Auteure d'un excellent
premier album entre soul, folk et jazz, Chloé Charles décrit avec
sensibilité sa musique. Rencontre avec une jeune femme profondément
artiste...
Ta musique a été
influencée par ton enfance dans la campagne Canadienne. Est-ce que
tu pourrais nous parler un peu de cet endroit pour commencer ?
Chloe Charles :
Mon grand père était artiste et il avait construit une école d'art
dans la forêt. C'est plutôt cool ! Quand j'avais sept ans, ma
Mère voulait quitter la ville qu'elle trouvait trop stressante. Mon
grand-père nous avait invité à vivre là-bas, il avait transformé
l'endroit en maisons et appartements. C'était un endroit très
créatif. Il avait tout construit de ses mains. Il y avait une
galerie et une piscine au milieu de la forêt. C'était très
spécial, avec des étangs et des grenouilles partout. Je traînait
au milieu de la nuit, je n'ai jamais eu peur. C'était vraiment
magique pour un petit enfant.
Tu a commencé la
guitare assez tardivement, quel a été le déclencheur ?
CC : J'ai choisi
la guitare pour deux raisons. J'ai grandi avec les chansons de ma
Maman et elle était magnifiques. Ma mère jouait de la guitare
classique avec sa sœur et elles jouaient à chaque réunion de
famille. C'était naturel d'en jouer. C'était aussi très pratique.
J'adore le piano mais c'est difficile d'en jouer au milieu de la
forêt où à la nuit tombée dans le cottage. J'aime être mobile.
Et j'adore la guitare classique.
J'ai entendu
l'influence de la musique sur ton album. La façon dont tu écris,
les arrangements de cordes...
CC (sourire) : Les
cordes uummmhhh (rires) !!!
C'était difficile de
trouver ta voix de chant ?
CC : Il y a eu une
année quand j'étais à l'université, en 2006, où je chantais des
chansons écrites pour moi par d'autres. A cette époque je n'avais
pas encore trouvé ma voix. Mais à la fin de cette année j'étais
sure de ce qu'elle n'était pas. Après j'ai passé un petit moment à
écrire sans aucun préjugé. Je n'avais aucune idée de ce que
j'étais en train de faire. C'est à cette époque que j'ai commencé
la guitare. C'est comme ça, en jouant assise toute seule sans
écouter les autres, que j'ai trouvé ma voix. C'est devenu de plus
en plus naturel par la suite.
Que ressens-tu quand tu
chantes ?
CC : Des émotions,
des sentiments, vraiment. Ça serait chiant sinon (rires) !!!
Ta Maman a joué un
rôle important dans ton éducation musicale ?
CC : Oh oui !
Elle écrivait des chansons et c'était très spécial. Ces chansons
folk magnifiques à la Joni Mitchell. Elle écoutait aussi beaucoup
de musiques très différentes. Des goûts très éclectiques. J'ai
grandi avec beaucoup de genres musicaux très différents. Elle était
tout le temps en train d'écouter de la musique et elle est très
passionnée quand elle écoute quelque chose qu'elle aime. Elle est
très réactive, elle danse (rires) !!!
Et elle aime ta
musique ?
CC : Oh mon Dieu !
C'est ma plus grande fan et c'est tellement mignon (rires) !!! A
chaque fois que je l'appelle, je peux m'entendre chanter dans le
fond. Elle est tout le temps en train d'écouter ma musique
(rires) !!!! Elle a toutes les chansons que j'ai écrites.
Toutes les démos. Elle a quelque chose comme dix versions
différentes de chaque chanson. 200 chansons, en boucle (rires) !!!
Et même des trucs que je trouve horribles et elle adore (rires) !!!
Et quand elle vient aux concerts, elle est tout le temps en train de
chanter (rires) !!! C'est tellement mignon ! Tous mes amis
l'aime à mourir, elle est tout le temps là et elle est cool
(rires) !!!
Ton père est marié
avec Cynthia Lennon (l'ex femme de John et la mère de Julian). Quel
regard portes-tu sur la célébrité ?
CC : Ben en fait,
je me fous complètement de la célébrité. Ça n'est pas très
intéressant. Je ne suis pas comme ces artistes qui courent après la
gloire et l'or. Mon objectif c'est de me fixer des challenges et
surtout d'apprécier ce que je fais. Et de toucher les gens. La
célébrité ne devrait pas être le but premier. Elle devrait
découler du talent et de ta volonté à faire ce que tu veux. Et
après avec un peu de chance, la célébrité suit où pas
(rires) !!!! Enfin ça m'a surtout permis de garder les pieds
sur terre.
Quels challenges par
exemple ?
CC : Essayer de
nouvelles choses, expérimenter avec les sons, les genres. Essayer
d'écrire différemment, avec d'autres personnes. Ma partie préférée,
c'est de collaborer avec d'autres musiciens et de créer des choses
nouvelles. Développer des idées nouvelles, essayer d'en tirer le
maximum. C'est très dur, parfois il peut y avoir des engueulades.
Mais à chaque dispute, tu apprends beaucoup sur toi-même.
C'est effrayant d'être
célèbre ?
CC : Oh oui !
Définitivement. Les gens deviennent différents, te traitent
différemment et soudainement tu ne peux plus faire confiance à
personne. Tu deviens très prudent avec tes amis, surtout les
nouveaux. C'est un monde étrange. C'est très bizarre d'en faire
partie. Ce n'est pas le truc le plus génial du monde.
Parlons un peu de la
pochette de l'album. Ton visage est à moitié peint en noir. C'est
un peu ce que j'ai ressenti en écoutant ton disque, divisé entre
plusieurs choses...
CC : Oui,
exactement.
Et quelles seraient ces
différentes choses ?
CC : Tout. Il y a
toujours différentes facettes. Des forces et des émotions
différentes et opposées. Ce n'est jamais complètement équilibré,
avec des hauts et des bas. C'est très beau de l'accepter et de
l'observer.
Et si je te dis que je
trouve que ta musique est métissée. Est-ce que tu serais d'accord ?
CC : Oui bien sur
(rires) !
Quelle serait ta
définition du métissage ?
CC : Ce n'est
jamais conscient. Si tu as l'ouverture d'esprit nécessaire, alors tu
seras influencé par tout. Et après tu mélanges ! J'ai
toujours été comme cela. Quand on me demande ce que j'aime écouter
et bien je réponds que j'écoute tout ce que j'aime. De toute
manière, le son ou le genre n'a aucune importance.
Ecrire sur la musique
m'oblige à écouter beaucoup de choses différentes et à la fin
j'en arrive à la conclusion que finalement je n'écoute pas vraiment
de la musique mais des émotions avant tout...
CC : Oui la
musique te touche d'une manière ou d'une autre. Et c'est d'ailleurs
très difficile à expliquer. C'est vraiment très spécial et même
magique. La musique qui ne te fait aucun effet n'est absolument pas
intéressante. Tout peut être parfait, les musiciens fabuleux si tu
« n'entends » pas, cela n'a aucun intérêt.
Y-a-t-il une chanson
que tu aimerais avoir écrite ?
CC : (pensive)
hummm...
Le plus dur c'est de
choisir une seule chanson...
CC (silence) :
humm... En fait, en ce moment, je suis un peu obsédée par ce
compositeur de musique de film, Max Richter. Les titres c'est du
genre, partie A, partie B. J'essaye de penser à un titre de chanson.
J'adore les bandes originales de films. L'idée de souligner
l'émotion. Tu n'écoutes pas forcément mais la musique peut
totalement changer un scénario.
Ce que j'aime aussi,
c'est d'écouter de la musique et de me faire mon propre film, dans
ma tête...
CC : Ah oui, ça
aussi c'est cool (rires) ! C'est rigolo, je répétais l'autre
jour et une amie pianiste était là, assise dans le fond, et m'a
fait un commentaire similaire. Elle m'a dit : « Ta musique
me donne l'espace nécessaire pour créer un monde nouveau ».
C'est tellement cool ! Génial ! Mais c'est vrai des fois
tu vas à un concert et tu disparais ailleurs. Donc pour en revenir à
ta question, une chanson, mon Dieu ! Je peux te donner le nom
d'un album : « The blue notebooks » (de Max Richter,
ndlr).
Quel est le meilleur
moment de la journée pour écouter ton disque ?
CC : Je dirais la
nuit. Quand les gens sont plus calmes. Durant la journée, tu est
souvent occupé et souvent tu stresses. La nuit, les gens prennent le
temps de décompresser. Je pense que mon album doit être écouté.
Ce n'est pas de la musique pour faire un fond sonore.
Quelle est la meilleure
saison pour écouter ton album ?
CC : (silence,
pensive) humm...
Je dirais le printemps,
enfin je dis ça...
CC : Oui, j'aime
bien cette idée !
Ou bien peut-être
l'automne. Ni trop chaud, ni trop froid, juste au milieu...
CC : Oui, oui
(rires) ! J'adore le printemps, c'est ma saison préférée !
Peut-être que l'automne est trop sombre. Je le sens quand j'écris,
parfois cela peut être lourd, mais il y a toujours cette note
d'espoir qui sort la beauté de la noirceur. Regarder en face ces
choses qui peuvent être très sombres et les rendre jolies. Pour moi
c'est ça le printemps, la fin d'une saison très noire. Comme une
renaissance.
Quelle couleur est ta
musique ?
CC : Indigo !
Propos recueillis le
24/01/2014.
Un grand merci à Chloé
et à Marion.