En vérité, les raisons d'aller assister au Festival de Binic sont nombreuses : les tarifs tout doux (le pass trois jours est à 25 euros), l'excellence de la programmation dans une veine allant du blues au rock garage/psyché, le site sur le port en bord de mer et enfin le fait que les groupes jouent plusieurs fois tout au long du week-end !
C'est un magnifique enchaînement de trois concerts hommages, issus d'un partenariat avec le Printemps de Bourges, que présentera le Festival d'Avignon. Trois albums majeurs, tous sortis en 1972, seront remis au goût du jour par la fine fleur du folk et de l'électro pop française à Avignon. "Transformer" de Lou Reed (décédé en 2013) par Silly Boy Blue (le 15 juillet - Cour du Lycée Saint-Joseph) ; "Ziggy Stardust" de David Bowie (décédé en 2016) par la magnétique Léonie Pernet (le 16 juillet - Cour du Lycée Saint-Joseph) et, pour finir en fanfare, l'inusable "Harvest", le chef d'oeuvre de Neil Young (qui a déclaré récemment renoncer à l'avion et aux concerts en Europe) par La Maison Tellier (le 24 juillet à l'Opéra Grand Avignon). Que de belles soirées en perspectives !
Depuis son installation en Belgique, il y a quelques années de cela, Lux Montes a totalement revu son projet artistique. Autrefois guitariste, la chanteuse préfère dorénavant s’exprimer au piano, même si la guitare reste présente, et dans un registre à la fois vaporeux et mélodique, folk et intimiste. Une traversée intime dont le présent album est le résumé entre poésie (« Crossing the water » d’après le poème de Sylvia Plath) et reprises méconnaissables (cf. la relecture mélancolique d’« Où sont les femmes » de Patrick Juvet) où l’espagnol fait une apparition en hommage à ses origines. Ainsi, au-delà des chansons, c’est aussi un climat, une ambiance, qu’instaure Lux Montes (cf. la touchante « Vision ») où tout est affaire de texture sonore. N’ayant pas peur d’exposer failles et fêlures, la chanteuse évolue sur un fil, la voix trahissant les émotions à fleur de peau. Un album touchant et terriblement humain qui fait du bien en contrepoint de toutes ces intelligences artificielles tentant de ressusciter les rock stars du passé.
Si l’on en croit le dictionnaire, le phosphène, qui donne son titre à l’album, désigne la sensation de voir une lumière ou des corps flottants. Un titre heureux donc, particulièrement bien trouvé, tant on ne saurait trouver mieux pour décrire la sensation qui s’empare de l’auditeur à l’écoute de ce nouvel effort de la chanteuse. Lumineux, cet album l’est assurément, du moins sur un plan strictement mélodique. C’est une sorte de ligne claire que trace la chanteuse au-dessus de laquelle plane sa voix dégagée des contingences, à cheval entre le folk qui constitue la base des compositions et les arrangements pop qui agrémentent ces dernières, comme autant de petites notes électro ou cuivrées, chargées de pimenter le tout. Ainsi Fredda nous transporte et nous ravit avec ce disque, pourtant assez sombre quant aux thématiques abordées dans les textes, entretenant une savante dichotomie avec la sérénité musicale qui habite l’ensemble.
De par ses origines, Anglais né au Pérou, possédant la double nationalité suédoise et installé désormais en France, Caesar Spencer a plus que le choix quant à la nationalité indiquée sur son passeport. A défaut de choisir, le chanteur préfère se concentrer sur sa musique qu’il envisage de manière internationale et comme un hommage à sa terre d’accueil (cf. la gainsbourgienne « When I whisper in your ear » en duo avec Mareva Galanter). Mais les choses sont un peu plus complexes. Si la pop anglaise constitue le socle solide sur lequel s’appuie l’artiste, comme le prouve son chant de crooner blasé, c’est pour mieux s’en échapper par la suite vers des rivages surf (« Hail Caesar »), des envolées cinématographiques ou classiques, sample de Beethoven à l’appui (« Jane loves the highway ») ou hommages à Gabriel Fauré (« Requiem »). C’est ainsi cette dichotomie baroque qui offre sa dynamique à l’album, oscillant toujours entre préciosité pop et éclairs de guitares dévastateurs. Avec l’aide de quelques soutiens légendaires (Jacqueline Taïeb ou Gilles « Olivensteins » Tandy) Caesar Spencer nous gratifie d’un impressionnant album, dense et ambitieux, dont on n’a pas fini de faire le tour de la richesse infinie de ses arrangements et de sa production à la précision millimétrique. A tel point que plusieurs écoutes, attentives et répétées, sont nécessaires pour digérer une telle somme. Forcément précieux et très probablement la bande son de notre été.