dimanche 27 mars 2011

Interview EMPYR


13 heures. Installés dans des canapés autour d’une table basse, les cinq membres d’Empyr commencent leur journée promo. La salle d’interview ressemble de plus en plus à un backstage entre les guitares sèches, le clavier et la mini console en vue des différentes sessions acoustiques prévues ce jour. Détendus et impatients d’en découdre, les cinq musiciens apparaissent sous leur vrai jour, heureux d’être là, polis et bien élevés, du genre à vous proposer et à vous servir un verre avant de commencer. Cinq potes, passionnés de musique et qui mesurent chaque jour la chance qu’ils ont de vivre de leur passion. Rencontre…

Vous venez tous de groupes différents, qui ont tous bien marchés avant, certains ont même cartonné auprès du grand public. A-t-il été difficile de créer l’identité d’Empyr ?

Benoît Julliard (basse) : Que ce soit au niveau de l’image ou de la musique, cela a été un peu difficile pour les deux. Aujourd’hui encore on est en train d’essayer d’installer cette image. Les gens, les médias, toi-même avec ton introduction, tu as fait référence aux groupes précédents. Les gens ont un peu de mal à envisager Empyr comme une identité propre sans faire le rapprochement avec nos groupes d’avant mais bon petit à petit… On y croit toujours (rires) ! Pour la musique cela a été beaucoup plus facile. Sur le premier album on est allé sans trop réfléchir vers ce que l’on avait envie de faire. C’était assez défini. On s’est tous accordé sur les premiers morceaux que l’on a faits. On a vite trouvé une direction assez homogène. Sur cet album cela évolue encore et musicalement c’est assez différent. On a peut-être trouvé plus notre identité propre sur ce disque là que sur celui d’avant…

Justement, est-ce que vous pensez qu’Unicorn est votre « vrai » premier album ?

Benoît Poher (chant) : Il y a un peu de ça… On ne renie pas du tout « Peaceful riot » (le premier album d’Empyr, ndlr) par ce que c’était la première fois que l’on se retrouvait à faire de la musique tous les cinq. Et c’est vrai que l’on n’a pas trop réfléchi, c’était un album assez instinctif. Pour le deuxième on s’est vraiment posé la question, qu’est-ce qu’on veut être ? Comme tout les groupes du monde, on a envie d’un truc unique. Un son qui nous appartient. Que tu puisses te dire en écoutant dix secondes d’une chanson : « ça c’est Empyr ». L’identité que tous les artistes recherchent, elle est peut-être plus forte sur « Unicorn ». Le premier disque a été très influencé par tous les groupes que l’on avait en commun, comme tous les premiers albums. C’était rapide. Il y a plus de réflexion sur ce deuxième disque.

Benoît, le fait de chanter en anglais a fait partie de cette évolution ?

BP : Bien sur. Quand on a fait Empyr, c’était pour trancher avec nos passés respectifs. L’anglais c’est déjà quelque chose de très différent. Tous nos groupes d’avant chantaient en français, sauf quelques albums de Watcha. Et puis il avait aussi l’envie de voyager et de pouvoir jouer ailleurs. Dans le rock on a du mal à imposer notre musique en Angleterre ou aux Etats-Unis, nos deux grandes influences depuis des années. On s’est dit qu’il n’y avait pas de raisons qui font que nous, les Français, on soit moins bons que les autres. En chantant en anglais on aurait peut-être plus d’opportunités pour jouer en Angleterre, aux Etats-Unis, en Allemagne.

Florian (guitare) : Cela amène aussi une écriture différente. De nouvelles sonorités. La construction mélodique, les arrangements, tout est différent. L’anglais et le rock, se marient assez bien.

BP : Quand on compose on chante en yaourt, cette espèce d’anglais qui ne veut rien dire. Et ensuite le passage au français est souvent très très douloureux… Là, on a évité le problème. Alors qu’avant, après les maquettes t’avais l’impression d’avoir un super morceau avant de déchanter… Tu écris un vrai texte en anglais et finalement cela sonne quasiment pareil. Artistiquement c’est plus simple.

Les deux albums d’Empyr sont différents mais on tout les deux été produits par Ken Andrews. Est-ce que vous pouvez parler un peu de lui ?

Florian : Justement les titres étant assez différents, on voulait garder un fil conducteur. Un lien. On avait tellement changé, même dans notre façon de composer. Les couleurs sont différentes, les éléments mis en avant dans les chansons… Ca nous rassurait de prendre le même producteur. Tomber sur un mec que l’on ne connaît pas, perdre deux semaines à essayer de le comprendre… Là on connaissait le gars, ça nous permettait d’avancer. Et puis on savait ce qu’il pouvait apporter. Il aime beaucoup l’électro. Il a fait des trucs pour Beck, et des groupes de rock classique à gros son. Il a une culture assez mixte. Donc c’était intéressant.

BP : Et aujourd’hui il fait beaucoup d’électro. C’est aussi un gros fan de Nine inch nails. Il était adapté justement par ce qu’il a une culture rock qui est la même que la notre et dont il a aussi fait partie à son époque. Et il est aussi très ouvert sur l’électro, les beats, les sons…

Florian : Les vieux synthés aussi, il est passionné par ces trucs là. Il nous sortait ses nouveaux packs de plug-ins qu’il venait d’acheter.

BP : Ca nous correspondait vraiment bien.

Florian : Et cette fois on a enregistré en Belgique. Et c’était marrant par ce qu’on l’a fait venir à Bruxelles au lieu de s’installer dans son univers à lui…

BP : Un seul jet-laggé au lieu de cinq (rires) !!!

Florian : Il a mis tout l’album à s’en remettre (rires) !!!

Jocelyn (batterie) : Et c’était mieux dans les rapports finalement. Lui tu sens qu’il faisait principalement de la scène avant d’être producteur. Il continue de temps en temps à tourner avec son projet solo mais quand même moins. Et il était content d’être un peu loin, pas comme en tournée, mais avec les potes dans un autre pays. Il était vachement détendu.

Florian : Un peu l’aventure. Ca faisait presque un groupe à six. Il ne rentrait pas retrouver sa femme tous les soirs, ses petites habitudes. On était vraiment tout le temps ensemble. C’était agréable.

Frédéric, dans ma chronique du sampler j’avais comparé « Unicorn » à l’album « Failles » de Mass Hysteria (dont il est le producteur, ndlr) en disant que Mass Hysteria avait évolué par petites touches alors qu’Empyr a tout changé de fond en comble. Toi qui a été impliqué dans les deux projets, qu’en penses-tu ?

Frédéric (guitare) : Intéressant comme comparaison. C’est des mecs que je connais depuis qu’on fait de la musique à Paris soit une quinzaine d’années. Toute la vague du néo-métal qu’on a vécu. Mass c’était les premiers à être en place sur ce mouvement. C’est les tontons de l’affaire, des mecs implantés dans le genre. Ils ne bougeront pas, c’est des piliers. Mais le style ne bouge pas non plus. Enfin ils essaient de le faire varier mais reviennent toujours aux sources. Cette espèce de dancefloor/métal à basse de gros riffs et des beats limite techno-métal. La rencontre s’est fait le plus simplement du monde. Ils cherchaient un producteur sans avoir les moyens de s’en payer un énorme vu la crise du disque. Moi j’étais là au bon moment, voilà. Le disque c’est fait comme ça. Je fais aussi le prochain.

Comment s’est passé l’enregistrement et la composition de ce nouvel album avec tous ces changements ?

Jocelyn : Sur le premier on partait plus des guitares et des voix et le groupe décidait d’arranger ensuite. Ca nous menait irrémédiablement à une formule rock classique. On a voulu construire les choses différemment via les synthés. On est allé chez Florian dans sa maison en Bretagne et on avait installé des petites stations dans toutes les chambres avec les synthés, pro-tools, des petites boîtes à rythmes et des machins. Et on a commencé chacun à faire des débuts de morceaux à partir d’un son, d’un beat, d’un truc. Et après deux, trois jours chacun à commencer à sortir de sa chambre pour aller voir ce qui se passait chez les autres. La voix s’est posée beaucoup plus tard que d’habitude, sur des instrumentaux qui étaient déjà bien avancés. Ca a donné pour le coup des morceaux qui ne sont presque pas adaptables en acoustique. Par ce que le fil conducteur ce n’est pas la guitare/voix mais un son qui va donner ensuite tout le reste. Ca a vraiment été le gros changement.

BP : J’avais envie de poser ma voix sur des instrumentaux déjà faits. C’est vachement différent. Tu vois « It’s gonna be », le premier single, je n’aurais jamais pu trouver une mélodie comme ça à la guitare. Cela n’aurait pas été naturel. Là, le fait d’avoir des instrus, ça te permets d’essayer différentes choses. Ca nous sortait du carcan rock.

Florian : D’ailleurs « It’s gonna be » c’est le premier titre que l’on a écrit de cette nouvelle salve de chansons. Et fait à la base d’un pattern de batterie et de synthé. Construit à l’inverse de ce qu’on faisait d’habitude. Mais certaines chansons ont aussi été écrites guitare/voix. C’est marrant que notre premier single soit aussi le premier titre que l’on ait fait et aussi le plus déconstruit dans la manière d’écrire.

« It’s gonna be » diffuse d’ailleurs comme une vague d’optimisme…

Florian : C’est dur de faire un truc « joyeux » à la guitare. On avait envie de faire danser un petit peu. Et c’est vrai que c’est une bonne approche pour ça.

BP : C’est un titre que tu peux écouter le matin quand tu t’es levé du mauvais pied. Cela te fait changer de jambe (rires).

Est-ce que le groupe marche à l’étranger ?

BJ : Justement comme tu disais, l’anglais nous permet d’aller un peu partout dans le monde.

Vous avez été choisi pour faire la synchro du teaser de la dernière saison des experts aux Etats-Unis…

Empyr (en chœur) : Tout à fait.

BP : C’était une excellente nouvelle. On n’y croyait pas trop. Il y avait un nombre de groupes qui postulaient pour avoir ce truc. C’est CBS, des millions de téléspectateurs. Quand on a eu la confirmation que c’était « It’s gonna be » sur le trailer, on s’est pris une murge, tout simplement (rires) !!!! Flo était en Afrique, il a du se saouler tout seul (rires) !!! C’était inattendu et clairement flatteur. Quand on pense comment on a composé cette chanson dans une petite chambre en Bretagne et après quand tu vois le trailer d’une des plus grosses séries US !!!! C’est complètement dingue !!!! Après il faut que cela nous permette d’enclencher sur autre chose. A l’époque du premier album, on avait un peu joué en Angleterre, en Allemagne, en Espagne et aux Etats-Unis, mais vraiment des dates très ponctuelles, notre rêve c’est de faire de vraies tournées dans ces pays là. Des pays très friands de rock. Alors voilà on croise les doigts…

C’est assez chaud l’Angleterre pour les groupes français…

BP : Très chaud !! Mais ils en ont pas mal des groupes (rires) !!!!

Florian : Les Etats-Unis c’est presque plus simple…

Frédéric : C’est chaud mais je pense que la synchro, ce qui est notre cas sur les Experts, c’est un truc qui est universel et qui peut nous téléporter en deux secondes sur un territoire qui à la base était compliqué. Tu fait une pub monde, t’as plus besoin de te frotter aux politiques de chaque pays pour savoir si ton groupe peut accéder à tel ou tel festival. La synchro c’est nouveau pour les groupes et c’est limite presque plus important que de passer à la radio. Pour nous cela serait mortel une pub monde. On est français, on chante en anglais, c’est déjà tellement compliqué de s’exporter. Tous les médias sont dans une telle mutation, tout devient hybride, je ne sais même plus si la radio c’est si porteur que ça… Par contre la synchro, c’est très porteur pour la musique. On est très contents de ce plan sur les Experts…

BP : C’est un nouveau moyen de promotion. Les Ting Tings, Feist, des artistes qui ont explosés grâce à une grosse pub…

Jocelyn : Lilly Wood and the Prick en ce moment. C’est des gamins et ça a déclenché plein de trucs.

Florian : C’est nouveau par ce qu’avant ce n’était pas forcément des musiques de groupes, plutôt des morceaux joués spécialement.

BP : Souvent ils refaisaient une chanson qui avait bien marché en changeant juste une petite note pour ne pas se faire attaquer…

Comment vous vous sentez avant la sortie du disque ?

Empyr (en chœur) : IMPATIENTS !!!!

BJ : Impatients que les gens l’écoute et de repartir sur scène. Ca fait déjà tellement longtemps que l’on en parle. Ca fait un an que l’album est prêt. Et pendant ce temps là on ne pas trop le faire écouter…

BP : On est excité ! Je pense qu’en concert ça peut être pas mal. Les fans connaîtront les paroles des chansons. Le fait d’avoir deux albums, c’est vraiment pas mal pour les concerts. Tu peux faire ta setlist, avec plus de morceaux. Faire un concert avec plus de relief. Et maintenant on a plusieurs singles.

Florian : Et c’est bien d’avoir plus de variété dans ton choix. Quand tu n’as qu’un seul album, quelque fois tu as presque envie de faire les chansons dans l’ordre de l’album. L’ordre du disque c’est celui qui te paraît le plus naturel…

BP : Et tu ne peux jouer qu’une heure.

Et comment les deux albums vont s’amalgamer sur scène. Il y a des écarts très importants entre les styles…

Jocelyn : On a fait des répètes et entre les deux albums ce n’est pas si bizarre que ça.

BP : On a fait une set list ça déroule assez naturellement, ça s’accorde assez bien. C’est une bonne surprise pour nous.

Florian : Ca s’accorde bien sur l’énergie. On voulait corriger ça par rapport à la première tournée où il y avait des passages très calmes. Là, on a gardé tout ce qui est énergique. Les concerts vont prendre une nouvelle dimension.

BP : On a le choix entre une trentaine de morceaux. On va garder les plus dynamiques. Avec toujours des passages plus ambiants, plus intimistes. Mais je pense qu’au final cela va plus bouger.

Jocelyn : Mais déjà « Unicorn » est un disque avec plein d’aspects différents. Au moment de mixer le disque on se demandait comment on allait faire pour que tous les morceaux soient raccords et le track-listing cohérent.

Frédéric : A partir du moment où on se réunit tous dans un local avec notre instrument, il y a un côté qui réunifie le tout. D’un seul coup tout s’imbrique.

Vous avez la pression ?

BP : La pression elle est la veille de la sortie du disque et la veille de la première date.

Jocelyn : C’est plus de l’excitation. Comme un môme quinze jours avant Noël. Je suis pressé que le disque soit sorti et qu’on avance.

Florian : Ca marche toujours par petites étapes. La composition, l’enregistrement, le choix de la pochette… La pression elle est diluée dans le temps. C’est plus de l’excitation que du stress…

Vous écoutez les nouveaux groupes français, genre les BB Brunes ?

Jocelyn : On parlait de synchro tout à l’heure, j’ai découvert un groupe, des anciens djs, Botox. Je trouve ça vachement bien. De la trempe d’un MGMT… J’étais très surpris d’apprendre que c’était français. Les BB Brunes ce n’est pas trop notre truc. On est plus intrigués par l’utilisation des machines dans le rock, les recherches dans la production. Les BB Brunes, c’est un très bon groupe mais on essaye d’aller vers autre chose.

BJ : On se croise assez souvent cependant. On a fait une date avec eux à Brest.

BP : Ils savent jouer et les textes sont bien. C’est juste que si je mets un BB Brunes dans une soirée, je me prends une tarte (rires) !!!!

C’est facile de prendre de l’âge dans le rock ?

BJ : Y’a pas de problème, regarde-le (en désignant Frédéric), c’est un papy (rires) !!!

BP : Ca conserve l’état d’esprit, la mentalité d’une manière générale. Quand tu as la chance d’exercer ta passion comme métier. Tu grandis moins vite, en années chiens (rires) !!!

Florian : Les nouveaux projets chassent les plus anciens. T’es toujours en train de faire un nouveau truc. T’es toujours en train de te remettre en question, ça permet de garder un peu de fraîcheur.

Jocelyn : En tout cas quand on voit tous les nouveaux, les jeunes qui ont la niaque en tournée que l’on se rappelait d’avoir quand on avait 22 ans. Pour nous ce n’est plus exactement pareil. On voit bien la différence, dans l’insouciance, il y a plein de choses qui ont changé. Quand c’est ton premier groupe, que tu as vingt berges, tu ne sais pas comment ça se passe, tu pars sur la route la première fois…

BP : Quand on dit que l’on va conquérir le monde, on le dit avec une certaine mesure (rires) !!!

Jocelyn : On pèse le possible et l’impossible (rires) !!!!

www.myspace.com/empyrmusic

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Propos recueillis le 27 octobre 2010.

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