samedi 31 janvier 2015

Fraser Anderson : « Little Glass Box »



Orfèvre d'un folk délicat, l'Ecossais Fraser Anderson sort de sa tanière pour enfin confier sa musique à un label. Car loin d'être un débutant, Fraser, qui en 2002 a supporté Chuck Berry le temps d'une tournée, en est à son quatrième album. Et c'est un véritable talent, qui jusqu'ici a mené sa barque avec la plus grande discrétion, que l'on s'apprête à découvrir. Car « Little Glass Box » fait partie de ces œuvres rares, d'une grande limpidité mélodique et d'une évidence qui saute aux oreilles dès la première écoute. Un album qui ne demande qu'à vous bercer. Ce disque, Anderson l'a conçu avec l'aide de quelques musiciens légendaires comme le bassiste Danny Thompson (John Martyn, Nick Drake) ou le pianiste électrique (spécialiste du Fender Rhodes) Max Middleton (Jeff Beck, John Martyn). De ces collaborations prestigieuses Fraser Anderson a tiré un album d'une beauté intemporelle qui aurait pû sortir en 1972 comme il sort aujourd'hui. Là ou tant d'autres s'échinent pour atteindre une sorte de graal « vintage », Fraser Anderson décroche la lune, l'air de rien, avec une déoncertante impression de facilité. Cet effort n'est pas sans rappeler quelques grands anciens comme Nick Drake, Richard Thompson, Martin Stephenson ou Al Stewart. Il y a, en effet, quelque chose d'intrinsèquement britannique qui se dégage de ces douze compositions, pourtant curieusement enregistrées dans le sud de la France (le Languedoc). Un peu comme si, loin de chez lui, Fraser avait recherché à recréer les vertes prairies et la roche grise de sa terre natale. L'apport judicieux du Fender Rhodes et, surtout, de la trompette apporte une note « jazz nocturne » au folk fait d'arpèges délicats de guitares ou de banjo. Impression jazz encore renforcée par le swing discret et léger de la section rythmique batterie/contrebasse. Un magnifique album, futur compagnon de vos nuits d'insomnies.


vendredi 30 janvier 2015

Joel Gion : « Apple Bonkers »



C'était il y a (déjà) dix ans. En 2005, la découverte du documentaire Dig ! (réalisé par Ondi Timoner) nous avait transformé, en précisement 107 minutes, en fans inconsidérés du Brian Jonestown Massacre (BJM). Parmi la galerie de personnages tous plus rock n'roll et hauts en couleurs les uns que les autres décrit par le film, un musicien se distinguait particulièrment : Joel Gion, joueur de tambourin (si, si) au sein du BJM. Sens de l'humour, charisme, Joel savait se faire remarquer à defaut d'impressionner par ses qualités musicales (à sa décharge le tambourin offre des possibilités plutôt limitées). Depuis le bonhomme a fait son petit bout de chemin et s'est même mis à l'écriture. Un premier album avec un groupe éphémère (The Dilettantes) puis un EP sorti uniquement en cassette audio sur le label Burger Records. « Apple Bonkers » est donc le premier véritable album en solo du fantasque « tambourine man ». Sur ce disque inaugural, Joel ne s'éloigne jamais vraiment du style BJM de la grande époque, celui des années 1990 (cf. « Mirage » à la limite du plagiat). Du rock psyché, teinté de folk voire de world music (cf. le sitar), d'obédience 60s. Dans ses meilleurs moments (« Hairy Flowers », la baroque « Change my mind ») l'effet est tellement saisissant que l'on pense avoir mis la main sur une perle oubliée des sixties. Fondamentalement attachant à défaut d'être novateur. Placée en toute fin de programme « Don't let the fuckers bring you down » (une leçon à méditer soit dit en passant) fait montre d'une ambition musicale à la hausse et clôt l'affaire sur une note dynamique.
http://joelgion.com/joelgion/Joel_Gion.html

jeudi 29 janvier 2015

Koto Brawa & The Wakman : « Gueïnto »



Originaire du Burkina Faso, le chanteur/batteur/percussionniste Koto Brawa est installé en France depuis 2007. « Gueïnto » (lève toi et marche), son deuxième album a été conçu en hommage à sa seconde fille, disparue prématurément. Au fil des douze plages qui le compose, Koto Brawa nous offre un voyage musical comme seul le métissage peut nous en procurer. Gageons que l'album plaira autant aux amateurs de jazz que de soul voire de blues. La magnifique « Comme tu es » est un somptueux mélange entre cuivres jazzy et percussions typiques. L'acoustique « Hélé Djo » serait plutôt sur un terrain blues, « Ayé wah » évoque Stevie Wonder alors que « Koro Koro » fait le grand écart incluant un soupçon d'électronique dans les arrangements. Enregistré dans un contexte personnel que l'on imagine pour le moins difficile, Koto Brawa laisse ici transparaître la profonde humanité qui l'anime dans la moindre de ses compositions. Loin d'être mortifère, l'album est, au contraire, un joyeux hymne à la vie porté par un groove autant dévastateur qu'exotique. Ce disque nous prouve, une fois de plus, que l'Afrique est la Mère de bien des musiques que nous aimons.


mercredi 28 janvier 2015

Taiwan MC : « Diskodub EP»


Prenant le parti d'une démarche résolument dancefloor, ce nouvel EP de Taiwan MC, fait la part belle au beat et autres orchestrations synthétiques sur lesquelles se pose le flow, teinté du dub et de reggae, du leader de Chinese Man. Les six titres proposent une grande variété d'ambiances entre reggae (« Blaze it up », "Gwaan gyal") et funk 80s (« Diskodub »), tirant des ponts imaginaires entre la Jamaïque, Londres et New York. La belle pochette d'inspiration BD rappelle les productions du label Big Cheese des années 1990. Bien produit mais un peu en dehors des préoccupations musicales de ce blog.

lundi 26 janvier 2015

The Marshals : « AYMF » Session



Grâce à un merveilleux anachronisme, le nouvel album des Marshals nous est arrivé sous la forme d'une magnifique cassette audio. Un support vintage, particulièrement bien adapté à ce groupe dont les racines trempent dans les années 1960/1970. Si le superbe objet est bicolore, la face A est noire, la face B est blanche, le groupe, musicalement parlant, ne connaît qu'une seule couleur : le bleu. En effet, avec ce nouvel effort, The Marshals s'impose comme une des meilleures formation blues actuellement en activité dans l'hexagone. Un blues qui, pour une fois, n'est pas entravé par une quelconque invasion rock. Ici tout est roots, jamais la guitare ne surjoue les décibels (« I made my way »), et la six cordes est bien soutenue par une batterie ternaire efficace (« Slave ») et un harmonica aux interventions toujours judicieuses (cf. la reprise du « Crosstown traffic » de Jimi Hendrix, plus blues que l'originale ; le dialogue avec la voix sur "Tears"). La voix également, profonde et éraillée à point, contribue à ce dépaysement musical. Car finalement, The Marshals, c'est ça, une excursion dans le Delta, sauf que ça se passe en bas de chez toi ! Un seul regret finalement, l'album est trop court (sept titres seulement).

Debout dans les cordages

Dans la famille des ex-Noir Désir, il y a ceux qui tentent de continuer sur leur gloire passée (cf. Bertrand Cantat et Détroit) et il y a le guitariste Serge Tessot-Gay qui profite de cette liberté nouvelle pour se lancer dans des projets artistiques ambitieux. En compagnie de ses acolytes Cyril Bilbeaud et Marc Nammour, le trio propose une relecture rock et improvisée du "Cahier d'un retour au pays natal" du poète Aimé Césaire.

Une présentation du projet aura lieu le 4 février prochain à la scène du canal - Espace Jemmapes.

 

dimanche 25 janvier 2015

Interview with Bill Pritchard (English Edition)





(c) Cooper
Almost a decade after his last effort, British songwriter Bill Pritchard is back with an instant classic new album « A trip to the coast ».

Do you have a special bond with France ?
Bill Pritchard : Yes, my first introduction was getting a single from Vogue, from my grand dad who didn't know what it was. But i loved the design of the vogue thing. I was nine at the time. I couldn't understand it. And the years went by and i went to the university of Bordeaux. And i did a free radio thing there. I was introduced to a lot of french sixties music, Yé yé music and a lot of punk stuff as well. There was quite an interesting punk movement going on at the time. Situationists that was interesting to me. I was at the university at the time studying french and german. French writers, poets, politics I was enchanted, captivated by it.

You don't come to Paris too often ?
B.P : No i don't. This is my first time in six years. I was in France in August. I played one gig in Normandy. I'm glad i have the opportunity to come to Paris and that coincide with the german tour.

You used to live in Paris ?
B.P : Yeah, i know so many people here, it's a shame i'm staying for just one night. They come and say, « Hi Bill, where have you been ? » (laughs).

Regarding the new album, « A trip to the coast ». Honestly, the album came as a surprise to me and i thought you retired from music...
B.P : And so did I (laughs) ! Basically it was done with a friend of mine Tim Bradshaw. I met him in the early nineties and he moved to America. He's a professional musician, that's what he does, and he's also my mate, one of my best mates. He called me and said : « Bill i'm back ». I assumed he meant back in London. And i told him, you know Tim i don't like going to London, i don't like going around. I like being at home. And then he said, No, no Bill, i moved two streets away from you ! And that was it, we had to do something. And we just gradually made this album together in my house. And then, the bass player suggested to me : « Bill, this is very good, why don't you go find a label for it ? ». So thought, yeah we'll do it. Very Spontaneous. It wasn't part of a big plan to make an album every seven years or something. It just happened like that.

This new album is more acoustic, as opposed to the last one « By Paris by accident » who was more into electronic sounds. Anyways this new record came to me as an instant classic...
B.P. : It's funny because it wasn't made with the intention of releasing it, initially. We did it ourselves and we got the record label afterwards. We chose what we really wanted to do. Tim and I came from the same part of England and this is a very english album. There is a lot of stuff from there and different places. But I'm really glad, you made my day ! Thank you !


You often sing about specific geographic locations...
B.P : This album has very much to do with movement. Flight. Transition. A lot of things changed in my life. The transition, the movement all that ends up with a trip to the coast. You started in Stoke, where Tim and I lived, and you finished in Anglesey where my dad lives.

A little word about your Paris songs, « Paname » and « Pigalle on a tuesday is charming » ?
B.P : « Pigalle on a tuesday is charming » is interesting. I was in an hamburger place in Pigalle. Wendy's burger or something. I don't remember the name, it wasn't a chain. It was tuesday, i was watching all these people coming and go. And that was that.

For some reason, i don't know exactly why but it made me think of Elliott Murphy's work. Do you know him ?
B.P : I met him once, we played a gig together at the Rex Club. Very nice fellow, pleasant to talk to. Quiet.

Tell me about the cover. It looks like a postcard and i thought, oh Bill is back, sending us new songs...
B.P : Yeah that's right, every seven years i send a postcard and some new songs (laughs) ! Somebody asked me why it took me so long to release a new album. I'm just saying, to whoever is interested that i ain't dead yet. I'm still alive and this is what is going on now. It's like a postcard exactly. This is a seaside resort, Anglesey. When i was a child, we used to go there. It's a island at the top of Wales. This is the beach. It's amazing, it's the real place. We wanted the colors to match the music, this is why we got it like that.
Jolie album cover by Anton Corbijn

Are you inspired by the ocean, the beach ? I'm thinking about the « Jolie » album cover ?
B.P. : Yeah it's true. But that picture was took in the desert in Los Angeles. We couldn't be any further from the sea. In the Joshua tree part of California. But i know what you mean but it looks like the ocean is just over there. The picture was taken by Anton Corbijn, i think he wanted to give that seaside impression. And this is his own handwriting. He really liked the music and wanted to do the whole cover. He had a vision of what it was going to look like. It's really nice. He's very talented.

You're not touring that much lately...
B.P : Only in Germany. But I know what you mean. I don't usually play more than one gig a year ! I want to come back. I'd love to. I had to.

Back in 1988 you've recorded one album with Daniel Darc. How do you remember him ?
B.P. (touched) : Very funny. Great sense of humour. A great lyricist, probably the greatest.

Funny, really ?
B.P : Oh yeah. There is an ambiguity because his songs are so dark. Actually his lyrics had a lot of humour, but it's not very obvious... His lyrics are troughtful, telling the real thing. And also i remember him because we are both left handed. He's the only person that is more left handed than me ! He was so maladroit. Very talented. Probably the best lyricist i've ever met.

You're playing his tribute show tonight. Is it very moving for you to be here ?
B.P. (lower voice) : It's very touching. I wanted to come to the funeral but i couldn't because it was in Paris, it was complicated. I wanted to play his tribute show as soon as i've heard of it. It's my way to say goodbye to him. I'm only playing three songs but it's going to be nice and spontaneous. That's what i wanted.
http://www.billpritchardmusic.com/

Interview avec Bill Pritchard



(c) Cooper
Sis rue Mazarine et autrefois connu sous les noms de Whisky à gogo ou du Rock n'roll circus, fréquenté naguére par Jimmy Page et les Rolling Stones, le Jane club est l'un des rares endroits parisiens à porter l'histoire du rock n'roll entre ses murs. La légende, en contradiction avec la version officielle, dit que Jim Morrisson serait mort ici, après un malaise dans les toilettes, avant d'être transporté dans la proverbiale baignoire. Même si il est bien moins connu que l'ex leader des Doors, le songwriter anglais Bill Pritchard, de retour avec un magnifique « A trip to the coast » aux allures de classique instantané, tient une place particulière dans nos cœurs grâce à ses albums « Jolie » (1991), « Three months, three weeks and two days » (1989, produit par Etienne Daho) et « Parce que » (1988) en duo avec Daniel Darc ; un disque qui a forcément une résonnance particulière depuis la disparition de ce dernier. Interview, au Jane club, avec Bill Pritchard, dont le retour après neuf ans d'absence fût l'une des excellentes surprises de l'an passé...


Est-ce que tu as un lien particulier avec la France ?
Bill Pritchard : Mon premier contact avec la France, c'est un quarante-cinq tours de chez Vogue que m'a offert mon Grand-Père. Il ne savait pas du tout ce que c'était. J'adorais le design, le logo Vogue, tout ça. J'avais neuf ans. Bien sur à l'époque, je ne comprenais rien. Les années ont passées et je suis allé à l'université à Bordeaux. J'ai fait de la radio libre là-bas. J'ai découvert les chanteurs français des années 1960, le mouvement yéyé. Beaucoup de punk aussi. Il y avait un mouvement punk très intéressant à l'époque, les situationistes. A l'université j'étudiais le français et l'allemand (dans le civil, Bill Pritchard est professeur de français, ndlr). Les écrivains, les poètes, les politiques français m'enchantaient. J'étais captivé.

Tu as habité à Paris aussi ?
B.P. : Oui, je connais tellement de monde ici. C'est vraiment dommage de ne rester qu'un seul soir. Beaucoup de gens viennent me trouver et me disent : « Salut Bill, où t'étais passé ? » (Rires).

Tu ne reviens pas tellement souvent, non ?
B.P. : Non c'est vrai. C'est la première fois depuis six ans. Je suis venu en France en Août, j'ai fait un concert en Normandie. Je suis content d'avoir cette opportunité de revenir. Cela coïncidait avec ma tournée en Allemagne.


Ton dernier album « A trip to the coast » est arrivé un peu par surprise. Honnêtement, je pensais que tu t'étais retiré...
B.P : Moi aussi je le pensais (rires) ! Le disque a été fait avec mon ami Tim Bradshaw. On s'est rencontré au début des années 1990 avant son déménagement aux Etats-Unis. C'est un musicien professionnel, c'est son boulot. C'est aussi mon pote, un des meilleurs. Un jour il m'appelle : « Bill, je suis de retour ». Moi j'avais compris qu'il était revenu vivre à Londres. Je lui ai dit : « Tu sais Tim, je n'aime pas tellement aller à Londres ». Je suis un peu casanier, j'aime bien rester à la maison. Et là il me dit : « Non, non, Bill j'ai déménagé à Stoke, à deux rues de chez toi ! ». Et voilà, il fallait absolument qu'on fasse quelque chose ensemble ! De fil en aiguille, on a fait cet album ensemble, chez moi, à la maison. Ensuite, Remy le bassiste m'a suggéré de trouver un label, il trouvait le résultat vraiment bon. J'ai pensé oui, pourquoi pas ? Tout ça c'est fait de manière très spontanée. Il n'y avait pas de plan pour faire un album tout les sept ans ou quelque chose dans le genre. Ca c'est fait comme ça, c'est tout...

Ce nouveau disque est très acoustique, contrairement au précédent, « By Paris, by accident » qui était plus électronique. Un peu comme un classique instantané...
B.P : C'est amusant parce que, au début, on n'avait pas du tout l'intention de le sortir dans le commerce. On l'a fait avec nos propres moyens et après on est allé chercher un label. En fait on a vraiment fait ce qu'on a voulu. Tim et moi, on vient du même coin d'Angleterre et c'est un album très anglais. Il y a beaucoup de différents endroits d'Angleterre dans ce disque. Et merci pour le compliment ! Ca me fait ma journée.

Souvent, dans tes chansons on retrouve des références géographiques bien précises...
B.P : Cet album a beaucoup à voir avec le mouvement, l'avion, le vol, la transition. Beaucoup de choses ont changées dans ma vie ces derniers temps. La transition, le mouvement, tout ça se termine par ce voyage sur la côte (A trip to the coast, ndlr). On part de Stoke, où on habite avec Tim, et on finit à Anglesey, là où habite mon Papa.

Un petit mot sur tes chansons parisiennes « Paname » et « Pigalle on a tuesday is charming » ?
B.P. : « Pigalle on a tuesday is charming », c'est une chanson intéressante. J'étais assis dans ce restaurant à hamburger à Pigalle. Wendy's burger ou quelque chose comme ça. Je ne me souviens plus du nom, ça n'était pas une chaine. Enfin, c'était un mardi, en 1988, je regardais les gens aller et venir. Et voilà !

Les chansons de ton dernier album me font penser à Elliott Murphy. Tu le connais ?
B.P : On s'est rencontré une fois. On a fait un concert ensemble au Rex Club. Un mec très bien. C'est très agréable de parler avec lui. Un type calme.

Un petit mot sur la pochette ? Elle ressemble un peu à une carte postale. Je me suis dit, tiens Bill est de retour, il nous envoie une carte postale avec de nouvelles chansons ?
B.P : C'est exactement ça, tous les sept ans j'envoie une carte postale avec de nouvelles chansons (rires) ! Quelqu'un m'a demandé pourquoi ça m'avait pris autant de temps pour faire un nouveau disque. Moi je dis simplement, pour ceux que cela intéresse, je ne suis pas encore mort ! Je suis toujours vivant et voilà ce qui se passe maintenant ! C'est exactement comme une carte postale. Tu vois là ,sur la pochette, c'est Anglesey, une station balnéaire où j'allais enfant. C'est une île au nord du Pays de Galles. La plage est incroyable. On voulait que les couleurs correspondent à la musique. C'est pour cela qu'on a choisi ces tons...

La pochette de "Jolie" (1991) signée Anton Corbijn

La plage, l'océan c'est quelque chose qui t'inspire ? Je pense notamment à la pochette de « Jolie »...
B.P : Oui, c'est vrai. Mais la photo en question a été prise dans le désert à Los Angeles. On ne pouvait pas être plus éloigné de la mer. C'était dans le coin du Joshua Tree. Mais je vois ce que tu veux dire, on a l'impression que la plage est juste à côté. La photo est signée Anton Corbijn (devenu depuis réalisateur de cinéma cf. Control, The American, A most wanted man, ndlr), je pense qu'il voulait donner cette impression de bord de mer. Et c'est son écriture sur la pochette. Il aimait la musique et voulait s'occuper de la pochette dans son intégralité. Il avait une vision. C'est très réussi, c'est un type très talentueux.

Tu ne tournes pas tellement en ce moment...
B.P : Seulement en Allemagne. Mais je vois ce que tu veux dire, d'ordinaire je ne fais qu'un seul concert par an ! Il faut vraiment que je revienne. J'en ai envie.

En 1988 tu as enregistré un album avec Daniel Darc « Parce que ». Quel souvenir tu gardes de lui ?
B.P (ému) : C'était un type très rigolo avec un grand sens de l'humour. Et un très grand parolier. Peut-être bien le meilleur.

Un rigolo, vraiment ?
B.P : Oh oui ! Mais il y a une ambiguïté, ses chansons sont tellement sombres. En fait les chansons de Daniel sont pleines d'humour, mais c'est un humour loin d'être évident. Ses paroles sont très honnêtes, il disait toujours la vérité. Et je me souviens de lui parce que nous sommes tous les deux gauchers. En fait je pense qu'il était le seul type encore plus gauche que moi ! Il était tellement maladroit. Tout le temps en train de renverser des trucs. Un type très talentueux. Probalement le meilleur parolier que j'ai jamais rencontré.

C'est le concert en son hommage ce soir. C'est émouvant pour toi d'être ici ?
B.P (il chuchote, ému) : C'est très touchant. Je voulais venir à ses funérailles. Finalement je n'ai pas pu, c'était à Paris, c'était compliqué. J'ai voulu participer à ce concert hommage dès que j'en ai entendu parler. C'est ma manière de lui dire au revoir. Je ne vais jouer que trois chansons, mais cela sera bien. Spontané. C'est ce que je voulais.
Propos recueillis le 24 mai 2014.
Many Thanks to Bill for his kindness.
http://www.billpritchardmusic.com/



Tommy & Co (1989)

mardi 20 janvier 2015

Pat O'May : « Behind the pics »



Contrairement à ce que son patronyme laisse supposer, le guitariste Pat O'May est Français, originaire de Rouen. On peut même dire que, actif depuis les années 1980, Pat est un des piliers de la scène Hard Rock hexagonale, un des ces soldats anonymes du rock n'roll, qui font leur chemin en dehors de toute considération commerciale, à la marge du grand public. Notre héros du jour s'est fait une spécialité de la fusion rock/celtique. Une sorte de Dropkick Murphy (moins punk toutefois), installé en Bretagne, à lui tout seul. « Behind the pics » est donc le neuvième album de Pat et c'est avec la promesse d'un bon moment en sa compagnie que l'on insère le disque dans le lecteur. Le titre d'ouverture « On the moor », déçoit pourtant, grandiloquent, limite pompier, l'amalgame avec le New Symphony Orchestra de Sofia ne se fait qu'imparfaitement. Ailleurs, par contre, Pat fait des merveilles : « No Religion » et « We can dance » sont sèches et bien envoyées, avec ce qu'il faut d'agressivité. L'instrumental « Michael's calling » fait office d'oasis acoustique, une douceur bienvenue, prouvant que le musicien est aussi à l'aise avec ou sans les watts. « My Hate » est une parfaite illustration des deux facettes de son talent, une douce intro folk avant un déchaînement de décibels. Notons au passage que ses cordes vocales sont à l'unisson de celles de sa guitare. Son art de la guitare, Pat la met au service de compositions solides, évitant ainsi l'écueil de la démonstration froide, sans quoi l'exercice se rêvelerait vain et décevant. Bien au contraire, Pat dévoile au fil des titres un songwriting fin et précis (« The Beast ») et des soli judicieux (« Little big horn »). Au final, l'album est rudement bien troussé et fera la joie de tous les nostalgiques du Hard Rock à l'ancienne ou de tout ceux qui aiment tout simplement la six cordes.


lundi 19 janvier 2015

Interview avec Nour Harkati




Tout quitter, sa famille, son pays et ses racines, c'est la pari fou de Nour Harkati venu assouvir en France ses rêves de musicien. Humble et touchant, le jeune artiste, auteur d'un premier album intitulé « Dive », revient sur cette expérience avec des mots parfois très émouvants. Rencontre.

Tu viens d'une famille musicale, avec tes deux parents musiciens. Il y avait beaucoup de musique chez tes parents quand tu étais petit ?
Nour Harkati : Ma Mère était chanteuse. Elle a chanté pendant une dizaine d'années environ. Après elle a arrêté. Elle a sacrifié sa vie pour nous aider. Mon Père était violoniste dans l'orchestre national mais il est décédé quand j'avais six mois. Je ne l'ai pas vraiment connu. Mais ma Mère m'a vraiment ramené à la musique et ça m'a intérressé. Elle m'a vraiment donné envie d'apprendre à jouer d'un instrument. J'ai choisi la guitare.

En Tunisie tu avais accès à beaucoup de musique occidentale ?
N.H : Grâce à internet on avait accès à tout. J'ai découvert beaucoup d'artistes occidentaux comme ça : Radiohead, Pink Floyd, Ben Harper, Jack Johnson etc... C'est la découverte de Ben Harper qui m'a donné envie de faire carrière. J'étais loin d'être professionnel avant. Je voulais juste jouer avec mes amis au lycée.

Qu'est-ce qui t'attire chez lui ?
N.H : Franchement, tout ! Les paroles, sa manière d'être, son parcours et les chansons bien sur. Je n'ai jamais été déçu par un de ses album. Parfois, quand tu suis un artiste, tu peux être déçu par son évolution, le deuxième ou troisième disque sont moins bien. Ben Harper, il m'a vraiment fait plaisir pendant toute sa carrière. Il m'a fait rêver, ça a déclenché un truc en moi.

Et une chanson en particulier ?
N.H : « Amen, omen ». C'est la première que j'ai écouté. Je l'aime beaucoup, elle représente beaucoup pour moi, des souvenirs avec mes amis du lycée, ma famille. Mais j'aime tout ses albums.

Pourquoi avoir choisi l'exil en France ?
N.H : Déjà en tant que Tunisien, la France c'est un pays qu'on connait bien. Et puis il y a une proximité avec la langue, aussi, on maîtrise le français. Ca semblait logique de commencer içi. C'est un bon début. J'y vais doucement, étape par étape. Je reste en France pendant quelques années, je fais un album ou deux. Après on verra, Londres, le Canada ou les Etats-Unis. Mais j'ai préféré commencer par la France. Je ne me sens pas vraiment étranger, pas trop dépaysé en tout cas.

Et ton arrivée, comment ça s'est passé ?
N.H : C'était génial, vraiment bien ! J'ai été vraiment bien accueilli. J'étais hébergé à la cité internationale des arts. C'est une résidence pour artistes, toutes les disciplines sont représentées : peinture, photographie, théâtre, musique. Je me suis retrouvé dans une ambiance conviviale, artistique avec des gens très ouverts, de toutes les nationalités.

Tu t'es fait des amis ?
N.H : Oui bien sur. J'ai été super bien accueilli.

La Tunisie te manque ?
N.H : Ah oui, bien sur. Parfois, j'ai trop envie d'y aller. J'y retourne de temps en temps. C'est l'endroit où j'ai grandi, j'y ai beaucoup de souvenirs. Bien sur, ça me manque...


Le disque s'appelle « Dive » (plonger, ndlr), c'est un verbe que tu utilise également dans les paroles de « Down to the river » et « Between the sunset and the dark ». Le verbe « Plonger » a une signification particulière pour toi ?
N.H : C'est le thème de l'album. J'ai quitté mes études de design graphique dans une petite école d'arts, très sympa, en Tunisie. En 2010 j'ai arrêté pour faire ce dont j'avais vraiment envie, de la musique. Je suis arrivé ici quasiment les mains vides, j'avais une valise et une guitare. C'était l'aventure, sans assurance, aucun diplôme ni rien du tout. Et c'était ma première fois en France, je ne connaissait pas le pays, je n'étais jamais venu même en touriste. Pour moi, c'était le plongeon. Je ne connaissait personne, je suis venu, j'ai fait mon truc. J'essaye encore de le faire d'ailleurs et je suis content du résultat. L'album parle de cette expérience.

Le plongeon, c'est une philosophie de vie ?
N.H : Oui, exactement. La prise de risque c'est très important. Il y a des gens qui n'arrivent pas à dépasser ce stade, la peur, le doute. Ils n'arrivent pas à faire ce qu'ils veulent réellement dans la vie. Du coup ils ne plongent pas. Ils restent toute leur vie à réfléchir, à douter, à hésiter. A se dire : « Ouais peut-être que ça ne va pas marcher ». Moi, je ne fonctionne pas comme ça. Quand j'ai envie de faire quelque chose, je réfléchis bien sur, mais vite fait. Et je passe à l'action.

Tu est plutôt un chanteur folk, acoustique avec une pointe de soul, notamment sur « It doesn't matter what i sing »...
N.H : Quand j'écoute tout l'album mois je dirais plutôt « pop alternatif » mais il n'y a pas vraiment de style précis dans l'album. J'ai essayé de faire quelque chose qui touche beaucoup de monde. Très ouvert, très grand public. De la musique populaire, un peu américaine, parfois calme, parfois très rythmée voire énervée.

Certaines de tes paroles sont très intimistes, « From Paris to love », « Brother »...
N.H : Quand j'étais au lycée, à 17 ans, j'ai essayé de composer des chansons, ça parlait d'amour, des filles... Mais j'avais envie de faire autre chose. Du coup, aujourd'hui ma musique est devenue le reflet de mes expériences personnelles. Je parle de ce que je vis tous les jours, des différents états d'esprit par lesquels je passe. C'est comme ça que j'écris. Je ne voulais pas me prendre la tête, écrire des choses compliquées dès le début, c'est un premier album après tout. Je voulais commencer par un truc simple, organique, naturelle. Le deuxième sera plus précis, mature... Enfin peut-être.

Tu écris régulièrement ?
N.H : Je vis des choses et après il y a une période d'écriture. Je remplis le sac d'émotions et après je fais le tri. Quand une expérience m'a beaucoup touché j'ai envie d'écrire dessus. Pratiquement toutes les chansons du disque ont été écrites à Paris.

En écoutant l'album je me suis demandé pourquoi il n'y avait pas plus de sonorités orientales, des percussions par exemple ?
N.H : C'est quelque chose qui m'interresse beaucoup. Même en ce qui concerne la langue, j'aimerai chanter en tunisien. Mais je sais que cela va venir naturellement. Pour l'instant je suis vraiment branché sur tout ce qui est musique occidentale, américaine. A un moment donné je vais avoir besoin de retourner aux sources, aux souvenirs. Ma culture, ma langue, là où j'ai grandi.

Tu as tourné en Norvège...
N.H : Oui mais c'était une petite tournée, cinq concerts en 2013 et un autre en 2014. C'était nouveau pour moi. Le pays, la culture, des découvertes très intérressantes... C'est comme ça que l'album est sorti en Scandinavie.

Il y a une sortie prévue en Tunisie ?
N.H : Hélas non car il n'y a pas vraiment d'industrie du disque en Tunisie. Mais je vais ramener des cds lors de ma prochaine tournée là-bas. J'ai déjà fait un festival très connu, « Jazz à Carthage ». Les gens ont aimé et ont acheté l'album avant même la sortie officielle.

Comment tu te sens en ce moment avec la sortie du disque ?
N.H : Excité et stressé en même temps. J'ai envie que tout se passe bien. J'espère que tout va se développer de manière intérressante. J'espère voir des choses arriver, des festivals, des concerts, des premières parties. Les voyages, la scène c'est ce que m'excite le plus, c'était mon but premier. Je veux vivre à travers la musique, gagner un peu d'argent... Ca va beaucoup m'aider à défricher le chemin pour le deuxième album. Normalement je serais plus mature humainement, musicalement... En tout cas je suis très content de mon premier album.

C'est un moment émouvant ?
N.H : Ah oui c'est sur. Surtout quand tu est satisfait de ton travail. J'ai vraiment envie de continuer. Les débuts sont toujours émouvants, comme la première fois que j'ai fait la Cigale (une des plus belles salles de concert de Paris, ndlr.), c'était la première fois que j'y allait. Il y avait 1400 personnes, c'était complet et c'était beaucoup d'émotions. Ca me fait plaisir, c'est un résultat inattendu pour moi. Quand je suis venu je ne savais pas ce que j'allais faire en France. Je voulais faire de la musique, c'est tout.
Propos recueillis le 28/10/2014.

Un grand merci à Nour Harkati pour sa gentillesse et à Marion (Ephélide).

samedi 17 janvier 2015

Interview avec Black Strobe


Quelques heures avant une prestation d'anthologie, Arnaud Rebotini, leader de Black Strobe, répond à quelques questions entre le dîner et la sieste réparatrice d'avant concert. Rencontre dans les loges du Fuzz'Yon (spacieuses et beaucoup plus confortables que celles des salles parisiennes dans lesquelles on a l'habitude de traîner nos guêtres) à La-Roche-Sur-Yon.

Il y a eu Zend Avesta dans les années 1990, tes albums solo (« Music Components »), la bande originale d'Eastern Boys (film de Robin Campillo), Black Strobe c'est ton côté rock ?
Arnaud Rebotini : Visiblement oui. Jazz aussi (sourires).

Black Strobe a beaucoup évolué depuis les débuts avec Ivan Smagghe...
A.R : Il a complètement changé même. L'album précédent (« Burn your own church », ndlr) date de 2007, l'évolution vers un son moins typé électronique/dancefloor s'est effectuée il y a un petit moment. On a continué dans cette voie là, on a creusé le côté blues qui était apparu sur « Burn your own church ».

Justement ce nouveau disque (« Godforsaken roads »), on peut difficilement le qualifier d'album blues à proprement parler. Pourtant cette influence rôde, plane au dessus de la musique en permanence...
A.R (il approuve) : J'adore cette musique, la country également. Après pour nous, groupe français avec un background électronique, faire un disque de blues, comme peuvent le faire les Américains, ça n'avait pas de sens. L'idée c'était plutôt de faire une sorte de fusion avec quelque chose qui nous soit propre. Un peu comme un western spaghetti. Du blues avec toutes ces thématiques, ultra fantasmées, mais à l'européenne.

Un titre en particulier a retenu mon attention : « Blues fight ». L'intro est assez disco, après il y a une attaque presque metallique des guitares et le titre se termine avec une coda totalement abstraite. Finalement tout Black Strobe est résumé là, en sept minutes...
A.R : C'était un peu l'idée, enfin le morceau s'est goupillé comme ça, comme un condensé du disque. Il y a tout le côté électronique, les grosses guitares. Ca fait un peu métallique parce que le son est dur, mais en fait l'inspiration vient plus du hard rock des années 70, Grand Funk Railroad... Et à la fin les synthés abstraits, un peu seventies.

Qui sont ces gens qui « sont venus au monde par le trou du cul du diable » ?
A.R. : Tous les exclus dont les parents ne se comportent pas très bien par rapport à l'éducation, aux attentes légitimes des enfants.

Tu te sens de l'empathie pour ces personnes ?
A.R (pudique) : Oui, je pense même que j'en fait partie. C'est vraiment un texte sur les marginaux. L'idée vient du public des concerts de hard rock, dans les années 80 ou 90 :une foule de damnés. Ca a bien changé maintenant.

« He keeps on calling me » m'a rappelé le refrain de « Dead Souls » de Joy Division : « They keep on calling me »...
A.R. : Ouais, Joy Division c'était des grands fans de Black Sabbath. Et Black Sabbath était influencé par le blues. Mais la phrase en question vient du morceau « Someone keeps on calling me » de Mississippi Fred McDowell (bluesman des années 1960, décédé en 1972 ndlr).

Quelles sont ces « routes perdues » (traduction française du titre de l'album Godforsaken Roads) ?
A.R. : C'est les mauvais chemins que tu peux avoir empruntés dans la vie... J'aime bien ce titre, les choses oubliées de Dieu, ce qui par définition est difficile. Ca résume bien aussi le parcours un peu sinueux de Black Strobe au fil des années.

Un chemin qui va de l'électro au blues et vice-versa ?
A.R. : Oui, voilà, on peut dire ça comme ça...


Concernant l'aspect visuel du projet. La photo de la pochette a été prise dans une Eglise, justement. Cette référence religieuse m'a questionné. C'est un clin d’œil au gospel ?
A.R. : C'est une référence que je fais souvent. Mon album solo précédent s'appelait « Someone gave me Religion », celui de Black Strobe c'était « Burn your own church ». Là on retournait dans l'Eglise après l'avoir brûlée. Le rapport entre Dieu et le diable, entre ces deux entités, le bien et le mal, c'est quelque chose qu'on retrouve souvent dans la country ou le blues. J'aime bien. Je trouve que ces bases sont philosophiquement proches de notre monde.

Il y a un côté un peu retro dans la pochette avec les titres sur la première de couverture et le logo de Black Strobe records qui rappelle l'ancien logo de Columbia...
A.R. : C'était voulu. C'est d'ailleurs inspiré par des pochettes de Johnny Cash. J'aime bien les graphismes de cette époque, c'est quelque chose qui me parle. On a essayé de le faire de manière moderne tout en gardant les références.

Finalement, c'est un prolongement de la démarche musicale du groupe...
A.R. : Oui, voilà, c'est un peu comme la musique.

Est-ce que tu as crée un personnage pour Black Strobe ? Je me souviens du clip d' « I'm a man » avec les chaussures blanches et la canne...
A.R. : Non il n'y a pas vraiment de personnage. C'est plutôt moi en général. Pour cette vidéo on avait cette idée de créer une sorte de mac un peu seventies. Bon, c'était pour un clip.

Quel est ton rapport au chant ? C'était un domaine qui t'était un peu étranger à la base...
A.R. : Oui. J'ai mis du temps avant de m'y mettre sérieusement. Avant je me contentait de faire des petits bouts. Mais c'était une envie très ancienne.

Tu as trouvé ta voix de chant assez facilement ?
A.R. : Disons que j'ai emprunté des routes maudites, parfois...

En solo tu te produit seul entouré de tes claviers, il y a des boutons partout, cela ressemble au tableau de bord d'un boeing. Et avec le groupe tu te transforme en frontman, en leader. Que dirais-tu si tu devais comparer ces deux expériences, en terme de plaisir ?
A.R. : Ca n'a rien à voir. En ce moment je prends beaucoup de plaisir à faire Black Strobe parce que l'album est neuf. J'aime bien le fait de chanter. Et puis tu vois, là on fait des concerts, le public est attentif, vient vraiment pour écouter de la musique. Dans la techno aussi, mais il y a beaucoup de gens qui viennent pour faire la fête, danser. La musique devient un prétexte pour boire des coups et s'amuser. Les horaires ne sont pas les mêmes non plus, non vraiment cela n'a rien à voir. Et avec Black Strobe il y a un côté plus écrit. En solo j'improvise beaucoup, c'est très différent.

Ca s'équilibre en fait...
A.R. : Oui, exactement.

Pour Black Strobe il y a aussi une grosse activité en matière de synchronisation. Comment ça se passe ?
A.R. : Je ne choisis rien du tout. C'est les projets qui me choisissent. On est sélectionné pour un film et en général on accepte. C'est Beggars, la maison de disque anglaise qui gère ça. En ce moment cela concerne surtout des chansons de l'album d'avant, « I'm a man » en particulier. C'est négocié par le label avec les héritiers de Bo Diddley.

Et en ce qui concerne l'utilisation de ta musique dans les publicités...
A.R. : Cela ne me pose aucun problème d'être associé à une marque. Je ferai même de la musique pour Areva (géant français du nucléaire, ndlr), pas de souci (rires).

Il y a aussi beaucoup de remixes. Ca ouvre des portes au groupe à l'international ?
A.R. : C'était plus par le passé. Les remixes sortent maintenant sous mon propre nom. Il y a vraiment une séparation entre Black Strobe, très rock, et moi producteur typé électronique. C'est un élément parmi d'autres qui fait que le nom circule, ce qui peut nous ouvrir des portes effectivement.

Vous tournez un peu à l'étranger ?
A.R. : Un petit peu, oui.

Tu as travaillé avec Alain Bashung, quel souvenir gardes-tu de lui ?
A.R. (ému) : Il était sur l'album de Zend Avesta. Il venait juste de sortir « Fantaisie militaire » (album de 1998, ndlr) quand je l'ai rencontré. J'en garde un très bon souvenir. C'était un personnage incroyable, qui ne trichait pas, fidèle à son image. Une rencontre artistique hyper forte. Quelqu'un comme lui, forcément ça te marque. On n'en a pas beaucoup en France de cette trempe, de ce niveau.

Propos recueillis le 20 décembre 2014 au Fuzz'Yon (La-Roche-Sur-Yon)

En concert le 25/02 à la Maroquinerie dans le cadre du festival Les nuits de l'alligator.


Un grand merci à Arnaud Rebotini pour sa gentillesse et sa disponibilité, Thibaut, Marion qui a organisé la rencontre, à toute l'équipe du Fuzz'Yon pour l'accueil et aux amis Vendéens qui m'ont accompagné sur la route.

jeudi 15 janvier 2015

Hayseed Dixie : « Hair down to my grass »



Mesdames et Messieurs, dans le genre de groupe improbable voici les Hayseed Dixie ! D'après la légende, bien orchestrée par le groupe lui-même, ils sont originaire d'un patelin paumé « niché au cœur des Appalaches ». Spécialisé dans le bluegrass, un style de country, celle des montagnes, acoustique uniquement joué sur des instruments à cordes (banjo, mandoline, violon, contrebasse, guitare sèche), les Hayseed Dixie se sont d'abord fait remarquer par un album de reprises d'AC/DC (version bluegrass donc) sorti en 2001, disque qui leur a permis d'assurer la première partie des Australiens sur invitation de Cliff Williams (bassiste d'AC/DC) en personne ! Un projet de même nature consacré à Kiss suivra en 2003 avant que leur leader John Wheeler ne sorte son (excellent) premier effort en solo en 2013 (chronique ici). Tout cela nous mène à 2015 et à ce nouveau disque (enregistré dans une grange, cela s'entends) où le groupe s'attaque au hair métal des années 1980. Si vous avez toujours rêvé d'écouter  "Wind of change" (Scorpion en version allemande !), "The final countdown" (Europe), « Don't stop believing » (Bon Jovi) ou « Eye of the tiger » (Survivor) au banjo, votre vœu est finalement exaucé ! L'occasion nous est donc ainsi donnée de redécouvrir ce répertoire honni sous un nouvel angle. Et de se rendre compte que certaines de ces chansons n'étaient finalement pas si mauvaises sans l'immonde production des années 1980 et l'outrage du temps qui en a découlé. Une curiosité donc mais aussi un authentique grand disque joué avec maestria ces musiciens étant loin d'être manchots.
En concert le 27 février à la Maroquinerie dans le cadre du festival les nuits de l'alligator
http://www.hayseed-dixie.com/Home.html

mercredi 14 janvier 2015

The Ringo Jets



En voilà une surprise qu'elle est bonne ! En provenance directe d'Istanbul voici The Ringo Jets, un trio déjanté à la composition originale, deux guitaristes et une batteuse, sans basse (tiens, tiens, coucou les Cramps). Alors certes les grincheux pourront dire que le groupe n'invente rien et écule les mêmes recettes depuis quarante ans ou presque... Mais qu'importe le flacon tant que l'on a l'ivresse. Et question ivresse, de décibels bien sur, les Ringo Jets se posent là. Les Ringo Jets, c'est tout d'abord un art inspiré de l'écriture. En effet leurs chansons sont autant de petites perles, trois minutes maximum, entre inspirations blues (« Shake your hips ») et aspirations rock (« The Place ») ; le tout délivré avec précision, rage et un grain de folie salvateur. Difficile de résister à un tel flot, que dis-je un déferlement, de décibels. The Ringo Jets s'installe donc dans une longue lignée, débutée dans les années 1960, de groupes garage et intrinsèquement rock n'roll (n'roll, on insiste c'est important). Pas foncièrement original, certes, mais tant qu'il sera joué avec une telle fougue et une passion aussi bruyante le rock n'roll ne mourra jamais. De plus, le groupe renoue avec une certaine idée de la rébellion puisque « Spring of war » fut l'hymne de la révolte du parc Gezi en mai 2013 (mouvement prestataire et antigouvernemental). Pas le moral ? Fatigué ? Grippé ? Ecoute les Ringo Jets, t'es remis d'aplomb en trente minutes chrono ! Résultat garanti !
https://twitter.com/TheRingoJets

lundi 12 janvier 2015

Volage : « Heart Healing »



Découvert l'an dernier par le biais de l'excellent EP « Maddie », Volage, le quatuor originaire de Le Blanc (commune sise dans l'Indre) nous revient avec un premier album en bonne et due forme. Contrairement à la nature morte figurée sur la pochette, Volage a une vision du rock n'roll bien vivante et haute en couleurs. Comme souvent en matière de garage rock, on pense beaucoup aux années 1960 à l'écoute du disque mais il s'agirait en l'espèce d'une vision globale à 360° couvrant un spectre assez large. Bien évidemment l'album n'est pas avare en guitares, du bon gros son comme on l'aime. Cette puissance sonore, Volage l'applique à des compositions bien sagement pop, sunshine, éclatantes comme un coucher de soleil sur une plage de Californie. Pensez aux Beatles de « Helter Skelter » (morceau le plus violent du corpus des quatre de Liverpool) ou bien à une version punk des Beach Boys, comparaison assez juste puisque le disque est gorgé d'harmonies vocales et autres arrangements baroques. Bénéficiant d'un travail approfondi d'écriture et de production, l'album se révèle riche en chausses-trappes et autres faux-semblants. Chaque chanson possède son lot de surprises partant dans une direction pour mieux faire demi-tour une fois arrivé au refrain. Une seule écoute ne suffit pas pour faire le tour de cet album particulièrement consistant. Appelons cela une réussite.


dimanche 11 janvier 2015

The Lilix & Didi Rock Band : « Autre chose à faire le soir »



Chronique un peu particulière aujourd'hui puisque l'album dont on vous entretien est l'oeuvre de deux musiciennes agées d'une dizaine d'années seulement. Lilix et Didi forment la section rythmique du groupe assistées par un (excellent) guitariste bien connu sur cette page, Lionel, membre des Mooonshiners et accessoirement professeur de musique des deux écolières. La sortie de ce disque a été rendue possible grâce PEDAGOSIC, une association menant une action pédagogique dans le domaine des musiques actuelles, notamment en facilitant l'accès à la scène.

Alors bien entendu, vu le très jeune age des protagonistes, il est encore impossible de parler d'une identité artistique bien affirmée. Cependant, le trio râtisse assez large, dans des styles assez variés avec une compétence stupéfiante (compte-tenu de leur age encore une fois). L'album commence sur une note plutôt rock/punk avec « Pas juste », dont les paroles trahissent toute la candeur des 10 ans de deux musiciennes (« J'ai pas envie de faire mes devoirs / J'ai autre chose à faire le soir »). Une note de fraîcheur plutôt bienvenue en ces temps troubles. Un peu plus loin, le duo s'attaque au blues avec une profondeur surprenante (« Life by the drop », « Jouer devant vous ») et même au jazz (« Je ne sais pas ») avec une grande justesse rythmique. Venu faire un petit coucou Didier Wampas se retrouve derrière le micro de « J'ai avalé une mouche » (« J'ai avalé une mouche en roulant sur mon vélo »). Et on avoue pour notre part un penchant particulier pour la reprise tribale (soulignons une fois encore le justesse rythmique du duo) du classique rock n'roll « Bo Diddley » (Adaptée en français pour l'occasion c'est important de le signaler). Parmi les bonus enregistrés live on retrouve une adaptation dans la langue de Molière de « Confortably numb », titre fameux de Pink Floyd. Un mot pour finir sur la chouette pochette d'inspiration BD signée Frank Margerin.
En concert le 24/01 (17h00) au Radazic (Esplanade de la République 91940 Les Ulis)


jeudi 8 janvier 2015

Mountain Men chante Georges Brassens



Sur l'album « Spring time coming » (sorti en 2009) le duo blues acoustique Mountain Men avait étonné avec une reprise des « Marquises » de Jacques Brel, dévoilant ainsi une appétance particulière pour la chanson française assez éloignée de la musique ternaire. Mais après-tout Mr Mat, pseudonyme du chanteur Mathieu Guillou, ne venait-il pas de cette scène typiquement française ? Aujourd'hui, le duo est de retour avec un nouvel album consacré à une autre figure légendaire de la chanson : Georges Brassens. Le projet est ambitieux, un double album, 20 reprises de Brassens dont 19 sont issus de l'enregistrement d'un concert donné sur Radio Sing Sing en octobre 2013. Le duo applique aux compositions du grand Georges ses recettes habituelles, transformant ces dernières en blues brûlants. La formule, appliquée à ce répertoire fait des merveilles : la voix de gorge, grave, de Mr Mat transforme chaque mot en émotion palpable, que l'on ressent également dans le jeu prenant de guitare folk. Et les interventions de l'Australien Barefoot Iano à l'harmonica sont toujours aussi judicieuses et empreintes d'un feeling blues profond. Enregistré en public, l'album retranscrit fidèlement l'ambiance conviviale du concert, refrains repris en cœur par la foule et applaudissements nourris, témoignant ainsi de l'universalité de ce répertoire (cf. « Chanson pour l'Auvergnat »). Un excellent disque qui ravira autant les fans de blues acoustique que de Georges Brassens.

mardi 6 janvier 2015

1 =0 Qui ? EP



1=0, derrière ce patronyme énigmatique se cache une formation qui sort son quatrième EP. Alors que le cd commence, on est happé : un son de guitare brut, une rythmique affolante. Au dessus du chaos plane une voix déclamant des textes engagés comme une sorte de poésie du désespoir. Quelque part entre Noir Désir (encore!) et Diabologum. Le groupe pratique une espèce de coup de poing musical. Les titres sont courts et se terminent souvent brutalement. Même si on déplore depuis longtemps l'influence trop pregnante de Noir Désir sur la scène française, quelque chose chez 1=0 interpelle. L'engagement des musiciens ne fait aucun doute, l'intensité va crescendo tout au long de ce court disque (4 titres) qui se termine « cash »...

lundi 5 janvier 2015

Sticky Fingers : « Land of pleasure »



Venu d'Australie, les Sticky Fingers n'entretiennent que de très loin un vague cousinage avec les Rolling Stones dont ils ont emprunté le nom d'un fameux album. Point de revival rock seventies ici donc. Mais, à la place, un savant mélange de pop mâtiné de reggae et un soupçon d'électro pour la note contemporaine. L'album part assez péniblement avec un « land of pleasure » ampoulé, cela ne s'arrange guère avec « Just for you » dont le tabassage électro épuise... Par contre, on craque sur le groupe lorsqu'il se décide de jouer simplement de jolies mélodies (« Gold Snafu »). A ce titre, l'acoustique toute bête de « Run Rage » et « Liquourlip loaded gun » séduit. Le groove chaloupé des titres reggae (« Feast your eyes » ; « Fake a smile » ; « Show no shade ») nous fait fondre et l'influence pregnante des Stone Roses de la grande époque en fin de programme n'est pas faîte pour nous déplaire (« If you go » décalque de « Fools Gold » aurait trouvé sa place sur le premier disque des Mancuniens). En dépit d'un début de disque assez poussif, les Sticky Fingers proposent au final un album loin d'être désagréable dont le manque de maturité constitue le principal défaut.


vendredi 2 janvier 2015

Pond : « Man it feels like space again »



Nouvel album pour la formation australienne qui a la particularité de partager un certain nombre de ses membres avec Tame Impala, un des gros cartons de ces dernières années. Comme de bien entendu il est question ici de rock psychédélique, genre musical que Pond attaque suivant un angle un peu différent de celui du groupe frère. Pour ce sixième effort Pond a donc décidé de nous envoyer dans l'espace à grand coups de guitares psyché, de voix trafiquées et de claviers à la limite du kitsch. Un espèce de grand délirium sous la haute influence des années 1970. Complètement barré (« Heroic Shart »). Ce nouveau cru s'éloigne un peu des influences garage/hard rock du disque précédent pour privilégier une nouvelle approche plus pop et on croit même déceler un soupçon de disco dans les rythmes toujours mené tambour battant par une section rythmique d'une remarquable efficacité (« Zond », « Outside is the right side »). Il y a peut-être un peu moins de « roll » dans le rock de Pond, mais ce dernier reste toujours aussi fou et imprévisible. Avec « Sitting up on our Crane » le groupe abat une nouvelle carte douce et mélodique alors que "Medicine hat" surprend par sa simplicité acoustique. Notre intêret ne s'en retrouve que décuplé. Un effort consistant pour bien débuter cette nouvelle année.
https://www.facebook.com/pondling

jeudi 1 janvier 2015

Birth of Joy : « Prisoner »



Deuxième album pour ce trio psychédélique hollandais. Groupe aux contours difficilement définissables, il serait simple, bien trop simple, de classer les Birth of Joy dans la catégorie des simples revivalistes. Alors, oui certes, il y a un peu de cela dans la démarche du groupe, on y entends des réminiscences des années 1960 et 1970, un peu de blues, beaucoup de garage rock. Mais pas seulement. Adeptes d'une démarche à la limite de l'expérimentation, les Birth of Joy n'hésitent pas à traîner leurs compositions dans la gadoue, partant dans de longues improvisations instrumentales/bruitistes, où l'orgue et la guitare se disputent le haut du pavé. Poussé dans ses ultimes retranchements, le rock psychédélique n'en ressort que grandi. De nouvelles influences se font alors jour et on croit même déceler un peu de métal stoner chez ces Hollandais complètements frappadingues. Birth of Joy ouvre ainsi une nouvelle voie, fidèles à ses préceptes des années 1960 concernant l'instrumentation très organique (guitare, basse, batterie, orgue) mais avec une puissance d'exécution tout ce qu'il y a de plus moderne. Une réussite.
https://fr-fr.facebook.com/birthofjoy