Une voix s'élève dans le silence. Son
grain est étrange, expressif, lyrique et mélancolique, plutôt
grave et, quoi qu'il en soit, unique en son genre. Avec un je ne sais
quoi de rond dans son expression. Une voix comme un vecteur de mille
émotions. Cette voix c'est celle de Tiki Black, jeune chanteuse née
en France de parents Camerounais et désormais installée à
Manchester. Son premier album s'appelle « Out of the black »
et plutôt que d'en sortir, on a plutôt envie de plonger la tête la
première dedans. Entre folk et un soupçon de jazz, ce premier
disque s'exprime dans un registre acoustique et dépouillé. Ici est
là, les influences africaines, au détour de quelques percussions
choisies, se font jour (« Swallen »). Mais c'est surtout
le piano qui joue un rôle prépondérant, les arrangements de cordes
(« Escape ») renforcent la mélancolie ambiante.
L'accompagnement est donc frugal, la fameuse voix à ainsi toute
latitude pour s'exprimer, remplir l'espace. Le disque idéal d'une
fin de soirée. Laissez-vous porter...
dimanche 31 août 2014
jeudi 28 août 2014
Rock en Seine 2014, 22, 23 et 24 Août 2014.
(c) Victor Picon |
Parmi les nouveautés
de cette édition 2014, la plus marquante fut certainement
l'installation d'un village du disque regroupant plusieurs disquaires
réputés (Born Bad, Fargo, Ground Zero entre autres) de la place de
Paris dans l'enceinte même du site. L'occasion de faire quelques
emplettes entre deux concerts, attention l'endroit est un véritable
lieu de perdition pour les cartes bleues... On en profite également
pour faire un petit tour de l'exposition regroupant les affiches
créées tout spécialement pour illustrer l'ensemble des concerts du
festival...
Vendredi 22 Aout
Cage the Elephant (c) Victor Picon |
Niveau musique on
attaque très fort d'entrée avec CAGE THE ELEPHANT, de retour trois
ans après une première apparition très remarquée sur la scène de
la cascade. Suite à la défection de dernière minute de Volbeat,
les Américains ont cette fois les honneurs de la grande scène.
Festival oblige, leur prestation d'une petite heure ne permet de voir
la totalité du spectre musical couvert par CAGE THE ELEPHANT
désormais plus porté sur la pop et la mélodie. Le set est orienté
sur le dernier album en date, « Melophobia » mais le punk
fait cependant toujours parti de leur préoccupations comme le prouve
un « Aberdeen » du feu de Dieu. Matt Shultz le chanteur
tout de blanc vêtu est en grande forme. Triple saut, 100 mètres
départ arrêté, saut en hauteur, vraiment, quelle perte pour
l'athlétisme que cet homme là ! C'est également la sécurité
de l'emploi assurée pour tous les services de sécurité de la
planète qui sont en général bien occupés dès que notre homme
Matt pose le pied sur scène... Ce fût un excellent moment passé en
leur compagnie.
Kitty Daisy and Lewis (c) Nicolas Joubard |
Direction en suite la
scène de la cascade où, divine surprise, nous attends Kitty Daisy & Lewis débarqués en toute dernière minute en remplacement des
danois de Volbeat. En pleine préparation de leur troisième album la
famille rockabilly nous a plongé dans une ambiance surannée 1950s
plutôt étonnante en ces lieux. Piano, harmonica, contrebasse,
guitare ça fait du bien ! Multi instrumentistes surdoués
chaque membres de fratrie passe du piano à la batterie en passant
par la guitare. Papa assure la guitare rythmique et Maman est à la
contrebasse. La transformation physique des musiciens, que l'on a
connus adolescents à leurs débuts rappelons-le, est étonnante.
Combinaison moulante dorée ou cuir des pieds à la tête, Mon Dieu
Kitty et Daisy sont devenues des vraies femmes...
Gary Clark Jnr (c) Victor Picon |
On continue dans une
veine très roots avec le bluesman Gary Clark Junior sur la grande
scène toujours aussi hypnotique avec ses riffs de guitare qui
s'étirent à l'envie. Ah si seulement il pouvait montrer la même
classe sur disque au lieu de se disperser entre blues et R n'B...
Toujours sur la grande scène le petit prodige anglais du songwriting
Jake Bugg prends ensuite possession des lieux. Evoluant désormais en
quatuor, Bugg livre un set mi-électrique/mi-acoustique très marqué
par la country mais également les années 1960. A noter une très
belle et étonnante reprise du « Voodoo Chile (Slight
Return) » de l'immense Hendrix. Si on ne retrouve rien à
redire sur la qualité musicale de la chose, entre country, pop et
Mersey Beat, la prestation de Bugg manque tout de même de passion,
un petit grain de folie serait plutôt bienvenu. Mine renfrognée,
assez peu expressive, manque flagrant de charisme, déjà blasé à
20 ans, Jake ?
Jake Bugg (c) Victor Picon |
Coincée entre les
stands de sandwiches, la minuscule scène Ile-de-France, dont
l'ambiance rappelle celle d'une petite salle de concert, offre une
fenêtre d'exposition aux groupes locaux. C'est également l'occasion
de faire de belles découvertes. Comme les Velvet Veins par exemple,
notre coup de cœur du week-end. Lookés à l'extrême, genre Dandys,
le quatuor fait montre d'une classe très sixties et
d'une formidable compréhension du blues au fil de soli de guitares
assez inspirés. Lorsque le volume monte d'un cran, c'est toute la
scène rock des années 1960 qui défile devant nos yeux. Rythmique
solide, guitares sur le fil, le groupe est bluffant. Chaude ambiance,
applaudissements nourris, comment se fait-il qu'une formation de
cette qualité ne partage pas la scène avec les « grands » ?
Mystère...
Mac Demarco (c) Nicolas Joubard |
On termine enfin par un
petit tour sur la scène de l'industrie ou se trouve la coqueluche
canadienne Mac Demarco et son impayable sens de l'humour (The Hives
jouent en même temps, vous êtes sur que vous ne vous êtes pas
trompés de concert ? Ah ah!). Petit génie du songwriting (son
dernier disque « Salad Days » est un régal), entre pop
et garage, Mac Demarco évoque un je ne sais quoi de Californien.
Etonnant pour un type débarqué des plaines glacées du Canada et
désormais installé à New-York. Mélodique et ensoleillée, on
pense à un Chris Isaak en version slacker 1990s, les influences 50s
en moins. Plutôt déconneur, du genre à nous faire une reprise au
débotté de « Yellow » (Coldplay) chantée par le
bassiste, Mac Demarco nous a offert la prestation la plus
décontractée du week-end dans un registre bricolo fort sympathique.
Samedi 23 Août.
Dorian Pimpernel (c) Sylvere Hieulle |
La deuxième journée
des agapes commence par un petit tour par la scène de l'industrie où
se trouve le quintet parisien Dorian Pimpernel. Très porté sur les
années 1960, mais pas uniquement, Dorian Pimpernel montre une
appétence particulière pour les claviers et les instruments vintage
(amplis vox, rickenbaker demi-caisse, mellotron, ce genre de choses).
La « Moonshine pop », ouvragée à l'extrême, de Dorian
Pimpernel est un savant mélange où se télescope une basse très
ronde, très sixties (« Paralipomenon ») et les synthés
krautrock (« Existential Suit ») de la décennie suivante
au service d'un songwriting soigné. Le résultat, forcément
précieux, est à classer entre « Sgt Pepper », « Pet
Sounds » et le « Triggers » d'April March.
Excellent.
Junip (c) Sylvere Hieulle |
Puisque chaque journée
semble se dérouler suivant une thématique particulière, on
continue dans cette veine planante en compagnie des belges de Junip.
La troupe menée par le baladin folk José Gonzalez mélange claviers
et guitare acoustique à cheval entre les grands classiques et une
approche indie pop plus contemporaine. Pas mal.
Thee Oh Sees (c) Sylvere Hieulle |
La tension monte d'un
cran ensuite avec l'apparition des Californiens de Thee oh sees
toujours sur la scène de la cascade. Formation difficile à suivre,
le groupe de San Francisco à multiplié les annonces
contradictoires, un temps annoncés comme splittés le groupe a
finalement sorti un nouvel album... Bref, passons, la troupe de John
Dwyer est désormais un trio se partageant entre punk, garage et rock
psyché. On passe d'une attaque frontale de guitare, belle SG en
plexiglas soit dit en passant, à une longue dérive psyché noisy
entre guitare saturée ou mini clavier. A noter la belle efficacité
des marathoniens de la section rythmique. Une prestation solide en
dépit d'un son un peu mal foutu.
The Goastt (c) Nicolas Joubard |
The Goastt (c) Nicolas Joubard |
Toujours dans cette
veine psyché, on retrouve The Ghost of a Saber Tooth Tiger (aka The
Goastt) le groupe mené par le couple Sean Lennon (voix/guitare) et
la très jolie Charlotte Kemp Muhl (basse/voix). Très sincèrement,
et cela fait des années qu'on le répète, on ne donne pas assez de
crédit à Sean Lennon. Ce type, compte-tenu de son hérédité et de
la fortune personnelle qui en découle, pourrait se contenter de
traverser l'existence en faisant les délices de la presse à
scandale, victime d'une sorte de syndrome Paris Hilton. Il n'en est
rien. Bien au contraire, Sean Lennon est un artiste appliqué, menant
de front carrière solo et en groupe ainsi que la destinée de son
label Chimera. Et ce n'est pas la très solide prestation du jour qui
va nous faire changer d'avis. The Goastt se présente en cette
après-midi en sextet et revisite les thèmes classiques du rock
psychédélique des années 1960 entre giclées de guitares acides
(le fils de John est un soliste inspiré), nappes de claviers
planantes et percussions rigolotes à base d'instruments de cuisine.
Sean fait en plus l'effort de s'exprimer dans notre langue.
Franchement pas mal. On reste sur la grande scène le temps de
vérifier que le temps n'a pas de prise sur le spleen lancinant de
Portishead, vingt ans après la sortie de « Dummy » (des
obligations nous ont empêchés d'assister au concert entier). On
termine enfin la soirée par un petit détour par la scène pression
live profiter du groove exotique (et très marqué par l'Afrique) de
François & The Atlas Mountains. Etonnante prestation entre pop
française et world music chantée tantôt en français tantôt en
anglais. Plutôt énergique sur scène, François communie avec le
public avec un enthousiasme communicatif. La petite danse finale du
groupe est assez sympathique.
François & The Atlas Mountains (c) Nicolas Joubard |
Dimanche 24 Août.
Cloud Nothnigs (c) Victor Picon |
Petite déception pour
commencer avec le trio punk/grunge US Cloud Nothings, formation pas
foncièrement mauvaise mais sans ampleur véritable. Chanter faux
cela n'amuse qu'un temps... Cela ne s'arrange guère avec les
Australiens de Airbourne, le meilleur succédané d'AC/DC lorsque le
version originale n'est pas disponible. Gros hard rock à la
crétinerie assumée et revendiquée, Airbourne lâche les watts
grâce à un impressionnant mur composé de 24 (on a compté) amplis
Marshall. La clé de voûte du show d'Airbourne semble être le jet
de bière en direction du public après un savant fracassage de
ladite canette sur le sommet du crâne. Tout un art maîtrisé à la
perfection par les gros bras des antipodes. Le plaisir régressif du
week-end, on est même resté jusqu'au bout ! Changement
d'ambiance avec Jeanne Added sur la petite scène Ile-de-France
accompagnée de son excellente batteuse. Alternant entre basse et
clavier, qu'elle soit en version rock ou électro Jeanne laisse
transparaître des influences punk, ce qui n'est pas fait pour nous
déplaire. Chant passionné, lyrisme exacerbé, Jeanne est très
certainement une incorrigible romantique. Un projet à suivre... On
aurait aimé ensuite vous toucher deux mot de la punkette Brody Dalle
mais impossible de s'approcher de la scène de l'industrie, tellement
la foule est impressionnante. Un passage sur la grande scène aurait
été plus approprié. On a cependant pu profiter du lâché de
décibels...
Airbourne (c) Nicolas Joubard |
Maline la programmation de la scène pression live qui en ce dimanche après-midi propose un revival de la scène alternative US avec un excellent enchaînement Thurston Moore / Stephen Malkmus respectivement anciens membres de Sonic Youth et de Pavement ! Un véritable voyage dans le temps qui nous régale ! Toujours accompagné du batteur Steve Shelley, Thurston Moore paye son tribut à la scène bruitiste depuis près de trente ans. Même séparé de Sonic Youth, sa démarche reste équivalente, faîte d'un solide songwriting pop vitriolé à grands coups de larsen, distorsions, harmoniques et autres dissonances. Avec le temps le guitariste a acquis un sens du psychédélisme au détour de compositions à rallonge (15 minutes pour le morceau d'ouverture), tiens, tiens cela rappelle le concert de Thee oh sees la veille (où John Dwyer a-t-il bien pu trouver son inspiration ?). Star éminente du grunge à l'époque de Pavement (les années 1990) Stephen Malkmus, désormais accompagné de son groupe les Jicks, a lentement évolué vers un songwriting pop/rock assez marqué par la Californie et un son classique 70s à la coule faisant la part belle aux guitares. Une prestation solide et très agréable agrémentée d'un salut amical à Thurston Moore (pour répondre aux délirantes piques amicales de ce dernier un peu plus tôt dans l'après-midi). Quoi qu'il en soit, un excellent enchaînement, on a rajeuni de vingt ans d'un coup ! Pour un peu on se croirait de retour à la fac... Mais quel dommage d'avoir raté les très prometteurs Forever Pavot programmés en même temps...
Thurston Moore (c) Sylvere Hieulle |
Stephen Malkmus (c) Sylvere Hieulle |
Dans l'idéal,
Tinariwen (sur la scène de l'industrie) et ses faux airs de Rolling
Stone Touareg, serait le point de rencontre entre le rock occidental
et l'Afrique. Dans l'idéal. Car dans les faits, il ne reste plus
grand chose du Ténéré (hormis les costumes traditionnels, les
percussions et le chant en langue vernaculaire) chez le groupe
Malien, par ailleurs totalement occidental dans son mode de
fonctionnement (niveau merchandising notamment). Un groupe dans le
fond assez calibré même si son « desert blues », plutôt
bien fait, ne manque pas de charme et réserve quelques bonnes et
assez envoûtantes surprises...
Tinariwen (c) Victor Picon |
QOTSA (c) Sylvere Hieulle |
On termine enfin avec
la tête d'affiche de cette édition, les Californiens de The Queens
Of The Stone Age, groupe qui fait le désespoir de ses fans qui n'ont
de cesse de réclamer à Josh Homme « Du lourd, du vulgaris » !
Las, ce dernier se complaît dans une sorte de pop ramollie (quelle
idée, franchement), la monotonie guette... Une prestation en
demi-teinte donc, malgré quelques éclairs de génies (« The
lost art of keeping a secret », hhhuuummm!). On regrette le
stoner suintant le désert et les guitares génialement heavy-metal
blues...
mardi 26 août 2014
Interview avec Henri-Pierre Noël
Longtemps considéré comme culte par une poignée de spécialistes, le pianiste d'origine Haïtienne Henri-Pierre Noël est en train de vivre une véritable renaissance artistique grâce à la réédition de ses albums « Piano » (1979) et « One more step » (1980, chronique ici). Une excellente nouvelle qui permet au plus grand nombre de savourer le groove chaloupé et exotique du pianiste...
Que devenez-vous ? Jouez-vous toujours de la musique ?
Henri-Pierre Noël : Musicien un jour, musicien toujours, dit l’adage! Comment aurais-je pu abandonner mon vieil ami et confident qu’est le piano? Oui, je joue encore de la musique, je compose et j’arrange aussi… Ah, musique! Quand tu nous tiens!!!
Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à quitter à Haïti ?
HPN : J'ai quitté Haïti assez jeune. Mon départ a donc été la décision de mes parents. J'avoue que j'ai été plutôt déçu quand ils m'ont fait part de leur décision. Quitter les copains a été difficile mais je crois que ça a été une bonne décision. Ne dit-on pas que les voyages forment la jeunesse? Dans mon cas c’était vrai.
Arrivé à Montréal le choc météo à du être rude... Y avait-il de la solidarité entre immigrés ?
HPN : Montréal n'a pas été ma première destination quand j'ai quitté Haïti. Une chance! Le choc météo a été beaucoup moins rude à New York où j'ai habité. Après New York j'ai habité en Belgique ce qui m’a permis de continuer en douceur ma préparation au froid montréalais. Mais revenons à New-York. J'y ai trouvé à l'époque un grand esprit de camaraderie et de solidarité au sein de la communauté haïtienne et très vite je me suis fait de nouveaux amis. C'était fantastique! On s'amusait comme des petits fous. Et quelques années plus tard, j’ai retrouvé la même ambiance à Montréal. Ah la belle époque!
Vous souvenez-vous de la scène musicale de l'époque ?
HPN : Oui bien sûr! La scène musicale, à mon avis, était plutôt embryonnaire. Des orchestres haïtiens à New York commençaient lentement à se former en utilisant les moyens du bord, c'est-à-dire peu de ressources. Nous étions régulièrement visités par des orchestres venant d’Haïti. Certains de ces orchestres se sont finalement établis totalement ou partiellement dans la grosse pomme, ce qui a complètement changé le paysage musical.
Comment définiriez-vous les spécificités du son Haïtien ?
HPN : Existe-t-il un son spécifiquement haïtien? Excellente question! Certains disent que oui et d’autres pensent que non. Je crois que cette question pourrait faire l'objet d’un grand débat. Un débat passionnant en perspective! En tout cas, moi je le souhaite. Ce serait intéressant et instructif.
Un petit mot sur la situation actuelle de l'île et notamment depuis le tremblement de terre de 2010 ?
HPN : Je projette de faire éventuellement une visite en Haïti prochainement. À mon retour je serai plus en mesure de parler de la situation actuelle dans l’île. Pour l'instant j'hésite à colporter des nouvelles que je n’ai pas vérifiées. J’espère que j'aurai l'opportunité d’en parler sur votre site. D’ailleurs, je tiens à vous féliciter pour vos belles pages que je trouve fort intéressants. En attendant, permettez-moi de vous remercier de m'avoir accordé cette entrevue.
Propos recueillis par email le 22 août 2014.
Un grand merci à Jada Parolini et à M. Henri-Pierre Noël pour sa gentillesse et sa disponibilité.
jeudi 21 août 2014
Seth Lakeman : « Word of mouth »
Cela commence avec un grondement de
cordes. Menaçant. Dès les premières notes de « The
Wanderer », qui ouvre le disque, l'auditeur est transporté. Le
voyage commence. La Grande-Bretagne, verte, sauvage et indomptée,
vous ouvre ses portes. Un pied dans le folk (« Labour she calls
home »), un autre dans la musique celtique (« The
Courrier », « Another long night »), Lakeman met à
l'honneur les paysages sauvages de la verte Albion. Les yeux fermés,
on imagine de la roche, des collines vertes et escarpées à perte de
vue le tout sous un ciel noir de suie, l'orage sur le point
d'éclater. Entre banjo, violons, contrebasse, orgue et bien sur
guitare acoustique, Lakeman met les petits plats dans les grands pour
vous embarquer dans son périple. Son nouvel album, le cinquième en
solo d'une longue carrière débutée il y a vingt ans, marque une
étape pour cet auteur/compositeur/multi instrumentiste toujours
aussi peu connu en France (pays dans lequel il s'est d'ailleurs très
peu produit). Avant d'écrire des chansons, Lakeman a d'abord voulu
raconter des histoires. Patiemment il est parti sur les routes, a
rencontré des anonymes, recueillis leurs impressions. Un ouvrier
vétéran des docks, un survivant de la seconde guerre mondiale, un
couple vivant sur la route. Autant de destins, de gens de peu mis
ensuite en musique. Le résultat n'est pas seulement dépaysant, il
est magistral.
http://www.sethlakeman.co.uk/mercredi 20 août 2014
The Pretty Reckless : « Going to hell »
Bien décidée à
casser son image assez sage, Taylor Momsen (une des vedettes de la
série télé Gossip Girls) donne dans le hard rock en compagnie de
son groupe The Pretty Reckless dont le deuxième album est sorti
récemment. Et l'affaire part sur les chapeaux de roues avec un râle
féminin fort suggestif (renseignements pris la responsable s'appelle
Jenna Haze et c'est une star du porno), tiens, tiens on dirait le
premier album des Guns n'Roses qui usait du même stratagème... Dans
le même ordre d'idées, The Pretty Reckless ne se prive pas pour
utiliser la plastique, assez avantageuse il est vrai, de sa chanteuse
pour assurer sa promotion. Aurait-on remonté le temps jusqu'aux
années 1980 ? Car, par bien des aspects, The Pretty Reckless
rappelle tous ces groupes de hair métal qui squattaient les ondes de
MTV en ces années. Plans de guitares, martellement de la batterie,
on s'y croirait. Et pourtant, bien loin de tous ces groupes
hédonistes qui prônait un certain mode de vie (en gros sexualité
débridée, drogue et alcool) dans un alignement de clichés faisant
office de paroles, The Pretty Reckless apporte une certaine noirceur
à l'équation, un regard lucide sur le monde à moitié hérité des
années grunge. « Why'd you bring a shotgun to the party »
évoque le phénomène des tueries de masse en cours aux Etats-Unis ;
« Sweet things » en dépit de son titre est une
terrifiante dénonciation de la pédophilie quant à « Dear
sister » il s'agit là de la minute émotion du disque. On
arrête là l'inventaire qui s'apparente au conducteur du JT de 20
heures... Pour éviter de sombrer dans la déprime, The Pretty
Reckless contrebalance le tout par une efficacité à toute épreuve
les guitares en avant aussi bien à l'aise en électrique qu'en
acoustique (l'intro d'« Absolution », « Burn »).
Et la voix de la miss Momsen, qui chante ou hurle au choix, vaut
également son pesant de décibel (le feulement de « Blame
me »). L'a priori ne peut dès lors qu'être positif.
http://goingtohell.me/uk/Black Lips : « Underneath the rainbow »
Formé au début des années 2000,
Black Lips formation originaire d'Atlanta sort son nouvel album. Pour
cet effort, le neuvième chapitre d'une carrière assez riche, le
groupe sort les grands moyens confiant le bébé à une excitante
doublette de producteur : Patrick Carney (le batteur des Black
Keys) et Thomas Brenneck (Dap-Kings, Charles Bradley, Menahan Street
Band), un des piliers du label Daptone que l'on a peu l'habitude de
croiser dans le domaine du rock n'roll. En dépit du visuel de
l'album qui les voit jouer aux gros durs, chaîne à la main, les
Black Lips sortent ici leur album le plus accessible. Jouant dans la
cour psychédélique/garage, le quatuor propose un disque dont
l'horloge biologique serait bloquée en 1967 (malgré des paroles
évoquant parfois les téléphones portables) quelque part entre les
Sonics et le 13th floor elevator. Le groupe excelle dans des durées
assez courtes (environ trois minutes) les guitares en avant dans une
ambiance un peu bricolo ; plus d'une fois l'album donne
l'impression d'avoir été enregistré dans une cave avec peu de
moyens. Les amateurs de gros son et de productions léchées en
seront pour leurs frais, cela contribue à rendre la chose
sympathique. Parmi les réussites citons la grondante « Funny »,
le western « I don't wanna go home », la menacante « Dog
Year » ou les bluesy « Boys in the wood » et « Do
the vibrate » (qui rappelle un peu le thème de Peter Gunn). Si
on ne s'ennuie pas vraiment, à la longue, le disque sonne comme une
redite, moins réussie cependant, d'« Arabia Mountain »
(leur album précédent). Un album honorable, mais en demi-teinte,
doublé de cette incapacité récurrente à défendre ses chanson en
concert (ce groupe est calamiteux sur scène) : Les Black Lips
seraient-ils rentrés dans une immense zone grise ?
mercredi 13 août 2014
Last Train : "Cold Fever"
L'aventure au pays du rock n'roll
continue pour les Alsaciens de Last Train, de retour avec un
nouvel EP de deux titres. Un EP marqué par un changement de
personnel, le chant étant assuré dorénavant par le guitariste
Jean-Noël. Par contre, ce qui ne change pas, c'est l'efficacité de
Last Train. L'affaire commence donc « Cold Fever » un
rock puissant et carré dans la lignée des grands anciens des
seventies. Notons que Jean-Noël est déjà particulièrement à son
aise au chant et son timbre éraillé donne un nouveau relief à la
composition. C'est du lourd, solide et efficace à défaut d'être
original. En face B on retrouve « Fire » et là l'affaire
prends un tour autrement plus ambitieux. Morceau à tiroirs « Fire »
s'étire sur plus de six minutes, multipliant les fausses pistes.
L'into bluesy est suivi d'un break heavy ; l'art, consommé, de
la tension-détente est ici servi avec force accélérations... Du
grand art à savourer en attendant la suite de l'aventure pour ce
groupe prometteur...
Cass McCombs : « Big Wheel and others »
Personnage mystérieux s'il en est, dont on ne sait finalement peu de choses, si ce n'est qu'il est Californien et aurait vécu un temps dans la rue, Cass McCombs n'en poursuit pas moins une carrière remarquable depuis une dizaine d'années. Fin 2013 est sorti, en toute discrétion, « Big Wheel and others », le septième album de McCombs. Disque du genre monumental, le double album contient 22 titres entrecoupés par trois interviews avec Sean, un petit garçon de quatre ans. D'emblée, « Big Wheel and others » se classe dans la catégorie des disques de songwriter et le résultat n'est pas sans rappeler le regretté Jason Molina. Au delà de la musique, l'album est une exploration des musiques étasuniennes et, par delà, de la beauté de l'Amérique. Le périple s'ouvre avec « Big Wheel », un morceau rock, emmené par un riff de guitare puissant (dans le genre « Satan is my toy » vaut également son pesant de décibels). Et ce n'est qu'un début, « Angel Blood » le voit flirter avec des influences country/folk alors que « The burning of the temple, 2012 » est un blues noctambule parsemé d'influences jazzy par le biais d'un saxophone d'inspiration free. Jouant sur la longueur, McCombs délivre quelques morceaux assez sombres, les sept minutes baroques de « Everything has to be just so » ou « Joe Murder » modèle de ballade meurtrière servie par la voix en demi teinte de McCombs, grave mais mélodique. Parmi les grandes réussites de l'album citons la fabuleuse ballade « Home on the Range », d'une évidence mélodique rare ou la délicatesse folk de « Dealing » que l'on jurerait échappée du Laurel Canyon des seventies. Plus anecdotique, l'instrumental pop/jazzy « It means a lot to know that you care » n'en est pas moins appréciable. Mention spéciale également à « Brighter ! » enregistré avec la complicité de l'actrice/égérie des seventies Karen Black (« Five easy pieces », « Nashville »), décédée depuis. Bien évidemment, il est délicat de maintenir un niveau de qualité égal sur la durée d'une heure vingt, et le disque comprend quelques temps faibles. Concentré sur une durée plus courte, McCombs aurait certainement accouché d'un chef d’œuvre en bonne et due forme. En attendant contentons-nous de ce double disque, œuvre de l'un des meilleurs songwriters américains actuellement en activité...
mardi 12 août 2014
The Taikonauts : « Mysteriis Alienis Mundi »
Deuxième album pour cet énergique
groupe de surf music d'origine toulousaine. Et quel étrange album...
En effet, tels des surfeurs d'argent fondant sur la ville, Les
Taikonauts s'emparent de la surf music pour la propulser dans le
futur ou l'espace c'est selon. Compensant l'absence de chanteur par
toute une série de samples issus d'improbables séries B de
science-fiction ou d'horreur, les Taikonauts développent tout le
long de ce disque, instrumental, une tout à fait nerdique obsession
pour les Aliens, Cowboys et autres Zombies. Même le digipack, très
classe au demeurant, est présenté comme une affiche de film.
Mélangeant les guitares et le theremin, cet album, très
cinématographique, est une ode à la série B. Fans de Tarantino,
accourez, c'est excellent.
Www.thetaikonauts.orghttps://fr-fr.facebook.com/thetaikonautsofficial
lundi 11 août 2014
Marc Loy : « Barfume »
« Barfume », mot imaginaire, évoque un bar enfumé, un endroit échappé du siècle dernier. Dans un coin, sur une petite scène se tiendrait Marc Loy et une vieille guitare usée. De sa voix grave, profonde et éraillée, Marc raconte ses histoires, la vie, le temps qui passe... Depuis ses débuts, à la fin des années 1970, la musique de Marc à connu différentes incarnations et c'est un peu tout cela que l'on entends sur son album. « La beauté du geste » ouvre le bal avec une guitare wha wha furieusement funky, l'enchaînement « Touchez la / Stomachache » évoquerait plutôt un bon vieux rock n'roll fifties de derrière les fagots (excellente intro de batterie soit dit en passant), « Les souris » est une belle tentative de country chantée en français et quand il proclame haut et fort « I hate the blues », il faut, bien entendu, ne pas le prendre pour argent comptant. Le disque donne à entendre un toucher de guitare fin et délicat, efficace aussi bien en électrique qu'en acoustique (« Joliment dit », « Alexis », « Belle de jour », "Tu ne m'emporteras pas au paradis"). Chanté majoritairement dans la langue de Molière, Marc Loy propose un copieux et attachant album. Il ne bouleversera pas votre soirée, mais la rendra, pour sur, certainement plus agréable.
samedi 9 août 2014
Philippe Grancher And His G-Men
Pianiste, guitariste et chanteur, le
Normand Philippe Grancher est un vétéran méconnu de la scène
blues hexagonale avec quarante ans de carrière dans les pattes. Et
ouais, voilà qui vous classe d'emblée le bonhomme. Depuis 1996,
Philippe a produit trois albums de blues. Voici le quatrième, un
enregistrement live au festival Gresiblues, le 3 juillet 2012. Un
album fait pour la beauté du geste, retranscription fidèle du
concert joué ce soir là sans aucune retouche, même les petites
imperfections ont été laissées telles quelles, ça fait partie du
charme de la chose. Seul l'orgue a été rajouté en post production
pour reproduire le son du groupe en quintet. Avec son expérience,
Grancher a le pied très sur, inutile de lui parler de tel ou tel
gadget à la mode, notre homme sait ce qu'il veut et surtout ce qu'il
aime. Alors voilà, ce n'est pas compliqué, la came de Philippe,
c'est le blues, électrifié, Chicago style, comme un contre pied à
toute la scène jump, inspiré des années 1950 qui fleurie un peu
partout dans notre beau pays. Le track listing du concert est composé
de grands classiques signés Willie Dixon, BB King ou Otis Rush. Pas
foncièrement original, certes, mais l'essentiel est ailleurs, dans
l'amour que porte Philippe à cette musique et qui se sent (et
s'écoute) à la moindre note jouée suivant le fil de ses soli
inspirés. Ecoutez-moi cette guitare sur « As the years go
passin'by », « Guess who » ou « Help me »
bon sang ! Ce disque déborde de feeling, de cœur, d'âme. Et
dans le fond en matière de blues, c'est bien cela le plus important.
Citons pour finir les autres membres de G-Men qui sont loin de
démériter : Jérémie Tepper à la guitare, Yannick Laguide à
la basse et le batteur Clément Duventru.
Libellés :
Philippe Grancher And His G-Men
vendredi 8 août 2014
Lee Fields : « Emma Jean »
Vétéran de la scène soul, longtemps boudé par le succès, Lee Fields a entamé une nouvelle carrière vers le début des années 2000, dans un premier temps sous l'égide du label Daptone (spécialiste en matière de sauvetage, cf. Sharon Jones, Naomi Shelton etc...) avant de passer sous les fourches caudines du label frère Truth and Soul. Les deux précédents efforts de Lee Fields « My World » et « Faithfull Man » ont enfin vu les efforts de ce brave Lee récompensés avec deux jolis succès critique à la clé et un début de reconnaissance même si celle ci est circonscrite à un cercle restreint de spécialistes. Sur ce nouveau disque, dédié à sa maman Emma Jean, Lee Fields retrouve les studios Dunham et sa fidèle équipe, Leon Michels à la production et un sacré roster : l'exceptionnel batteur Homer Steinwess et le guitariste Thomas Brenneck (Menahan Street Band, Charles Bradley, Sharon Jones etc...). A cette fameuse paire de bretelleurs s'est adjoint Dan Auerbach (le guitariste des Black Keys) qui a également accueilli quelques sessions d'enregistrement au sein de son studio Easy Eye Sound. Du grand classique donc qui se ressent à l'écoute. Dès le début l'auditeur se retrouve en terrain connu, on retrouve cette savoureuse soul music à l'ancienne dont les racines se trouvent dans les années 1960 et 1970. Science du groove (les percussions sont un sacré plus), richesse des arrangements (orgue, cuivres) et le timbre éraillé et profond, véhiculant mille émotions, de Fields en sont les principaux attraits. Seul différence, Fields évolue dans un registre peut être plus intime et langoureux que d'habitude, plus down tempo. Dire que cet album est un ratage serait une insulte, pourtant il manque un petit quelque chose pour que la mayonnaise prenne entièrement. Un peu de piment, de peps, un titre locomotive (que l'on cherche en vain) qui tirerait le tout vers le haut. Il est également vrai que maintenir le niveau de qualité et atteindre de nouveau les sommets des deux albums précédents n'est pas aisé. Disons que Lee Fields se maintient dans la moyenne supérieure mais que « Emma Jean » visitera la platine peut être un peu moins souvent. Pas dramatique dans le fond, tout cela ne nous empêchera pas d'aller de nouveau l'applaudir sur scène. Il le mérite amplement.
En concert le 4 novembre à Paris
(Trabendo)
jeudi 7 août 2014
Girl Tears : « Tension »
Voilà un groupe que l'on ne pourra jamais accuser de faire du remplissage. Faisant fi des conventions, les punks californiens (Los Angeles) de Girl Tears proposent de revenir à l'essentiel, c'est à dire des chansons dépassant rarement la minute ! Il faut à peine un quart d'heure pour écouter l'ensemble des 12 titres composant le bien nommé album « Tension » ! Nerveux, tendu, l'album de Girl Tears est une décharge d'adrénaline brute. Voilà devant vos oreilles ébahies, une charge électrique peu commune, une étincelle primaire, l'énergie brute du rock n'roll aussi sèche qu'une droite de Mike Tyson. C'est la foudre punk qui s'abat sur vos enceintes. Prise en l'état les chansons sont pratiquement à l'état d'ébauches, ce qui n’empêche pas certaines d'être assez abouties (« Alone », « Because », « Suffocate »). Une expérience radicale.
mercredi 6 août 2014
François and The Atlas Mountains : « Piano Ombre »
Originaire de Saintes
(Charente-Maritime), François Marry, le leader de François And The
Atlas Mountains est de retour au pays après un exil à Bristol
(Grande-Bretagne) qui lui vaut aujourd'hui d'être signé sur
l'excellent label anglais Domino Records. Une des rares signatures
française pour ce label (Melody's echo chamber en est une autre)
d'autant plus exceptionnelle pour un artiste ayant choisi de
s'exprimer majoritairement dans la langue de Molière (ce qui devient
également assez rare). Quoiqu'il en soit, l'Hexagone ne pouvait
trouver meilleur ambassadeur que François And The Atlas Mountains. Le
nouvel album « Piano Ombre », est une petite merveille
pop, ouvragée avec le plus grand soin dont la finesse des
arrangements n'a d'égale que celle de l'écriture mélodique. S'il
fallait chercher une filiation, elle nous mènerait certainement vers
Etienne Daho, une histoire de climat, d'ambiance entre chien et loup,
mais aussi cette façon tout à fait personnelle d'être classique
sans avoir l'air d'y toucher. Car s'il est entendu que le disque ne
propose rien de révolutionnaire, il le fait avec classe et
distinction (« La fille aux cheveux de soie », chanson
intemporelle, « Réveil inconnu » qui rappelle la chanson
des années 1970). L'album s'ouvre avec « Bois » et d'un
coup c'est l'univers de François qui s'ouvre devant nous :
acoustique chatoyante, acuité des textes (« l'amour a déçu,
reste la musique »). Majoritairement organique, chaque nouvelle
écoute révèle une foultitude de nouveaux détails. C'est dire si
ce nouvel effort est fouillé. Gageons qu'il vieillira bien.
http://www.francoisandtheatlasmountains.com/
En concert le 23 août à Rock en
Seine.
Libellés :
François and The Atlas Mountains
mardi 5 août 2014
St. Vincent
St. Vincent (Annie Clark pour l'état
civil) sort son quatrième album, éponyme comme s'il s'agissait
d'une nouvelle définition d'elle-même. Car au-delà de la musique,
St Vincent (ex-membre de The Polyphonic Spree) met en scène tout ce
qui concerne son art. Son look est particulièrement étudié, les
concerts, mis en scène à la seconde près, ressemblent à des
performances d'art contemporain. Le choix même de son patronyme est
évocateur, il s'agit d'un hommage au poète Dylan Thomas, décédé
à l'hôpital New-yorkais du même nom. On pourrait parler d'art
total, dont la musique ne serait qu'une composante. St. Vincent fait
partie de cette catégorie d'artistes qui ont un univers personnel,
modifié à chaque nouveau disque comme autant de nouvelles
incarnations. Bien évidemment, le nom de David Bowie s'impose en
premier lieu. Et la musique dans tout cela ? Très bien entourée
par deux excellents batteurs : Homer Steinwess (exceptionnel
batteur des Dap Kings ici utilisé dans un registre inédit) et
McKenzie Smith (Midlake), St. Vincent évolue dans un registre
pop/électro parfois un peu froid voire clinique (« I prefer
your love ») avec force claviers. « Digital Witness »
et « Every tears disappears » s'imposent comme les plus
addictives du lot. On pense à Kate Bush. Guitariste, non pas douée
au sens classique du terme, mais faisant sonner son instrument de
manière très personnelle, St. Vincent s'en donne ici à cœur joie.
Régulièrement ses compositions sont transpercées de giclées de
guitares acides (« Rattlesnake », « Birth in
reverse », « Regret ») sorties d'on ne sait où...
Cela n'a l'air de rien mais tout le charme de l'album vient de là,
de ces petites fissures, traces d'humanité, qui font irruption dans
un univers calculé à l'extrême. Une petite note de bordel
bienvenue.
En concert le 23 Août à Rock en
Seine.http://ilovestvincent.com/
lundi 4 août 2014
The Goastt : « Midnight Sun »
Nouvel album pour Sean Lennon, sous
l'alias The Goastt, le groupe qu'il forme avec sa compagne/muse
Charlotte Kemp Muhl, nouveau nom de baptême du groupe que l'on
connaissait avant sous l'énigmatique nom de The ghost of a saber tooth tiger... Passé l'intro, étonnamment rock et forte en bouche
de « Too Deep », qui ouvre le disque, Sean et sa muse
s'adonnent désormais au rock psychédélique comme la superbe
pochette pouvait le laisser deviner... « Midnight sun »,
un album qui se complaît donc dans une sorte de béatitude baba cool
(cf. « Last Call ») avec des harmonies vocales à
l'avenant, éthérées et planante sous influence Beach Boys
(« Xanadu », « Animals »). Au fil des titres,
une influence pop se fait jour sous la forme d'arrangements rigolos
et enfantins (« Johannesburg ») menés tambour battant
par une basse aussi ronde et élastique qu'à l'époque des sixties
(« Midnight sun »). Un album solide, peut-être bien le
meilleur du duo qui s'émancipe progressivement de l'encombrante
ombre parentale.
En concert le 23 Août à Rock en Seine
https://www.facebook.com/thegoasttdimanche 3 août 2014
The Amazing Snakeheads : « Amphetamine Ballads »
Nouvelle sensation rock n'roll, le trio
écossais The Amazing Snakeheads sort son premier album intitulé
« Amphetamine Ballads ». Un premier album enregistré de
nuit à Glasgow, selon la volonté du groupe. De fait, le disque
exhale une odeur de danger, une ambiance particulière, interlope,
qu'effectivement seul un enregistrement nocturne pouvait restituer
(« Swamp Song »). Le track listing à lui seul donne une
assez bonne idée de la chose : « I'm a vampire »
(qui ouvre le disque), « Night time », « Where is
my knife ? » et on en passe... Le groupe semble se
complaire dans un imaginaire rock n'roll évoquant pèle mêle les
années 1950 (la guitare surf de « Night time ») ou les
Stooges : le saxophone en roue libre que l'on jurerait évadé
de « Fun house » sur plusieurs plages en fin de
programme ("Everyguy wants to be her baby"). Ce premier effort part donc sur les chapeaux de roues, les
titres s'enchaînent les uns aux autres portés par le groove
lancinant et presque mortifère de la basse, excellent William Coombe
soit dit en passant, dans une ambiance poisseuse à souhait
(« Flatlining »). La guitare à elle seule, parfois
muette, parfois déchaînée, parfois calme, entraîne nos oreilles
dans une sorte de grand huit funèbre ; les amateurs de
sensations fortes seront comblés (« Here it comes again »).
Seul ombre au tableau, le chant exalté, hurlé, proche du râle
primal, du chanteur/guitariste Dale Barclay irrite un peu à la
longue. Un peu de distanciation ne ferait pas de mal. Un premier
effort imparfait donc mais issu d'un groupe méritant car prolétaire
(les trois membres ont tous eu des boulots à côté postier, chef
cuisinier ou tailleur de pierre) qui a travaillé dur pour en arriver
là. On aurait vraiment tort de ne pas les surveiller du coin de
l'oeil...
vendredi 1 août 2014
Nick Pride and The Pimptones : « Rejuiced Phat Shake »
Troisième album pour ce guitariste et
producteur anglais, originaire de Newcastle, accompagné de son
groupe. Nick Pride évolue dans le registre de la soul à l'ancienne.
Un milkshake bien connu, chargé en basses rondes et en cuivres
pêchus, auquel les Pimptones se chargent d'ajouter une kyrielle de
parfums venus du funk (tendance New Orleans « Go with it »),
du jazz, du blues (« Walkin'out the door ») voire du rap
(« Non stop »). Un créneau vintage bien occupé par
ailleurs, notamment par une ribambelle de labels sis à Brooklyn.
Labels avec lesquels notre Anglais rivalise sans peine (« It's
a love thing » qui sonne comme du Sharon Jones). Musicalement,
il n'y a rien à redire, l'ensemble tient plus que largement la route
et le disque groove aussi bien que de l'autre côté de l'Atlantique.
L'affaire pêcherait plutôt du côté vocal, Pride étant obligé de
recruter à l'extérieur des compétences qui ne sont pas les
siennes. Résultat on dénombre pas moins de neuf vocalistes, souvent
féminines, différentes sur le disque. Ces chanteurs/chanteuses sont
tous excellents, le problème serait plutôt ce côté un peu
patchwork venant de l’accumulation de voix différentes. Bien
souvent on a l'impression d'écouter une compilation plutôt que
l’œuvre d'un seul et même groupe. Un reproche bien minime
toutefois au regard de la qualité musicale générale de
l'affaire...
Inscription à :
Articles (Atom)