lundi 15 février 2021

Karen Lano : « Muses »

 


Juillet 2020, alors que la pandémie fait rage depuis plusieurs mois (et pour plusieurs mois encore mais ça on l'ignorait à l'époque) Karen Lano décide de s'enfermer dans la petite église de Graveron-Sémerville (Eure) en compagnie de ses musiciens afin d'enregistrer un nouvel album. Bien plus qu'un disque en fait, plutôt un carnet de voyage immobile à écouter. Car c'est finalement de cela qu'il s'agît libérer nos esprits alors que notre liberté de mouvement est entravée. C'était le pari de la chanteuse et il est réussi haut la main. L'église de Graveron-Sémerville joue un rôle central et toute la solennité qui habite ses murs transparaît dans la musique. Le folk de Karen est épris de lyrisme lorsque sa voix s'élève au-dessus des contingences matérielles (« Ophélie »), doux et délicat (« Ma Douce »), mais est traversé d'éclairs épiques et d'intenses poussées de fièvre électrique (« Mélopée » ; « Sirocco ») traduisant une tension soujacente à l'image de l'orage qui a perturbé l'enregistrement et que l'on peut entendre dans le fond si l'on tends l'oreille. Le violon et la scie musicale, ainsi que le « cri tribal » du deuxième titre, participent de cette ambiance baroque (cf. « Muse » uniquement composé de voix et de percussions) et confère un soupçon d'étrangeté à cet album qui habitera longtemps quiconque aura la chance de poser une oreille dessus.

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