Ambiance d’avant concert au China où nous retrouvons Odessa Thronhill (voir mes messages des
14 et
27 février). Le groupe est en pleine balance. Tout autour les employés du club s’activent en vue du concert du soir. On prépare les tables d’un côté, on colmate les fauteuils au sparadrap de l’autre. La voix d’Odessa résonne dans la salle quasiment vide puis cette dernière s’absente pour répondre à la première interview du jour. Le groupe continue ses réglages seuls et les quatre musiciens (guitare, basse, batterie et clavier) déploient un groove efficace. On a le sentiment de partager un moment rare et privilégié. Un concert intime, quasiment privé, les yeux dans les yeux. Je pense à tous les fans de musique qui aimeraient être à ma place. Faire des interviews, c’est un peu comme passer des oraux à la fac. Il faut attendre son tour. Aussi, c’est presque avec regret que l’on quitte ce douillet cocon lorsque l’attaché de presse vient nous chercher pour nous indiquer que c’est à nous d’entrer en piste…
On retrouve Odessa Thronhill attablée dans une des multiples salles du China, un couloir blanc plutôt. Lumière orangée tamisée, bougies, stores vénitiens et palmiers d’intérieur constituent le décor…
C’est la première fois que tu viens en France ?
Odessa Thornhill : Je suis déjà venue au mois d’août. C’était bien. C’était chaud (rires).
Cela fait un mois que tu es arrivée. Comment ça se passe ? As-tu rencontré des musiciens ?O.T : Oui, ça va. C’est bien, c’est sympa ici. C’est différent de chez nous (Montréal, nda) mais c’est bien. Mais je n’ai pas trop rencontré de gens. Je ne suis pas sortie comme je le voulais. Mais j’ai vu quelques personnes que j’aimerais contacter la prochaine fois.
Donc cela veut dire que tu vas revenir ?O.T : Oui, bien sur, pourquoi pas ?
C’est une bonne nouvelle ! (rires).
J’ai lu dans ta biographie que tu étais au cirque du soleil. Comment es-tu passée du cirque à la musique ?
O.T : J’ai commencé les cours de chant au cirque du soleil. Avant, je ne prenais pas ma voix ni le métier au sérieux. Mais je chantais déjà, j’ai fait des chœurs, j’ai chanté dans des chorales. Je chantais tous les soirs. Après le cirque, j’ai un peu arrêté et je suis devenue folle. Je devais chanter ! Mais je ne pouvais pas, il n’y avait pas de lieu pour moi. J’ai compris que j’étais une chanteuse et que je devais continuer sur ce chemin. Avant je n’étais pas sérieuse. J’ai fait plein de choses, je suis aussi coiffeuse. J’ai toujours travaillé, mais j’avais besoin de chanter. C’est comme une drogue, j’ai besoin, il y a mes veines qui poussent, c’est comme ça… (fou rire général autour de la table)
Tu as commencé à chanter à quel age ?
O.T : Toute petite. Mon premier spectacle, j’avais six ans. C’était à l’école. On faisait deux concerts par an. J’ai commencé comme ça.
La scène soul Montréalaise est complètement inconnue en France. Est-ce que tu pourrais nous en parler ? O.T : Montréal, c’est comme un secret que le monde doit découvrir… On est plein : Freddie V, Community Vibes Collective… Un groupe d’improvisation soul, reggae, hip hop. Nomalik Massive un collectif hip-hop qui chante en espagnol, créole, anglais, français. Le mouvement soul à la fois musicale et culturel est vivant à Montréal.
Tu rentres au Canada bientôt, vas-tu préparer ton premier album ? Est-ce que tu peux nous en parler ?O.T : Il y a quelques chansons sur le maxi qui donnent une première idée. En gros, c’est ça. On doit encore choisir les musiciens qui vont travailler sur l’album. J’écris toutes mes chansons, mes paroles, mes mélodies. Je suis toujours en train de chercher les ondes. Je les attrape dans l’air ! C’est comme ça que cela vient. On essaye de trouver une direction, un son, la texture de l’album…
Tu joues d’un instrument ?
O.T : Oui, j’ai commencé le piano petite. Et le violon aussi. Un peu de guitare également. Mais je suis restée sur cinq cordes ! Mais ça va, je fais bien les changements ! J’aimerai reprendre. C’est bien d’avoir la connaissance d’un instrument. Je peux mieux communiquer avec les musiciens. On se comprend mieux…
Tu as une très jolie voix, est-ce que tu la travailles ? Tu fais des exercices ?
O.T : Pas comme je devrais (rire gêné)… J’ai pris mes premiers cours de chant après avoir signé avec le cirque du soleil. De l’intensif… Je continue toujours avec la prof, mais je la voie deux, trois fois par an. Il faut travailler les voix, tout le monde !!! (rires).
Tu vas chanter un peu plus tard dans la soirée. Comment est-ce que tu te sens avant un concert ?
O.T : Nerveuse !!! Toujours !!! Vraiment nerveuse !!!! C’est toujours comme ça, même si cela se calme avec l’expérience. Il y a de l’excitation, de l’adrénaline… Une boule dans le ventre… Ca passe dans tout mon corps, je tremble (elle frissonne) pfff !!! Alors je me lève, il faut que je marche un peu, j’essaye de rester tranquille, je respire. Mais il y a des moments où je ne peux être avec personne ! Je suis stressée !
Tu préfères la Stax où la Motown ?
O.T : J’aime les deux. Mais j’ai grandi avec la Motown (ses yeux brillent). J’aime la musique Stax, mais je l’ai découvert ces dernières années. Ca bouge !!!
Avec le rythme des concerts, des enregistrements, des voyages, est-ce que tu as encore le temps de t’intéresser à l’actualité musicale ? Est-ce que tu achètes encore des cds ?
O.T : Je cherche beaucoup sur internet. You tube !!! Je découvre toujours les nouveaux talents grâce à internet. Je cherche toujours les liens. J’écoute beaucoup d’anciennes choses, les années 60, 70 et même 80 et 90. Pour moi, c’est éternel. On chante toujours « Celebration » (elle chantonne). Quand tu mets cette musique, tout le monde bouge, les parents, les bébés ! Ca ne mourra jamais !!!
Tu es aussi très active sur le plan social, tu fais beaucoup de volontariat. Est-ce que tu peux nous en parler ?
O.T : Je fais partie d’un groupe qui a reçu une subvention pour notre quartier à Montréal. On fait des ateliers de « danse, rythme et mouvement ». On travaille avec les parents « à risque » et leurs enfants de moins de cinq ans. On fait des cours de stretching, de respiration, de la danse, des activités créatives. On offre les cours aux gens qui n’ont pas les moyens de se payer des leçons. Je donne aussi des cours de poésie au « Black Theater Workshop » de Montréal. Des interventions dans les écoles également. On essaye de donner de la confiance, de l’estime, de la motivation. Des fois on n’a pas la chance de pouvoir s’exprimer. Et avec tout ce qui se passe dans nos vies, on doit continuer. Tu sais, l’art c’est une thérapie. Ca soulage. C’est important pour moi de partager tout ce que j’apprends.
Est-ce que tu sens proche d’artistes comme les Staples Singers, très impliqués dans la lutte pour les droits civiques dans les années 60 ?
O.T : (réfléchie) Je n’aime pas citer des noms, nommer des personnes par ce que je ne veux pas être cataloguée. Mais il y a tellement de conviction, de sentiments et d’ondes dans cette lutte pour les droits civiques. Donc oui. Le mouvement, la musique, les personnes, beaucoup de choses m’ont touché dans cette lutte.
Est-ce que tu as un message à faire passer pour finir ? Quelque chose à dire qui te tiens à cœur ?
O.T : (silence traduisant une intense réflexion) Je veux qu’on ECOUTE ma musique. Que l’on rentre dedans. Pas juste parce que je sais chanter, tu vois. Je ne veux pas que l’on entende ma voix et que l’on se dise que je chante mieux qu’untel. Mais vraiment, je voudrais que l’on écoute mes paroles, même si je chante en anglais, par ce qu’elles viennent de moi mais aussi des gens qui m’entourent. Du monde. Et puis les mélodies. C’est un peu comme si tu te cognais contre une racine en marchant mais sans savoir que c’était une racine. Tu creuses la terre et tu découvres un message. Cela va loin, c’est profond. Pour moi, c’est ça la musique. Je commence une chanson avec juste une phrase. Et puis j’écris. Et j’espère que ceux qui m’écoutent ont les mêmes sentiments. (elle insiste) ECOUTE LA MUSIQUE, RENTRE. Et suis-moi à chaque note.
De la vraie soul music en fait. De l’âme…
O.T : Oui pour moi ce n’est pas juste un genre de musique. De l’âme, du coeur… (pensive).
http://www.odessathornhill.com/