Festival attachant, les nuits de
l'alligator fête cette année son dixième anniversaire avec une
programmation tournant autour des musiques terriennes, souvent
étasuniennes, de la country au rock n'roll. Et bien sur le blues, la
musique du diable, qui apparaît en filigramme, le genre étant
abordé de manière transversale suivant une ligne éditoriale
pointue réservant de nombreuses surprises et autres découvertes.
Et puisque on parle de découvertes, on
en a fait une belle en ce mercredi soir avec Sarah McCoy. En
provenance directe de la Nouvelle-Orléans, elle se produit au piano,
majoritairement en solo, la deuxième musicienne, préposée au
xylophone, passant le plus clair de son temps à souffler des bulles
de savon. D'apparence pour le moins classique, la musique de Sarah
McCoy est cependant loin d'être lisse. Sarah McCoy s'est tout
d'abord une présence imposante derrière le piano droit et une voix
puissante, un coffre digne d'un blues shooter, dont le charme réside
dans les aspérités. C'est aussi une sacrée personnalité, qui
planque sa bouteille de vin au pied du piano, dont elle s'abreuve
directement au goulot. Avec beaucoup d'humour et de charisme, Sarah
distille ses histoires entre deux morceaux, on imagine une vie de
bohème derrière les accords plaqués au piano avec virtuosité.
Jamais la Maroquinerie n'avait autant ressemblé à un rade de
Bourbon Street. La performance du soir, un peu courte, se termine par
une chanson à la guitare folk jouée en accrobate, Sarah sur le dos
soutenant avec ses jambes la deuxième musicienne, en équilibre
précaire avec son xylophone. Un exploit vain et inutile, puisque de
toute manière la majorité des spectateur ne voit absolument rien...
On change radicalement d'ambiance par
la suite avec Black Strobe, le groupe électro/rock/blues mené par
le géant Arnaud Rebotini. Le quatuor a redécoré la maroquinerie
avec un grand rideau sombre dans le fond de la scène et un miroir en
pied au milieu. Un projecteur placé au plafond, diffusant une
lumière blanche et verticale complète le dispositif. Tournant le
dos au public et placé devant le miroir, l'éclairage âpre donne
une allure christique à Rebotini, jamais avare d'une métaphore
religieuse (« Burn your own church », « Godforsaken
roads », « Someone gave me religion »...), au
milieu de « Folsom prison », la reprise de Johnny Cash.
Situé au confluent de plusieurs influences, on détecte chez Black
Strobe un peu de métal (le terrifiant instrumental « Black
Metal »), du blues (« House of good lovin' »,
« Boogie in zero gravity ») et de l'électro grâce aux
synthés vintage (« Shining bright star »). Le groupe
innove terminant son set dans une version rock classique (guitare,
basse, batterie) avec « I'm a man », la reprise de Bo
Diddley enquillée avec « Baby please don't go ». Même
en version « rock », les rythmes restent marqués par un
martèlement techno/discoïde trahissant le passé électronique de
Rebotini. Le batteur, au son très mat, se révèle fin et inventif,
grâce à l'utilisation de nombreuses cloches, assurant le swing
(« House of good lovin ») avec beaucoup de souplesse mais
aussi une force de frappe brute impressionnante dès que nécessaire
(« Shining bright star »). Pour finir, signalons dans les
rappels l'assez rare « Girl from the bayou »). Une
prestation solide grâce au charisme de Rebotini.
Le vinyle tout d'abord intrigue, dans sa très belle livrée rouge carmin. Bienvenue chez les
Balladurians, un groupe spécialiste des apparences trompeuses.
Remarque qui s'applique à la musique du duo Basque/Béarnais qui met
un point d'honneur à ne rentrer dans aucune case. Un duo garage ?
Oui il y a de ça mais pas que... Un groupe de revivaliste spécialisé
dans les reprises sixties (« Un éléphant qui me regarde »
signé Antoine) ? Comme pour mieux nous contredire, le duo
dégaine « Gut feeling » de Devo en face B et remet au
goût du jour la pop géométrique chère à Jacno (« Triangle »).
Donc, les Balladurians, et c'est précisément ce qui fait leur
charme, donnent l'impression de bricoler. Le guitariste/chanteur,
répondant au doux nom d'Hellvis, balance ses grosses notes
dégoulinantes dans un pur style garage/punk. A l'autre bout du
spectre, Paul Memphis, comme débarqué là par hasard, triture ses
synthés et ses boîtes à rythmes dans une veine new wave. Pour
résumer c'est un peu comme d'assister à une jam entre les Stooges
et Suicide avec ce que cela suppose d'insécurité. Dangereux mais
terriblement excitant. Après trois EPs, dont celui ci consacré aux reprises, il ne manque plus qu'un album en bonne et due
forme, pour valider tout le
bien que l'on pense d'eux...
Ca marche fort pour les
Dukes, quatuor devenu duo, le groupe est au taquet dans la foulée de
son excellent deuxième album « Smoke against the beat »...
On avait parlé la dernière fois de l'enregistrement de l'album « Victory »
en Suède dans des conditions apocalyptiques. Comment ça s'est passé
ce coup-ci à Los Angeles ?
Shanka (voix/guitares)
: C'est un faisceau d'événements. On a fait le premier par moins
trente sous la neige, on va faire le deuxième sous le soleil par
plus trente (rires) ! Forcément quand tu fais le casting des
lieux, Los Angeles vient naturellement à l'esprit. Après c'est tout
simplement des rencontres...
Greg (batterie) :
J'ai rencontré Jamie Candiloro, le gars avec qui on a travaillé
là-bas environ un an avant. Tu sais, moi je me partage entre les
Etats-Unis et la France, il y avait le côté pragmatique. Et puis
c'est fun de faire un disque de rock aux Etats-Unis. Ca s'est imposé
naturellement...
Shanka : A Toulon,
par exemple, c'est beaucoup plus compliqué (rires) !
Et au niveau du son, ça
vous a aidé à viser plus gros ?
Shanka :
L'intention n'était pas d'avoir un plus gros son mais quelque chose
avec plus d'air et plus seventies. On était plus dans la finesse,
presque classic rock, dans l'idée d'avoir un album qui vieillisse
bien. Pas académique, mais plus classique même si dans la forme on
a réussi a trouver des originalités. Et puis ça découle aussi du
choix du studio et de travailler avec Jamie.
Il y a eu beaucoup de
temps, presque deux ans, entre l'enregistrement et la sortie...
Greg : Tout à
fait ! Je vais reprendre ma métaphore habituelle avec le fait
d'être père. Faire un enfant ça va vite et c'est agréable. Après
l'élever jusqu'à son bac, c'est une autre histoire.
Shanka : Le titre
de l'album résume bien le truc. Smoking against the beat, c'est une
phrase de Bogart qui signifie aller à contre courant. Ce qu'on fait
là, c'est extrême. On y arrive mais c'est beaucoup de travail et ça
prends du temps tout simplement. Et puis la musique c'est un milieu
où les choses ne se font pas du jour au lendemain. Il faut du temps
pour convaincre les gens, trouver les bons partenaires. On a monté
tout le show live. Et j'ai pris en charge tout le côté artistique,
illustration de l'album, ça m'a pris du temps pour apprendre et
trouver la voie. Pour le coup, j'étais totalement vierge de ce côté
là. Je me suis laissé le temps.
Il y a un gros
changement de line up avant vous étiez quatre maintenant vous êtes
un duo. Qu'est-ce que ça a changé, à part le fait qu'il y a moins
de matos à porter ?
Shanka : C'est la
crise (rires) ! Ecoute il y a plutôt plus de matos en fait !
C'est notre concept, on est deux mais on doit sonner comme douze
(rires) ! (Il devient sérieux) Ca change les énergies sur
scène...
Et la dynamique entre
vous deux ?
Shanka : Quand tu
analyses le phénomène, on tombe presque dans la physique quantique.
La manière dont l'énergie rebondit sur scène entre les membres
d'une formation musicale. C'est vraiment particulier à chaque
projet. Il y a des énergies qui se détruisent entre elle. Ça
arrive, moi j'ai joué dans un projet comme ça où les énergies
étaient très destructrices. Là, on n'est que deux, c'est presque
comme un match de tennis, ton partenaire te renvoie la balle en
permanence. Quand on plus nombreux tu renvoies la balle à l'un qui la
renvoie à son tour à l'autre. Ça peut paraître un peu ésotérique,
ce genre de comparaison. On est dans des musiques qui ne sont pas
uniquement cérébrales, c'est pas du shoegaze, on est ensemble, on
se regarde, on se pousse les uns les autres. En binôme c'est assez
intéressant tu te retournes toujours vers le même gars qui te
renvoie toujours la balle. Pour le coup c'est vraiment positif, on se
connaît depuis longtemps, on le savait déjà. C'était déjà comme
ça quand on jouait ensemble dans No one is innocent.
Greg : Les choses
se sont passées comme ça. On pensait déjà à un set up en duo
pour pouvoir jouer aux Etats-Unis, bien avant l'enregistrement.
Quoiqu'il arrive Shanka et moi on toujours été les piliers de ce
projet, ceux qui le faisait avancer. A partir du moment où certains
ne pouvaient pas mettre le même degré d'implication que nous dans
le groupe, ça n'est pas un problème, mais il nous fallait une
version où nous on pouvait continuer d'avancer. Et ensuite la vie
fait que...
Shanka : Ça c'est
fait naturellement.
Greg : J'avais
peut-être un petit fantasme caché au fond de mon cerveau, parce que
j'en avais toujours rêvé. J'en reviens à l'idée du ping-pong.
Trouver un musicien avec qui on peut échanger comme ça tout le
temps. A un degré cérébral, technique ou amical. Quand tu sens
une complicité, une loyauté. Avec Shanka c'est très pratique,
c'est en toute confiance.
Shanka : Il n'y a
pas de retenue.
Greg : Ca fait
tellement longtemps qu'on se connaît...
Shanka : C'est
naturel.
Greg : On n'est
presque pas peur d'être à poil l'un devant l'autre (rires).
Shanka : Et
doucement là (rires) !
Greg (gêné) :
Oui enfin on s'entends (rires) !
A l'écoute du disque
j'ai l'impression que vous avez élargi l'horizon musical, il y a
plus de blues (« Gold digger »), plus de pop (« Alive »),
plus de punk (« Grey people »). Je sais que les
influences on toujours été là, mais dans « Victory »
ça ne s'entendait pas forcément...
Shanka : Tout à
fait. « Victory », notre premier disque, c'est fait un
peu bizarrement dans le sens où c'était une compilation de plein de
choses. Après le premier album et les deux premières tournées, on
s'est posé plusieurs questions : Quel est notre projet ?
Quelle est sa couleur, son caractère ? Qu'est-ce qui marche
bien ? Quand tu crées un groupe, c'est comme une espèce de
personne morale à part entière. Tu ne peux pas faire n'importe quoi
avec n'importe quel groupe. Il y a tellement de paramètres. Moi-même
en tant que frontman je me suis posé plusieurs questions : Dans
quel domaine je suis le plus à l'aise ? Où ai-je envie
d'aller ? Il y a d'abord eu un parti pris volontaire qui s'est
dégagé naturellement. Ce disque là j'ai voulu l'ancrer dans une
vérité rock n'roll des années 70. D'où les références au Gun
Club, aux Stooges. Pour trouver un noyau irréductible d'énergie
rock qui ne ment pas, qui n'a pas peur d'aller dans l'efficacité et
la simplicité. Et d'autre part il y a mon côté blues/country que
j'ai dans les veines depuis que j'ai commencé la musique.
Greg : Attention
c'est des sujets... On est fans !
Shanka : J'ai
construit autour de ça. C'est une recherche presque au stade
philosophique. Quand tu commences à analyser les musiques
folkloriques populaires, tu touches à quelque chose de terrien,
ancré dans l'imaginaire populaire, qui parle à tout le monde. Cette
recherche d'absolu. Pouvoir toucher n'importe qui, de n'importe
quelle culture parce que tu utilises cette racine commune. Je trouve
ça fascinant. Et puis il y a le côté punk, dans l'esprit et la
manière de faire. Dans l'attitude et dans la musique. C'est un truc
qui nous parle depuis toujours. Le côté pop vient d'une démarche
qui est foncièrement tournée vers le public. Evidemment on cherche
aussi à se faire plaisir. Si tu ne prends pas de plaisir, tu ne peux
pas en donner. La science de la chanson. Nous on est la génération
X, on a grandi avec le power pop, avec Nirvana. Ces gens nous ont
influencé à mort. Et leur idée c'était de faire des chansons avec
une exigence d'honnêteté artistique absolue dans le texte et dans
la musique. Et en même temps avec une forme très punk, gros son,
production épique. On ne fait pas de la musique de chambre.
Greg : Tourner
avec les Subways c'était aussi très instructif, très intéressant.
Ça nous a donné une idée sur le punk, la chanson, les formats
courts. On est loin d'avoir fait du pompage mais quand tu tournes
pendant quatre semaines avec un groupe comme eux, ça donne à
réfléchir.
Shanka : Il y a
des leçons à tirer...
Et le visuel a été
beaucoup travaillé, plus que sur le premier disque. Le personnage de
Smoky...
Shanka : Tout le
visuel c'est moi. Mais si tu veux c'est une boîte de Pandore. Je ne
pensais pas que cela irait aussi loin. Je suis un grand fan de Daniel
Johnston. J'ai vu ses œuvres en vrai pour la première fois il y a
deux ans, au Lieu Unique à Nantes. J'ai eu une petite révélation.
C'est vraiment chouette de pouvoir s'exprimer comme ça. Je n'ai pas
fait d'école d'art ni rien du tout, mais il n'y a pas de complexe à
avoir. Il y a toujours ce côté un peu corporatiste à la française,
si ça n'est pas ton métier, n'y va pas. Mais je n'avais pas envie
de laisser ça aux professionnels. D'avoir vu l'expo, ça m'a donné
l'envie. Je vais y aller, je vais oser. Je vais exprimer ce que j'ai
à dire. Ça ne sera peut-être pas bien mais ça sera sincère. De
fil en aiguille, j'ai commencé à griffonner de plein de manières
différentes : crayons, plume et encre, marqueur. Et pour le
coup au marqueur, j'ai commencé à faire le dessin animé de « Grey
People » où est né, un peu de nulle part, le personnage de
Smoky. On a trouvé ça super fort. C'est là où j'ai demandé à
Paul (Toupet, l'artiste, nda) de nous faire des masques pour la scène
avec son interprétation du personnage. De la même manière, il y a
une quinzaine de dessinateurs de BD qui font également leur
interprétation personnelle du personnage. C'est super chouette de
voir la vision d'artiste d'un personnage que tu as créé. On a
vraiment fait un beau digipack avec un beau livret, on s'est fait
chier avec le format... Chaque texte est illustré de manière
indépendante, pour exprimer plus tout en laissant la porte ouverte a
l'interprétation de chacun. Le but n'est pas de donner toutes les
clefs mais de pousser plus loin l'expression artistique autour de la
chanson.
Tout ce travail va se
ressentir au niveau du live ?
Shanka : Tout à
fait. On va essayer de faire vivre notre set up avec de la vidéo
sans tomber dans la présentation powerpoint. Tu mets des écrans, tu
projettes dessus, je trouve ça un peu figé. Ça ne fait pas vraiment
rêver. Toute la création vidéo pour le live, un dessin animé que
j'ai fait aux marqueurs, on le projette sur le matériel. Tout les
instruments sont peints en blanc, on a mis de la toile par endroits.
Et on en joue. La grosse caisse est ronde, j'ai fait un œil qui
s'ouvre dedans par exemple. Des choses comme ça. C'est très
ludique, très marrant à faire. Et puis c'est pratique.
Greg : On est un
petit groupe, on ne peut pas prendre quatre heures pour faire nos
balances et accrocher les supports etc... Tu débarques dans un
festival ou tu fais une première partie, tu ne peux pas te permettre
de dire je veux ça et ça. On voulait quelque chose d'ergonomique et
de très simple à installer avec un rendu original. Les écrans
géants c'est un peu décevant, triste quelque part.
Ca donne un côté
calculé, à ce moment là il se passe ça etc...
Shanka : Ça n'est
pas très surprenant et ça n'apporte pas grand chose à l'univers.
En plus souvent c'est une création d'une personne extérieure au
groupe et ça ne vient pas des créateurs au départ. Là, je l'ai
fait moi-même. Techniquement ça n'est peut-être pas parfait. Mais
chaque vidéo qui est lancée est en phase avec la musique. Ça ne
peut pas être plus personnel. En plus j'ai mes limites en tant que
dessinateur, donc on va à l'essentiel.
Greg : Cela donne
de jolies métaphores. Des textes imagés. C'est une déclinaison, un
fil rouge qui est parti de « Grey People ». Tout se
tient. C'est les mêmes éléments.
« Grey People »,
c'est le titre qui a tout déclenché dans ce projet ?
Shanka : Pas
vraiment. Dans l'absolu il est presque secondaire. Dans mon idée, ça
n'était pas le bijou de l'album. Après il s'avère que j'ai fait le
clip là dessus. C'est venu comme ça.
Il y a aussi un
changement de dimension au niveau du label. Vous êtes maintenant
signés chez Caroline, une major...
Greg : J'ai un
contrat d'artiste avec Universal, sur un autre label, ça nous a
ouvert des portes. On s'est retrouvé là par hasard. Se retrouver
sur Caroline, pour nous c'était surréaliste. On aurait jamais signé
ailleurs. Caroline sait travailler un disque comme le notre. C'est
une simple question de culture. Au départ Caroline a été créé par
Richard Branson pour les groupes qui ont du potentiel sans être
nécessairement mainstream. Quand tu vois les opportunités qui sont
offertes aux artistes français... C'est ça la clé de tout. Le
label vient d'ouvrir une antenne en France, ça fait un réseau qui
permet aux artistes français de remonter à l'international.
Shanka : Sur le
premier on avait travaillé avec plein de boites différentes. C'est
très compliqué de gérer plusieurs interlocuteurs qui ne se parlent
pas entre eux. On a un canal, un interlocuteur. Ne serait-ce que pour
aller chercher tes royalties, c'est plus simple et plus sécurisé
pour nous.
Greg : On avait
plusieurs propositions. Certaines avaient des réseaux de
distributions en major. Mais quand tu vois le roster de Caroline :
Blondie, Korn, 50cent, St Vincent etc... Juste pour citer quatre
noms. Etre le premier groupe français signé sur ce label, ça peut
valoir le coup quand même !
Shanka : C'est un
super outil de travail. Et comme on s'occupe de tout, on ne va pas
cracher dessus. On est malgré tout très indépendants. On choisit
avec qui on travaille. Ça nous laisse de la marge de manœuvre. De
toute façon on est allé trop loin dans l'indépendance. C'est
devenu pratiquement impossible de nous imposer quoi que ce soit.
Greg : On sait
avec qui on veut bosser et avec qui on n'a pas envie de travailler.
Et cela ne pose jamais de problème. C'est ce qui fait la force de ce
label. C'est au choix. La liberté ça n'a pas de prix. Je m'en rends
compte dans la vie de tous les jours. Si on se plante ça sera de
notre faute. On élimine plein de parasites quand tu sais comment tu
veux travailler ton projet et quelle vision tu as pour le groupe. Et
quand les gens en face sont prêts à te donner les moyens pour
travailler comme tu l'entends.
Shanka : Si on
regarde les choses d'un point de vue strictement industriel, les
seuls disques qui vont rester en bacs, c'est ceux des majors.
Greg : C'est les
seuls qui vont survivre. C'est la crise du disque. La FNAC ne
centralise plus. Quand tu es en indé ça devient plus en plus
compliqué pour placer tes disques. Maintenant les labels indés
doivent négocier magasin par magasin la présence du disque de
certains artistes dans les bacs. T'imagines le boulot ? C'est
devenu un enfer. Et un dernier détail amusant, Caroline c'est une
entité à part chez Universal, les bureaux sont dans un quartier
différent. Caroline c'est l'indé de la major et nous on est l'indé
chez Caroline. On s'y retrouve finalement.
Et pour les tournées ?
Shanka : On a
trouvé une équipe en or pour s'en occuper : POP, pour oublier
productions. Pour nous c'est super, jusqu'ici on avait fait que deux
concerts en France.
Greg : C'est eux
qui avaient pris Shaka Ponk quand ils jouaient pour 17 personnes. Ils
savent faire du développement. Les programmateurs répondent
positivement au disque c'est génial. Mais je pense qu'ils sont
rassurés de savoir que le groupe est signé sur un label qui tient
la route et qu'il y a un minimum de travail qui va être fait. Ça
aide d'être signé sur un « beau » label. Ça crédibilise
auprès des promoteurs locaux. De toute façon, si le disque ne
plaisait pas, on aurait aucune date. Après toute la mécanique se
met en route, ça entraîne les radios et ainsi de suite... Le label a
une belle visibilité.
Shanka : Etre
signé sur le même label que Korn, Blondie et 50 cents, c'est
rassurant. Au moins le label va passer l'année ! (rires)
Greg : Et en plus
tu te dis « WOW » ! (rires)
Shanka, sur « Don't
die a copy » tu chantes « to find yourself you've got to
loose yourself » cela m'a questionné...
Shanka : Pour
arriver à se trouver et à se réaliser en tant qu'être humain il
savoir se perdre un peu d'une certaine manière. Faire des
expériences qui sortent des rails. Faire des sorties de route pour
trouver la sienne. Loose, avec deux « o », c'est parce
qu'il faut se détendre. Il faut arriver à prendre du recul. Arrêter
de tout prendre comme si ta vie en dépendait. Le recul dans la vie
c'est un des meilleurs médicaments anti dépresseur qui soit.
Greg : C'est vrai
mais c'est dur.
Shanka : Ca
rejoint l'humour. Je suis persuadé qu'il y a de l'humour dans la
musique. C'est un trait de génie. Pourquoi Nirvana est si génial ?
Parce qu'il y a une grande ironie de la part de Kurt Cobain dans la
manière dont il présente son groupe. Je trouve que ça projette le
groupe dans le génie. Quand il fait des émissions de télé en
faisant semblant de jouer. C'est un des premiers mecs qui a osé le
faire, qui a eu le courage. Ce qu'on fait ce n'est que de la musique,
on ne fait pas de la recherche fondamentale, créer des vaccins ou
creuser des puits en Afrique. Ça reste de l'entertainement, quelque
chose d'assez léger finalement. Même si potentiellement les
émotions provoquées par l'écoute peuvent être intenses. C'est
important de dédramatiser la chose.
Shanka tu as déménagé
à Bruxelles il n'y a pas si longtemps...
Shanka : Ça
s'inscrit dans ma démarche d'aller voir le monde. Les voyages
forment la jeunesse. Moi j'étais déjà un peu inséré dans le
milieu belge grâce à quelques amis et collaborateurs. Je joue avec
des Belges, je découvre l'arrière pays. C'est intéressant, les
Belges ont une manière d'être à mi-chemin des pays voisins. Ils
peuvent être très durs dans le business comme les Anglais et
accueillant comme des Allemands ou des gens du Nord, généreux. Ils
ont de l'humour aussi, c'est vraiment un pays au croisement de plein
de cultures. Il y a énormément de bons groupes et de bons
musiciens. Et puis Bruxelles est magnifique. Je viens de Nancy,
j'adore l'art nouveau, et pour ça Bruxelles c'est génial. Tu sors
dans la rue et tu as douze façades art nouveau d'affilée.
Alors que les lumières s'éteignent
une à une, plongeant le Point Ephémère dans une semi obscurité,
c'est un Roddy Frame fringuant comme au premier jour qui déboule sur
scène, au débotté, le sourire (qui ne le quittera pas de la
soirée) jusqu'aux lèvres. Derrière nous, des spectateurs
s'extasient sur la ligne de Roddy, s'exclamant : « Mais,
qu'est-ce qu'il est mince ! ». On l'a découvert
extrêmement mature alors qu'il était encore adolescent et on le
retrouve aujourd'hui en fringuant jeune homme de 51 ans. Inusable
Roddy ! En solo intégral, avec seulement quelques guitares et
harmonicas pour accompagnement, l'ex-leader des mythiques Aztec
Camera, attaque le concert comme s'il s'agissait d'un gig entre amis,
un samedi soir, sur la scène d'un pub de son Ecosse natale,
abreuvant le public de bons mots et de blagues entre deux titres
(« J'adore quand ma guitare fonctionne, ça me rends très
heureux »). Assez dynamique, bougeant beaucoup sur la scène,
Roddy attaque les cordes de sa guitares avec une puissance
phénomènale, compensant par la seule force de son poignet le manque
de décibels grâce à la souplesse de sa main droite, générant un
joli petit swing. Roddy retrouve par moment la posture d'un guitarise
de rockabilly, jambes écartées et genoux flêchis. Afin de rompre
la monotonie d'un concert solo, Frame trouve dans les gammes
hispanisantes une inspiration nouvelle et enquille tranquillement le
refrain de « People Get Ready » (Curtis Mayfield)
saupoudrant le tout d'influences venues du blues et de la soul.
L'excellent chanteur, au timbre digne d'un crooner, se double ainsi
d'un guitariste virtuose. L'utilisation d'une guitare à douze cordes
donne une toute ampleur au son le temps d'une magnifique séquence
nostalgique « Oblivious » (le public chante en cœur) /
« We could send letters » issues du premier album d'Aztec
Camera (« High land, hard rain », 1983). L'ovation finale
fût longue pour le survivant des eighties qui clôturera le set avec
un nouveau titre totalement inédit et pas encore terminé
s'exclamant « Je n'arrive pas à y croire, c'est complètement
fou ! ». Le public le lui rendra bien. Un concert
rafraîchissant.
Découvert en première partie, le
jeune Roo Panes se produira également en solo intégral à la
guitare douze cordes dans une approche totalement opposée, plus
sombre et mélancolique bien servie par une magnifique voix. Une
belle découverte.
Memphis, Tennessee, Janvier 2014.
Sélectionné pour défendre les couleurs de la France à
l'International Blues Challenge, le Blues Power Band profite d'une
soirée off, celle du 24 janvier, pour investir les légendaires
studios Sun le temps d'une séance dont sont issus les titres de cet
EP. A séance exceptionnelle, disque exceptionnel puisqu'il s'agit de
la première sortie vinyle pour le groupe, dans une très belle
livrée orange. Si le tracklisting est bien connu des fans du groupe,
les chansons sont présentées ici dans des versions totalement
inédites et la magie du lieu semble avoir inspiré les musiciens qui
débordent ici de feeling (les intros à la guitare de « Below »
et « The end », le solo d'orgue de « Woman of
action »). Et le groupe, qui il n'y a pas si longtemps accolait
au Blues de son patronyme un point d'interrogation, effectue ici un
spectaculaire retour aux fondamentaux de la note bleue. Accouchant au
passage d'un disque insomniaque à écouter aux premières lueurs du
petit matin. Une belle réussite à mettre au crédit du groupe.
Attention, l'édition est limitée à 300 exemplaires...
Trio originaire de l'Ile d'Oléron,
Archi Deep and The Monkeyshakers rejouira tous les amateurs de rock
n'roll à l'ancienne. Si la musique est un éternel voyage dans le
temps, alors Archi Deep revisite, avec bonheur et une réussite
certaine, le son des années 1970. Entre rock n'roll et blues, Archi
Deep n'invente certes rien mais le fait avec une efficacité
remarquable. Ainsi, « Girls, money and sex », sonne comme
un de ces hymnes rock de la grande époque dorée avant un passage
blues/jazz surprenant, finement amené et rondement mené. Il y a
décidément beaucoup de musique en eux. Ailleurs, un feeling blues
(cf. « Half of a two », « I got inked »,
« You're not the kinda girl I like ») habite des
compositions orientées rock/garage où leur science du riff de
guitare, leur gros son et la dynamique de l'excellente section
rythmique font des merveilles. Placée en fin de programme « Erase
yourself » clôt les débats sur une note acoustique délicate
montrant au passage une autre facette, folk, de leur musique. A
suivre...
Composé de la fratrie Neo-Zélandaise
exilée à Brooklyn, Daniel, Dave et Sarahjane Gibson, le groupe
Streets of Laredo a sorti son premier album en fin d'année dernière.
Inspiré par la tradition folk de sa ville d'adoption, Streets of
Laredo s'impose d'emblée en digne descendant revisitant avec bonheur
le style acoustique des années 1960 et 1970. Quoi de plus normal
pour un groupe dont le patronyme s'inspire à la fois d'un western
(réalisé par Leslie Fenton en 1949) mais aussi d'une ancienne
« cowboy song » des années 1920 ? On reste subjugé
par l'appropriation de ces idiomes typiquement étasuniens par le
groupe qui, rappelons le, n'est pas américain de naissance. Et
pourtant on s'y croirait. L'utilisation d'une batterie (« Need
a little help »), un accordéon mi country-mi celtique (« Slow
train ») et un soupçon d'électricité rock n'roll
(« Girlfriend », « Hey Rose », « Laredo »)
évite au groupe la sécheresse d'une formation guitare
sèche/harmonica. Bien au contraire, ces apports judicieux apportent
de nouvelles couleurs fort intéressantes. On imagine sans peine la
musique, très cinématographique, de Streets of Laredo servir de
bande sonore a de grands travellings dans le désert rocailleux, au
milieu des cactus, dans un voile de poussière au soleil couchant
(« Dear Leron »). Roots et réussi.
En concert le 02/03 à la Maroquinerie
(Paris) dans le cadre du festival Les Nuits de l'alligator
Auteur de deux albums entre 1979 et
1980, The Pop Group est de retour après une pause de... trente cinq
ans ! La résurrection ! Première constatation, ne surtout
pas se fier au patronyme un peu générique du groupe. Car derrière
la dénomination, banale, de The Pop Group se cache une formation
redoutable. On en a la démonstration dès la première plage,
« Citizen Zombie », chaos organisé de guitares et de
boucles sur une rythmique industrielle. Ailleurs le groupe s'attache
à des rythmiques discoïdes (« Mad Truth »,
« S.O.P.H.I.A ») pratiquant une sorte de funk blanc,
terriblement accrocheur, façon Bowie (circa « Let's Dance »)
mais prêt à vous exploser à la figure. A l'écoute, la clique de
Mark Stewart évoque bien plus le New York City de 1981 que Bristol,
ville dont le groupe est originaire. On retrouve la frénésie,
l'urgence et l'inventivité (« Shadow Child ») typique
des formations issues de la Grosse Pomme. N'ayant pas froid aux yeux
et terriblement free, The Pop Group explose les structures, pour
mieux en redéfinir les contours et les lacérer à grands coups de
guitares et un martellement industriel continu convoquant à
l'occasion quelques fantômes dark (« The immaculate
deception »). Fort, a condition toutefois d'avoir le cœur bien
accroché.
Depuis 1997, le festival les Femmes s'en mêlent propose un état des lieux des musiques qui nous sont chères (pop, rock) à travers le prisme d'une programmation féminine à Paris mais aussi en régions. La 18ème édition se tiendra du 16 au 27 mars prochain. Parmi les dates à ne pas louper notons entre autres le concert en exclusivité de Véronique Vincent & Aksak Maboul (dont l'album enregistré au début des années 1980 ne sort que maintenant) et notre chère Sallie Ford accompagnée de son nouveau groupe exclusivement féminin.
Vendredi 13 février :
Bien plus que « d'hiver », les sons proposés par le
festival sont réellement « divers ». Preuve en est
donnée avec le grand écart effectué ce soir avec deux formations,
emballantes dans des registres très différents. On commence avec le
jazz du trompetiste Ambrose Akinmusire, musicien dont on parle de
plus en plus en des termes élogieux. Pour la création du soir, le
quintet (piano, contrebasse, batterie, cuivres) d'Akinmusire se
retrouve augmenté de deux membres, le guitariste Charles Altura et
l'incroyable chanteur Theo Bleckmann, qui vocalise bien plus qu'il ne
chante, usant de sa voix comme d'un instrument soliste. Le jazz,
relativement classique par ailleurs, d'Akinmusire prend alors une
tournure planante et rêveuse. Iréel. Le phrasé du trompetiste
rappelle un peu Miles Davis, reste à voir si Akinmusire aura la même
capacité de transformation que son modèle. Chouette prestation.
Traditionnellement
ancré dans les musiques « Noires » au sens large (jazz,
reggae, soul, blues etc...) le festival Sons d'hiver ouvre parfois
une petite porte vers le rock, genre abordé sous un angle
expérimental (Pere Ubu l'année dernière) et souvent instrumental,
Tortoise ou Massacre, que l'on voit à titre personnel pour la
deuxième fois sur cette même scène de la MAC de Créteil.
Lorsqu'il déboule sur scène, le super trio composé du guitariste
anglais Fred Frith, du bassiste star Bill Laswell et de l'inusable
batteur Charles Hayward, prend possession de ses instruments pour ne
les lâcher qu'une heure et quart plus tard. Nous assistons alors à
un flot de musique, et de sons, ininterrompu. Si Massacre il y a,
c'est bien celui des structures conventionnelles
couplet/refrain/couplet. L'incroyable section rythmique maintient la
baraque à flot alors que Frith part dans l'exploration de sa
guitare, tirant de cette dernière des sons improbables usant parfois
d'accessoires divers tels qu'une serviette pour recouvrir les cordes
ou d'un archet. A la batterie, Hayward impressionne par son sens du
swing et sa capacité d'accélération/décélération. Dans ce
contexte Laswell fait preuve d'inventivité, son jeu est imprégné
de reggae, et ses différentes pédales d'effets apportent une note
saturée et distordue. Véritable exploit, on ne perds jamais le fil
de ce « free rock » pourtant tortueux à souhait. Quel
groupe !
Samedi 14 février :
En ce soir de la Saint-Valentin, on retombe amoureux de la musique
une nouvelle grâce à un magnifique plateau orienté blues, gospel
et soul. Premier à ouvrir le bal, Otis Taylor est un bluesman à
part. Il y a déjà sa présence, imposante, sur scène et son visage
(à moitié caché par une casquette) qui est un roman d'aventures à
lui seul. Une gueule, pour résumer mais aussi une voix grave et
profonde. Accompagné de ses quatre musiciens (deux violons, basse et
batterie), Taylor (voix/guitares) investit un champ
blues/country/folk où se télescopent violons et banjo, instruments
que l'on a pas forcèment l'habitude d'entendre dans la « musique
du diable ». C'est surtout sur un plan rythmique que la chose
impressionne, le groupe atteignant une sorte de transe quasi tribale
(surtout la violoniste qui danse avec des mouvements assez amples).
Composée d'un public d'abonnés, d'ordinaire assez sage, la MAC est
cette fois-ci debout comme un seul homme ! On se croirait
presque dans le sud profond. Belle ambiance. A noter une reprise très
belle quoiqu'un peu longue de « Hey Joe » popularisée en
son temps par Jimi Hendrix.
Dans un registre plus
« sacré » c'est au tour des Campbell Brothers d'investir
ensuite la scène. Fidèles serviteurs du gospel, les Campbell
Brothers jouent une musique où les lap steel et pedal steel guitar
(instruments se jouant assis, la guitare posée à plat) tiennent un
place centrale. C'est un style de gospel bien particulier que l'on
nomme le « Sacred steel ». Bien entendu les voix,
multiples, sont de première importance. Le tout est rondement mené
avec un solide sens du groove qui aide à faire passer le message,
positif, sur une note festive. On est encore une fois emballé par le
sens du spectacle du groupe qui se fait lever le public,
applaudissant à tout rompre. Avec ça, on est paré pour la Messe
demain matin !
On termine enfin avec
des vielles connaissances, les Nantais de Malted Milkaccompagné de
la chanteuse Américaine Toni Green que l'on retrouve pour la
première fois sur scène après avoir été épaté par leur album commun en fin d'année dernière. L'association se place dans un
revival soul soyeux et groovy de qualité au moins égal à celui des
productions Daptone. C'est dire à quel point nos Nantais maîtrisent
cette idiome. La rythmique est à la fois souple et solide et l'orgue
Hammond (Damien Cornelis également membre du Blues Power Band)
enveloppe le tout de nappes de son chaud. Les interventions des
cuivres sont toujours à bon escients et les guitares ramènent le
tout vers le terrain du blues. La présence de la chanteuse de
Memphis Toni Green (une ancienne choriste d'Isaac Hayes, ça vous
classe le personnage) aide le groupe à s'ancrer dans ce territoire
de musiques telluriques. Le chanteur/guitariste Arnaud Fradin relaye
efficacement Toni au chant sur quelques titres, c'est aussi une
présence réconfortante lorsque la chanteuse est prise par l'émotion
au milieu de « Just ain't working out ». Le plateau que
nous a concocté l'équipe de Sons d'hiver est tout simplement
superbe pour finir ce dernier weekend du festival. Rendez-vous
l'année prochaine pour les 25 ans du festival !
Il vieillit plutôt bien Bernard
Lavilliers. Le temps a, peu à peu, gommé ses traits caricaturaux
(sa propension à jouer les gros durs et le guide du routard monté
sur pattes) pour faire place à un chanteur chaleureux transformant
sa perfomance du soir en moment convivial. Lavilliers gère la scène
comme un vieux pro, contant autant qu'il chante ses histoires et
autres souvenirs de voyages entre chaque morceau. Entouré par un
groupe de multi-instrumentistes rdoutables (notamment un orgue
hammond B3 avec double leslie ; petite pensée émue pour les
roadies en charge de transbahuter l'engin) Bernard revisite son
répertoire marqué notamment par le reggae (beaucoup), le rock (un
peu) et la salsa, l'occasion d'effectuer quelques jolis pas de danse
car c'est, aussi, un showman averti avec ses « pompes rouges de
maquereau Portoricain » (c'est lui qui l'affirme). Le
répertoire du soir est très marqué par les années 1970 avec
notamment « La grande marée » et « Les aventures
extraordinaires d'un billet de banque » issues de son troisième
album « Le Stéphanois » (1975). Le climax émotionnel
est atteint avec « On the road again », en solo à la
guitare sèche, dédié à ses « potes de Charlie Hebdo »,
les premiers à l'avoir soutenu. Hélas la formation réduite (quatre
musiciens) oblige le clavier à prendre en charge les basses lorsque
le bassiste et le guitariste se transforment en section de cuivres.
La musique devient alors jazzy au détriment de l'assise rythmique,
c'est dommage. Un excellent concert en forme de carnet de voyages.
Alors que Marilyn Manson sort son
douzième album (en comptant les enregistrements live), en 21 années
de carrière, on pourrait légitimement se demander à quoi bon
continuer. Suivi par un public fidèle, mais vieillissant, M. Manson
apparaît moins triomphant qu'à l'époque de sa splendeur. Et cet
état de fait dure depuis quelques années déjà. On peut accorder
au moins un mérite à Marilyn Manson, celui de la constance, qui le
pousse à sortir des albums qui, d'un point de vue musical, se
tiennent toujours plus où moins (on reste sur un « Born Villain » d'excellente facture sorti en 2012). Lui, au moins,
n'a pas cédé aux albums prétextes à des tournées mondiales
destinées à renflouer les caisses. Bien loin de tourner en rond,
Manson décide, sur ce nouveau disque, de changer quelque peu ses
méthodes de travail. Il en résulte un disque plus simple, plus
direct que par le passé, enregistré en grande partie en live avec
pour simple accompagnement des guitares et une section rythmique
(basse/batterie). Un album plus rock n'roll que métal, prenant une
surprenante orientation blues (le « Killing Strangers »
d'ouverture, « Slave only dreams to be king »). Cet
accompagnement musical dépouillé permet de mettre en valeur la voix
si particulière de Manson, et on ne dira jamais à quel point ce
type est un grand chanteur, qui a rarement aussi bien vocalisé que
sur ce disque. Mais un album de Marilyn ne serait pas tout à fait un
disque de Manson sans une note sinistre (« Deep six », "Birds of hell awaiting") ni
une dose de grandiloquence gothique (« Warship my wreck »
qui sonne comme le Manson d'avant, soit le parfait contrepoint de sa
nouvelle démarche). Manson a toutefois mis de l'eau dans son vin et
l'ensemble sonne moins radical et jusqu'au boutiste qu' « Antichrist
Superstar » (1996). Non, Marilyn Manson n'est pas fini et il a
encore des choses à dire après toutes ces années.
http://www.marilynmanson.com/
Asaf Avidan a beaucoup à se faire
pardonner. Parce que lui, on l'a vraiment aimé quand, à l'époque
de son groupe les Mojos, il pratiquait un rock garage furieux teinté
de blues (mais aussi de folk) en se posant en réincarnation paradoxale de Janis Joplin.
Ah ça oui Asaf on l'a beaucoup aimé et on garde encore un souvenir
ému du concert au divan du monde. Mais voilà, ça c'était avant ;
avant le « changement de pulsation » (plutôt mollassonne
la pulsation) et le repositionnement commercial. Sur ce nouveau
disque Asaf pleure son amour qui se meurt et, si on est désolé pour
lui, il faut admettre que musicalement, cela lui sied beaucoup mieux
ainsi. Le disque souffre un manque de peps manifeste et parfois
Avidan retombe dans ses travers habituels, une emphase un peu factice
par exemple, mais globalement l'inspiration est plutôt revenue. La
chose demarre plutôt bien avec « Over my head »,
acoustique et teinté de blues comme à la grande époque. Si la
musique s'est globalement assagie, « The Jail that sets you
free » brûle malgré tout d'une étincelle rock n'roll, un peu
moins forte toutefois qu'à la grande époque et « Bang bang »
le voit renouer avec le blues. Les sommets d'émotions sont atteints
sur « Gold Shadow » et, surtout, « My days are long
and dark these days » : acoustique intimiste, chant
emprunt de sentiments (car son talent vocal n'est jamais parti)
arrangements tendant vers le baroque : le fantôme des Doors
reprenant Brecht n'est pas très loin (« These words you
wanna hear » ; « A part of this »). En évitant
de s'inscrire dans un cadre musical bien précis, Avidan accouche
d'un album varié susceptible de plaire à (presque) tout le monde.
Et c'est déjà nettement mieux que son album précédent.
Et si le bonheur résidait dans les
choses simples ? Avec des moyens somme toute assez limités mais
une bonne dose d'inspiration, Zo accouche d'un album, son deuxième,
d'une simplicité désarmante mais au charme indéniable. Alors
certes, il n'est ici point question d'une grande révolution mais,
dans le fond, qu'importe. « Les paradis ordinaires »,
c'est une collection de chansons sacrément accrocheuses. Et c'est
déjà énorme. Caché derrière des dehors modestes, Zo atteint
ainsi de petits sommets. La chanson acoustique, dans la langue de
Molière (« Si mon coeur », « Jaisalmer »),
reste sa base privilégiée, mais Zo ne se prive d'aucun plaisir, ce
qui nous en donne beaucoup au passage. Un soupçon de rock, voire de
rockabilly (« Slow guimauves, twist & soda »,
« Port-Navalo », « Strass avenue »), une
petite dose de western (« Comme sur des chevaux »)
viennent égayer le tout d'une petite note canaille pas faite pour
nous déplaire et qui attire durablement l'attention. Soulignons
enfin l'effort porté sur la langue française par l'auteur. En ce
sens cet album semble rescapé d'une époque lointaine où les
artistes tentaient d'adapter les textes dans notre langue plutôt que
de tomber dans l'écueil de la pâle copie dans un anglais souvent
lamentable. Un disque frais, véritable éloge des petits plaisirs
quotidiens. Ca fait du bien.
Premier EP pour cette formation
originaire de Bordeaux qui fait honneur à son patronyme de manière
originale puisqu'il n'y a pas une seule note de guitare sur le
disque ! A la place un synthé et autres machines (activées par
Julien) mais aucun risque cependant de les confondre avec un groupe
électro. A l'instar des récents Royal Blood, Du Plomb pratique un
rock lourd avec un substitut à la guitare que l'on jurerait plus
vrai que nature. Le quatuor s'installe dans une veine métal/stoner
avec ce que cela comprends d'influences venues du blues, du psyché
et du rock lourd façon 70s (« Let it burn »). Encore une
fois, très surprenant puisque, on le rappelle, tout cela sans
frotter la moindre corde de guitare. Bluffant ! L'EP bénéficie
de la production aux petits oignons de Fred Duquesne (un pilier de la
scène métal d'ici) qui utilise à la perfection les possiblités
offertes par le line up original du groupe pour un résultat frais et
immédiat (« This is my eye », « Choose the man »).
Le groupe réussit même à nous réconcilier avec le rock dit
« engagé », puisqu'ils le font de manière subtile
utilisant des extraits de discours et d'interviews (« Secondaires »,
« Question ») assez brefs, sans être lourdingues ;
tout l'inverse de la kyrielle des pales copies de Noir Désir qui
pullullent depuis des années. Un peu court (5 véritables chansons
et 2 intermèdes) ce premier EP laisse augurer d'un avenir
prometteur...
Manière de super groupe à la sauce
canadienne, le trio Mounties (le surnom donné à la police montée Canadienne) regroupe quelques têtes bien connues :
Hawksley Workman, Steve Bays (Hot hot heat) et Ryan Dahle
(Limblifter, Age of Electric). En tout premier lieu, surtout ne pas
se fier à l'expression « Thrash » contenue dans le titre
du disque, en effet, les Mounties sont tout ce qu'il y a de plus pop
à milles lieues d'une musique heavy. Bien au contraire. Si puissance
d'exécution il y a, cette dernière réside dans le dynamisme et non
la lourdeur. La batterie pulse, imprime un rythme démentiel et plein
de groove (« Made up my mind », irréssistible). Les
synthés, millésimés, apportent une note kitsch et donnent à
l'ensemble un air de navette spatiale en perdition depuis les années
1980 (« Tokyo Summer », « The twig and the tree »,
« Minimum effort »). Le groupe met la barre assez haut en
matière d'écriture, les compositions intrépides ménagent de
nombreuses surprises, multipliant les fausses pistes :
l'excellente « If this dance catches on » mais la
remarque vaut pour l'ensemble du disque ; comme par miracle, et
tel un chat, le trio retombe toujours sur ses pattes. A l'inverse,
Mounties est aussi à l'aise dans des structures plus classiquement
rock mettant la guitare en avant (« Made up my mind »).
L'ensemble démontre un réel effort du trio pour produire quelque
chose d'original, et le plaisir pris par les musiciens s'entends de
la première à la dernière plage. Seul petit bémol, le disque est
un peu long, 14 titres, et il n'est pas évident de tenir la
distance. Un disque très frais cependant, de quoi préparer
sereinement le retour des beaux jours.
A bien des égards, Twin Atlantic
semble échappé de cette zone grise du début des années 2000 où
formations néo-métal interchangeables et groupes pop insignifiants
(Coldplay) se disputaient le haut des charts. Coincés entre ces deux
tendances, les Ecossais se rêveraient en héritiers des Smashing
Pumpkins ou de Nirvana et sont finalement assez loin du compte. Pour
un « Heart and soul » à moitié réussi et partiellement
bien envoyé combien de titres ampoulés (« The ones that i
love », « Hold On »...) et souffrant de plus d'une
production trop propre pour être honnête... Symptomatique d'un
groupe qui ne trouve jamais la bonne carburation. « I'm an
animal » clament-ils, particulièrement bien domestiqué alors,
serait-on tenté de répondre.
Ah, c'est sur il faut aimer le rock
n'roll estime-t-on, enfilant gants, bonnet et écharpe avant d'aller
affronter les températures négatives, là où (presque) tout nous
pousserait a rester bien au chaud, sous la couette devant la télé.
Ah, c'est sur, il faut aimer le rock n'roll ! S'interrogeant
soudainement sur la nature profonde de notre motivation. Un concert
c'est une décharge d'adrénaline, de l'excitation, en résumé, tout
ce que ta télévision ne pourra jamais (enfin presque) t'offrir.
Alors c'est sur, il faut l'aimer le rock n'roll, surtout quand on a
la chance d'avoir une aussi belle affiche que ce soir et qu'importe
si il faut en passer par des rafales de vent glaciales...
A peine rentré dans le nouveau casino
qu'un bruit assourdissant et saturé nous étreint. On est surpris de
constater que les responsables ne sont que deux sur scène : un
orgue hammond et une batterie. Les Eyes Shaker, puisque c'est d'eux
dont il s'agit, auraient pû faire partie de cette génération qui,
dans les années 1990, avaient décidé de réinventer le rock n'roll
en se passant de six cordes (Morphine, Ben Folds Five etc...),
pourtant c'est plutôt aux années 1960, aux groupes garage et psyché
que l'on pense. Les deux musiciens sont à fond et une batterie en
survoltage permanent le conteste au groove chaud de l'orgue hammond.
Intéressant comme contraste. Eyes Shaker, où comment rester fidèle
à l'esthétique des années 1960 tout en étant totalement original,
sans tomber dans l'écueil de la copie. Le set, assez court, se
termine avec une reprise de « Ace of spades » (Motörhead)
et il en faut assez peu pour se persuader que Lemmy serait content...
Vient ensuite The Jaja and the Poupou's
(une métaphore cycliste entre Jalabert et Poulidor ?), une troupe de
théâtre proposant un intermède comique. Faute d'instruments
(confondus avec les affaires d'aquagym!) le groupe mime son concert
en audio description... On ne sait pas trop quoi en penser si ce
n'est que tout ceci semble un peu hors sujet...
Enfin en tête d'affiche on retrouve
les Twin Arrows. Le groupe que l'on avait quitté il y a quelques
années se débattant dans les méandres de l'autoproduction est
actuellement en pleine bourre. Distribué par l'excellente structure
Modulor, le quintet remplit le nouveau casino (plein comme un œuf)
quelques jours avant la sortie de leur deuxième effort (et pour
l'avoir écouté on peut d'ores et déjà affirmer qu'il s'agît
d'une petite bombe) ! Sur scène le groupe est totalement
déchaîné et a franchi, sur le plan musical, une étape
significative. En pleine possession de leurs moyens, les Twins Arrows
soufflent le chaud et le froid, alternant passages épiques à base
de guitares énormes et intermèdes psychés, limite angoissants,
dominés par des nappes de claviers. L'orage gronde avant la grande
explosions des décibels. Entre rock n'roll, blues et psychédélisme
le groupe s'en donne à cœur joie, le quintet est en transe !
Sexy comme tout dans son perfecto noir, l'incroyable chanteuse
Eléonore Michelin domine l'ensemble de sa voix chaude et grave telle
une prédicatrice possédée. Les influences sont parfaitement
digérées, le résultat est frais, original et excitant. Pas de
doute, ils sont arrivés à maturité. Rendez-vous le 23 février
pour la sortie du disque...
Guitariste virtuose, Richard Bishop,
a.k.a Sir Richard Bishop, est un vieux routier du rock étasunien,
membre des Sun City Girls depuis 1984. Sa carrière solo, débutée
en 1998, montre une facette différente, expérimentale et inspirée
par les voyages de sa musique. Il en va ainsi de ces « Tangier
Session », qui évoquent par moment « Only lovers left
alive », la bande originale du dernier Jim Jarmusch.
Entièrement acoustique et instrumental, l'album ne compte qu'un seul
intervenant : Bishop qui s'occupe de tout de A à Z. Pas de
batterie, ni de percussions, rien que des guitares au son cristallin
dont Bishop pinse les cordes avec une sensibilité à nulle autre
pareille, produisant une musique où les notes comptent autant que
les silences. Tour à tour délicate, intimiste où rêveuse, la
musique semble s'être échappée de l'attraction terrestre, la bande
son idéale d'une soirée sous les étoiles au milieu du désert.
L'album s'écoute comme un carnet de voyage. D'une durée réduite,
seulement sept titres, Bishop évite ainsi, habilement, l'écueil de
l'ennui inhérent à ce genre de projet intimiste. On est épatés...
Après trois Eps, les Monkberry Moon Orchestra, groupe que l'on suit régulièrement depuis quelques
années, passe à la vitesse supérieure avec ce premier album
intitulé « Velvet Glove ». Comme à son habitude, le
quintet semble être tombé dans le tunnel à remonter le temps pour
recréer, le temps de 13 compositions, ces années 1960 tant chéries.
Une fois de plus la pop tendance ligne claire du groupe prouve toute
son efficacité sur ce premier disque. Grâce à une section
rythmique remarquable, la basse « ronde » d'Alex en
particulier impressionne (cf. « The invitation »,
« Endless sky »), TMMO parsème sa pop psyché d'un
soupçon de groove bienvenu (cf. « Last farewell »). Le
groupe se lâche par moment sur les arrangements, le temps d'un solo
de guitare (Yann Beyer/Fred Exertier) ou d'orgue (Noé Franklé) bien
acide, suffisamment pour injecter un peu de folie dans un univers
somme toute assez sage (l'enlevée « Velvet Glove »,
« Liar Liar »). Tout au long du disque, la chanteuse
Audrey nous fait un grand numéro de charme, irradiant les
compositions de son grain de voix diaphane. Le tout nous ramène
souvent du côté d'April March mais le groupe ouvre une brèche
supplémentaire en direction des Byrds, version féminine, qu'ils
reprennent par ailleurs (« Mr Spaceman »). Un album doux
comme du velours, que le survolté duo de guitaristes sauve de la
routine et, au final, une réussite supplémentaire à mettre au
crédit du groupe. A suivre...
Ecrit par l'auteur Anglo-Norvégienne Teddie Dahlin, A Vicious love story, relate un épisode peu connu de la vie de l'ex-bassiste lors de la tournée norvégienne des Sex Pistols en 1977. L'auteur nous promet un portrait présentant un aspect méconnu de la personnalité du musicien, avant la déchéance. Déjà disponible en version ebook kindle, la version papier arrivera en librairie le 12 mars. Chronique à suivre...
Parfois, les meilleures choses sont
commandées à distances... C'est à la suite d'une commande du
festival of The North East, que Paul Smith (Maxïmo Park) et Peter
Brewis (Field Music) entament leur collaboration. L'album qui résulte
de la rencontre des deux musiciens, « Frozen by sight »,
s'apparente à un OMNI, un objet musical non identifié. Baroque,
mais élégant, le disque mélange compositions pop, délicatesse
folk et arrangements de musique de chambre. Le résultat est
étonnant, délicat et inspiré par les voyages comme l'indique le
track listing : « Barcelona (at Eye level)», « Santa
Monica », « Budapest », « L.A street
cleaner », « Philly » etc... Un mini tour du
monde entre vieille Europe et nouveau monde. Intemporel et précieux par intermittence, l'ensemble manque tout de même sérieusement de peps ("Budapest" qui sonne un peu inachevée).