dimanche 9 février 2025

Nino de Elche + Jorge Prado Ensemble, Festival Sons d'Hiver, Maison des Arts de Créteil, 8 février 2025.

Cette année, le festival Sons d'Hiver met le cap sur l'Espagne et une tradition musicale séculaire, celle du Flamenco dont plusieurs versions modernes, et ouvertes à d'autres sonorités, seront délivrées tout au cours de la soirée.

Nino de Elche dont le spectacle s'intitule sobrement "Flamenco" et s'ouvre tel un film au cinéma, livre une interprétation brute de décoffrage de l'idiome. Entouré de deux guitaristes et de deux autres chanteurs, Nino de Elche livre une performance à vif, où les émotions sont livrées sans masque, ne s'exonérant pas de la douleur. Comme le sous-titre l'indique "Mausoleo de Celebration Amor y Muerte", l'amour et la mort se côtoient, le chanteur se livre corps et âme, les guitares expriment à la fois une grande douceur mais aussi une puissance phénoménale, proche, aussi invraisemblable que cela puisse paraître, du heavy-metal. On ne sort pas totalement indemne d'une telle décharge émotionnelle, creusant profondément au fin fond de l'âme, celles des musiciens mais aussi des spectateurs.

Ancien compagnon de route de Paco de Lucia, auquel le spectacle rend hommage, Jorge Prado a à coeur de sortir le flamenco des sentiers battus pour l'emmener sur des chemins autres, suivants d'autres influences. Lui-même, saxophoniste et flûtiste, présente un profil atypique pour ce genre musical, basé sur les guitares et les percussions "palmas". C'est donc une grande formation qui prend possession de la scène. Un bassiste électrique, des percussions (cajon, cymbales, caisses), une guitare électrique et la flûte traversière de Jorge Prado, en constituent les éléments les plus surprenants. Mais la tradition est tout de même respectée. Une guitare classique, la sublime chanteuse Bego Salazar et la danseuse Karen Lugo (rappelant au passage la transversalité de cet art qui se joue, se chante et se danse) complètent le line-up. Nous constatons donc que deux formations se superposent dans le même ensemble, une classique et une autre plus aventureuse. Si aucun musicien n'a été présent sur la totalité du set, cela ne signifie en rien que le groupe manque de cohérence. Il s'agit plutôt de voyager entre plusieurs influences, sons et couleurs et d'adapter la composition musicale suivant le besoin de l'instant. Ainsi le groupe varie les plaisirs se rapprochant du jazz, du blues ou de la soul, avec un swing prononcé, se situant au confluent du jazz latin (on pense parfois au Brésil) ou manouche. Une longue dérive instrumentale à la guitare électrique flirte avec le free jazz et le blues, à certains moments la magnifique chanteuse Bego Salazar fait montre d'un coffre digne d'une chanteuse soul. Une sublime divagation.

https://www.sonsdhiver.org/


vendredi 7 février 2025

Paul Galiana + Dalva, La Mécanique Ondulatoire, 6 février 2025

La soirée débute avec une chouette découverte, Dalva, un trio à la formation atypique, composé de deux guitares et d'une batterie. Du line-up même découle la proposition musicale du groupe, de la guitare acoustique émane une couleur folk/chanson française à laquelle répond la guitare électrique, chargée d'effets, aux sonorités nettement plus psychédéliques. Un pad électronique ajouté sur la batterie ajoute une note électro assez moderne. A mi-chemin de la chanson, du folk et de la pop psyché, l'univers de Dalva est assez riche et séduisant.

Vient ensuite la tête d'affiche de la soirée, Paul Galiana, tout auréolé de la sortie de son très réussi nouvel album. Contrairement à son habitude, le groupe ne se produit pas en trio, mais en quatuor avec une guitare additionnelle, tenue par Fred Lafage qui avait mixé l'album. On retrouve également les fidèles Alain Gibert (basse) et Guillaume Glain (le batteur qui officie également auprès d'Olivier Rocabois). Si la prestation est largement dominée par la guitare électrique et le rock à très haute énergie (cf. le dynamique "De la vie" qui ouvre les débats), les moments très émouvants sont légion, et l'acoustique trouve également sa place dans l'équation musicale (cf. la country "En Ligne"). Mais on retiendra surtout la très qualité des textes de Paul, qui n'a pas son pareil pour aborder des thèmes universels et émouvoir le public. On pense notamment à "Genghini Blues", où même l'auteur de ces lignes, totalement béotien et bien peu au fait des choses du football, fut submergé par l'émotion. Un véritable tir au but, en plein coeur que ce titre. Penalty marqué, pleine lucarne, Paul a réussi son coup.



mercredi 5 février 2025

Lisa Portelli, La Marbrerie, 4 février 2025.

Comme en 2022, c’est sur la scène de la Marbrerie à Montreuil que Lisa Portelli a choisi de présenter son nouvel album au public. Une salle attachante et atypique puisqu’il s’agit d’un ancien site industriel, aux murs de bétons bruts et charpente en bois visible au plafond de laquelle il se dégage indéniablement une âme, une atmosphère. Et comme il y a trois ans, c’est en duo, accompagnée d’un clavier, que Lisa se produit, la guitare, autrefois son instrument fétiche, restée sur le côté ne sera utilisée qu’avec parcimonie le temps de trois chansons. Lisa vient de sortir un nouvel album « Absens » qui se caractérise par une forme de radicalité nouvelle, toujours plus électronique mais dans lequel les sons organiques de la guitare et du piano réussissent toutefois à se frayer un chemin. On peut adhérer, ou non, il n’en reste pas moins qu’il y a quelque chose de fascinant à voir l’artiste évoluer et se transformer. La chose prend toute son ampleur sur scène. Lisa y semble de plus en plus à son aise, se mouvant avec grâce, captivant le public de son charisme et de sa voix, grave quand elle récite et aiguë quand elle chante avec une justesse impressionnante. La prestation fait ressortir la dimension mi-récitée, mi-chantée, de cette nouvelle aventure artistique et le public est inviter à plonger, puisqu’il s’agît d’un récit insulaire dans lequel la mer tient une place importante, dans cet univers captivant. Nimbée d’une lumière fantomatique et de fumigènes, la prestation relève par moment de la révélation mystique, enveloppée d’un aura mystérieuse. La musique est à l’avenant, pas effrayée par des virages brusques frôlant l’expérimentation avant-gardiste. Et tout cela sans notes (la longueur du texte à restituer est effrayante) ni le moindre ordinateur, tout est à fait à l’aide de claviers analogiques ! Enfin, la prestation s’achève sur un duo en compagnie de Fred Nevché. Chapeau l’artiste !

https://www.facebook.com/lisa.portelli.officiel


dimanche 2 février 2025

Kepa + Buffalo Nichols, Les Nuits de l’Alligator, La Maroquinerie, 1er février 2025.

 


Cette dernière soirée du festival met à l’honneur deux guitaristes. Le français Kepa ouvre les agapes, assis, seul avec sa guitare électrique, pour un set entièrement instrumental. Avec quelques effets, du delay, du rebond et un pédale magique lui permettant de créer des nappes, Képa développe un univers sonore tout à fait personnel. Loin d’être de simples ornements, les effets appliqués sur la guitare sont partie prenante dans sa manière d’envisager la musique, de composer et font entièrement partie de son jeu si particulier. Sans médiator et une manière d’arpéger les cordes bien particulière, Képa décrit d’immenses espaces sonores qui sont autant d’invitations au voyage et à la méditation et qui se révèlent particulièrement hypnotiques. La bande son idéale d’un road-trip imaginaire.



Equipé de son dobro métallique et de son bottleneck Buffalo Nichols présente tous les atours du bluesman classique et roots. Un rôle qu’il joue à perfection, de sa voix éraillé, mais duquel il ne s’interdit pas quelques pas de côté. Un pad électronique ajoute une note moderne et inattendue à sa musique, alors que le musicien flirte avec le hard-rock/métal au fil et à mesure que sa guitare se sature. Mais il assure aussi tout seul à la guitare folk délivrant quelques reprises bien senties, alors qu’un spot lumineux braqué sur lui enveloppe le chanteur d’un aura fantomatique. Seul ou en trio, en acoustique ou en électrique, Buffalo Nichols sait tout faire et il s’agît là d’une des grandes découverte du festival cette année.

https://www.facebook.com/kepafolk

https://www.facebook.com/BuffaloNicholsMusic

samedi 1 février 2025

Dead Chic : « Serenades & Damnation »

 


Après s’être fait remarquer le temps d’un premier EP et de quelques enregistrements live, il était temps pour Dead Chic de passer à la vitesse supérieure : le premier album. C’est désormais chose faîte, avec réussite, pour le groupe mené par le chanteur britannique Andy Balcon (ex-Heymoonshaker) et le guitariste Damien Félix. Dans la continuité de ses groupes précédents (Catfish, Bigger) le guitariste continue ici son exploration des musiques américaines, du rock garage/psyché et du blues principalement, qu’il joue ici avec une ferveur inédite. Toujours aussi intense, le chant fiévreux d’Andy Balcon est à l’avenant un peu comme si le chanteur poussait le guitariste dans ses derniers retranchements, ou inversement, bouleversant les codes et transfigurant les chansons en brûlots électriques. Ainsi l’album débute par un uppercut, « Hedonista », où l’auditeur succombe sous les coups de boutoir de l’orgue et de la guitare, tourneboulant. De « Manchester » à « Paris », le quatuor nous offre une sacrée virée musicale aux notes latines (« Cuanto Cuesta ») et orientales (« Mirage » en compagnie de la chanteuse Tuğçe Şenoğul) se faisant plus douce (« All Seasons Change »), voire acoustique, à l’occasion (« Manchester ») toujours cinématographique où plane l’ombre d’Ennio Morricone. Une réussite impressionnante.

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https://dead-chic.bandcamp.com/