vendredi 29 juillet 2022

Victor Sbrovazzo et Arnaud Diemer : "A wheel in the grave"

 



Dirty Deep fête ses dix ans et met pour l’occasion une roue dans la tombe (le trio est passionné de moto), voilà qui est encourageant ! Le livre, en forme de road book, nous emmène en virée de leur Alsace natale à la Corse. En chemin, les deux auteurs fixent sur la pellicule, non pas ce qui se passe sur scène, mais tous les à-côtés : lieux, paysages, rencontres fortuites et instants saisis sur le vif en sont les principaux ingrédients. Et il est surprenant de constater que partout où il passe, le groupe retrouve un peu de ce bayou qui les a tant inspirés. Enfin, pour que la fête soit complète, l’ouvrage s’accompagne d’un EP de reprises inédites où le groupe est accompagné de quelques pointures, et non des moindres : Jim Jones, Left Lane Cruiser, Scott H. Biram, James Leg, Pete Dio et Mark Porkchop Holder. Un sacré casting pour un cocktail de rock garage et de blues écorché, déglingué, tirant parfois (et c’est une surprise) vers le hip-hop. De quoi accompagner idéalement la lecture.

VICTOR SBROVAZZO et ARNAUD DIEMER

A wheel in the grave

Médiapop Éditions, 325 pages (+ 1 CD), 25 €

lundi 18 juillet 2022

Rodolphe Burger et Erik Marchand : « Glück Auf ! »

 


Tous ceux qui, à l’instar de l’auteur de ces lignes, aiment à considérer la musique comme un voyage ne pourront être que ravis par l’écoute de ce nouvel album. Manière de grande traversée d’est en ouest, ce nouvel effort symbolise les retrouvailles (15 ans après leur premier album commun, « Before Bach ») entre le Breton Erik Marchand et l’Alsacien Rodolphe Burger. Marquée par le contraste entre la voix grave de Burger et celle, de tête, de Marchand, le mélange entre les langues (le chanteur breton s’exprime dans sa langue régionale) la rencontre, aussi improbable soit-elle, se révèle vibrante, émouvante. Faisant fi des différences, les musiciens impliqués, se retrouvent grâce à la musique, aux chansons, existe-t-il un message plus beau ? C’est un fait, la musique ainsi produite voyage, du blues (« John Henry ») aux éclairs rock, de la dynamique électronique (« C’est dans la vallée ») aux langues régionales, le disque ne se contente pas d’agglomérer différentes tendances et, libre comme l’air, sort des frontières ; Mehdi Haddab (oud) orientalise avec talent la musique par la grâce des cordes de son instrument et hypnotise l’auditeur (« Kara Toprak »). Glück Auf (bonne chance!) se souhaitaient les mineurs de Sainte-Marie-Aux-Mines avant de descendre au charbon, et c’est là tout le mal que l’on souhaite à cet album envoûtant.

En concert le 20 juillet au Cabaret Sauvage.

https://dernierebande.bandcamp.com/album/gl-ck-auf

https://rodolpheburger.com/

https://www.facebook.com/Derniere.Bande.Music/




dimanche 17 juillet 2022

Marion Rampal : « Tissé »

 


S’il est une chose que Marion Rampal déteste, c’est bien les boîtes, rangements et autres compartiments dans lesquels sont classés les artistes. Repérée dans un premier temps aux côtés du saxophoniste Raphaël Imbert, on aurait pu attendre de la chanteuse un album de jazz. Encore une boîte que l’artiste a décidé d’éviter, avec talent. Accompagnée du guitariste Matthis Pascaud (Moonlight Benjamin), la chanteuse livre un album varié où le groove et le swing apparaissent comme une idée aux contours vagues plutôt qu’un concept à suivre stricto-sensu. Le rythme occupe ici une place essentielle des chansons folk (« Reminder » ; « Still a Bird » aux accents blues) aux ritournelles aux accents créoles (« L’île aux chants mêlés » ; « A volé » ; « D’autres soleils »), une façon d’aborder la musique en suivant la pulsion, toujours différente mais toujours présente. Une diversité d’ambiances que la chanteuse aborde à bras le corps, modulant sa voix suave à l’envi, en s’adaptant aux contours des chansons, mots écrits et choisis avec soin et chantés avec classe et élégance. Signalons enfin la participation bouleversante de la voix cassée d’Archie Shepp en fin d’album.

En concert le 21 juillet au Parc Floral (Paris Jazz Festival)

http://www.marionrampal.com/

https://www.facebook.com/pagemarionrampal




samedi 16 juillet 2022

Delvon Lamarr Organ Trio, New Morning, 13 juillet 2022.



Subrepticement, le guitariste Jimmy James se retourne afin d’enclencher l’overdrive de son ampli. Conscient du moment stratégique en train de se passer, le public brandit une forêt de téléphones portables en train de filmer. La suite relève du miracle, Jimmy James se lance dans un solo, l’ambiance est à son comble, l’excitation palpable : c’est Jimi Hendrix ressuscité ! Et lorsque le musicien ressort la Stratocaster blanche, le public est instantanément transporté, Woodstock 1969, solo avec les dents en prime ! Maintes et maintes fois reporté, le concert du trio soul prodige de Seattle (ville de naissance d’Hendrix, tiens, tiens) valait le coup d’attendre. En dehors des soli magiques en hommage au guitariste gaucher de légende, le trio s’inscrit dans une esthétique soul vintage 60s/70s, rappelant le label Daptone, forte en groove de la batterie et aux nappes d’orgue servies brûlantes grâce à la cabine Leslie. Si la complicité entre les trois musiciens est totale, en dépit de nombreux problèmes techniques, la connexion la plus forte se situe entre l’organiste Delvon Lamarr et son guitariste Jimmy James. Les deux musiciens se toisent, se défient du regard, se répondent mutuellement, en oublient même la présence du public en lançant dans des improvisations fleuves, questions/réponses, parfois erratiques et répétitives, le guitariste n’hésitant pas à s’aventurer hors des sentiers battues, sortant des notes inattendues du haut du manche. Quelques réserves donc, mais bien maigres en regard de la qualité superlative du trio. Il est certain que l’on ne verra jamais Hendrix de nos yeux. Et il semble certain également que l’on aura du mal à se passer de ce trio sur scène. Cela tombe bien, le groupe sera de retour sur cette même scène du New Morning le 28 octobre prochain !

https://fr-fr.facebook.com/dlo3music

vendredi 15 juillet 2022

The Reed Conservation Society, Pop in my magic garden, Fontainebleau, 9 juillet 2022.

Dans le cadre somptueux du jardin, baigné de soleil, le rectangle bleu de la piscine offre une vue rafraîchissante appréciable en cet après-midi d’été. Sous le mini barnum, faisant office de scène, nous retrouvons The Reed Conservation Society, précieuse formation pop française, ayant fait le choix de sortir sa musique sous la forme de trois eps, regroupés dans un sublime coffret vinyle, distribué de manière indépendante sur la toile (un album est en préparation). Le trio est constitué de Stéphane (chant et guitare folk), Mathieu (guitare électrique et trompette) et Sera (claviers). Dans le cadre verdoyant, entouré de vieilles pierres, du jardin, le groupe a trouvé l’écrin propice pour sa musique. Ainsi invité à goûter à la sérénité de l’endroit, le trio développe toutes ses qualités. Les accords de guitare acoustique caressent les oreilles alors que son pendant électrique apporte quelques accents bienvenus. Les claviers incarnent la modernité pop (« Miss Kellerman »), quelques nappes discrètes ou le battement rythmique nécessaire, la trompette à elle seule fait montre de toute l’ambition musicale du groupe, élevée et élégante. Si l’ensemble est résolument british, Nick Drake n’est jamais bien loin, la musique du trio regorge pourtant d’influences californienne (« Holly Mood », « Antonio Bay », « Joni & David », "Sonoma") de quoi transformer le petit rectangle verdoyant de Seine-et-Marne en Laurel Canyon. Une sublime parenthèse estivale dont le trio constitue la bande originale idoine.

https://fr-fr.facebook.com/TRCSfrenchband/


mercredi 6 juillet 2022

Eurockéennes de Belfort, 2 et 3 juillet 2022.


Pour un retour après deux ans de pandémie, difficile d’imaginer pire déveine que celle-ci. Jeudi 30 juin, le site du festival était à peine ouvert depuis 30 minutes quand, à 16h30, s’est abattu un orage (pluie, vent, grêle) apocalyptique d’à peine 10 minutes mais d’une telle violence que les infrastructures du site, sérieusement endommagées, ont dû être revues par la commission de sécurité le lendemain avant de pouvoir, enfin, accueillir le public. C’est donc à un festival réduit à la portion congrue, une seule vraie journée le samedi (le dimanche ressemblant plus à un gros concert de Muse), et à la programmation minée par les annulations de dernière minute dues au Covid (Wet Leg) ou non (Foals) ; à laquelle nous avons assisté. On se console comme on peut avec les toutes jeunes (entre 11 et 19 ans) musiciennes de Star Feminine Band qui ont enflammé la scène de la plage (quel plaisir tout de même de retrouver ce site magnifique !) et leur savant mélange de musique traditionnelle du Bénin, avec beaucoup de percussions, traversée d’éclairs rock sauvage de la guitare. Mention particulière à la bassiste dont le jeu, l’instrument sur la tête, ravive l’écho de Jimi Hendrix. C’était chouette ! On peut bien l’avouer mais à eux seuls, Frustration a sauvé notre week-end ! Fonctionnant sur une improbable dynamique entre synthés cold 80s et guitares garage 60s, c’est sur scène que Frustration développe toute sa puissance. Concert euphorique, quel groupe ! On reste perplexe en revanche devant le concert de Muse en se demandant comment des musiciens aussi virtuoses ont pu aussi mal tourner. C’est après deux ou trois albums d’excellente facture que les envies de grandeur de Matthew Bellamy, à la recherche maladroite d’une légitimité de compositeur, se sont fait jour pour un résultat de plus en plus pompier, grandiloquent, voire même prétentieux. Ainsi va le set de Muse alternant le meilleur (« Plug in Baby », quel riff!) au pire. Sans parler de cette insupportable manie voulant à tout prix coller à la mode, un faux renouvellement artistique déguisé en quête désespérée de hits et de passages radios, confinant à la schizophrénie : comment un groupe aussi bon peut-il devenir aussi mauvais, d’un titre à l’autre, en quelques minutes ? Bref, peu importe, le festival est déjà fini et il est temps pour nous de rentrer. A l’année prochaine dans de meilleurs conditions espérons-le.