A bien des égards, les albums hommages sont souvent décevants et pèchent principalement par un manque de cohérence ou une logique trop commerciale plombant les projets, forcéments décevants pour les fans du groupe en question. Nous, ici, on aime beaucoup Nada Surf, que l'on suit régulièrement et que l'on a, maintes fois, applaudi en concert. Aussi, on ne pouvait que poser une oreille curieuse et un peu méfiante, eu égards aux réserves évoquées plus avant, sur cet album de reprises de « Let Go », le troisième effort du trio new-yorkais, qui arrive comme un retour de manivelle, le groupe s'étant également essayé à l'exercice de la reprise avec « If I had a hi-fi » sorti en 2010. Première constatation, l'ordre originel des chansons n'a pas été respecté, et, deux titres, « End Credits » et « Run », n'ont pas trouvés preneurs. Il s'agit donc d'une sorte de « recréation originale » du disque, qui en respecte plus l'esprit que la lettre, une œuvre à part entière et c'est donc ainsi qu'il convient d'apprécier cet album. En un quart de siècle de carrière, Nada Surf s'est construit, lentement et au fil du temps, une figure de parrain sur la scène indie/power-pop. Et c'est précisément ce que l'on retrouve dans le casting qui figure au générique : Ron Gallo (magnifique reprise mi-soul mi-punk de « Happy Kid »), The Texas Gentlemen (« Inside of Love »), Aimee Mann (« Paper boats », sublime)… Même le titre en français du disque « Là pour ça » a été repris, courageusement, en version cabaret électro par Aida Victoria, et même pas peur ! En quinze ans, le panorama musical a bien changé et c'est ce qu'illustre, en creux, cet album, de surprenants arrangements électro s'invitant à la table anniversaire « Blonde on blonde » (par Rogue Wave), « Killian's red » (Holly Miranda) et l'excellente « Hi-speed soul » dont la version par The Long Winters, est étonnamment dark par rapport à l'originale et teintée de cold-wave 80s (rappelons que sur scène, à l'époque, le trio s'amusait à intégrer un bout de Joy Division au milieu de la chanson) ; Nine Inch Nails n'aurait probablement pas fait mieux… Enfin on a un petit coup de cœur pour la relecture rageuse de « The way you wear your head » par Charly Bliss. Sorti en 2002 « Let Go » a toujours fait figure de renaissance pour le groupe qui sortait d'un divorce douloureux avec son label (une major) de l'époque. Un album important donc, doublé d'une grande réussite artistique. Même si Nada Surf a connu des hauts avant (The Proximity Effect) et après (les deux derniers efforts studio du groupe « The stars are indifferent to astronomy » et « You know who you are » sont de très haute tenue), « Let Go » a toujours occupé une place à part dans le cœur des fans et du groupe lui-même. Sans doute la raison pour laquelle ils ont accepté d'en confier le répertoire à d'autres pour un résultat varié et surprenant (« Neither heaven nor space » façon western par William Tyler) mais toujours réussi.