la maison. Après
j'écoute, c'est venu petit à petit. Aujourd'hui c'est très
spontané. Je n'ai pas envie de dire que je chante comme je parle
mais presque en fait. Il n'y a pas une grande différence entre ma
voix parlée et ma voix chantée.
Tu affirmes que tu as
peu d'influences francophones...
Charlie : J'ai un
peu les mêmes grosses références que tout le monde :
Jean-Louis Murat, Daho, Bashung, Camille.
Il y a un petit
cousinage avec Daho dans la façon de chanter...
Charlie : J'aime
beaucoup cet artiste, il a une façon de faire les choses très
élégante. Ses arrangements, ses textes. C'est un poète, moi
j'adore. Mais c'est vrai qu'il n'est pas dans la performance non
plus. Plus dans la voix parlée.
Comment tu décrirais
ta musique ? Un texte en français sur une trame musicale très
américaine ?
Charlie : C'est un
peu ça. Folk, americana.
Un adjectif m'a marqué
dans ta bio : « poussiéreux ». Comment tu décrirais
cette notion de poussière dans ta musique ?
Charlie : J'écoute
beaucoup de musique des années 1970. J'aime bien les aspérités, la
spontanéité des artistes ces années là. Je trouve qu'à l'époque
les gens prenaient beaucoup de risques, n'essayaient pas de faire de
la pop. Je trouve ça chouette. Je ne sais pas si cela s'entends dans
l'album mais j'accorde beaucoup d'importance à la nature des sons.
J'avais envie d'un son de guitare à l'ancienne. C'est surtout par
rapport aux guitares que j'avais utilisé le terme poussiéreux.
Tu accordes une grande
importance aux textes. Tu as une manière de procéder ?
Charlie : Tout
d'abord j'essaye de trouver les mélodies à la guitare. J'oriente le
texte en fonction de la mélodie. Je fais tout en même temps. Je ne
pars pas d'un thème précis. Tout dépends de mon état d'esprit du
moment où j'écris, les thèmes peuvent être proches. Parfois j'ai
envie de parler de voyages ou d'amour. Finalement il n'y a rien
d'intellectualisé, tout est très spontané, libre. Il y a des
périodes où je n'écris pas du tout, je n'ai rien à dire ou je
n'en ressent pas le besoin.
On ressent cette notion
de liberté dans ton écriture, un peu abstraite...
Charlie : C'est
vrai il y a de cela. Enfin, j'espère. On a l'impression que c'est
abstrait mais c'est très construit, il y a un vrai sens. Tout
raconte quelque chose. Tout a un sens.
Les paroles me
paraissaient plus directes sur le premier album...
Charlie : Le
disque est très métaphorique sur pleins de points. Comme je te le
disais, j'ai beaucoup voyagé entre les deux premiers albums. Et j'ai
vu plein de paysages qui m'ont évoqué des sentiments, des
histoires. Et aussi les éléments. Les vents, les pluies sont des
métaphores sur des situations, des choses de la vie. C'est un disque
plus poétique. Plus évocateur.
En parlant de paysages,
la nature c'est quelque chose d'important dans ton écriture ?
Charlie : Oui bien
sur. Je vis en plein centre ville mais presque dans un parc. J'ai la
chance d'avoir les deux. Je ne fuis pas la ville mais j'aime me
retrouver. J'aime le calme, la nature ça me ressource à plein de
niveaux. Je suis assez solitaire. J'apprécie ces moments là, la
nature ça me repose, ça m'appaise. C'est l'endroit où je me sens
bien.
Le voyage c'est aussi
une autre composante, la musique c'est un voyage ?
Charlie : Oui
c'est un voyage. C'est déjà un parcours, on évolue tout le temps,
on rencontre de nouvelles personnes, on découvre de nouvelles
choses, des instruments, des musiciens, des sons. C'est toujours en
mouvement. Quelque part le paysage musical change. On n'écoute pas
la même chose qu'il y a dix ans. Pour moi c'est un décor sans cesse
en mouvement. La musique se déplace.
Comment une solitaire
comme toi s'accomode de la vie en tournée ?
Charlie : En règle
générale je ne pars qu'avec des gens que je connais (rires). C'est
important d'être entourée. Je suis solitaire mais je suis sociable
aussi. J'aime bien quand même m'entourer de personnes. C'est
important qu'il y ait une vraie équipe sur scène. Ca s'entends. On
passe tellement de temps ensemble dans les transports, les hôtels.
Il faut des gens de confiance, qui s'entendent bien entre eux. Pour
moi l'harmonie c'est important. Il faut pouvoir être à l'aise,
communiquer, quand il faut changer certaines choses. C'est quand même
une grosse partie de notre boulot. Autant que cela soit agréable et
que cela le reste. Le choix des personnes qui viennent sur scène
pour m'accompagner, c'est très important. Ce n'est pas juste des
musiciens.
Comment tu appréhendes
la vie en tournée ?
Charlie : Je ne
l'appréhende pas, j'aime bien me déplacer. Prendre mes valises,
revenir. J'ai été habituée à le faire. Cela ne me pose pas de
problème. La routine ça n'est pas trop mon truc. C'est bien de
changer. Tu fais tes valises, tu vas à telle date. Et puis surtout
c'est pour donner des concerts, pas pour assister à une conférence.
Des gens qui viennnent te voir, c'est quand même super agréable.
Avec le recul, tu es
satisfaite de l'accueil fait à l'album ?
Charlie : Ca a été
un peu timide. C'est un problème de contexte. Les gens n'écoutent
plus trop de la chanson française. On n'en voit presque plus. On ne
voit que la variété. La chanson est un peu boudée. C'est compliqué
pour les artistes comme moi qui écrivent en français. C'est pas
grave, peu importe. Moi je suis contente de mon album, super fière
du résultat. De toute façon, en tant qu'artiste c'est quelque chose
qui t'échappes complètement. La promo, le label s'en occupe. Ca ne
m'appartient plus.
Le disque c'est un peu
ton bébé, c'est difficile de le lâcher dans la nature ?
Charlie : Moi je
fais confiance au label. Il y a toujours une appréhension. Tu as
toujours envie que ton album marche, qu'il soit entendu par plein de
monde, de le jouer sur scène. La musique ça n'est pas une science
exacte. Ca fait partie du métier, c'est le revers de la médaille.
Comment tu vois
l'avenir ?
Charlie : J'écris
de nouvelles chansons. J'aimerais bien que le troisième album sorte
plus rapidement. Ne plus avoir toute cette attente. Je travaille
aussi pour la scène. Il y a des chansons que j'ai envie de garder
que je jouerai plus tard. Et puis on verra. Peut-être qu'il va se
passer un super truc !
Propos recueillis le
16/10/2014.
http://www.charlieofficiel.com/
dimanche 5 avril 2015
Satellite Jockey : « Falling »
Quatre ans d'existence pour Satellite
Jockey et déjà, mine de rien, cinq albums au compteur. D'obédience
pop (cf. « Then i'll come back to you », « Turning
into you »), Satellite Jockey laissera pourtant pantois tous
les thuriféraires du sage couplet/refrain/couplet. Non, point de
formule toute prête chez ce groupe qui, comme son patronyme le
laisse supposer, chevauche les genres avec brio et se joue des
obstacles tel un pur sang jeté sur la piste. La base reste cependant
les années 1990 dont on retrouve la trace dans leur musique entre
trip-hop et shoegaze. Entre ces deux balises, le groupe s'amuse
passant de morceaux psyché trippant (« It's fadding in »,
« Dancing ») à des horizons nettement plus sombres
(l'enchaînement « Falling down »/« A poisoned
arrow »). Leurs chansons prennent alors la forme de mini
organismes vivants en constante mutation, ralentissant le rythme,
l'accélérant, mettant soudainement les guitares en sourdine pour
d'un coup privilégier les synthés (ou inversement) et partir dans
une autre direction mélodique. Mettons un coup de projecteur pour
finir sur l'épique « Concealed Feeling », morceau de
bravoure de onze minutes intime et à la saveur 60s plus assumée clôturant ce disque aux allures de grand
huit musical.
samedi 4 avril 2015
Man is not a bird : « Survived the great flood »
Jeune quatuor parisien, Man is not a
bird sort son premier album au contenu à peu près aussi luxuriant
que la jungle figurant sur sa pochette. Rapidement, Man is not a bird
se révèle être un véritable cauchemar pour quiconque rêve de
caser les groupes dans des cases, car il est manifeste dès le titre
d'ouverture « Troglodyte », que si le quatuor ne rentre
dans aucune, il en remplit aisément plusieurs à lui tout seul. On
parle bien sur de rock au sens large du terme. Shoegaze ? Post
rock ? Métal ? Drone quelque chose ? C'est un peu
tout cela à la fois et dans le fond on a rarement entendu un
ensemble si disparate sonner aussi harmonieusement. Une attaque
démoniaque de guitare succède à un pont psychédélique mélodieux
presque progressif avant qu'une double pédale toute métallique ne
vienne semer le trouble. On pourrait citer les références par
pelletées mais dans le fond à quoi bon puisqu'il est évident que
les quatre musiciens ne souhaitent ressembler à personne. Le
corollaire de ce parti pris esthétique est de sortir un album
instrumental où quelques choeurs éthérés et autres extraits de
dialogues cinématographiques viennent remplacer le chant. D'une part
cela vaut largement des textes chantés dans un mauvais anglais et
par ailleurs, on ne voit pas trop comment le chant pourrait venir
s'incruster dans cette jungle de sons parfaitement agencée. Les
rares fois où les voix interviennent (« D.I.P. »,
« Running endlessly ») elles sont traitées comme des
instruments à part entière, les textes restant toujours plus ou
moins abscons, fantomatiques dans le fond du mix. Un peu comme si
l'essentiel était ailleurs. Impressionnant de maîtrise, le disque
se révèle être un festin pour les oreilles. Plusieurs écoutes
sont nécessaires pour en saisir toutes les nuances et les saveurs.
Recommandé.
jeudi 2 avril 2015
Pops Staples : « Don't lose this »
« Surtout ne le perds pas ! ».
C'est avec ces mots que feu Roebuck « Pops » Staples
(décédé en décembre 2000) a confié à sa fille Mavis ses ultimes
enregistrements. Figure légendaire de la soul music américaine à
la tête de son groupe familial, The Staples Singers, Pops
travaillait depuis 1998 à son quatrième album en solo. Quinze ans
après sa disparition, sa fille Mavis Staples tient sa promesse avec
la sortie de ce disque posthume. Entre temps, Mavis a fait appel à
son producteur Jeff Tweedy (son collaborateur sur l'album « You
are not alone ») qui s'est chargé d'habiller les démos
guitares/voix (laissées intactes) par Pops. On retrouve au casting
les suspects habituels, Yvonne et Cloetha Staples (décédée en 2013) au chant, et le
propre fils de Jeff, l'impeccable Spencer Tweedy à la batterie qui,
à peine sorti de l'adolescence, assure le rythme avec beaucoup de
d'autorité et de groove (« No news is good news »,
« Love on my side »). Le résultat est bluffant et le
bricolage temporel ne s'entends absolument pas, comme si tout avait
été enregistré d'un seul tenant. Jeff Tweedy a eu l'intelligence
de savoir s'effacer lorsque c'était nécessaire (« Nobody's
fault but mine » en version guitare/voix débordante de
feeling) et les rajouts ont été faits beaucoup de goût. On révise
ainsi nos classiques tel ce « Will the circle be unbroken »,
tellement repris que l'on avait fini par oublier que Pops en était
l'auteur. Enfin, un inédit, « Love on my side », avec
Mavis au chant lead complète la sélection. Comme toujours avec Pops
Staples, blues, soul et gospel s'imbriquent merveilleusement bien
tout au long de cet album remarquable.
mercredi 1 avril 2015
Mountain Men : « Against the wind »
Ce nouvel album des Mountain Men donne
à écouter le groupe comme on ne l'avait jamais vraiment entendu
auparavant. En effet, le duo montagnard a considérablement élargi
son spectre musical intégrant des éléments rock dans son blues.
« Moving Forward » et « Spoonfed » sont
gorgées d'électricité et rageuses comme un volcan sur le point
d'exploser. « 13 », quant à elle marque l'apparition
d'une batterie, instrument dont ils avaient peu l'usage jusqu'ici. A
bien des égards ce troisième effort studio du duo apparaît le
disque de la maturité d'un groupe qui n'a pas peur de sortir de sa
zone de confort. On connaissait depuis longtemps l'appétence du
chanteur/guitariste Mr Mat pour la chanson française (cf. l'album de reprises de Brassens) mais pour la première fois le chanteur ose
interpréter ses propres textes dans la langue de Molière (cf.
« Comme si », « La nouvelle tare », « Le
jour où il a plu dans ma chambre ») dévoilant un autre aspect
de son art et une écriture plus intime et personnelle. Pour le reste
on retrouve le duo tel qu'on l'a tant aimé par le passé maîtrisant
l'idiome blues acoustique mieux que jamais avec toujours cette
puissance émotionnelle qui devient leur marque de fabrique (« Never
give up », « Ride it all the way »). Les
interventions de Barefoot Iano à l'harmonica sont toujours à bonne
escient (« Same old thing »). Cependant la magnifique
reprise de « Georgia on my mind » (Ray Charles) marque un
virage vers la soul music et ça c'est nouveau également. Dans le
fond, la musique des Mountain Men est telle un ruisseau de leurs
chères montagnes s'écoulant plus ou moins paisiblement et qui
prendrait sa source dans le blues.
En concert le 15 avril à Paris (Café
de la danse).
https://fr-fr.facebook.com/mountain.men.officiel
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