Deux ans que l'on était pas revenus à Belfort, quelle joie de retrouver le site du Malsaucy, la scène de la Plage, le bar du boulot et la loggia dont la programmation a été la plus consistante du week-end. Après quatre jours, commencés sous la pluie pour finir en canicule, voici nos conclusions. Ah oui on est désolés d'avoir raté Beth Ditto et les Viagra Boys...
LES RÉVÉLATIONS :
Marlon Williams : L'évidence mélodique d'Elliott Smith conjuguée à une voix d'ange entre Jeff Buckley et Chris Isaak (pour la note fifties), le tout rehaussé d'une pointe de ruralité bienvenue via un art consommé du vibrato de guitare et du bottleneck, un peu de piment garage et psyché pour relever le tout, pas de doute, le Néo-Zélandais à tout bon ! Au point d'imposer le silence, un exploit rare dans un festival où le public n'hésite pas à réclamer, bruyamment, sa dose de décibels.
Warmduscher : le quatuor garage venu d'Angleterre conjugue avec une classe infinie expérimentation un peu barrée et électricité démoniaque auquel la basse ajoute un groove énorme, un excellent moment.
Cigarettes after sex : Le spleen atmosphérique des Cocteau Twins et une basse énorme digne de Simon Gallup (The Cure), tout cela prend également une autre dimension sur la (superbe) scène de la plage, sous une pluie battante, conférant à l'ensemble une dimension onirique dépassant très largement le cadre musical. Une expérience quasi-mystique.
Dream Wife : Jeune quatuor féminin venu d'Angleterre entre pop et punk, soit des mélodies jouées à fond la caisse. Frais et enlevé à défaut d'être original. Excellent sur scène.
Michelle David : Soul de grande classe, intemporelle, la chanteuse à la fois vétérante (la cinquantaine entamée) et débutante (trois albums) fait montre d'un tempérament de feu et d'une énergie presque inépuisable portée par un discours positif. Variant les plaisirs à deux guitares (sans basse) ou avec basse et guitare, batterie et cuivres, la chanteuse nous a offert un superbe moment de groove parfait pour le cadre enchanteur de la Plage, sous un soleil revenu. La relève de la regrettée Sharon Jones est assurée...
Leon Bridges : L'autre artiste soul du jour programmé, lui, sous le chapiteau Greenroom. Un univers moins brut de décoffrage que Michelle David, moins funk et plus soul avec une grande élégance héritée des années 1970. Quelques passages langoureux sont magnifiques mais s'accordent mal avec le plein air, doit être superbe en salles.
Caroline Rose : Lorsqu'elle a la tête à l'endroit, globalement quand on la tient éloignée de la flûte à bec, et qu'elle a décidé de jouer, Caroline Rose fait les choses très bien. Un univers complètement barge (le rouge omniprésent, le costume de scène totalement foutraque) entre pop psyché et garage rehaussé de synthés eighties du plus bel effet, la prestation la plus déjantée du week-end. Excellent.
Truckks : Jeune formation originaire de Vesoul, une ville voisine, les membres de Truckks fêtent leur bac, fraîchement obtenu, sur scène. Ca tombe bien les musiciens ont tous l'air de s'être échappés du cours d'EPS. Musicalement très intéressant pour son improbable croisement entre hardcore et expérimentations de guitare psyché, le groupe manque encore de maturité sur le plan vocal, et a encore beaucoup de boulot au niveau du chant. Néanmoins prometteur.
Touts : Power trio irlandais entre punk et mod, une énergie dévastatrice (ah cette reprise de Gloria). Pas mal du tout.
LES VALEURS SÛRES :
Seasick Steve : Sous le chapiteau greenroom, Seasick Steve se produit désormais en trio. Un certain Luther Dickinson fait son apparition alternant basse et guitare. Fin instrumentiste, excellent soliste, ce dernier apporte un contrepoint élégant à l'énergie brute déployée habituellement par Steve et son batteur Dan propulsant le tout dans une nouvelle dimension. Le nouvel effort de Steve sort en septembre, on a hâte !
The Limiñanas : La fructueuse et judicieuse collaboration avec Anton Newcombe sur le dernier effort du groupe a propulsé ces derniers dans une toute autre catégorie. Une magnifique collection d'instruments vintage (les claviers et une magnifique strat orangée) sont autant d'excuses pour des expérimentations psychédéliques complètement folles sublimées par une énergie rock n'roll de tous les diables. Un pur moment de bonheur sur la scène, boisée, de la loggia qui a finalement offert la programmation la plus homogène du week-end. Magnifique.
ON A ÉTÉ UN PEU DÉÇUS :
Prophets of Rage : Trois quarts de Rage Against The Machine, un peu de Public Enemy et un peu de Cypress Hill, tout ce beau monde réuni sous l'alias opportuniste de Prophets of Rage, reprend les titres des uns et des autres sans surprise ni réel enjeu… Symptomatique d'une vague nostalgique qui s'est emparée du rock et qui désormais s'étend aux années 1990. Assez triste dans le fond.
Liam Gallagher : Entouré d'une bande de professionnels consciencieux assurant le boulot avec sérieux Liam Gallagher tente de faire revivre les grandes heures d'Oasis reprenant un répertoire dont il n'est pas l'auteur (« Some might say », « Supersonic », « Morning Glory ») et quelques titres de son répertoire personnel (« Wall of glass » plutôt de bonne facture). Le tout inspire un ennui poli, de la mélancolie, une nostalgie un peu tristounette, pas franchement la grosse éclate. Il manque quelque chose. Un peu plus d'investissement personnel des musiciens peut-être. Seul moment d'émotion, le final accoustique « Live Forever » et « Wonderwall » au refrain repris en coeur par la foule, on finit avec des frissons, quand-même…
LE CONCERT DU WEEK-END :
Sans contestation Nine Inch Nails ! Un Trent Reznor en pleine possession de ses moyens, totalement investi dans sa musique entraîne l'auditeur dans une spirale qui dépasse très largement du simple cadre musical ! On a plané très haut, entre ambiance apocalyptique, angoisses, et moments tendres (le « Hurt » final acoustique) ou émouvants (« I'm afraid of Americans » en hommage à Bowie) faisant au passage preuve d'une magnifique polyvalence entre électricité et électronique avec ou sans guitare et batterie. Superbe !