(c) Bastien Bonnarme |
L'année 2014 aura été
fertile pour les Dedicated Nothing avec la sortie de leur premier
album, « Dawn to dusk » et, en point d'orgue, le concert
au Point Ephémère en première partie de SOMA. Le temps était venu
de faire un point avec le quatuor de surfeurs Biarrots avant de les
retrouver sur les routes cette année...
C'est une journée un
peu particulière, le lendemain d'un concert, vous vous sentez
comment après l'expérience de la scène ?
Greg (voix/guitares) :
Franchement le concert s'est super bien passé, l'accueil technique,
le son, le public... On a vraiment pris beaucoup de plaisir. On est
sortis de scène avec beaucoup de feedback très positifs et
aujourd'hui on est vraiment contents. On est juste un peu fatigués
parce qu'on en a profité pour faire la fête et goûter aux joies de
la Capitale.
Comment est-ce que vous
avez vécu la sortie de votre premier album ?
Greg : On s'en est
vachement détaché en fait. Ca été tellement de travail ce premier
disque. Tout de suite après la sortie on s'est retrouvés en
résidence pour composer. On n'a pas vraiment cherché à savoir s'il
se vendait bien ou non. De toute façon si on en avait vendu 100 000
exemplaires on aurait été au courant (rires) ! Je sais qu'il y
a eu des réassorts du vinyle dans plusieurs magasins à Bordeaux et
à Toulouse notamment. On était content parce que l'objet nous
tenait à cœur. C'était cool d'aller à la FNAC et voir que le
disque était épuisé. Même si on parle de petites quantités.
C'est cool. Globalement nous sommes satisfaits.
C'était important pour
vous cette sortie en vinyle ?
Clément (guitare) :
Très important. Déjà on est tous revenus au vinyle, comme tout le
monde en fait. Ensuite il y a un mastering particulier quand on
presse un vinyle, différent de celui du cd et je trouve que cela
sert notre style de musique. Ca sonne mieux.
Greg : Quand on a
écouté le disque test la première fois, on a halluciné. L'espace
était mieux rempli, le détail des sons était plus intéressants.
Ca sonne grave ! Avec le cd ça fait deux options. Et puis il y
a la beauté de la pochette, cette photo de notre pote Bastien
(Bonnarme, nda) qui nous suit depuis le début. Quand on tient le
disque dans nos mains, ça fait plaisir !
Sur le disque à part
« Running away » il n'y a aucun titre de l'EP. C'était
important que le contenu du premier album soit complètement neuf ?
Franck (batterie) :
Déjà on écoute notre management et notre attachée de presse et on
nous avait plutôt conseillé de partir sur un album avec peu de
morceaux de l'ep. Pour ne pas frustrer les gens qui ont acheté
quatre titres pour les retrouver sur un album de onze chansons, c'est
un peu dommage. Et puis, surtout l'EP avait été composé et produit
relativement rapidement. Il y a eu du temps entre le travail sur l'EP
et celui sur l'album. Et on avait beaucoup de matière, on a gardé
trois/quatre titres sous le coude. Il y a eu une évolution dans le
son, la façon de composer et on voulait la souligner.
Greg : Et puis on
ne sait jamais, au cas où il n'y aurait pas de deuxième album,
autant sortir ce qu'on fait.
C'est bien, comme ça
l'ep devient un collector...
The Dedicated Nothing
(en cœur) : Grave (rires) !
J'ai été très
surpris par la façon dont a évolué « Love me girls ».
La version de l'ep est très joyeuse, uptempo et sur la version de
l'album est beaucoup plus mélancolique...
Mathieu (basse) :
On va mal, c'est pour ça (rires) !
Greg : En fait on
avait fait une version acoustique de la chanson lors de notre
précédent passage promo. Et on a eu des retours très positifs avec
plus de neuf mille vues sur mytaratata. Et ça passait bien en radio
aussi. On avait pris beaucoup de plaisir à la faire. On avait envie
d'une couleur plus pop sur l'album. Et « Love me girls »
c'est notre chanson la plus pop. Après mélancolique, je ne sais
pas...
Mathieu : Dans
l'interprétation du chant, un petit peu.
Vous l'avez ralentie
aussi, non ?
Greg : Oui,
beaucoup. Moi je ne la vois pas mélancolique, je dirais plutôt
posée. J'aime beaucoup le final, les guitares, les claps sur la
batterie qu'on a rajoutés. On a voulu lui donner une couleur plus
électro, toutes proportions gardées. Ce genre d'effets on ne les
utilisait pas avant. « Love me girls », c'est la première
chanson sur laquelle on a fait un arrangement.
Du coup, dans votre set
list, quelle est la nouvelle chanson joyeuse qui remplace l'ancienne
version de « Love me girls » ?
Franck : Joyeux ?
On n'est pas joyeux en fait (rires) ! Sérieusement, les thèmes
de nos chansons ne sont pas toujours hyper jouasse, en termes de
paroles. Ca n'est pas notre marque de fabrique. Pour autant on essaye
de faire des morceaux entraînants. « You want to know »,
c'est notre morceau pop/new wave, sautillant, assez léger dans cette
dynamique là.
Greg : En général
on finit tous nos shows avec ce titre et à chaque fois ça a pris,
on a vu les gens sauter. La dernière dansante.
(c) Bastien Bonnarme |
Vous avez l'impression
d'avoir trouvé votre style, votre son avec ce premier album ?
Greg : Je pense
qu'il est représentatif d'un moment mais on est déjà en train de
partir ailleurs pour le deuxième.
Clément : Ou le
pousser plus loin.
Greg : On va
garder des choses, mon attaque à la guitare par exemple. Mais
Clément travaille beaucoup sur les effets, les pédales. Il se prend
beaucoup la tête pour trouver d'autres trucs.
J'avais noté la
texture sonore sur scène...
Franck : On a
aussi des guitares avec un son plus cristallin. On essaye de faire le
grand écart entre chaque son, chaque univers des quatre instruments.
On va essayer de pousser plus loin. Le disque est représentatif d'un
son et d'une façon de composer à un moment précis. C'est pour ça
qu'aboutir ce disque c'était important, pas pour tourner une page
mais pour poser une première marque. On est déjà dans la dynamique
pour atteindre la prochaine. On évolue, notre matériel aussi.
Clément a trouvé une nouvelle pédale qui a complètement
révolutionné notre son. On se régale ! Dès qu'il l'a
branchée, on a sorti deux nouveaux morceaux ! Ca apporte
énormément d'inspiration.
Mathieu : Ca te
parle d'un coup et ça emmène dans une autre dimension. C'est un son
qui est beaucoup plus aéré.
Greg : Quelque
part, j'espère qu'on ne trouvera jamais notre son et qu'on sera
toujours dans la recherche.
Clément : On a
besoin d'un fil rouge et je pense qu'on l'a trouvé. On essaye de
rester sur le même cap en explorant d'autres choses.
Un petit mot sur le
titre de l'album « Dawn to dusk », de l'aube au
crépuscule...
Greg : C'est le
cycle de la vie, la naissance, la mort.
Franck : Début et
fin.
Greg : On imagine
ça comme un livre, la première chanson c'est le premier chapitre et
la dixième c'est le dernier. On ne veut pas tourner une page mais
comme on le disait, le disque est représentatif d'une première
étape d'un projet qu'on espère interminable. Le titre nous est venu
naturellement, le crépuscule a ce côté un peu dark qu'on aime
bien. C'est un cycle.
Mathieu : C'est
aussi le titre d'un morceau qu'on apprécie beaucoup et qui a une
histoire. On a composé la chanson en question très spontanément en
deux heures pendant notre résidence. Et on a jamais réarrangé ce
morceau. C'est sorti comme ça d'un coup. C'était magique, évident.
Du coup c'est le titre de l'album.
La dernière fois, on
avait parlé de vos influences qui étaient assez présentes. Est-ce
que vous sentez que vous vous en affranchissez ?
Greg : C'est toi
qui doit nous le dire ça !
Oui j'ai trouvé. En
fait je pensais à un titre de l'EP « Here we are » qui
ressemblait beaucoup à Interpol, Television, ce genre de groupes. On
ne sent plus trop ces « fantômes » qui traînent sur le
disque...
Greg : Oui je me
souviens, sauf qu'à l'époque je ne connaissait pas du tout
Interpol. Il y a des gens qui nous parlent de Placebo. Mais moi je
n'entends pas du tout ça. On n'a pas réfléchi à ça, on laisse
les compositions venir comme elles sont, on ne se censure pas. Si il
y a une ressemblance c'est malgré nous. De toute façon, ça
ressemblera toujours à quelque chose. Toutes nos inspirations font
que nous faisons cette musique là.
Clément : Tout le
monde entend des choses différentes. C'est incroyable.
Greg : Hier on
nous a comparé avec les Wombats. En 2013, au big festival on nous a
parlé de Joy Division. Pour moi on ne fait pas du Joy Division.
Franck : JD
Beauvallet (journaliste des Inrocks) parle souvent des Undertones...
Tu vois entre les Undertones et les Wombats il y a un monde.
Greg : C'est très
varié et c'est ce qui nous plait, en fait. Si tout le monde entends
des choses différentes, ça veut dire qu'on n'est pas en train de
suivre un créneau et qu'on fait notre truc.
Franck : Il y a
plein de facettes et c'est aussi représentatif. On a tous nos
influences et notre patrimoine culturel personnel.
Le groupe dégage
parfois une espèce de transe comme sur « Lolita » ou
« Mind love »... Ca commence calmement et ensuite ça
monte, ça monte...
Greg : C'est
clair. « Mind Love » personne nous parle de ce morceau
alors que pour nous il représente beaucoup. C'est comme une
explosion sur scène. Hier encore, on s'est tous retrouvé, sans mise
en scène ni rien. On part de très bas et on lâche les chevaux
jusqu'au bout. On part de très bas, on finit très bas et au milieu
boum !
J'ai pensé à une
vague en l'écoutant...
Greg : Oui, c'est
ça. Ca monte, ça explose, ça disparaît. « Mind Love »,
c'est un titre très représentatif de la façon dont on aime faire
de la musique. Avec des couches.
Franck : Entre
l'ep et l'album, on a réussi à jouer avec cet « effet
vague ». Dans l'ep on a senti cette tension quasiment
constante.
Je trouve d'ailleurs
que l'album est vachement plus détendu à côté...
Franck : Et
pourtant il y a des moments beaucoup plus intenses. Et on a réussi à
prendre cette distance. On n'est pas obligé d'être à 160 bpm, à
bloc, tout le long, pour que cela avance et pour que cela soit
intense. Tout le travail qu'on a fait sur « Dawn to dusk »
et « Mind love », c'est d'aller chercher au plus profond,
au plus calme pour que l'explosion soit plus forte ensuite. Cet
« effet vague », on le joue vraiment avec les tripes et à
chaque fois on essaye de tout faire sortir.
Mathieu : C'est un
vrai plaisir et un vrai bonheur quand on arrive à nuancer. Des fois
ça marche bien et on ressent quelque chose de vraiment fort. Les
nuances c'est ce qui fait que la musique est belle.
Clément : Ou
alors, c'est peut être un peu de maturité (rires).
Parlons de la scène.
Hier soir vous étiez en première partie (des excellents SOMA, nda).
Comment vous faîtes pour retourner une salle qui ne vous connaît
pas ?
Franck : On
commence à être habitué puisqu'on nous connaît pas (rires) !
Mathieu : On n'a
pas le choix.
Greg : Hier soir
en montant sur scène c'est peut être la seule fois où je ne me
suis pas posé de questions ; je ne me suis pas dis que les gens
n'avaient pas envie de nous vois ou qu'ils étaient là pour voir les
autres. On a accumulé beaucoup d'expériences et parfois très
difficiles comme à Bordeaux, qui est pourtant à deux heures de chez
nous (Biarritz, nda) où le public est hyper dur.
Clément : Ils ne
sont pas venus pour toi et ils te le font sentir dès le moment où
tu rentres sur scène.
Oui mais Bordeaux,
c'est particulier, il y a toute une tradition rock là bas...
Franck : Oui c'est
sur. Mais ça n'est pas évident même pour les têtes d'affiche. On
en a discuté avec plusieurs groupes dont on a fait les premières
parties et c'est un public dur.
Clément : A
Paris, il y a ce côté découverte qu'on a senti. Même si il n'y a
que cinquante personnes dans la salle. Si ils n'ont pas envie de te
découvrir, ils auraient d'autres choses à faire. Qu'ils aiment ou
non, ils sont réceptifs et ils écoutent. Et hier c'était vraiment
flagrant. On espère avoir capté l'attention. Dès qu'on arrive sur
un plateau, comme ça, l'après midi la vibe est déjà là. Et
l'accueil des équipes techniques dès qu'on met un pied dans la
salle on sent cette énergie et on la retrouve dans le public. A
Bordeaux on a eu une mauvaise expérience. Attention ça n'est pas
dramatique non plus. Mais si le ressenti en tendu dès le début, en
général c'est mal barré.
Greg : De toute
façon, on apprend.
Clément : Pour
les groupes en développement, qui font les premières parties, il
faut quoi qu'il en soit se débrouiller avec beaucoup de contraintes.
Greg : On est
bientôt à quatre ans d'existence du groupe et on continue
d'apprendre et de se redécouvrir à chaque fois. Et hier j'ai encore
halluciné sur la façon dont on arrive à se connecter entre nous...
Ca se voit, il y a des
jeux de regards...
Greg : Hier je
suis sorti de scène, et j'ai halluciné. Je ne pensais pas qu'on
serait autant connecté... Je ne sais pas pourquoi. Peut être à
cause des expériences passées. A chaque fois tu te dis, ça va le
faire ou peut-être pas. Tant qu'on continue de se redécouvrir,
c'est génial.
Vous êtes un jeune
groupe en France, c'est la galère ?
Greg : On n'a pas
à se plaindre.
Mathieu : Ca c'est
sur.
Franck : En quatre
ans, il s'est passé pas mal de choses. On n'y est pas encore. « La
route est longue mais on a pris le bon chemin » comme on dit.
On se sent soutenus, supportés, il y a des gens qui nous font
confiance. Beaucoup de choses se sont mises en place, parfois de
façon assez magique, mystique. Ca nous a fait gagner quelques mois.
On ne peut pas se plaindre. La première fois qu'on est venu c'était
il y a trois ans. Si on nous avait dit à l'époque qu'on aurait fait
un album, on n'y aurait pas vraiment cru.
Greg : On arrive à
soixante concerts dans les pattes. Cette année on a bien enchaîné.
On a été contactés par un joli festival. C'est la première fois
que ça nous arrive, sans avoir à batailler, tu reçois un email :
« les gars, on vous veut en 2015 » et là tu fais WOW !
(sourire). On dit toujours que la première fois est la plus dure. Si
l'effet boule de neige pouvait fonctionner... C'est des signaux qui
font tellement plaisir. On s'est pris des vents depuis trois ans, il
fallait qu'on apprenne, c'est tout. Combien de pros, nous font
comprendre que ça n'arrive pas en quinze jours. Les gens sentent si
tu est prêts ou non. On sent qu'on a progressé et on n'aurait pas
pu faire les choses plus vite que cela.
Mathieu : On ne se
plaint pas du tout, au contraire, on a énormément de chance, les
choses avancent très vite. On est surpris. Attention à notre
échelle, hein. Mais ça va bien au-delà de ce que l'on pouvait
espérer.
Clément : Cette
période de gestation est super bénéfique, pour l'expérience, pour
plein de choses. L'album on voulait l'enregistrer très vite et puis
au final on s'est aperçu que faire tourner nos compos en live nous
avait beaucoup apporté. Pouvoir faire des aller-retours en studio
aussi. Ca se construit petit à petit, on s'améliore. C'est bien
d'avoir un peu de temps, pour mettre les choses en place, tout
simplement.
Greg : L'erreur de
jeunesse, c'est de croire que tout va arriver en un an. C'est
impossible. On ne fait pas de la pop pour TF1, sans être péjoratif.
Pour notre style de musique, on ne peut pas aller plus vite. Notre
douzième concert, c'était aux arènes de Bayonne. C'était
incroyable comme opportunité, mais on est sorti de scène avec
l'impression que ça n'était pas pour nous. On avait pas du tout ce
qu'il fallait dans le crâne. Les gens ont été adorables de nous
proposer ça. Mais si on avait eu un manager à l'époque, on nous
l'aurait dit, jamais de la vie, tu ne vas pas jouer devant cinq mille
personnes à ton douzième concert. Surtout que moi, personellement,
c'est mon premier groupe. Aujourd'hui on est super bien entouré.
C'est à la dure
l'apprentissage...
The Dedicated Nothing :
Ouais...
Clément : Mais il
y a des trucs super violents, parfois. Si, si c'est vrai. Mais on le
gère beaucoup mieux aussi. On s'enlève de la pression... Un date
comme celle d'hier, il y a un an et demi, on se serait fait caca
dessus pour parler poliment (rires).
Mathieu :
Attention on a toujours le trac. Cinq minutes avant de monter sur
scène, on a presque envie de s'enfuir.
Clément : Oui
mais ça n'est plus de la mauvaise pression comme avant où on avait
l'impression de jouer notre vie à chaque fois. En fait non, c'est
cool, c'est du rock. Il y a trois pains, il y a trois pains, c'est
tout.
Greg : Tu vois,
hier j'ai la voix qui s'est barrée durant la journée. A deux heures
du concert, j'étais hyper mal. J'étais en train de tout gâcher.
J'ai pris un rhum. Et puis, rien à foutre, tant pis on va le faire.
J'ai switché du négatif en cinq minutes. Je n'ai pas fait ce que
j'ai voulu, mais ça n'est pas grave. Et puis surtout, personne dans
le groupe n'a été affecté. Tout le monde était là :
« T'inquiètes, on s'en fout, c'est bon, ça va être trop
bien ». Et puis voilà, on s'en sort...
Propos recueillis le
03/12/2014.
Un grand merci au groupe pour sa gentillesse et à Marion qui a organisé la rencontre.
https://fr-fr.facebook.com/TheDedicatedNothingOfficial
http://thededicatednothing.com/
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