dimanche 31 mai 2015

The Madcaps LP


(c) Virginie Strauss


Formé en 2013 à Rennes, les Madcaps s'installent peu à peu dans le garage hexagonal. Après un premier EP très marqué par le rockabilly, le quatuor change, très légèrement, de route. Toujours aussi rock n'roll, les Madcaps tentent sur ce premier album en bonne et due forme de concilier leur puissance électrique rock avec une sensibilité mélodique pop héritée des années 1960. Une démarche qui n'est pas sans rappeler leur collègues de label, Volage. Et cela donne des choses étonnantes à l'image de cette flûte qui orne « I knew it all » (le titre d'ouverture). Sans jamais baisser le volume des guitares (l'amateur du rock pur et dur sera servi), le groupe s'amuse avec les codes du psychédélisme (« Emily Vandelay ») pour mieux faire bouger les lignes. Outre les guitares rêches, le disque est riche d'harmonies vocales à la Beach Boys et de petites trouvailles insolites et baroques (claviers, guitares acoustiques, percussions etc...) qui ajoutent autant de couleurs à la palette. Mené sur un tempo infernal, l'album dure une petite demie heure, The Madcaps jouent la carte de l'efficacité maximum. Tout cet arsenal est mis au services de chansons qui, sans déborder d'originalité, sont bien écrites et riches en fausses pistes et en hooks mélodiques aisément mémorisables (« Too good to be true », "Moon Night"). Loin de se contenter du revivalisme de circonstance, les Madcaps donnent une nouvelle jeunesse à ce genre de rock très daté grâce à une production moderne et dynamique. Une belle réussite. Et si la France tenait là ces Allah Las ?

samedi 30 mai 2015

Super Furry Animals : « Mwng » (Réédition)



15 ans après les faits, on se demande encore quelle mouche a bien pu piquer la bande de Gruff Rhys. Petit rappel des faits. En l'an 2000 les Super Furry Animals ont sortis trois albums qui ont dans l'ensemble plutôt bien marchés, au point d'en faire de serieux outsiders sur la scène britannique. C'est alors que sort « Mwng » disque qui a la particularité d'être chanté dans leur langue maternelle : le gallois (pour la petite histoire, il s'agît d'ailleurs de la meilleure vente de tous les temps pour un album chanté dans cette langue). Un sacré risque pris par le groupe, celui de se couper de son public qui, dans sa grande majorité, ne comprends pas un traitre mot à ce qui se trame ici : Ymaelodi A'r Ymylon ! Et pourtant, petit miracle comme seule la musique peut nous en procurer, la magie opère. Réalisé avec les moyens du bord et un budget dérisoire, le groupe mené par Gruff Rhys se concentre sur l'essentiel : les chansons. Il y a, en effet, comme une évidence mélodique qui de se dégage de cette effort, très riche et très varié sur le plan musical. « Drygioni » ouvre les débat de manière assez nerveuse, une attaque punk, toute guitares dehors qui ne dépasse pas la minute trente. On tape tout de suite dans le dur avant de prendre le contrepied total avec la jolie comptine folk « Ymaelodi A'r Ymylon » et ses harmonies vocales digne des Beach Boys. L'enchaînement qui arrive touche au sublime : « Y Gwyned lau », sorte de torch song nocturne agrémentée d'une trompette jazzy du plus bel effet : magnifique ! C'est ensuite que déboule le joyau caché de l'album « Dacw hi », superbe chanson power pop portée par un riff de guitare inoubliable, le groupe s'élève alors au niveau de Big Star, c'est dire ! Bien loin d'être une tentative celtique hasardeuse, « Mwng » est au contraire une occasion rêvée pour les Super Furry Animals de rendre hommage aux groupes solaires et lumineux qui ont écrit l'histoire de la pop. Peu importe que l'on ne comprenne pas un mot cela n'empêche nullement d'en saisir les nuances et les émotions. « Mwng » est la preuve éclatante que la musique est un langage universel.




vendredi 29 mai 2015

Kamchatka : « Long road made of gold »



Kamchatka. Derrière le nom, un peu barbare il faut bien l'avouer, se cache un redoutable trio Suédois qui jusqu'ici nous avait un peu échappé alors que le groupe sort son sixième effort. Il est facile de remonter les racines de Kamchatka qui se situent dans les formations reines des années 1960 et 1970. Loin de se contenter du simple revivalisme, le trio pousse le bouchon (et les potards des amplis) assez loin. La dynamique et la production sont tout ce qu'il y a de plus moderne. Le son est ample et énorme à la fois, normal, il a été concocté par Russ Russell (un producteur habitué des groupes de métal extrême genre Napalm Death). Kamchatka séduit par son opiniatreté à trouver de l'originalité sans pour autant franchement dévier de sa route. On pense au banjo de « Take me back home », le titre d'ouverture, qui prends des allures country, ou aux influences blues qui fleurissent dans le jeu de guitare de Thomas Andersson (« Long Road »). Les Black Crowes ne sont pas très loin. Ailleurs, le groupe est adepte d'un rock puissant et musclé (« Made of Gold », « Dynamo », « Slowly drifting away ») mais avec un réel savoir faire. Loin de se contenter des formules toutes faites, le trio joue les têtes brûlées avec ses compositions, partant dans des expérimentations heavy/psychédéliques à base de guitares barrées sur un beat surpuissant (« Mirror »). Quant à « Rain », le morceau explose la pop de l'intérieur. Fort. Voici un groupe tout à fait à même de réconcilier les nostalgiques avec le rock d'aujourd'hui.


jeudi 28 mai 2015

58 Shots : « You don't mess with the Lion »



Gare aux coups de griffes ! Avec son premier album « You don't mess with the Lion », le quatuor Belfortain 58 Shots remet au goût du jour un rock racé et puissant situé dans la droite lignée des groupes des années 1960/1970 qui ont écrit la légende de cette musique. 58 Shots c'est tout d'abord une science du riff de guitare imparable et un sens du risque calculé, Cédric (le guitariste) n'hésitant pas à partir dans des directions parfois assez inattendues. Gros son, sens de l'attaque et du timing, le disque enfile les riffs et autres soli de six cordes comme autant de perles. Classique rock, heavy ou infusé d'influences blues grasses à souhait, quiconque aime la guitare se doit d'aimer ce disque ! Evidemment un tel déchaînement de notes ne tient la route que si la section rythmique tient la baraque ce qui est le cas en l'espèce (cf. « She's a chick with a dick », « No need to call me back », le funk groovy de « You won't drive me insane »). La basse bourdonne dans son coin alors que la batterie collectionne les breaks : ça dépote sec ! Un petit mot pour finir sur Arthur, le chanteur, qui vocalise puissament dans les aigus avec Robert Plant (Led Zeppelin) et Brian Johnson (AC/DC) pour modèles. Pas foncièrement original, certes, mais exécuté avec maestria, le disque se révèle une bonne surprise (de plus) en provenance de l'est de la France. A découvrir.


mercredi 27 mai 2015

William Elliott Whitmore : « Radium Death »


(c) Chloe Millward Whitmore


Issu d'une famille de fermiers de l'Iowa, William Elliott Whitmore, a d'abord découvert la musique par le prisme de la country dont il reste des traces dans son jeu de guitare (cf. « Trouble in your heart ») ou dans son utilisation du banjo (cf. la magnifique « Civilizations »). Plus tard, la découverte de la scène punk des années 1980 jouera un rôle déterminant dans l'évolution musicale de William qui peu à peu cède au charme des sirènes électriques bien aidé dans sa tâche par son cousin Luc Tweedy, producteur et propriétaire des Flat Black Studios sis à Iowa City. Au fil de l'écoute de son nouvel effort, le septième déjà après douze ans de carrière, William s'impose comme une sorte de Neil Young avec ou sans Crazy Horse à lui tout seul. Capable de rêverie acoustiques sentant la paille à plein nez et évoquant des champs à perte de vue (« Can't go back ») comme de fulgurantes attaques chargées d'électricité à en perdre haleine (« A Thousand Deaths », « Don't strike me down »). Sa voix de gorge profonde et éraillée, sentant le vécu, la terre, tout ça, le classe d'emblée dans la lignée des grands songwriters et rappelle parfois Steve Earle. Situé au croisement de différentes cultures, entre tradition rurale folk country et irrévérence punk rock, William Elliott Whitmore ravira aussi bien les fans de Seasick Steve ou les nostalgiques de Calvin Russell. Excellent.


mardi 26 mai 2015

Interview with Teddie Dahlin

The Sex Pistols in Trondheim, 1977

Back in 1977, Teddie Dahlin was a young teen living in the quiet town of Trondheim, Norway. On one summer day, The Sex Pistols, one of the hottest punk band of the era, are coming to town for a gig. Young Teddie got a job as a translator for the band before falling for bassist Sid Vicious. Almost 40 years later, Teddie finally told the story with fond and tender words in a fascinating book called A Vicious love story.

Teddie back in the days (1977)
Can you explain to us, how and why you wrote the book? And Why write a book now after so long? 

Teddie Dahlin : I never planned to write a book. I didn’t think anyone would be interested. In 2010 a Norwegian author, Trygve Mathiesen, contacted me about a book he was writing; Sex Pistols Exiled to Norway. It was a catalogue of the people who had attended the concerts back then and their place in society−‘I Swear I was There’, sort of thing, and he had been told I was involved. I wasn’t interested to begin with, but the man was nice and I felt he was genuine, so I decided to help him out a little. He’s a sociologist and his book was the second in a series about important music events in Norway. 

I was shy about revealing details about my private life to the world so I kept my information brief. Trygve was more interested in where we (the band as a whole) went, what we ate, what they talked about etc. I ended up writing a huge chunk of his book.

The book released March 11th 2011 and I couldn’t believe the interest. The press kept ringing asking for interviews. I was getting calls from the UK and the US and when I refused to talk to them, they called my family, who still lived in England and Tore Lande (the promoter) who was in Malta at the time. It was crazy! When I wouldn’t talk to them – other people did. Articles started to turn up in the Norwegian press about Trygve’s book and in the UK and on blogs all over the world. It was scary. One place said ‘Teddie IS the book’ – indicating they found my details more interesting than the cold hard facts and charts of the social anthropology the book was meant to be about. Certain people wrote about details I’d left out of the book and there seemed to be speculation, which turned into lies. Tore Lande, who is an old friend from since I was 14 years old, phoned me from Malta and said ‘You have to write your own book. Tell them how it was. Set the record straight.” So I did. 

Was the book hard to write on an emotional stand point?

Teddie : Absolutely. It is probably one of the hardest things I’ve done. I’m sure everyone remembers their first love. When that person dies it’s just so much harder to handle. Sid died 19 months after I’d met him. I was 18 and had put our friendship away in my heart as a lovely memory. I always believed I would see him again, I just needed to grow up a little first. When he died it knocked me over. I couldn’t handle it. So instead of grieving I put it away in a little place at the back of my mind. I didn’t want to think about it or him and I avidly avoided anything about it after that.

The first chapters were easy to write, and it wasn’t until I got towards the end that it hit me full on emotionally again. Suddenly I had to grieve. Just because 35 years had passed didn’t make it any easier.

Were you afraid of revealing too much intimate details ?

Teddie : Does this mean sex? When writing I kept asking myself whether Sid would be okay about me telling people this and that. However when it comes to the intimate details I knew Sid wouldn't give a toss about it. He couldn't care less who knew what, but here I care. It wasn't just Sid's intimate life, it was mine too. So I decided to close the bedroom door on that in the same way I would never have sex in public. It is nobody's business and although I'm sure the book would be more interesting to certain people if I had gone into detail, the book isn't about that.

After gig party in Trondheim, 1977
Did you stay in touch with the remaining members of the Sex Pistols?

Teddie : No. Sid kept sending me messages with mutual friends up until Christmas 1977, but I didn’t meet them again. Malcolm McLaren had organised a new Scandinavian tour for straight after the US tour of January 1978. Sid asked me to meet him in Stockholm. I was excited that he kept in touch and that I was obviously in his memories and his heart. Everyone knows what happened on the US tour – the band split and the Scandinavian tour was cancelled.

When working on the first book for Trygve, I came into contact with the roadie from the tour. Roadent was the original roadie for The Clash and then The Sex Pistols before he went off to become a film star in Germany for a while. We hadn’t talked for over 30 years and it was great to meet up again. We are still in contact and get together when I’m in London.

When writing a Vicious Love Story, I was worried about how I would end the book. I planned to leave it with the van driving off, but was contacted by Eileen Polk, who was in New York at the time of Sid’s death. She’s a photographer and was DeeDee Ramone's and Arthur ‘Killer’ Kane’s girlfriend back then. She told me a lot of things I didn’t know about what really happened and I decided to contact other people who were there. This book was going to be a testimony from people who were there, not a speculation into what happened, which so many others have done before. I met with Peter Gravelle in London. He was the person who got the last heroin for Sid which he overdosed on. The last chapters in the book are told by the people who were there and who are my dearest friends.

After gig party in Trondheim, 1977

This is amazing how detailed the story is. You've spent only few days with Sid but it really looks like a long time relationship.

Teddie : Absolutely. Let me explain about why it’s so detailed:

When I moved to Norway from England in 1975, I spent the first year working hard on studies and perfecting my Norwegian language skills. In 1976 I went back to the UK for a holiday and I found myself struggling with my English. I was mixing English and Norwegian. That’s when I decided to write a diary in English to make sure I kept both languages fluent. You can imagine how I felt: 16 years old and in love with this amazing guy. Everything, all the feelings and every detail went into that diary.

Sid and I just ‘clicked’. It was instant and the trust was there immediately. We talked and talked and talked. It was like we both sensed our time together would be brief and we had to cram as much into it as possible. I’ve never experienced anything like that before. Looking back I expected him to be much more guarded about details of his life, but he wasn’t. Still now Sid can trust me. When I wrote the book I had an urgent sense of doing the right thing. People speak of him as an idiot and a junkie – that’s not the guy I met. I think the world needs to see a different side to the caricature of popular myth. 



In the end, do you wish you would have stepped in the van with the band?

Teddie : Back then initially I regretted not going with him. Of course, I was in love and wanted to spend more time with him. Two girls from the Bromley Contingent, Tracey O’Keefe and Debbie Juvenile were there with me and Debbie was mad as a hatter that I wouldn’t leave Norway for Sid. She was livid. She sat with me on the steps outside the hotel as I penned a letter to Sid, she would take with her back to London. I was adamant that although I didn’t go to Sweden, I would come to London.

But with hindsight I think I did the right thing. I think Sid would have ended up hurting me if I went. Sid didn’t do any drugs around me except once. I threatened to leave if he did any and he swore he wouldn’t. I was with him all the time and he kept his promise. But I don’t know how long I would have had that power over him. I knew deep down the life he had was not the one he wanted. But just because the circus has left town doesn’t mean the monkey wasn’t still on his back. 

There is a lot to be said for hindsight, but back then there was so much I couldn’t see – things I didn’t know. As the years have passed I have been contacted by people who have things to tell me and it really is devastating. You see, I was unsure of Sid’s feelings. He was the big Punk Rock Poster Boy. I was just a young girl. I knew what I saw in his eyes when he was with me, but when he left I started to question the reality of it all. Was I just one in a thousand other ladies Sid met on tour? It was this distrust and disbelief, together with the fact that my mother confiscated my passport, that led me to cancelling my plans on going to London – even though I got messages from Sid urging me to come. Now, whilst writing my book I suddenly learned that Sid had kept his promises to me for several months. 

Sid and the band went to Stockholm for a concert on a Saturday night. A Swedish photographer who covered the gig said Sid was quiet. He played the concert and left and went to bed at the hotel. This was Mr Punk himself out on a Saturday night! I’m hoping he didn’t feel like partying because he was sad about us. I will never know.

I’d asked Sid to keep away from Nancy. He promised. He said it was over. Actually it never was more than an on off thing when I met him, and it was definitely OFF at the time. He was angry with her disloyalty. He didn’t care if she slept around. It didn’t mean anything at the time and he promised to keep away. I was in Norway and was told that he wasn’t seeing her. After Christmas and the US Tour he was with her and I simply assumed he had been all the time. Now I learned that the driver back in the autumn of 1977, Barbara Harwood, told Jon Savage in his book England’s Dreaming volume 2 that Sid had asked her to keep Nancy away from him. She had started turning up at gigs and he didn’t want her there and he didn’t want anything to do with her. She also said Sid begged her to help him get clean. One night he got into a fight and had to go to the hospital and Nancy was there. Barbara wrote that she regretted not listening to Sid, but allowed Nancy to come with them to the hospital and I’m guessing that’s when she got close to him again…. It’s hard to hear these things so many years later. I get so full of remorse. Could I have made a difference to his life if I’d just followed my heart?

Do you still listen to the Sex Pistols?

Teddie : No, I didn’t listen to their music back then and I don’t now. I was never a punk or a fan of the band or a fan of anyone really. I was there to do a job as translator. 

Teddie now.

How's your life now?

Teddie : It has changed a lot since 2011. Drastically! I have written 5 books. Two non-fiction and three crime/fiction. I bought a publishing company in the UK back in 2012, New Haven Publishing Ltd, and it is growing so fast it’s fabulous. I have 12 authors who have several titles released with New Haven. We have branched out to foreign language books and the French edition of Vicious was first. It is also available in Russian. Writing is my passion and I dabble contrarily as a freelance music journalist mostly for UK magazines but also lately for Punk Globe in Los Angeles. The journalism came from being interviewed so many times. Then one magazine asked me to get an interview with a certain famous friend of mine and when he agreed they asked me to do it. So that’s basically how that started. 

I still live most of the time in Oslo, Norway, but since my company is in the UK, I end up spending time there too. I have become a bit of a nomad. :)

A Vicious Love Story by Teddie Dahlin
New Haven Publishing Ltd













lundi 25 mai 2015

Interview avec Teddie Dahlin

Les Sex Pistols en action à Trondheim en 1977
Le 21 juillet 1977, alors que les Sex Pistols débarquent dans la tranquille petite bourgade Norvégienne de Trondheim, la vie de Teddie Dahlin, jeune ado bilingue chargée d'assurer les traductions pour le groupe, va brusquement basculer. La rencontre avec Sid Vicious et le coup de foudre qui a suivi va profondément boulverser la jeune femme. Trente huit ans après les faits, Teddie a consigné ses souvenirs, avec beaucoup de tendresse, dans un passionnant ouvrage A Vicious LoveStory (chronique ici). L'auteure a accepter de répondre, par email, à quelques questions laissant apparaître une émotion à fleur de peau...

La soirée d'après concert, Trondheim 1977
Est-ce que tu pourrais nous expliquer pourquoi et comment tu as écrit le livre ? Et pourquoi avoir attendu aussi longtemps, presque quarante ans, pour raconter cette histoire ?
Teddie Dahlin : Jamais je n'avais prévu d'écrire un livre. Je pensais que cela n'avait aucun intérêt. Et puis, en 2010, Trygve Mathiesen, un auteur Norvégien, m'a contacté à propos d'un ouvrage sur lequel il travaillait, Sex Pistols Exiled To Norway. C'était comme une sorte de catalogue des gens qui avaient assisté aux concerts du groupe en Norvège. Un truc dans l'esprit « j'y étais ». On lui avait suggéré que j'avais été en contact avec le groupe à l'époque. Au début, je n'étais absolument pas interéssée. Mais bon, le mec était sympa et avait l'air sincère alors j'ai décidé de lui filer un coup de main. Il est sociologue et son livre était le deuxième d'une série consacrée aux événements musicaux d'importance en Norvège. J'étais timide et réticente, je ne voulais pas révéler des détails de ma vie privée alors je suis restée assez évasive. Ce qui intéressait surtout Trygve c'était de savoir où le groupe avait mangé, ce que nous avions fait, de quoi on avait parlé etc... J'ai fini par écrire une bonne partie de son livre. Le livre est finalement sorti le 11 mars 2011 et a connu un succès incroyable. J'ai eu beaucoup de demandes d'interviews, j'ai reçu des appels des Etats-Unis et d'Angleterre et quand je refusais de donner suite, on questionnait ma famille, qui habitait en Angleterre, et Tore Lande (le promoteur du concert des Sex Pistols) qui à l'époque vivait à Malte. C'était dingue ! Même si je refusais de parler, d'autres le faisait à ma place. Il y a eu des articles à propos du livre de Trygve dans la presse Norvégienne, sur les blogs au Royaume-Uni et un peu partout dans le monde. Ca devenait effrayant ! Quelqu'un à dit « Teddie est le livre » en précisant que les détails que j'avais apportés étaient plus intéressants que l'approche anthropologique qui était à l'origine le sujet. Certains détails ont été dévoilés, des spéculations qui sont ensuite devenus des mensonges. Tore Lande, qui est mon ami depuis mes 14 ans, m'a appelé de Malte et m'a dit d'écrire mon propre bouquin pour raconter l'histoire et mettre les choses au point. C'est ce que j'ai fait. 

C'était un livre difficile à écrire d'un point de vue émotionnel ?
Teddie : Absolument. C'est probablement l'une des choses les plus difficiles que j'ai jamais faite. Tout le monde se souvient de son premier amour. Quand cette personne décède c'est tellement difficile à gérer. Sid est décédé 19 mois après notre rencontre. J'avais 18 ans et j'avais caché notre amitié au fond de mon cœur comme un souvenir affectueux. J'ai toujours cru que j'allais le revoir. Il fallait juste que je grandisse un petit peu avant. J'étais abattue après son décès. Je n'arrivais pas à m'en remettre. Au lieu de faire mon deuil, j'ai rangé tout ça dans un coin de ma tête. Je ne voulais pas y penser, je ne voulais plus penser à lui. Après, j'ai tout fait pour éviter tout ce qui pouvait me rappeler tout ce qui s'y rattachait. Les premiers chapitres ont été faciles à écrire. Et puis, quand je suis arrivée vers la fin, toutes les émotions sont revenues d'un coup. J'ai tout pris en pleine tête. Soudainement, il fallait que je fasse mon deuil. 35 années s'étaient écoulées, ce n'est pas pour cela que c'était plus facile.

Tu n'as pas eu peur de révéler trop de détails intimes ?
Teddie : Tu veux parler de sexe ? En écrivant, je n'arrêtais pas de me demander si Sid aurait été d'accord que je raconte tout ça. Savoir qui savait quoi, Sid s'en foutait. Mais ce n'était pas mon cas. Ce n'était pas seulement la vie privée de Sid, c'était la mienne aussi. Alors j'ai décidé de « fermer la porte de la chambre à coucher » de la même façon que je ne ferais jamais l'amour en public. Ca ne regarde personne. Pourtant je suis sûre que le succès du livre aurait été encore plus important et attiré un public plus large si j'avais révélé certains détails. Mais ce n'est pas le sujet.

C'est un livre nostalgique ?
Teddie : Oui, très nostalgique en effet.


La soirée d'après concert, Trondheim 1977
Tu es restée en contact avec les autres membres des Sex Pistols ?
Teddie : Non. Sid m'envoyait des nouvelles par le biais d'amis communs jusqu'à Noël 1977 mais je n'ai revu personne. Malcolm McLaren avait organisé une nouvelle tournée des Sex Pistols en Scandinavie qui était prévue juste après la tournée américaine de janvier 1978. Je devais rejoindre Sid à Stockholm. Il était resté en contact et m'avait gardé dans son cœur et dans sa mémoire. J'étais tellement heureuse. Tout le monde sait ce qui s'est passé pendant cette tournée américaine, le groupe s'est séparé et ils ne sont jamais revenus en Scandinavie. 

Alors qu'on travaillait sur le premier ouvrage, celui de Trygve, je suis rentrée en contact avec un des roadies du groupe, Roadent, qui auparavant était le roadie des Clash, et qui est devenu par la suite une star du cinéma en Allemagne. On ne s'était pas parlé depuis trente ans, c'était génial de se revoir. On est toujours en contact et on se revoit quand je suis à Londres.

Je ne savais pas comment finir A Vicious Love Story. Je pensais terminer avec le van qui partait. Eileen Polk, qui était avec Sid à New York quand il est décédé m'a contacté. C'est une photographe et c'était la petite amie de DeeDee Ramone et d'Arthur « Killer » Kane. Elle m'a raconté beaucoup de trucs dont je n'étais absolument pas au courant. J'ai alors décidé de contacter d'autres personnes qui étaient là bas à l'époque. Ce livre allait être constitué de témoignages directs, de première main, pas de spéculations, ce que d'autres ont fait avant moi. J'ai rencontré Peter Gravelle à Londres. C'est lui qui a fourni à Sid sa dernière dose d'héroïne, celle qui lui a été fatale. Les derniers chapitres du livre sont racontés par des gens qui étaient sur les lieux. Ce sont tous des amis très chers.

L'histoire est incroyablement détaillée. Tu n'as passé que quelques jours avec Sid et pourtant on a vraiment l'impression d'une relation de longue durée...
Teddie : Absolument. Je vais t'expliquer pourquoi l'histoire est si détaillée.

Quand j'ai quitté l'Angleterre pour la Norvège en 1975, j'ai étudié très dur pour perfectionner ma maîtrise de la langue norvégienne. En 1976 je suis retournée passer des vacances en Angleterre et là je n'arrivais plus à parler anglais. Je mélangeais les deux langues. J'ai alors décidé d'écrire un journal intime en anglais pour rester bilingue. Tu peux imaginer comment je me sentais : j'avais 16 ans et j'étais amoureuse d'un mec incroyable. Absolument tout, les sentiments, le moindre détail a été consigné dans ce journal intime.

Sid et moi c'était quelque chose d'instantané. Il y a tout de suite eu une grande confiance entre nous. On a parlé, parlé, parlé. C'était comme si on avait tous les deux le sentiment que notre temps était compté et qu'il fallait plonger la tête la première. Je n'avais jamais rien connu de tel avant. Quand j'y repense, je croyais qu'il allait être plus réservé sur sa vie, mais finalement non. Encore aujourd'hui, Sid peut me faire confiance. J'ai vraiment l'impression d'avoir fait ce qu'il fallait en écrivant ce livre. Quelque chose de bien. Le junkie idiot, ce n'est pas le mec que j'ai connu. Le monde doit connaître l'autre facette du mythe et de la caricature populaire.

Teddie en 1977
Finalement tu regrettes de ne pas être montée dans ce van ?
Teddie : Initialement, oui je l'ai regretté. Bien sur, j'étais amoureuse et je voulais passer plus de temps avec lui. Deux filles du Bromley Contingent étaient là avec moi :Tracey O’Keefe et Debbie Juvenile. Debbie était folle de rage que je n'ai pas quitté la Norvège pour Sid. Elle était livide. Elle était assise avec moi sur les marches de l'hôtel quand j'étais en train d'écrire une lettre pour Sid qu'elle devait emporter avec elle jusqu'à Londres. J'étais inflexible sur le fait que, bien que je ne pouvais pas venir en Suède, j'allais le rejoindre à Londres.

Mais, avec le recul, je pense que j'ai pris la bonne décision. Je pense que Sid aurait fini par me faire souffrir. Sid n'a pris de la drogue qu'une fois en ma présence. J'ai menacé de partir s'il recommençait et il m'a juré qu'il resterait clean. Tout le temps qu'on a passé ensemble, il a tenu parole. Mais je ne sais pas combien de temps j'aurai eu ce pouvoir sur lui. Je sais que dans le fond, la vie qu'il a mené n'était pas celle qu'il aurait voulu. Le diable rodait toujours.

Il y a beaucoup à dire avec le recul. Mais à l'époque il y avait tellement de choses que j'ignorais, que je ne pouvais pas voir. Les années ont passées, on m'a rapporté des choses qui m'ont dévastée. Tu sais, je n'étais pas sûre des sentiments de Sid. C'était la grosse star du punk et j'étais juste une jeune ado. Je sais ce que j'ai vu dans ses yeux quand on était ensemble. Mais quand il est parti, j'ai commencé à me poser beaucoup de questions. J'étais peut-être une fille parmi les mille autres que Sid a rencontré en tournée ? C'est cette perte de confiance et le fait que ma Mère avait confisqué mon passeport qui font que j'ai annulé mes plans pour venir le rejoindre à Londres. Et pourtant j'ai reçu des messages de Sid qui me pressait de venir. J'ai appris en écrivant le livre que Sid avait tenu ses promesses pendant plusieurs mois.

Sid et le groupe sont ensuite partis jouer à Stockholm. Un photographe Suédois qui avait couvert le concert m'a dit que Sid avait été très calme. Après le concert il est parti directement se coucher à l'hôtel. Mr Punk en personne un samedi soir ! J'espère qu'il n'a pas voulu faire la fête parce qu'il était triste pour nous deux. Je ne le saurais jamais...

J'avais demandé à Sid de se tenir éloigné de Nancy (Spungen, la petite amie officielle de Sid Vicious, ndlr). Il me l'avait promis. Il a dit que c'était terminé. En fait leur histoire était un peu sur courant alternatif. Quand on s'est rencontré ils étaient séparés. Il était en colère parce qu'elle était infidèle. Il s'en foutait si elle couchait à droite et à gauche. Cela ne voulait rien dire à l'époque et il avait promis de garder ses distances. J'étais en Norvège et on m'a dit qu'ils ne se voyaient pas. Après Noël et la tournée aux Etats-Unis, ils étaient ensemble. J'ai pensé que cela avait été le cas tout le temps. Récemment, en lisant England's Dreaming vol. 2, le livre de Jon Savage, j'ai appris que Barbara Harwood, la chauffeure à l'automne 77, a dit que Sid lui avait demandé de l'éloigner de Nancy. Nancy s'était pointée à plusieurs concerts et Sid ne voulait plus la voir ni avoir affaire à elle. Barbara a aussi affirmé que Sid l'avait suppliée de l'aider à rester clean. Une nuit il s'est battu et a fini à l'hôpital. Nancy était là. Barbara a écrit qu'elle a regretté ensuite de ne pas avoir écouté Sid et d'avoir laissé Nancy l'accompagner à l'hôpital. Je suppose que c'est comme ça qu'ils se sont rapprochés. C'est difficile d'entendre tout ça des années après. Je suis pleine de remords. Aurais-je pu faire une difference dans sa vie si seulement j'avais écouté mon cœur ?

Est-ce que tu écoutes encore les Sex Pistols aujourd'hui ?
Teddie : Non je ne les écoutais pas à l'époque pas plus que je ne les écoute aujourd'hui. Je n'ai jamais été punk ni fan de qui que ce soit. J'étais là pour faire le boulot de traductrice.

Teddie aujourd'hui
A quoi ressemble ta vie aujourd'hui ?
Teddie : Elle a drastiquement changée depuis 2011 ! J'ai écrit cinq livres, trois romans policier et deux essais. J'ai acheté une maison d'édition au Royaume-uni en 2012, New Haven Publishing Ltd, elle grandit assez rapidement et c'est fabuleux ! J'ai douze auteurs qui ont publiés plusieurs livres chez nous. On a crée une branche pour les écrits en langue étrangère et l'édition française de Vicious Love Story est le premier à sortir. Le livre est également disponible en édition Russe. L'écriture c'est ma passion. Je continue le journalisme musical comme freelance, principalement pour des publications britanniques mais également pour le Punk Globe de Los Angeles. Le journalisme c'est venu après avoir été interviewée aussi souvent. Un magazine m'a demandé de les aider à décrocher une interview avec un célèbre ami à moi. Quand il a donné son accord, la rédaction m'a demandé d'assurer l'interview. C'est comme ça que j'ai commencé. Je passe le plus clair de mon temps en Norvège à Oslo, mais comme ma maison d'édition est en Grande-Bretagne, j'ai fini par passer du temps là-bas aussi. Je suis devenue nomade.
Un grand merci à Teddie Dahlin et à Alexandra Schroll.
Propos recueillis par email le 20 avril 2015.


A Vicious Love Story, souvenirs du vrai Sid Vicious
De Teddie Dahlin (Traduction Alexandra Schroll)
New Haven Publishing LTD UK. First French Editions
318 pages.




lundi 11 mai 2015

Little Bob Blues Bastards : « Howlin' »



Figure incontournable du rock français, Little Bob a donné une nouvelle orientation à sa musique mettant (provisoirement?) sa story entre parenthèse pour lancer une nouvelle formation, les blues bastards, qui sortent ces jours ci leur deuxième album. Tout est dans le titre, « Howlin' » (hurler). Quarante et quelques années de carrière n'ont toujours pas assagi Little Bob, toujours prompt à hurler à l'injustice (cf. « Only liars »). L'homme de cœur qu'il est sera toujours du côté des plus faibles (« Sleepin' in a car ») ; un fait naturel pour lui, l'immigré Italien arrivé en France à 12 ans sans parler un mot de français. Musicalement, l'album se place d'emblée dans le haut du panier et est très certainement une des plus belles réussites du blues hexagonal de ces dernières années. Quarante années à jouer du rock n'roll ont laissé des traçes et si Bob s'est désormais épris de la chose bleue, il est hors de question pour lui de se renier. Sa version du blues est nerveuse, comme sous l'emprise de la fièvre rock, ainsi le « We are the Blues bastards » d'ouverture et plus encore les stoniens en diable « Dirty mad asshole » et « Can't you hear me » cloueront tout le monde sur place. Pourtant, c'est lorsque les décibels sont en berne que Bob touche au cœur. Le swing délicat de la contrebasse sur « You better run » et « Zig zag wanderer » (chipée chez Captain Beefheart) font montre d'une sensibilité et d'une compréhension intime du blues, débordantes de feeling. Et que dire alors de « I'm howlin » où Bob se montre à la hauteur son modèle Howlin'Wolf, les cordes vocales à vif ? Toujours prêt à surprendre son auditoire, Bob reprend ici Louis Armstrong le temps d'un « The blues are brewing » inspiré et totalement réapproprié. Un album surprenant (« Kissed by lightning »), riche d'ambiance variées, à la fois nerveux et tendre (« My heart keeps beating »), excellent et revigorant pour résumer.


Mother of Two



Dernier volet d'une trilogie, le nouvel ep du trio Mother of Two n'est pas sans rappeler quelques excellents souvenirs aux nostalgiques des 1990s. Car c'est bien dans cette lignée que s'inscrit Mother of Two (cf. « 199094 »), celle de ces groupes prestigieux qui ont écrit l'histoire de la power pop, de Weezer aux Pixies (pour lesquels ils ont ouvert à l'Olympia). C'est d'ailleurs avec ces derniers que la filiation semble la plus évidente, si on se fie au grain de folie qui anime « Devil ». Ailleurs le trio développe de bien belles qualités, sens de l'attaque (le gros son d' « Open mind » qui clôt le disque de belle façon) et de l'accroche mélodique (« Tiger »). Tout cela joué avec une vigueur telle qu'il est difficile de ne pas adhérer. Mother of Two a deux enfants : le rock et le roll...


dimanche 10 mai 2015

Love I Obey




Il y a quelques semaines de cela, cette page s'était extasiée à propos du dernier album en date de Dupain, groupe atypique remettant au goût du jour la vielle à roue et la mandole. Dans le même ordre d'idée baroque voici venir Love I Obey où il est cette fois question de thèrobe et de viole de gambe. Love I Obey donc, est le nouveau projet de Rosemary Standley, l'hyperactive chanteuse de Moriarty. Pour ce nouveau disque, la chanteuse s'est acoquinée avec l'ensemble de Bruno Helstroffer (thérobe et guitare) composé de Elisabeth Geiger (clavecin et orgue), de Michel Godard (Bugle) et de Martin Bauer (viole de gambe). Le groupe ainsi constitué s'est attaqué au répertoire traditionnel jetant un pont entre l'Angleterre du XVII ème siècle et l'Amérique du XIXème. Evoluant entre ces deux cultures le disque évoque aussi bien la musique classique (cf. « Bruton town », « O death ») que la country étasunienne (« Geordie » ou le standard « Poor Wayfaring Stranger »). Rosemary Standley semble particulièrement dans son élément, son chant haut placé trouve naturellement sa place, ses qualités d'interprète éclatent tout au long des quatorze pistes qui composent le disque. Privilégiant l'émotion pure (« Wagoner's lad », « Pastime »), Love I obey accouche d'un disque non pas passéiste mais intemporel. Une curiosité baroque...

samedi 9 mai 2015

Man is not a bird, la boule noire, 5 mai 2015.

(c) Lou Beauchard


Histoire de fêter dignement la sortie de son premier album, le quatuor Parisien Man is not a bird a mis les petits plats dans les grands mardi soir dernier à la boule noire. La scène est parsemée de petits rectangles blancs, pendus au plafond et de différentes tailles faisant office d'écrans sur lesquels sont projetés des images psychédéliques en noir et blanc. Dans le fond de la scène une toile immense est pendue sur laquelle s'affiche le logo du groupe représentant un oiseau blanc feignant de s'envoler. Alors que les premières notes résonnent, le quatuor nous transporte dans son univers onirique quasiment exclusivement instrumental (une dénommée Margot est toutefois venu, très bien, pousser la chansonnette sur un titre). Les influences s'entrechoquent entre attaques heavy entrecoupées de passages planants, quasiment progressifs. Abstraites et éthérées, les strates de guitares s'empilent les unes sur les autres alors que la batterie brusquement prise de fièvre s'emballe sans coup férir. Principal point d'attraction de l'affaire, les guitares font l'objet d'un soin tout particulier et de nombreuses pédales d'effet permettent de varier les climats qui vont de l'enchantement à la frayeur. Tout un spectre d'émotions balayées par le groupe, particulièrement cinématographique sur « tendresse » où un sample remplace les paroles. Pour une formation aussi éloignée du songwriting classique, il est difficile de transposer un tel univers sur scène (pas de refrain à reprendre en choeur par le public par exemple). Pourtant le groupe s'en sort très bien, grâce à quelques morceaux bien péchus et sentis qui ont cloué tout le monde sur place. La connection avec le public se fait assez naturellement. Le quatuor a su aussi, très intelligemment, évité l'écueil de la démonstration virtuose pour rester un groupe de rock, parfois assez terre à terre, prêt à en découdre quand le moment s'est fait sentir. Si l'homme n'est pas un oiseau, la musique, elle, plane très haut...
En concert le 27/05 à Paris (Olympia, première partie de Ride)



vendredi 8 mai 2015

Les Foo Fighters bientôt de retour en France


Ces derniers temps, on avait plutôt pris l'habitude de les voir à la télé dans l'excellente série documentaire Sonic Highways (un épisode par mois sur Canal +) qui les suit dans l'enregistrement de leur album du même titre dans huit villes différentes réparties aux quatre coins des Etats-Unis. Les Foo Fighters seront donc de retour en France et c'est une première depuis Rock en Seine en 2011. Deux dates sont annoncées les 16 et 17 novembre à Paris et à Lyon, les premiers concerts en salle du groupe depuis le Zénith de 2006 pour la sortie du double album "In your honor". Deux rendez-vous à ne pas manquer...
http://foofighters.com/
https://www.facebook.com/foofighters

Interview with Lady Linn (english edition)



Belgium soul singer is back on a brand new beat...

The first song on the new album is called « Regrets ». It's a strange way to start a new record...
Lady Linn (laughs) : Well, for me the title is not the most important thing. It's more about the atmosphere of the song. And it's a good song to start with. It starts very slow and easy. I thought it was a good beginning.

On that record you switched from piano writing to guitar writing...
L.L : Sometimes it's good to discover a new instrument and make songs with it. You don't know it so well and then you do different things. And i thought it was time for something different. A new approach. It's fresh and surprising.

If we go back to « No goodbye at all », when the album was released, did you have the feeling that you couldn't do a better record on that specific kind of music, sixties jazz/soul ?
L.L : Actually, it was my first album to be released in France but it was the second one in Belgium. It was my second album in that style. It grew naturally in me, i wanted to do something else. I wanted to be free. Not thinking about the band, the magnificent seven. I wrote the first two records with the band in mind, the full horn section, the piano. Now i just want to write and then we'll see what happens. I wanted to do something else.

You used to a kind of 60s pop singer...
L.L : I still am.

And this is a new sound for you. Do you feel the need to move forward ?
L.L : I wouldn't say forward because i still like my two previous cds. And we still play the old songs during the show. But you know there was a part of me that was never there in my own music. I sang house for ten years and you didn't hear it in my music. And now in the last album i feel it's more me. A combination of things. Now i combine more all the things i am doing in one. The last album was more about the concept of the band. Now it's just me. Renaud Letang has made the songs very different. My songs were very acoustic when i went to Renaud. He chose to do something very poppy with it. I was ok. I trust him.

Is it like a new start, exciting ?
L.L : Yeah, it is for me. I really like it. It gives me new energy. Also live it's a different band with a lot of new musicians. The horns are still there and the sings backing vocals as well. We worked hard. Everybody like the new band. We enjoy it.

On the other hand there are songs like « Back », « Remember », « Drive » would could easily been on previous albums...
L.L : That is what i mean. I combine a lot of styles. I listen to soul music but also pop, rock, jazz, country, reggae, brazilian music. But in the end, it's still me who writes the songs. Previous albums, produced in a different way could have been like this. The songs are the songs.

Do you have like a core, a musical identity and then you evolve around it ?
L.L : Yeah that's it. You write songs but what they are going to sound like could be very different.

Another new thing is the 80s angle on « Never ». It's a very poppy song, new wave song...
L.L : Yeah it's true. This is a song i wrote about a feeling i have and i think it's very universal. From the moment you let somebody go and then sometimes they start to love you. It's typical. It's something i struggle a lot with in previous relationships. Not anymore i'm happy (laughs) ! It happened a lot to me. I was in a relationship that wasn't working out. So i left and then he was coming back. At that moment, when i wrote it, it wasn't going on but it is still in me. You still want the person but you know it's not good for you...

A few words about the « sassy » side of you ?
L.L (laughs) : Sassiness to me is like, i'm confident, i know i can be strong. You see a lot of people that are very sassy, confident and you're a little bit jealous about that. You also admire them. You think they have no problems, actually that's not true. I thought it was a funny topic. The feeling of jealousy is childish actually. It's not helping anybody. To me sassy is to be more confident.

This is the first time the band the magnificent seven is not involved in a recording...
L.L : Yes. That's because of the style. Also because the way of work is very different. The previous albums i wrote i only rehearse with the whole band. But now i wrote the songs and we made a demo with just one guitare player, Bruno. And then we went to met Renaud. He did a lot about the sound. Every musician involved came one by one to Paris for a couple of days. Renaud took the lead and worked with them. The arrangement is different. Also, we chose the name Lady Linn and her Magnificent Seven because it sounded like an old big band like Duke Ellington and his orchestra, Count Basie and his orchestra. It's the same vibe. It's a more produced record, not just about the band. They're playing but not as a group. I thought, it's too different, that is not the same anymore. Also it's not the same musicians anymore, the three horns are the only ones left. The name, Lady Linn and her magnificent seven, didn't fit the music anymore.This is too different from what it was.

You told us about Renaud Letang, who produced the album. Do you have a special working relationship with him ?
L.L : Yes. He's really great ! And i really love to come to Paris ! I really loved it ! I love to record here and work with Renaud. We did a tour in France, two years ago. The people are really warm. When we came to play, they were very enthousiastic from the first song already ! And we are not used to that. In Belgium, people are not so opened. In France you start to play and they start to dance already and you didn't do anything (laughs). It feels very natural. It's very nice. Even in the smaller clubs we played. They are very enthousiastic ! It's very fun for me to be out of Belgium.

Like a vacation ?
L.L : It feels very exciting. Yeah it feels like a vacation. A better vacation actually because we're doing something here (laughs) !


We talked about the guitar, yet there is a beautiful piano song « Feeling me » on the album. A few words about that one ?
L.L : This is one of the first songs i wrote for the album. Two years ago i was still teaching in a music school and i wrote the song there, in the classroom on a big piano. I have recorded the song with my phone on my voice mail because i had nothing else and i felt the urge to record. I forgot about the recording. The song had changed it was a pop song and it became an energy song. And then i said to Renaud : I don't feel this song maybe we should throw it away. And then by accident i listen to my voice mail. I am very bad with voice mail, i leave to many messages. So i listened and i heard « Feeling me » on the piano. It was higher in a different key. Wow that was much more beautiful (laughs) ! I said to Renaud, do you want to hear it, i think it's better than the first version. We put it like that. This is funny. Weird.

I think the first song recorded for the album was « High »...
L.L : Yes indeed. Renaud said « It remind me of the flashdance movie » ! What a feeling (she sings). He added some beats. I was surprised by the way he heard things differently. It was more of a soul song not disco. But he knew i like disco and i like singing dance. That's why.

I've read you liked Charles Bradley...
L.L : Yeah i was inspired by him. I was watching television and i saw a live concert. It really touched me. It's amazing how he lets himself go like a transe or something. He's actually high on music. Wow, really !

I saw him live a couple of times and i thought he was going to cry on stage...
L.L : Yeah and he does ! He really gets high. That's why i wrote the song. After watching this i had to cry because it was « WOW » ! It's unbelieveable ! Very emotional. I went straight to my piano in the living room and i start to write the song, it came out in ten minutes or something. Just because of him, he made a very big impression (laughs) !

Did you met him already ?
L.L : No, maybe i should. It doesn't matter actually. I'm glad he inspired me, he doesn't have to know me. It's not important.

And where do you want to go from there ?
L.L : Right now i'm writing for a movie in Belgium. I'm writing the whole music score for the movie. It's gonna be out in 2015. It's a new thing for me but i really like it. There is going to be instrumental but there is also songs. It's different from the « high » album. It's very empty. Sensitive. I can't really explain it. I'm also inspired by new people, the afrobeat scene.

http://www.ladylinn.be/web/
https://nl-nl.facebook.com/LadyLinn


Interview avec Lady Linn



Sorti l'an dernier « High », le troisième album de la Belge Lady Linn avait surpris son monde avec une nouvelle approche plus marquée par les synthés et les années 1980. Un changement de cap radical pour celle qui jusqu'à présent était la digne descendante d'un courant soul/jazz très marqué par les années 1960. Tentative d'explication avec la principale intéressée...

La première chanson s'appelle « Regrets », c'est étrange comme façon de commencer un nouveau disque !
Lady Linn (rires) : Et bien, en ce qui me concerne, le titre n'est pas la chose la plus importante. C'est plus l'atmosphère de la chanson qui compte. Et c'est une bonne chanson pour commencer, plutôt calme, lente. C'est un bon début.

Sur ce disque tu as laissé tomber l'écriture au piano pour la guitare...
L.L : Parfois c'est bien de découvrir un nouvel instrument et de faire des chansons avec. Tu ne connais pas si bien que ça l'instrument, tu fais des choses nouvelles. Et il était temps de faire quelque chose de different. Une nouvelle approche. C'est frais, c'est surprenant.

Revenons un peu sur l'album précédent « No good bye at all ». Tu avais l'impression que tu ne pouvais pas faire un meilleur disque dans ce registre jazz/soul 60s ?
L.L : En fait c'était ma première sortie en France mais c'était mon deuxième en Belgique et le deuxième dans ce style. C'est venu naturellement, je voulais faire quelque chose de différent. Je voulais être libre. Je ne voulais plus penser au groupe, les magnificent seven. Les deux premiers disques ont été écrits avec le son du groupe en tête, les cuivres, le piano... Maintenant je veux juste écrire et après on voit ce qui se passe.

Tu étais une chanteuse pop 60s...
L.L (elle coupe) : Je le suis toujours...

C'est un nouveau style pour toi, tu as ressenti le besoin d'aller de l'avant ?
L.L : Je ne dirais pas « de l'avant » parce que j'aime toujours mes deux premiers disques. Et on joue toujours ces anciennes chansons en concert. Mais bon tu sais, il y avait une partie de moi qui n'était jamais là dans ma propre musique. J'ai chanté de la house pendant dix ans et cela ne s'entendait jamais. Ce nouveau disque me ressemble plus, c'est une combinaison de choses très differentes. Et maintenant je mélange mieux les styles en un seul. Le dernier disque c'était surtout le concept du groupe. Maintenant, c'est moi. Renaud Letang, le producteur, a vraiment transformé les chansons. Les démos étaient très acoustiques quand je suis allé le voir. Il en a fait quelque chose de très pop. C'était ok, j'ai confiance en lui.

C'est un nouveau début, c'est excitant ?
L.L : Ca l'est pour moi. J'aime beaucoup, ça me donne une nouvelle énergie. En concert on a un groupe très différent avec de nouveaux musiciens. Les cuivres et les choristes sont toujours là. On a beaucoup travaillé. Tout le monde aime cette nouvelle formation.

Tu est heureuse de cette nouvelle approche ?
L.L : Je suis contente ! J'aime ! Je suis satisfaite parce que c'est différent. C'est plus moderne, plus original d'une certaine façon. J'ai pris un risque. Certains vont aimer et d'autres non...

Mais d'un autre côté des titres comme « Drive », « Back » ou « Remember » auraient pû être sur les disques précédents...
L.L : C'est ce que je voulais dire, je mélange mieux les styles. J'écoute aussi bien de la soul, du rock, du jazz, de la musique brésilienne, de la country, de la pop ou de reggae. Mais à la fin c'est toujours moi qui écrit les chansons. Produits différemment, les disques précédents auraient pû être comme celui ci. Les chansons, cela reste des chansons.

Tu as un noyau dur qui constitue ton identité musicale et après tu évolue autour ?
L.L : Oui, c'est exactement ça. Tu écris des chansons après la façon dont tout cela va sonner peut donner des choses très différentes.

Une autre nouveauté c'est ce côté très années 80 sur « Never ». C'est une chanson très pop, new wave...
L.L : Oui c'est vrai. C'est une chanson que j'ai écrite à propos d'un sentiment qui m'appartient et je pense que c'est universel. A partir du moment où tu te sépares de quelqu'un, cette personne commence à t'aimer. Typique. C'est une chose contre laquelle je me suis beaucoup battue dans des relations précédentes. Enfin plus maintenant, je suis heureuse (rires) ! Mais cela m'est arrivé souvent. Je suis dans une relation qui ne fonctionne pas, je m'en vais et après il revient. Cela n'était pas vrai au moment où j'ai écrit la chanson mais c'est resté en moi. Tu as envie de cette personne même si tu sais que cela n'est pas bon pour toi.

Un mot sur ton côté « impertinent » (impertinent = sassy, référence à la chanson du même titre sur le dernier album, nda) ?
L.L : Pour moi l'impertinence, c'est avoir confiance en soi, savoir que je peux être forte. Tu vois beaucoup de personnes qui sont très impertinentes et tu est un peu jaloux. Et d'un autre côté tu les admire. Tu t'imagines qu'elles n'ont aucun problème, et dans le fond, c'est complètement faux. Je trouvais que c'était un sujet amusant. La jalousie c'est un sentiment un peu enfantin finalement. Cela n'aide personne.

C'est la première fois que les magnificent seven ne sont pas impliqués dans l'enregistrement...
LL : Oui et c'est principalement à cause du style. Et aussi parce que nous avons travaillé de façon très différente. Pour les albums précédents j'avais répété avec le groupe au complet. Ce coup ci les démos ont été enregistré avec le seul guitariste, Bruno. Après on est allé voir Renaud. Il a beaucoup fait pour le son. Tous les musiciens impliqués sont venus quelques jours à Paris les uns après les autres. Renaud a pris les rênes et a travaillé avec eux. Les arrangements sont différents. On avait choisi le nom Lady Linn and her Magnificent Seven parce que cela évoquait un vieux big band. Count Basie et SON orchestre, Duke Ellington et SON orchestre. On cherchait ce genre de vibration. Le disque est plus produit. Cela n'a plus rien à voir avec le groupe. Et les musiciens ont changé. Il n'y a que les trois cuivres qui sont restés. Le nom Lady Linn et ses magnificent seven ne correspondait plus à la musique. C'est trop différent maintenant.


Tu as évoqué Renaud Letang qui a produit le disque. Tu as une relation de travail spéciale avec lui ?
L.L : Oui, il est super ! Et j'adore venir à Paris en plus ! J'ai adoré venir ici et travailler avec Renaud. On avait fait une tournée en France il y a deux ans. Les gens sont chaleureux, entousiastes dès le premier titre ! On n'est pas habitués, les gens ne sont pas si ouverts en Belgique. En France, les gens commencent à danser alors que tu n'as encore rien fait (rires) ! C'est très naturel, très agréable. Même dans les petits clubs dans lesquels on jouait, ils sont tellement entousiastes ! Sortir de Belgique, c'est très amusant pour moi.

C'est comme être en vacances ?
L.L : Oui cela y ressemble. C'est très excitant. C'est même mieux que des vacances, parce qu'on est là pour travailler (rires) !

On a parlé de la guitare un peu plus tôt et pourtant il y a une magnifique chanson au piano sur l'album « Feeling me ». Tu peux nous dire quelques mots sur ce titre ?
L.L : C'est une des premières chansons que j'ai écrite pour le disque. Il y a deux ans, j'étais encore professeur dans une école de musique. J'ai écrit la chanson là-bas dans une salle de classe sur un grand piano. J'ai enregistré la chanson sur mon téléphone, dans ma messagerie, c'était tout ce que j'avais sous la main et je ressentais le besoin de l'enregistrer. Et puis je l'ai complètement oubliée. Et puis par la suite la chanson a évolué vers quelque chose de beaucoup plus pop, très énergique. J'ai dit à Renaud, je ne la sens pas cette chanson on devrait la laisser tomber. Et puis je suis retombée accidentellement sur mon vieux message téléphonique. Bon tu sais, je suis nulle avec le téléphone, je laisse traîner beaucoup trop de messages. J'ai réecouté et je suis tombée sur « Feeling Me » seule au piano. C'était dans une gamme différente. C'était beaucoup plus beau comme ça (rires) ! J'ai dit à Renaud, tu veux l'écouter, je pense qu'elle est meilleure que notre version (rires) ! On l'a laissé comme ça. C'est amusant et bizarre en même temps.

Je crois que le premier titre enregistré pour ce nouveau disque est « High »...
L.L : Oui en effet. Renaud dit que cela lui rappelle le film « Flashdance ». What a feeling (elle chante). Il a rajouté des beats dessus. Je suis toujours surprise par le fait qu'il entende les choses aussi différemment. A la base, c'était de la soul music, pas du disco. Mais bon Renaud savait que j'aime bien le disco et chanter de la house. Ceci explique cela.

J'ai lu quelque part que tu aimes beaucoup Charles Bradley...
L.L : Ah oui, il m'inspire beaucoup. J'ai vu un concert filmé à la télévision. Cela m'a beaucoup touchée. C'est incroyable à quel point il se laisse aller, jusqu'à la transe. Il plane grâce à la musique. WOW !

Je l'ai vu plusieurs fois en concert et à chaque fois j'ai cru qu'il allait pleurer...
L.L : Mais il pleure vraiment. Il plane ! C'est la raison pour laquelle j'ai écrit la chanson. Moi aussi j'ai pleuré après l'avoir vu. C'était incroyable, WOW ! Très émouvant. Je me suis installée au piano et en dix minutes j'avais écrit une chanson. A cause de lui, tellement j'ai été impressionnée (rires) !

Tu l'as rencontré ?
L.L : Non, je devrais peut-être. En fait cela n'a aucune importance. Je suis heureuse qu'il m'ait inspirée. Il n'a pas besoin de me connaître.

Une dernière question pour finir, qu'est-ce que tu vas faire maintenant ?
L.L : J'écris la musique d'un film belge qui va sortir en 2015. J'écris toute la partition. C'est un nouvel exercice pour moi mais j'aime bien. Cela sera instrumental mais il y aura aussi quelques chansons. C'est différent de l'album. Sensible et d'une certaine façon vide. C'est dur à expliquer. Sinon je suis de plus en plus inspirée par la scène afrobeat.

Propos recueillis le 04/06/2014.