mercredi 28 février 2018

The Buttshakers : « Sweet Rewards »



Depuis qu'on les a découverts une après-midi boueuse aux Eurockéennes de Belfort, on reste persuadés que la France détient en ce groupe une petite merveille située à équidistance de Sharon Jones and the Dap-Kings et des BellRays (cf. « Tax Man »). Ce nouvel album, leur quatrième sortie, marque cependant une évolution pour le groupe qui étoffe son identité sonore à grands coups de percussions ravageuses (« Hypnotized ») et de choeurs féminin. Autant de pas effectués par le quatuor pour s'éloigner du rock garage pour plus de soul et de funk vintage. Et la formule fonctionne au-delà de toutes les espérances tant le groupe a su faire sien cet idiome séculaire en se reposant sur ses forces, soit un songwriting solide servi à merveille par la charismatique chanteuse étasunienne Ciara Thompson et une section de cuivres incendiaires. Mais loin de se cantonner à un seul style, le groupe livre en « Movin On » un petit bijou de soul psychédélique au groove alangui, "Roll Miss Roll' se pare de séduisants atours acoustiques, alors que « Tax Man » et "Weak Ends" abattent une carte plus rock n'roll rappelant les débuts du groupe. Si les sorties soul vintage se multiplient depuis quelques années (et les déceptions aussi), cette formation semble armée pour tenir la dragée haute à n'importe quel combo venu d'outre-Atlantique ou d'ailleurs. De quoi en tout cas faire honneur au patronyme du groupe tant ces neuf plages brûlantes donnent envie de se secouer le popotin sur le groove ravageur du groupe.

http://thebuttshakers.com/
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mardi 27 février 2018

Mavis Staples : « If all I was was black»



A 78 ans, Mavis Staples, figure légendaire de la soul étasunienne, a peut-être bien trouvé un nouvel alter-ego musical en la personne de Jeff Tweedy (Wilco) qui collabore pour la troisième fois avec la chanteuse. Cette dernière n'a en tout cas rien perdu de son mordant (cf. "No time for crying") et le titre de ce nouvel effort pourrait se lire comme une question : et si je n'étais que noire et si toute la complexité et la personnalité d'une personne ne se résumait qu'à ça : une couleur de peau ? La pensée, aussi glaçante soit-elle, donne l'occasion à l'artiste de s'interroger sur les questions d'identité et de tension raciale en pleine expansion depuis l'élection d'un certain Donald Trump à la Maison Blanche. Un combat à rapprocher de celui pour les droits civiques des années 1960 (même si l'époque n'a plus rien à voir) et à l'unisson sur la plan musical ; Jeff Tweedy (également compositeur) prenant un malin plaisir à évoquer les classiques de la soul et du blues (voire du gospel/folk cf. « Peaceful dream ») le long d'un album compact, dense et ramassé, remarquable d'unité sonore, aux allures de classique immédiat dont la durée relativement brève (30 minutes) renoue avec celle d'un vieux vinyle. Intemporel.


lundi 26 février 2018

Hotel : « Room 102 »



Auteur d'un premier EP (« Express Checkout ») en juin dernier, Hotel est déjà de retour avec un nouvel effort de cinq titres. Et entre-temps, le duo a revu sa copie. Les textes privilégient désormais le français (un seul titre dans la langue de Shakespeare) et le groupe affine son approche musicale privilégiant les synthés et autres boîtes à rythmes vintage, surlignant le tout d'une pointe de rock n'roll via des guitares inspirées, jamais intrusives, mais trouvant l'espace pour se faufiler entre les notes. L'alchimie fait des miracles et rappelle, en vrac, la new-wave des années 80, les jeunes gens modernes (et chics) de l'époque, le krautrock, la pop psyché et progressive. Un sacré mélange mettant l'accent sur une forme hypnotique (cf. « Transcendantal Express » qui dépasse les six minutes) d'où se dégage une ambiance cotonneuse qui n'exclut pas quelques coups de sang (« Dust »). Un je ne sais quoi de décadent se dégage du disque et saisit l'auditeur. Une sensation qui rappelle un réveil vaseux au petit matin, pas rasé et un café noir à la main. Et au final, un petit chef d'oeuvre à la clef pour le duo : « Perfecto » où planent les fantômes du Velvet Underground et de Bowie. Une réussite ! 

En concert le 3 mars au 59 Rivoli (Paris). 

dimanche 25 février 2018

Birth of Joy : « Hyper Focus »



Le trio hollandais sort son nouvel album (le quatrième) et c'est une nouvelle déflagration d'ampleur pour l'auditeur. Avec ce nouveau disque Birth of Joy continue à redéfinir les contours du rock psychédélique dans la lignée de leur effort précédent (« Get Well »). Chez Birth of Joy il n'est, en effet, nullement question d'un quelconque passéisme nostalgique. A l'écoute on sent bien pourtant que le groupe a épuisé ses classiques en vinyle 60s mais toutes ces influences engrangées sont au service d'une musique en prise avec l'époque, une question de dynamique (les guitares stoner de « Riff Raff » à rapprocher de Triggerfinger) et ouverte sur le monde (les percussions qui ouvrent « You are many », les effluves latines de « Witches Hammer »). Ainsi ce nouvel effort s'écoute comme on visiterait une discothèque géante, l'intro jazz de « i » s'enchaînant avec le lourd et métallique « Riff Raff ». « Hyper Focus » est un disque dense (13 titres) et habité sous le sceau de la prise de risque prenant la forme de compositions longues et alambiquées (la jazzy « Forenoon ») ; le trio trouvant la juste distance entre classicisme ("Let it slide") et expérimentation sans que l'auditeur ne perde le fil. Un disque fait sur mesure pour les amateurs de rock psyché qui aiment la tradition, certes, mais qui ont aussi envie d'écouter autre chose. Une nouvelle réussite à mettre à leur crédit. 

En concert le 4 avril à Paris (La Maroquinerie)
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samedi 24 février 2018

The BellRays : « Punk Funk Rock Soul vol. 2 »



Attention, on arrête tout ! Après huit longues années d'attente (8 ! Que le temps passe vite!) The BellRays sont de retour avec un album complet de chansons originales !!! Alors certes, il y a bien eu les projets parallèles (Lisa & The Lips, Bob & Lisa) et les EP de reprises (« Covers ») ou non (le premier volume de cette série punk, funk, rock, soul) mais un album entier, c'est une première depuis 2010. Autre bonne nouvelle, le fantastique batteur Craig Waters est de retour derrière les fûts et cela redistribue la donne tant son sens du groove, sa puissance et sa célérité (« Junior High ») propulsent le groupe dans une autre dimension. « Punk, funk, rock, soul », la formule ressemble à un résumé de la carrière du groupe : ce mélange entre une chanteuse soul (Lisa) et un groupe de rock garage puissant dans la lignée des Stooges et autres MC5 d'antant. Mais en l'espèce le titre est un peu trompeur et s'appliquerait mieux aux deux efforts précédents du groupe (« Hard sweet and sticky » et « Black Lightning ») qui faisaient montre d'une ambition musicale à la hausse, misant sur des arrangements de cuivres et de cordes pour aggrémenter leur rock, et illustrant à merveille ce grand écart entre blues, punk et soul. Ce nouvel effort semble comme un pas en arrière pour le groupe qui, en l'espèce, se concentre sur ses forces vives à savoir : guitare, basse et batterie, les seuls invités intervenant uniquement sur le plan vocal (on note également qu'ils sortent ce disque en toute indépendance). En 2018, le quatuor n'est plus aussi sauvage (et bruyant) qu'il y a 20 ans et s'inscrit dorénavant dans une veine plus classique, et donc, en conséquence moins punk ("Love and hard times"). Mais on sent également à l'écoute une dextérité musicale toujours égale (« Every chance I get », la psychédélique « Now »). Si les amplis chauffent, la fougue du groupe est cadrée pour un résultat énergique évitant intelligemment de sombrer dans le chaos pour mieux atteindre le centre de la cible. Ce nouvel effort est donc relativement simple et direct. Mais attention à ne pas les sous estimer, un nouvel album des Bellrays c'est toujours, outre la promesse d'un bon moment, l'auditeur qui sombre sous les coups de butoir du groupe entre groove ravageur et guitares grasses. Vous êtes prévenus… 

En concert le 19/03 à Paris (Point Ephémère) https://www.thebellrays.com/ 

vendredi 23 février 2018

Bette Smith : « Jetlagger »



Bette Smith, c'est d'abord une voix, inoubliable, qui emporte littéralement l'auditeur et, accessoirement, un cauchemar de chroniqueur tant il est compliqué de décrire un timbre pareil, rauque et aigu en même tant avec, dans le fond la gorge, une petite fêlure, typiquement soul, transpirant le vécu de l'interprète. Autour de cette voix, unique en son genre, le décorum vintage est impeccable et donne l'illusion d'un album inédit des 70s (râté, le disque est bien actuel, enfin, de 2017). Sur ce premier album la New-Yorkaise prône une version très rock, les guitares bien mises en avant (« I found love » ; «I will feed you ») au point de sonner comme les Rolling Stones de 1972 ("Moaning Bench"). Mais à cette énergie urbaine (normal pour une New-Yorkaise) vient se transplanter une pointe du Sud  par le biais de cuivres tranchants et bien sentis (« Mainchild ») dans la lignée des BellRays et autres avatars soul/rock (Mother's finest). Alors, ce disque, une petite merveille ? Pour être tout à fait honnête, non, pas tout à fait. Le problème viendrait plutôt de l'exécution. Enregistré dans les conditions du live, l'enregistrement retranscrit parfaitement l'excitation et l'adrénaline des séances, drapant la soul d'un côté sauvage et animal. Mais le disque souffre du défaut de ses qualités à savoir une interprétation parfois approximative (« Flying sweet angel of joy », la fin abrupte de « I will find you » et de « Mainchild ») et un kitsch maladroit transpire par moments de compositions un peu trop alambiquées par ailleurs. Quelques zones d'ombres qui viennent ternir un exercice soul de haute volée, pas avare de bons moments (« Durty hustlin' »), et assez satisfaisant en l'état. Une belle promesse pour l'avenir quoi qu'il en soit… 

En concert le 3 mai à Paris (Sunset)
www.bettesmith.net
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jeudi 22 février 2018

Gaspard Dasonville



Le chant dans la langue de Molière, éternel rocher de Sisyphe de la scène française, vient de se trouver un nouveau héraut en la personne de Gaspard Dasonville. Le risque est grand de tomber sous les fourches caudines de « la variété », horreur absolue, qui n'a cependant pas l'air d'effrayer notre jeune musicien. Ainsi, sa musique déborde d'un feeling blues (« Dilemne exquis ») parfois réhaussé d'un piment rock n'roll délicieusement suranné évoquant les années 1950 (cf. « Marilyn ») parfois mélancoliquement folk, « Nord au Sud », dans une veine plutôt britannique. Le décorum est là, et l'amalgame avec le chant en français fonctionne plutôt bien quelque soit le genre abordé (un indice sur un futur ecclectique ?) Si on reste plus circonspect sur le titre d'ouverture, « La grande Ourse », l'ensemble est d'une tenue suffisamment haute pour que l'on s'autorise à considérer son auteur comme un espoir. A suivre… 

http://www.gaspard-dasonville.fr/
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mercredi 21 février 2018

Levitation Free : « The world is in your hands »



Derrière la sublime pochette, représentation onirique d'éléments déchaînés (cf. la vague), Levitation Free, offre une proposition musicale fidèle à son patronyme : c'est à dire dégagée de l'attraction terrestre. Une sorte de croisement entre mélodies psychédéliques et dream pop qui n'est pas sans rappeler la relecture de l'idiome psyché de Tame Impala (le chant maniéré, la basse). Point de nostalgie centrée sur les années 1960 (l'age d'or du psyché) ici mais un grand creuset où se mélangent les influences, porté par des nappes de synthés (« The world is in your hands ») et des guitares au son travaillé dans le moindre détail (cf. « Paranoia »). Dans l'air ou porté par les flots, la musique de Levitation Free s'élève au-dessus des contingences matérielles emportant l'auditeur dans son doux songe le long des quatre plages de ce disque en forme de voyage immobile. 


mardi 20 février 2018

Louis Arlette : « Sourire Carnivore »



Le moment est venu pour Louis Arlette. L'ancien ingénieur du son d'Air sort son premier album fruit d'une longue période de maturation et de travail. « Le moment est venu » c'est aussi le titre de la première chanson qui ouvre le disque sur une mélodie entre mélancolie et espoir. Titre après titre le disque distille un poison aussi subtil que vénéneux, l'univers de l'artiste se dessine une chanson à la fois. Les guitares acérées (« A notre gloire », « Le naufrage », « Avalanche ») rapprochent l'artiste d'une esthétique rock sombre et teintée d'arrangements électroniques (thèse accréditée par la pochette clin d'oeil à She Wants Revenge) alors que les textes, mystérieux, où la foi en l'avenir n'est jamais frontale, assument l'héritage de la chanson (mais du rock aussi) français. Un grand écart risqué mais pleinement assumé par l'artiste qui risque de faire de lui un personnage clivant dans le petit microcosme du rock français aux contempteurs aussi nombreux que les soutiens. En attendant, voici un album parfaitement « mis en sons » (ce qui était attendu vu le CV du principal intérressé) alternant les séquences lumineuses (magnifique « Jeux d'or », « A la dérive ») et dark. Un ovni sur la scène française. 
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lundi 19 février 2018

Nine Inch Nails : « Add Violence »



Il peut sembler, de prime abord, très surprenant qu'à ce niveau de notoriété et à ce stade de leur carrière (30 ans d'existence) Nine Inch Nails soit de retour avec un nouvel EP. Une forme de désaveu du format album ? La nécessité farouche d'occuper le terrain sous peine de sombrer dans l'oubli ? D'une durée de 27 minutes, la chose s'apparente plus à un mini-album de cinq titres et, avant toute nouvelle considération, réjouissons-nous de cette nouvelle sortie de ce groupe mythique qui nous accompagne depuis les années 1990. Habituel partenaire de Trent Reznor, notamment dans ses aventures cinématographiques dans le domaine de la BO, Atticus Ross se voit promu comme membre du groupe, un duo donc, et officiellement crédité comme tel sur la pochette. De ce nouvel EP on retient deux facettes. D'une part la maîtrise, virtuose, des synthés (« Less Than », « The Lovers ») qui créent une ambiance sans pareil et ramènent le groupe sur le terrain d'une cold wave, sombre et angoissante. De l'autre on retrouve une attaque déraisonnée des guitares (Add Violence, tout est dit dans le titre cf. « Not Anymore ») d'un groupe qui expérimente de plus en plus autour de son matériel : la dantesque (12 minutes) « The background world », placée en clôture, tellement barrée que sa coda laisse croire que la platine est déréglée. Cette dernière pièce vaut à elle seule le déplacement. 

http://www.nin.com/


dimanche 18 février 2018

Ronan K : « From Grey »



Ainsi tout part du gris. Premier album donc pour ce duo Nantais qui se fait fort sur ces neuf titres inauguraux de défendre une vision particulière du folk. Point d'arpèges délicats ou d'envolées aériennes ici (même si "She left you" nous fait un peu mentir) mais au contraire une attaque brute et terre à terre des cordes qui évoque le sud des Etats-Unis (la countrysante « Look at the fireflies ») mais où subsiste parfois un rien, quasi-imperceptible, de culture celte (« The Fall », « 1922 ») et une pointe de noirceur (cf. « Blacksad », « Just say no ») qui colle parfaitement à la voix de gorge du chanteur Ronan. Fortement arrangée (guitares, banjo, harmonica, basse, clavier, un mystérieux banjitar et de la batterie sur quelques titres) la musique de Ronan K distille avec parcimonie un poison vénéneux et tout indiqué pour la période hivernale. Intemporel. 

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dimanche 11 février 2018

'Ndiaz : « Son'Rod »



Le patronyme choisit par le quatuor trahit bien les origines bretonnes du groupe. Mais à l'image des marins bretons quittant le port pour voir le monde, 'Ndiaz fait voyager sa musique autant qu'il renouvelle les musiques celtiques banissant l'influence folk de l'équation : pas le moindre instrument à cordes ici. Mais au contraire une musique, l'album est instrumental, qui se balade sous l'influence conjuguée du jazz et de ce que l'on nomme (à tort) la world music. Turquie, Brésil, Roumanie, Inde autant de pays où renbondit la musique de 'Ndiaz et que l'on perçoit dans les notes subtilement distillées par les percussions, cuivres et accordéon. Le tout mélangé avec cette saveur unique de l'ambiance celte qui respire la mer, le vent et le grand large. Un album virtuose en forme de voyage immobile. A écouter en relisant Corto Maltese. 

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Black Cat Crossin' : « Too many things to light »



Blues rock ou rock blues ? La question n'a pas fini de nous tarauder l'esprit à l'écoute du premier album de ce groupe venu d'Alsace. Car, il s'agit ici de distinguer le fond et la forme. D'emblée le disque présente tous les artefacts classiques du garage-rock, avec tout ce que cela suppose de guitares sauvages, saturées et de chant écorché. Mais ce feu intérieur qui le consomme, le quintet le met au service d'un répertoire trahissant une compréhension du gospel (cf. « Rockafeller Shake », « The Sun », « Mercy ») et un feeling blues, au-dessus de la moyenne et, en l'espèce bien servi, par le dialogue entre la guitare et le clavier, piano (« May 1968 ») ou orgue pour un surplus de groove dévastateur (« Paper mache boy », "Jump for joy"). Les textes, qui sont comme autant de chroniques sombres de l'âme humaine, participent pleinement à l'ambiance du disque comme le lien manquant entre Tom Waits et Bror Gunnar Jansson. A noter enfin pour finir une jolie chanson acoustique, « Nothing grows », ajoutant une couleur supplémentaire, entre folk et country, à ce très bel album en forme d'excellente surprise. 

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samedi 10 février 2018

Sunflowers : « Castle Spell »



Venu du Portugal, le duo Sunflowers frappe fort avec ce deuxième album. Un deuxième effort intrinsèqment psychédélique. C'est à dire dingue, halluciné, dément, chaotique. Faire un disque « comme à l'époque » de la fin des années 1960 (l'âge d'or du psychédélisme) serait trop facile et la démarche trop étroite pour deux cerveaux aussi créatifs que dérangés que ceux des Sunflowers. Le duo part d'une base très simple, des riffs de guitare puissants qui scotchent littéralement le cerveau (l'ouverture démentielle de « The Siren », « Monomania ») rappelant vaguement la surf music. C'est ensuite que la chose dérape hors des sentiers battus, quand tout un tas de bruitages bizarres, comme issus d'une bonne vieille série B d'horreur, viennent s'agglutiner ; une créativité débridée l'oeuvre de deux têtes malades. La musique pourrait en ressortir polluée, elle est au contraire magnifiée. Car le groupe n'a pas son pareil pour composer des petits classiques en puissance où se mêlent, dans un chaos savamment organisé, pop, punk, rock garage, surf music et peut-être même un soupçon de blues, mettant ensuite sa créativité au service de titres solidement écrits. C'est sur le temps long, vers les sept minutes, que la fonctionne à plein régime, un élan nécessaire que le groupe exploite à plein avant de partir en vrille. Et d'emporter l'auditeur dans sa folle cavalcade. 

https://thesunflowersmusic.bandcamp.com/
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jeudi 8 février 2018

Ignatus [e.pok], le Café de la danse, 06/02/2018.


La soirée commence avec le chanteur/pianiste Jérôme, « Ignatus », qui se félicite de la météo hivernale et de la neige, tombée en abondance, recréant le paysage du « Détroit de Béring », la grande réussite de ce nouveau projet. A mi-chemin de l'avant-garde électro et de la chanson pop en français (le piano, la guitare) [e.pok] (re)définit un univers singulier et bien à lui. Le lieu, intime, est particulièrement bien choisi pour ce concert, le grand mur de pierres blanches dans le fond de la scène offrant le cadre idéal pour les projections spectaculaires qui sont parties prenantes de la création. L'auditeur est ainsi projeté dans l'univers du groupe, tour à tour tendre (« Lire le matin »), (sur)réaliste (« Florida », « Un travail ») et pourtant retranscrit de manière fantasmée. Ignatus et ses haïkus hilarants (« J'ai frôlé la vie dans un accident de routine ») ainsi que la maîtrise des musiciens apportent un contrepoint humain aux projections hi-tech qui auraient pû faire basculer l'ensemble dans une sorte de froideur, à l'instar de la musique balance parfaite entre électricité et électronique. La guitare illustre bien le propos tantôt classiquement rock et tantôt totalement expérimentale. L'équilibre entre deux opposés, la balance fragile, est décidément la grande affaire d'Ignatus et de son nouveau groupe [e.pok]. 

https://www.projetepok.com/

lundi 5 février 2018

Deva Mahal + Automatic City + The Goon Mat & Lord Benardo, Les Nuits de l'Alligator, La Maroquinerie, 30 janvier 2018.


Parce qu'il a fait le coeur de sa programmation des idiomes qui nous sont chers (le blues, la soul, la country, le rock garage et psyché), nous chérissons particulièrement le festival des Nuits de l'Alligator et on ne compte plus les bons moments passés dans le sous-sol de la Maroquinerie et ses piliers de briques rouges derrière la scène…

Cette année encore, le festival nous a dégotté une bonne surprise avec le duo belge The Goon Mat & Lord Benardo. Contrairement à d'autres duos fameux point de formule guitare/batterie ici mais une sorte de one man band (guitare et batterie) augmenté d'un harmonica. Le duo s'est fait une spécialité du blues cradingue, très rock n'roll dans un esprit pas si éloigné des productions du label Fat Possum (RL Burnside, T-Model Ford etc.) Ici la guitare et l'harmonica rivalisent de distorsion, l'écrin idéal pour la « grosse » voix de gorge du chanteur. Particulièrement dévastateur en live…

Le deuxième album d'Automatic City avait été un coup de coeur sur cette page l'été dernier. Et la performance du soir ne fait que confirmer tout le bien que l'on pense d'eux. Automatic City fonctionne sur une dualité. D'un côté nous avons une guitare, saturée, sauvage, un aspect sale contrebalancé par la contrebasse instrument classieux par excellence. On avoue un énorme coup de coeur pour les élégantes percussions afro-cubaines qui propulsent le groupe dans une autre dimension entre world et vintage. Et quel groove irrésistible ! Le répertoire du groupe fait la part belle au blues bien sûr mais sans négliger ce petit piment rock n'roll et une pointe d'expérimentation (machines discrètes, theremin) qui fait tout le sel de la chose. Magnifique concert, magnifique album, magnifique formation !

On termine enfin avec la chanteuse Deva Mahal, particulièrement impressionnante vocalement parlant, son timbre de gorge respire le vécu, qui nous offre un exercice soul de haute volée, vintage certes, mais sans pour autant négliger l'apport du hip-hop, perceptible dans le rythme de la batterie. On regrette toutefois une dérive disco sur un titre, un petit pas de travers, bien mince en regard de la qualité de l'ensemble. Une belle découverte.

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dimanche 4 février 2018

Delgrès + Patrick Ruffino, Festival au fil des voix, l'Alhambra, 29 janvier 2018.


Par sa capacité à tisser des ponts entre les cultures tout en privilégiant des formes musicales qui nous sont chères (soul, blues, jazz), le festival Au Fil Des Voix s'est imposé comme un des rendez-vous incontournables de l'année. Preuve nous en est donné cette année encore avec ce magnifique plateau, intelligemment programmé, réunissant Delgrès et Patrick Ruffino. 

Le trio Delgrès, quelle magnifique découverte ! Mené par Pascal Danaë, Delgrès (nommé en hommage au colonel Louis du même nom) joue un blues chanté en créole sur un groove dévastateur rappelant celui de la Nouvelle-Orléans, savoureux programme en perspective ! La formation est à la fois classique (guitare, batterie) et originale puisque la basse est remplacée par un soubassophone (un énorme tuba) ; instrument faisant le lien avec les fanfares et autres second-line de la cité du croissant. La guitare, slidée le plus souvent, se fait joueuse virant du côté saturé du rock n'roll (un titre est décalqué sur « Whole lotta love » de Led Zeppelin). Mais le groupe est aussi très à l'aise dans un registre plus émotionnel, intime et jazzy lorsque le bugle remplace le tuba. Prenant, dansant mais aussi profond, si on ne comprend pas forcément les paroles, on saisit très bien en revanche les émotions, Delgrès nous a littéralement séduits, vivement l'album ! 

Direction l'Afrique pour la suite en compagnie du bassiste Patrick Ruffino. Excellent instumentiste (basse et contrebasse), chanteur au grain de voix chaud et charmant, Patrick Ruffino fait voyager sa musique, mélangeant sa culture africaine au sons occidentaux, blues, funk ou rock, sous l'égide des années 70, influence parfaitement intégrée et transfigurée. Là encore une très belle découverte faisant le grand écart entre morceaux dansants, dévastateurs et chansons plus intimes.

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jeudi 1 février 2018

Miraculous Mule + Hoboken Division + Escobar, La Boule Noire, 26 janvier 2018.


Un mois et demi s'est écoulé depuis notre dernier concert en décembre 2017, il était plus que temps de mettre fin à ce sevrage typique des débuts d'année.

Escobar sera donc le premier groupe vu sur scène en 2018 par votre serviteur. Et quel groupe ! Si l'on a pris l'habitude ces dernières années des duos guitare/batterie pratiquant une sorte de garage/blues hérité des défunts White Stripes, Escobar reprend la formule à son compte pour un rendu plus proche du punk et du grunge. Le batteur s'échauffe tranquillement (enfin façon de parler) en faisant le tour de son kit tout en frappant ses cymbales alors que le guitariste fait monter la pression tout en larsen. Il faudra au groupe un ou deux titres pour se chauffer avant de lâcher les watts pour de bon. Et c'est parti ! La dynamique entre les deux musiciens est impressionnante. Se cherchant constamment du regard, un air de défi dans les yeux, les deux musiciens se chauffent mutuellement jusqu'à atteindre des sommets ravageurs d'intensité. La pression rock à son maximum, on en ressort lessivés !

Place ensuite à Hoboken Division, groupe que l'on suit longtemps sur cette page mais que l'on découvre en live pour la première fois ce soir. Devenu un trio depuis l'adjonction d'un batteur, Hoboken Division est totalement transfiguré par cet ajout. La dynamique est totalement différente et la batterie live insuffle une nouvelle énergie à ces compositions certes très rock mais avec un feeling blues au-dessus de la moyenne. L'électricité est plus filtrée que chez Escobar, Mathieu et son toucher de guitare délicat (au doigts et sans médiator) distillant une sorte d'agressivité feutrée, l'énergie rock est ainsi totalement canalisée, ce qui n'empêche nullement nos musiciens de sortir de scène totalement en nage. Un petit mot pour finir sur la chanteuse, également excellente bassiste, qui sert à merveille les chansons de son joli timbre.

Vint ensuite les Anglais de Miraculous Mule, qui derrière des atours vintages, et une incroyable collection de guitares demi-caisse, distille un blues dans une réinterprétation des plus modernes où la guitare se mêle aux boucles pour créer un tout hypnotique et assez psychédélique dans l'esprit, bien soutenu par une basse ravageuse. On pense à Little Barrie en plus aventureux. Belle trouvaille que ce groupe !