lundi 22 juillet 2019

Emma Sand : « Door to door »



De part son acoustique chaleureuse, Emma Sand (contrairement à ce que le nom laisse supposer il s'agît bien d'un groupe) fait partie de ces projets à vocation cinématographique propres à stimuler l'imaginaire de l'auditeur. Piste après piste, au détour d'une guitare délicatement piquée ou de cordes glissées avec soin, pris dans les méandres vaporeuse du chant délicat, l'auditeur/spectateur voit ainsi une foultitude de paysages défilant au fur et à mesure que l'on avance dans le disque. Parler en l'espèce d'influences ou d'un cousinage, plus ou moins lointain, avec Valparaiso, n'est pas nécessaire tant ce trop court EP (6 titres) irradie d'une lumière qui lui est propre. Un feeling prégnant ou la délicatesse côtoie la tension sous-jacente (« Door to door »), soulful (« Silver Ashes ») jusqu'à l'ultime note, dans le moindre geste des musiciens. A l'instar de celle représentée sur la (superbe) pochette, ces six pistes représentent bien une toile, un tendre piège, dans lequel nous sommes conviés pour nous perdre, avec délectation. Un magnifique voyage, vivement la suite ! 

https://fr-fr.facebook.com/EmmaSandBand/

dimanche 21 juillet 2019

Binic Warm Up Party, Petit Bain, 20 juillet 2019.



Circonscrit dans un périmètre entre blues/punk, garage/psyché et folk/rock, situé en bord de mer sur la plage ou le port le Binic Folks Blues festival a tout pour nous plaire. Avant les festivités du week-end prochain, on en a eu un petit aperçu avec quatre artistes de l'édition 2019 du festival qui se produisent en avant-première sur la scène flottante du Petit Bain. Le week-end du 26 au 28 juillet va être chaud en Bretagne ! 

On commence avec la délicieuse Saba Lou, assise sur son tabouret sa guitare électrique demi-caisse sur les genoux, qui nous balade de sa voix sucrée de jolies chansons folk électriques bien troussées. Le set gagne encore en charme lorsque la chanteuse troque sa guitare pour une basse et rejointe par deux comparses (guitare, ukulélé et/ou caisse claire jouée au balais), charme rétro évident et une bonne dose de swing, parfait cocktail pour débuter en douceur. 

On monte tout doucement en décibels avec les Australiens de Shifting Sands. Dégaines de vieux hippies (longs cheveux blancs et tatouages délavés) surfeurs, lookés en provenance de la plage (chemisettes à fleurs, tongs), le quintet est visiblement ravi de jouer sur « a boat » ce qui leur va particulièrement bien au teint (rappelons que le Petit Bain est une barge flottant sur la Seine). Quintet bicéphale (guitare acoustique, guitare électrique, piano, batterie) Shifting Sands fonctionne sur deux niveaux de lectures. La base reste le folk un tantinet mélancolique voire désabusé, un fond mélodique parfaitement incarné par la guitare acoustique (qui assure la rythmique en lieu et place de la basse) et le piano (joué par une pianiste au regard triste) alors que la batterie dynamite la dynamique générale du groupe et que la guitare électrique ajoute un peu de piment rock'n'roll voire un soupçon de ruralité (via des cordes délicatement slidée) à toute cette affaire. Le chanteur possède une voix extraordinaire, de gorge, grave et éraillée, le vécu coule à flot de ses cordes vocales. Magnifique découverte que ce groupe mais un set frustrant car trop court (à peine 30 minutes). Aisément le coup de cœur de la soirée, on repart avec le vinyle sous le bras ! 

A partir de ce moment la soirée monte franchement en pression et en décibels avec le trio Beechwood présenté depuis un an et demi comme les sauveurs du rock new-yorkais. Impeccablement looké et coiffé, le power trio a visiblement passé autant de temps chez le coiffeur ou dans les friperies que chez le disquaire. Pas forcément un mal tant, autant sur le plan visuel que musical, le trio rappelle les grandes heures du punk-rock débutant de 1977. Une belle énergie donc parfaitement restituée même si un peu convenue. Il y a quand même quelque chose d'un peu perturbant à les voir passer les Kinks à la moulinette. 

On termine enfin dans le chaos total en compagnie de ce fou lubrique de King Khan (sapé comme dans le film « Cruising » de William Friedkin) qui vient présenter son nouveau projet, le groupe punk Louder Than Death, le micro dans le slip (en cuir bien sûr) à l'avant ou à l'envers suivant son envie du moment. Un grand malade donc mais à en constante recherche de chaleur humaine et qui a passé à peu près autant de temps dans la fosse, au contact direct du public, que sur scène. Un énergie punk chaotique, pas toujours bien canalisée, mais laissant apercevoir de temps en temps de magnifiques éclairs cold (« Erased World »). Un grand moment de déglingue rock'n'roll comme de coutume avec ce chanteur aussi à l'aise que dans son costume de soulman. 

https://www.binic-folks-blues-festival.com/





mercredi 17 juillet 2019

Nico Chona and The Freshtones



Caréné comme une bonne vieille muscle car, cet album ne manque pas d'arguments pour faire groover la voie rapide. En gros pour résumer, on y trouve tout ce qu'on aime bien faire résonner aussi bien dans l'autoradio (cf. l'intro d'« Again and again ») qu'à la maison. Du rock'n'roll nerveux mais qui n'a pas oublié de faire swinguer l'auditeur (cf. « Wheels of obsession ») ou, dans un étrange grand écart, de jolies ballades acoustiques (« Again and again », « The Heat »). Bien évidemment, comme il est de coutume entre gens de bon goût, la chose est teintée de fortes effluves de blues et de boogie (« Screen Boy »). Ainsi, au fil des titres, le groupe épate par la variété des ambiances mais aussi cette capacité à maîtriser arpèges folk et gros son au sein du même morceau, une intro calme avant une coda déchaînée, imaginant l'improbable trait d'union entre Neil Young et Led Zeppelin. Rythmiquement aussi solide que du ZZ TOP (cf. "Black Sky Man") le disque est aussi une sacrée collection de soli déchaînés de guitare ou d'harmonica, porté par un chant expressif, parfaitement crédible dans la langue de Shakespeare. L'album parfait pour rêvasser en regardant le paysage défilant sur le côté, en route pour les vacances… 


mardi 16 juillet 2019

The Heavy : « Sons »



Bien qu'étant une des formations rock les plus excitantes d'Angleterre depuis leurs débuts en 2007, le quatuor The Heavy fait un peu figure d'exception dans une perfide Albion obnubilée par les Beatles et/ou la scène mod. Point de revivalisme ici, mais plutôt des influences venues d'outre-Atlantique et clairement affichées du côté de la soul (« Fighting for the same thing ») et du rhythm'n'blues (l'excellente « Better as one ») ou du hip-hop (le tonitruant « Heavy for you » qui ouvre les débats), voire éventuellement du reggae que le groupe mixe avec brio au gros sons des guitares (« Fire » ; "A whole lot of love") ; le tout forme une sorte de pendant masculin des BellRays, incarné à la perfection par le chanteur caméléon Kelvin Swaby qui module sa voix en fonction des ambiances. Un cocktail musical foncièrement estival qui trouve ici son incarnation la plus aboutie, portée par le simple plaisir du jeu. Un disque solaire à l'enthousiasme contagieux ; il y a bien de quoi afficher des mines réjouies (une première pour le groupe) sur la pochette ! 

En concert le 25/10 à Paris (La Machine du Moulin Rouge)
http://theheavy.co.uk/
https://www.facebook.com/theheavy73
https://twitter.com/theheavy

dimanche 14 juillet 2019

Louder Than Death : « Stop und fick dich ! »



Le chanteur de ce nouveau groupe, « plus lourd que la mort », est bien connu de cette page puisqu'il est nul autre que King Khan, une sorte de James Brown déjanté habillé de plumes comme le regretté Dr John, qu'on a l'occasion d'entendre ici dans un nouveau contexte, plus punk. Un cocktail garage/punk qui sied particulièrement bien à sa voix éraillée, toujours sur le fil, les cordes vocales sur le point de céder aux assauts des guitares abrasives. Les autres membres du groupe, issus de Magnetix, des Shrines (le groupe habituel de King Khan) et des légendaires Spits, s'y entendent donc en matière de boucan mais atteignent ici une sorte de point aussi sensible qu'inédit, délaissant le rhythm'n'blues et la soul, marottes habituelles de King Khan, pour des influences cold wave, début des années 1980, comme le laisse entendre les lignes de basse (on pense en particulier à celle d'« Erased World », "Strange Way"). Le tout, joué dans la foulée d'une section rythmique au sprint, certains titres dépassent à peine la minute, constitue un cocktail explosif de guitares déjantées et de chant éclaté. Grand moment de déglingue scénique en perspective. 
En concert à Paris le 20 juillet (Petit Bain) 

mercredi 10 juillet 2019

Eurockéennes de Belfort, 4, 5, 6 et 7 juillet 2019.


LES RÉVÉLATIONS : 

The Hu (jeudi 4 juillet, Loggia) : Alors ça, on ne l'aurait jamais crû, même avec l'imagination la plus débridée ! The Hu, groupe parfaitement inconnu, débarque de sa Mongolie natale équipé d'instruments baroques (mais tellement beaux) jouant une musique qui l'est tout autant, manière de folk mâtiné de métal symbolisant la rencontre de deux mondes ! Hyper percussif (un tambour traditionnel double la batterie) et usant d'instruments traditionnels (dont une sorte de vielle jouée à l'archet) The Hu trouve la juste dose d'agressivité pour rendre accro sans assommer le spectateur. Mortel ! 

Jambinaï et la Superfolia Armada (vendredi 5 juillet, Loggia) : Avant de plonger la tête la première dans le post-rock et le métal atmosphérique, Ilwoo Lee, leader du groupe coréen, a étudié en profondeur la musique folklorique de son pays natal. Il en résulte un groupe fonctionnant à différents niveaux de confrontations. Entre, en premier lieu, la mélancolie mélodique de l'haegeum (une sorte de violoncelle miniature) et la force percussive du geomungo (une cithare jouée avec des baguettes). Entre, ensuite, les instruments traditionnels et un trio métal classique (guitare, basse et batterie). Et pour finir, la rencontre des musiciens français (Olivier Mellano, guitare, Erwann Keravec, cornemuse, Yann Gourdon, vielle à roue). Une magnifique création exclusive du festival alternant entre climats apaisés et/ou dark, franchement prenants, et de fulgurants éclats de guitare électrique. Superbe ! 

88Kasyo Junrei (dimanche 7 juillet, Loggia) : Depuis fort longtemps le Japon est réputé pour ses formations hybrides et débridées. Nouvel exemple nous est donné avec ce prolifique trio au mélange baroque allant du hard-rock au psychédélisme en passant par la case punk. Emphatique, exubérant, speedé, enthousiaste, sans conteste le concert le plus fou du week-end. 

Fontaines D.C. (jeudi 4 juillet, Loggia) : Les Irlandais affolent les compteurs depuis quelques mois, l'occasion nous est ainsi donnée de juger sur pièce, on n'a pas été déçus ! Avec un air je m'en foutiste de ne pas y toucher, le guitariste à lunettes tire limite la tronche, le groupe balance ses hymnes punk avec conviction. Excellent ! 

Idles (vendredi 5 juillet, Greenroom) : Précédés d'une réputation flatteuse à laquelle ils ont fait honneur, les Anglais ont donné une performance incroyable et débridée, électrique où la violence atteint un stade quasi expérimental. Le nuage de poussière soulevé par le public pogotant donne un air apocalyptique fort à propos à l'ensemble. 

MNNQNS (vendredi 5 juillet, La Plage) : Proximité avec la côte aidant, les Normands sont probablement le plus britannique des groupes français. Climat cold wave classieux et fureur punk, le cocktail parfait ! 

Julia Jacklin (dimanche 7 juillet, Loggia) : La petite scène nichée entre les arbres s'est finalement révélé la plus consistante du week-end ! Une nouvelle preuve avec cette jeune Australienne. Si le concert commence de façon trop calme et répétitive, avec le premier titre, un bon coup de sang de l'excellent batteur réveille tout le monde. On est vite gagné par le charme de ses compositions folk/alt-country jouées sur un ton indie pop. Très chouette. 

Bigger (jeudi 4 juillet, La Plage) : Quasiment local de l'étape, le quatuor avait la lourde tâche d'ouvrir les débats. Mission réussie haut la main grâce à des compositions où la pop ultra mélodique du groupe est viciée avec génie par l'interprétation survoltée du guitariste Damien Félix (également moitié du duo Catfish) et du batteur Antoine. Enfin, un chanteur anglophone, Kevin l'irlandais, est un plus incontestable lorsque l'on prétend chanter dans la langue de Shakespeare sans sombrer dans le ridicule. Excellent set ! 

Hubert Lenoir (samedi 6 juillet, La Plage) : Cela commence tranquillement sur un air de jazz avant que les choses ne s’accélèrent brutalement sous les assauts de la guitare. Jouant de l’ambiguïté sexuelle, ses airs glam rock androgynes, ne sont pas sans rappeler le Bowie première période 70s (cf. le saxophone) ou Lou Reed. Efficace mais un peu trop surjoué, pas encore tout à fait mature, le Québecois (passé par l'émission La Voix, version locale de The Voice) constitue néanmoins une belle promesse pour l'avenir. 

LES VALEURS SÛRES : 

Stray Cats (dimanche 7 juillet, Grande Scène) : Eux, au moins, assurent le job avec classe, efficacité et sans prétention aucune ! Les « punks à chats » revisitent leur grands classiques avec swing suivant la guitare inspirée de Brian Setzer et le swing incomparable du batteur Slim Jim Phantom (toujours debout derrière son kit) et de la contrebasse (un instrument rare dans le cadre du festival) de Lee Rocker. Remerciements éternels ne serait-ce que pour avoir fait résonner un peu de ce bon vieux Eddie Cochran sur le site du Malsaucy. Chapeaux bas, Messieurs ! 

Rival Sons (vendredi 5 juillet, La Plage) : La vue magnifique sur le lac du Malsaucy et les Vosges à l'arrière plan baignant dans la lumière orangée du soleil couchant ne saurait occulter la constance du groupe californien usant à merveille des codes du hard-rock 70s. Et même si tout cela flirte d'un peu trop près avec Led Zeppelin, les qualités d'écriture et d'interprétation nous ont fait passer un excellent moment sur la plage salué par une belle ovation amplement méritée. Et quelle voix, quelle guitare ! Magique ! 

Slash feat. Myles Kennedy and The Conspirators (jeudi 4 juillet, Grande Scène) : On ne rigole pas mais l'ex-Guns, que l'on croyait à la retraite, retiré des affaires, possède d'excellents restes ! Riffs efficaces, virtuosité contrôlée évitant les excès et bien secondé par un excellent groupe, le tout suffit à notre bonheur du jour. Un peu longuet et lassant sur la fin quand-même. 

Suprême NTM (jeudi 4 juillet, Grande Scène) : On avoue, forts contrits, qu'on les avait un peu oublié et leurs disques prenaient gentiment la poussière mais la prestation du soir nous a fait une sacrée piqûre de rappel ! Galvanisé par la scène, le duo n'a rien perdu de son acuité, après deux décennies de silence discographique, une punchline après l'autre, tour à tour touchant ou percutant. Mais faut-il s'en réjouir tant la chose paraît dans le fond totalement déprimante ? Un concert survolté sublimé par une scénographie spectaculaire et les scratches incisifs. Détail amusant, une brigade de la Police assiste en toute discrétion à une bonne moitié du set, s'éclipsant juste avant la bien nommée « Police » ! Un show dantesque devant une foule immense ! Y'a du monde sur la corde à linge ! 

Frank Carter (samedi 6 juillet, Greenroom) : Showman exceptionnel, suffisamment roublard pour se mettre le public (nombreux) dans la poche, il fût le seul (du moins à notre connaissance) à remercier le service de sécurité, le personnel des différents bars œuvrant sur le site ; tout comme à inviter la gente féminine à venir crowd surfer en toute sécurité. Grand bonhomme et punk-rock de facture classique mais ô combien efficace. 

ON A ÉTÉ UN PEU DÉÇUS : 

Interpol (jeudi 4 juillet, Greenroom) : Aïe, aïe, aïe, mais que se passe-t-il ? Entre problème de sons et répertoire qui commence à tirer la langue (« Say hello to the angels » massacrée sur un tempo beaucoup trop punk) la magie d'antan semble bien loin. On s'ennuie tellement que l'on part avant la fin. Le groupe nous rattrape par l'oreille le temps d'un « Stella », c'est déjà ça... 

Weezer (samedi 6 juillet, Grande Scène) : Le constat est rude mais nos idoles d'adolescent ont sérieusement pris du plomb dans l'aile, entre albums misérables (« Pacific Daydream », le récent « Black Album » que l'on n'a toujours pas réussi à écouter en entier) et prestation gâchée par de nombreux problèmes sonores. Il est certes toujours sympa de réécouter les tubes de l'époque bleue (« My name is Jonas », « Undone », « Say it ain't so »), verte (« Hash Pipe », la bien nommée « Island in the sun ») voire rouge (« Pork and Beans ») mais, navré, même pour la déconne au 36ème degré, on n'adhère absolument pas à l'inanité des reprises 80s (« Africa » de Toto, « Take on me » d'a-ha). On s'attendait à mieux et il s'agît là d'un doux euphémisme. 

Smashing Pumpkins (Grande Scène, dimanche 7 juillet) : Le retour de Jimmy Chamberlin derrière la batterie fait certes du bien mais le répertoire du groupe a bien mal vieilli et semble atrocement ampoulé de nos jours. La formation à trois guitares (James Iha reprenant sa place aux côtés du valeureux Jeff Schroeder) passe plutôt bien, c'est une agréable surprise on s'attendait à pire. Bon, allez, ça n'était pas si mal que ça. 

LE COUP DE CŒUR DU WEEK-END : 

The Psychotic Monks (samedi 6 juillet, Loggia) : Totalement possédé par le son, au point de faire peur à la sécurité, le quatuor nous a embarqué dans une odyssée en forme d'ascenseur émotionnel où les guitares se font tour à tour addictives, hypnotiques ou expérimentales. Un voyage au cœur des émotions entre dark et psyché où la poussière soulevée par la foule en train de sauter a donné un air apocalyptique du plus bel effet. Quel concert ! Une prestation remarquable saluée par un tonnerre d'applaudissement et des mercis spontanés lancés par le public alors que le groupe remontait sur scène ranger ses instruments. Le coup de cœur du week-end, sans hésitation !