Entre rock et humour, Thomas VDB poursuit un parcours original qui le voit occuper maintenant la scène du Point Virgule. Rencontre avec un personnage exubérant et rigolo, qui reste avant tout un authentique passionné de musique…
Comment tu te sens avant de monter sur scène ?
Thomas VDB : Toujours bien. Mais là, particulièrement exténué. J’enchaîne en ce moment. Beaucoup de taf. Quand le travail déborde sur ton temps de sommeil, cela devient pénible. Là, je suis fatigué mais ça va, je n’ai pas le trac. L’essentiel c’est d’être bien concentré, les cinq minutes qui précèdent l’entrée sur scène.
Comment es-tu passé de ton ancien métier de journaliste rock à la comédie ?
T.V. : J’ai hésité avec la serrurerie (rires) ! Ma passion du rock a toujours été parallèle à celle pour la comédie. J’ai été journaliste rock pendant sept ans mais avant cela, j’étais déjà comédien, j’ai étudié au conservatoire, j’ai fait beaucoup de café-théâtre aussi. Même pendant toute mon époque de journaliste, je faisais beaucoup de théâtre de rue, je continue d’ailleurs encore d’en faire de temps en temps. Je savais que tôt ou tard, je reviendrais à la comédie. L’idée du one man show me trottait dans la tête depuis longtemps et s’est concrétisée dès que j’ai arrêté rock sound (le magazine qui l’employait à l’époque, ndlr). Je voulais faire un one-man show et l’idée d’en faire un sur le rock s’est imposée tout de suite. Il n’a pas trop mal marché. C’était la première fois qu’il y avait un one man show sur le rock, plein de gens en ont parlé à cause de ça.
Justement, il y avait un petit défi dans ce premier show qui consistait à parler de rock à un public large qui ne s’y connaissait pas forcément. Est-ce que ce nouveau spectacle, qui est moins orienté musique, a été plus facile à écrire ?
T.V : C’était très facile pour moi de savoir dès le début que je ne voulais pas refaire un spectacle sur le rock. Je voulais de parler de moi, c’était déjà le cas dans le premier ceci dit. Et j’avais énormément d’anecdotes à raconter sur moi, mes sorties de scènes… J’ai bossé avec Benjamin Parent comme co-auteur. On a tout écrit ensemble. Il m’a vachement aidé à recomposer le puzzle. J’avais des idées qui partaient dans tous les sens. On s’est rendu compte que la « presque célébrité », c’était un thème fort que je voulais réutiliser. Le titre du spectacle (« Presque célèbre », ndlr) vient de là.
C’était facile de sortir de cette image typée rock ?
T.V : Je voulais en sortir et c’était une idée un peu bête. Par ce que de toute façon le rock et la musique me passionnent depuis toujours et c’est impossible pour moi de m’en défaire. Même si je dis que je ne vais plus parler de musique, malgré tout je me retrouve à faire des allusions sur la musique.
Oui, à Freddy Mercury…
T.V. : Il y a Freddy Mercury et Michel Sardou dont je m’occupe bien aussi. Finalement le rock est resté là malgré moi. Finalement ce n’est pas la peine que je me dise qu’il faut arrêter. Je ne voulais pas que ma passion du rock soit le thème principal. Par contre quelqu’un qui va voir le spectacle peut se dire : « tiens ce mec aime le rock », par ce que c’est un ingrédient qui revient deux, trois fois.
Ta vie de rock-critic, et le côté exaltant qui va avec, te manque-t-elle ?
T.V. : Uumm… Non. Le métier a été exaltant pour moi les quatre, cinq, premières années. Après je suis devenu rédacteur en chef du magazine. Et le poids des responsabilités a enlevé beaucoup d’exaltation.
Ah oui ?
T.V. : Oui, vraiment (silence)… Du coup, non, cela ne me manque pas du tout. Par ce que je reste toujours autant passionné de musique et je passe toujours beaucoup de temps à en écouter et à en découvrir. Même si il ne s’agit pas de nouveautés, j’adore aller fouiller dans les vieux trucs des années 60, 70 et découvrir des choses qui, pour moi, sont des nouveautés à aimer. Par contre devoir écrire systématiquement mon avis, ce n’est pas quelque chose qui me manque. Moi je finissais par être frustré. J’écoutais plein de disques et on me disait, allez faut écrire une chronique et moi je n’avais pas d’avis… Ouais, c’est bof…
Oui, et puis tu n’as plus le temps d’écouter ce que toi, tu aimes vraiment…
T.V. : Bah oui, c’est ça…
Ton jeu de scène est très physique…
T.V. : C’est vrai. Peut-être trop des fois… Ca vient du théâtre de rue. On était un duo de clowns avec un pote. Quand on arrivait quelque part pour jouer, bien souvent il n’y avait personne et c’était à nous d’attirer le spectateur. Cette « culture » d’aller chercher le public dans les yeux vient de là. Le côté « expansif » vient du théâtre de rue. Mais effectivement, je le concède, j’ai un jeu très physique. J’ai du mal à me retenir et à rester calme… Même en étant très fatigué (rires).
Est-ce que tu as des projets de pièces ou au cinéma ?
T.V. : J’ai un projet cinéma. On ne sait pas trop encore ce que ça va donner. C’est un projet de film en lien avec le rock que l’on est en train d’écrire avec mon co-auteur (Benjamin Parent, ndlr). Pour l’instant on est au traitement, soit l’histoire sur une trentaine de pages. On n’a pas encore attaqué le scénario ni les dialogues. On est content de l’idée et on travaille avec un producteur pour la développer. Concernant le théâtre, je n’ai pas de projets concrets pour le moment même si je n’ai pas envie de toujours monter sur scène tout seul. J’ai besoin de participer à des projets collectifs. On fait pas mal de sketchs pour internet avec un pote Mathieu. Il y a un vrai plaisir à travailler avec d’autres gens…
A la fin du spectacle, tu dis, grosso modo, que tout ce que tu racontes est vrai. Est-ce dérangeant de s’exposer même sous couvert de l’humour et du second degré ?
T.V : L’autodérision, qui met en avant des situations pas forcément à mon avantage, c’est ce qui me fait le plus rire dans la vie. Enfin, pas sur le coup (rires) ! En général, quand je me tape la honte, à chaud ça ne va pas me faire marrer… Après, je me dis que ça fait une super anecdote à raconter par ce que les gens vont bien se foutre de ma gueule. Enfin, sachant que c’est moi qui la raconte. Donc je me positionne en fonction. Je n’ai pas envie de ne faire que des blagues, sur des gens, sur Michel Sardou, même si j’en fais déjà pas mal. J’ai envie de raconter des situations difficiles, comme le coup de l’autographe sur le dvd de Gad Elmaleh par exemple. Des moments de honte qui deviennent super comiques. En fait ce qui me fait le plus marrer c’est les moments ou je me retrouve le plus con. Ce n’est peut-être pas forcément à mon avantage mais je crois que l’autodérision c’est une ficelle qui plaît au public. Je serais vraiment à mon désavantage si c’était fait à mon insu. Mais là, c’est moi qui raconte, donc ça va.
Et cette expérience te permet-elle de mieux comprendre la galère vécue par les groupes de rock que tu as interviewé pendant des années ?
T.V. : Oui et non. Je ne vais pas baver sur les musiciens par ce que je les respecte beaucoup mais je pense qu’il est plus dur d’être seul sur une scène sans instruments de musique que d’être à quatre ou cinq. Quand tu as des gens qui parlent au bar pendant que tu joues de la musique, l’amplification est telle que finalement ce n’est pas trop grave. Si les vingt premiers rangs sont à fond avec toi, on s’en fout un peu qu’il y ait des gens qui parlent derrière. Quand tu fais un one-man show, tu es seul avec ta voix. Si il y a quatre personnes qui parlent au fond, tu les entends. Ca casse tout. L’écoute et l’équilibre sont vachement plus fragiles dans un one-man show. Il y a des watts en moins. Cela dit, j’ai vu des groupes souffrir sur scène et qui n’intéressent personne. Mais je fais plus le parallèle avec d’autres comédiens ou d’autres one-man show que j’ai vu et qui n’avaient pas l’écoute appropriée. C’est vraiment une difficulté au théâtre, quand des gens parlent dans la salle, c’est juste insupportable.
Et quand cela t’arrive, comment tu fais pour les « attraper » ?
T.V. : Quand tu fais du stand-up, ça va parce que tu peux intervenir. Moi, de toutes façons, je parle aux gens pendant le spectacle. Je peux facilement sortir du truc. Mais si je devais jouer le bourgeois gentilhomme, je me vois mal dire : « Belle marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour… Et puis d’un coup bon la paix maintenant, vous commencez à être chiant ! » (rires). Ca casserait un truc, forcément (rires).
Pas mal de tes sketches ont été mis sur You tube, d’un côté ça te fait de la promo dont tu as besoin mais de l’autre, ça ne casse pas un peu l’effet de surprise ?
T.V : C’est la grosse différence avec la musique où tu as besoin que le public entende ton morceau avant d’avoir envie de venir voir le concert. Si on voit ton spectacle en entier sur internet on n’a plus vraiment besoin de se déplacer. Sur le premier spectacle cinq ou six sketches ont été balancés, un dvd a même été tourné mais il n’est pas encore sorti. Par contre sur le nouveau, un seul sketch, celui sur Joey Starr, a été mis en ligne. C’est suffisant, je pense, pour donner aux gens l’envie de venir voir le reste. Pour un spectacle d’humour, tu ne peux pas en faire plus. Ca grille tout. Le public se marre à une blague, il ne va pas forcément rire une deuxième fois quand ils vont la voir en live.
Oui, mais dans le contexte « live », l’ambiance autour joue beaucoup…
T.V. : Oui bien sur, mais ce n’est pas la même mécanique de se dire, tiens je vais aller le voir. D’avoir envie d’aller voir un concert parce que tu as entendu un morceau qui te plait à la radio, c’est une autre démarche que de se déplacer pour un spectacle comique. Pour que le public se déplace, il faut qu’il ai déjà entendu suffisamment de sketches pour se dire : « lui, il me fait vraiment marrer, je vais y aller ». C’est pour ça que je fais des chroniques, inédites, à la radio, pour que les auditeurs se disent : « il a un univers intéressant, je vais aller le découvrir sur scène ».
Comment fais-tu les soirs où tu n’a pas envie de rire ?
T.V. : Ce n’est pas à moi de ne pas avoir envie de rire, c’est au public. Mais c’est certain, il y a des soirs où tu es moins dedans que d’autres. La difficulté de ce métier, c’est de retrouver la spontanéité de la première fois alors que le spectacle est à 90 % identique tous les soirs. Et de ne surtout pas se reposer sur la mécanique de la veille. Moi mon spectacle, je le connais par cœur et je pourrais te le refaire là tout de suite (il enchaîne sur les répliques). Sauf qu’il faut le jouer pour le public qui est présent et qui est différent de celui de la veille ou du lendemain. Il faut toujours créer des choses un peu nouvelles, c’est hyper difficile.
Pour finir, à ton avis, qu’est-ce qui est le plus difficile : poser les questions ou y répondre ?
T.V. : C’est quand même de poser les questions. Et surtout d’en avoir assez pour faire une interview. Tu vois, par exemple, mon bureau était à Grand Boulevard et j’avais rendez-vous à République où j’avais une heure qui m’était allouée pour faire une interview avec un groupe. Dans le métro, je préparais cinq questions en me disant, j’espère que le mec va avoir plein de trucs à me raconter… Et là le mec fait des réponses hyper courtes. Au bout de dix minutes, les cinq questions sont épuisées. Et là plus rien (rires)… Et sinon, t’as pas des anecdotes à me raconter ??? Qui pourraient durer un peu (rires)… C’est quand même un truc de faire une interview, de tenir une conversation pour faire ressortir de la matière. C’est un exercice dans lequel je n’étais pas toujours à l’aise, même si j’en ai fait au moins 500. Il y a un truc qui m’intéressait moins dans le fait de toujours interviewer des musiciens, au bout d’un moment, j’avais l’impression qu’ils me disaient toujours un peu la même chose, genre : « là, je crois que notre dernier album, c’est vraiment le meilleur… » (rires)… D’être obligé de simuler l’intérêt. Des fois, j’étais là, merde j’ai oublié de fermer mon frigo. A Rock Sound, on faisait des interviews à la chaîne. Moi ça m’est arrivé de faire trois interviews dans la même journée. Heureusement ce n’était pas tout le temps comme ça. Un jour j’ai fait Entombed, un groupe de métal norvégien, ensuite c’était un groupe de big beat et j’ai finit à 17 heures avec Moby. Et ce salaud de Moby, je lui pose une question et il me dit, « Hey tu as bien écouté ma chanson ? Tu as lu toutes les paroles de mon disque ? » J’étais là, euh non. Et là il me dit : « Si j’étais journaliste et que je devais faire une interview d’un artiste je lirais les paroles de sa chanson… ». Donc je lui explique que j’avais déjà fait trois interviews dans la journée. Mais quand les mecs sont là à presque te reprocher de ne pas faire correctement ton boulot…
Propos recueillis le 3 juin 2011
www.thomasvdb.com