jeudi 26 février 2015

Black Strobe + Sarah McCoy, Les nuits de l'Alligator, La Maroquinerie, 25 février 2015.

Black Strobe


Festival attachant, les nuits de l'alligator fête cette année son dixième anniversaire avec une programmation tournant autour des musiques terriennes, souvent étasuniennes, de la country au rock n'roll. Et bien sur le blues, la musique du diable, qui apparaît en filigramme, le genre étant abordé de manière transversale suivant une ligne éditoriale pointue réservant de nombreuses surprises et autres découvertes.

Et puisque on parle de découvertes, on en a fait une belle en ce mercredi soir avec Sarah McCoy. En provenance directe de la Nouvelle-Orléans, elle se produit au piano, majoritairement en solo, la deuxième musicienne, préposée au xylophone, passant le plus clair de son temps à souffler des bulles de savon. D'apparence pour le moins classique, la musique de Sarah McCoy est cependant loin d'être lisse. Sarah McCoy s'est tout d'abord une présence imposante derrière le piano droit et une voix puissante, un coffre digne d'un blues shooter, dont le charme réside dans les aspérités. C'est aussi une sacrée personnalité, qui planque sa bouteille de vin au pied du piano, dont elle s'abreuve directement au goulot. Avec beaucoup d'humour et de charisme, Sarah distille ses histoires entre deux morceaux, on imagine une vie de bohème derrière les accords plaqués au piano avec virtuosité. Jamais la Maroquinerie n'avait autant ressemblé à un rade de Bourbon Street. La performance du soir, un peu courte, se termine par une chanson à la guitare folk jouée en accrobate, Sarah sur le dos soutenant avec ses jambes la deuxième musicienne, en équilibre précaire avec son xylophone. Un exploit vain et inutile, puisque de toute manière la majorité des spectateur ne voit absolument rien...

On change radicalement d'ambiance par la suite avec Black Strobe, le groupe électro/rock/blues mené par le géant Arnaud Rebotini. Le quatuor a redécoré la maroquinerie avec un grand rideau sombre dans le fond de la scène et un miroir en pied au milieu. Un projecteur placé au plafond, diffusant une lumière blanche et verticale complète le dispositif. Tournant le dos au public et placé devant le miroir, l'éclairage âpre donne une allure christique à Rebotini, jamais avare d'une métaphore religieuse (« Burn your own church », « Godforsaken roads », « Someone gave me religion »...), au milieu de « Folsom prison », la reprise de Johnny Cash. Situé au confluent de plusieurs influences, on détecte chez Black Strobe un peu de métal (le terrifiant instrumental « Black Metal »), du blues (« House of good lovin' », « Boogie in zero gravity ») et de l'électro grâce aux synthés vintage (« Shining bright star »). Le groupe innove terminant son set dans une version rock classique (guitare, basse, batterie) avec « I'm a man », la reprise de Bo Diddley enquillée avec « Baby please don't go ». Même en version « rock », les rythmes restent marqués par un martèlement techno/discoïde trahissant le passé électronique de Rebotini. Le batteur, au son très mat, se révèle fin et inventif, grâce à l'utilisation de nombreuses cloches, assurant le swing (« House of good lovin ») avec beaucoup de souplesse mais aussi une force de frappe brute impressionnante dès que nécessaire (« Shining bright star »). Pour finir, signalons dans les rappels l'assez rare « Girl from the bayou »). Une prestation solide grâce au charisme de Rebotini.


mercredi 25 février 2015

The Balladurians EP#3



Le vinyle tout d'abord intrigue, dans sa très belle livrée rouge carmin. Bienvenue chez les Balladurians, un groupe spécialiste des apparences trompeuses. Remarque qui s'applique à la musique du duo Basque/Béarnais qui met un point d'honneur à ne rentrer dans aucune case. Un duo garage ? Oui il y a de ça mais pas que... Un groupe de revivaliste spécialisé dans les reprises sixties (« Un éléphant qui me regarde » signé Antoine) ? Comme pour mieux nous contredire, le duo dégaine « Gut feeling » de Devo en face B et remet au goût du jour la pop géométrique chère à Jacno (« Triangle »). Donc, les Balladurians, et c'est précisément ce qui fait leur charme, donnent l'impression de bricoler. Le guitariste/chanteur, répondant au doux nom d'Hellvis, balance ses grosses notes dégoulinantes dans un pur style garage/punk. A l'autre bout du spectre, Paul Memphis, comme débarqué là par hasard, triture ses synthés et ses boîtes à rythmes dans une veine new wave. Pour résumer c'est un peu comme d'assister à une jam entre les Stooges et Suicide avec ce que cela suppose d'insécurité. Dangereux mais terriblement excitant. Après trois EPs, dont celui ci consacré aux reprises, il ne manque plus qu'un album en bonne et due forme, pour valider tout le bien que l'on pense d'eux...



mardi 24 février 2015

Interview avec The Dukes.




Ca marche fort pour les Dukes, quatuor devenu duo, le groupe est au taquet dans la foulée de son excellent deuxième album « Smoke against the beat »...

On avait parlé la dernière fois de l'enregistrement de l'album « Victory » en Suède dans des conditions apocalyptiques. Comment ça s'est passé ce coup-ci à Los Angeles ?
Shanka (voix/guitares) : C'est un faisceau d'événements. On a fait le premier par moins trente sous la neige, on va faire le deuxième sous le soleil par plus trente (rires) ! Forcément quand tu fais le casting des lieux, Los Angeles vient naturellement à l'esprit. Après c'est tout simplement des rencontres...
Greg (batterie) : J'ai rencontré Jamie Candiloro, le gars avec qui on a travaillé là-bas environ un an avant. Tu sais, moi je me partage entre les Etats-Unis et la France, il y avait le côté pragmatique. Et puis c'est fun de faire un disque de rock aux Etats-Unis. Ca s'est imposé naturellement...
Shanka : A Toulon, par exemple, c'est beaucoup plus compliqué (rires) !

Et au niveau du son, ça vous a aidé à viser plus gros ?
Shanka : L'intention n'était pas d'avoir un plus gros son mais quelque chose avec plus d'air et plus seventies. On était plus dans la finesse, presque classic rock, dans l'idée d'avoir un album qui vieillisse bien. Pas académique, mais plus classique même si dans la forme on a réussi a trouver des originalités. Et puis ça découle aussi du choix du studio et de travailler avec Jamie.

Il y a eu beaucoup de temps, presque deux ans, entre l'enregistrement et la sortie...
Greg : Tout à fait ! Je vais reprendre ma métaphore habituelle avec le fait d'être père. Faire un enfant ça va vite et c'est agréable. Après l'élever jusqu'à son bac, c'est une autre histoire.

Shanka : Le titre de l'album résume bien le truc. Smoking against the beat, c'est une phrase de Bogart qui signifie aller à contre courant. Ce qu'on fait là, c'est extrême. On y arrive mais c'est beaucoup de travail et ça prends du temps tout simplement. Et puis la musique c'est un milieu où les choses ne se font pas du jour au lendemain. Il faut du temps pour convaincre les gens, trouver les bons partenaires. On a monté tout le show live. Et j'ai pris en charge tout le côté artistique, illustration de l'album, ça m'a pris du temps pour apprendre et trouver la voie. Pour le coup, j'étais totalement vierge de ce côté là. Je me suis laissé le temps.

Il y a un gros changement de line up avant vous étiez quatre maintenant vous êtes un duo. Qu'est-ce que ça a changé, à part le fait qu'il y a moins de matos à porter ?
Shanka : C'est la crise (rires) ! Ecoute il y a plutôt plus de matos en fait ! C'est notre concept, on est deux mais on doit sonner comme douze (rires) ! (Il devient sérieux) Ca change les énergies sur scène...

Et la dynamique entre vous deux ?
Shanka : Quand tu analyses le phénomène, on tombe presque dans la physique quantique. La manière dont l'énergie rebondit sur scène entre les membres d'une formation musicale. C'est vraiment particulier à chaque projet. Il y a des énergies qui se détruisent entre elle. Ça arrive, moi j'ai joué dans un projet comme ça où les énergies étaient très destructrices. Là, on n'est que deux, c'est presque comme un match de tennis, ton partenaire te renvoie la balle en permanence. Quand on plus nombreux tu renvoies la balle à l'un qui la renvoie à son tour à l'autre. Ça peut paraître un peu ésotérique, ce genre de comparaison. On est dans des musiques qui ne sont pas uniquement cérébrales, c'est pas du shoegaze, on est ensemble, on se regarde, on se pousse les uns les autres. En binôme c'est assez intéressant tu te retournes toujours vers le même gars qui te renvoie toujours la balle. Pour le coup c'est vraiment positif, on se connaît depuis longtemps, on le savait déjà. C'était déjà comme ça quand on jouait ensemble dans No one is innocent.

Greg : Les choses se sont passées comme ça. On pensait déjà à un set up en duo pour pouvoir jouer aux Etats-Unis, bien avant l'enregistrement. Quoiqu'il arrive Shanka et moi on toujours été les piliers de ce projet, ceux qui le faisait avancer. A partir du moment où certains ne pouvaient pas mettre le même degré d'implication que nous dans le groupe, ça n'est pas un problème, mais il nous fallait une version où nous on pouvait continuer d'avancer. Et ensuite la vie fait que...
Shanka : Ça c'est fait naturellement.

Greg : J'avais peut-être un petit fantasme caché au fond de mon cerveau, parce que j'en avais toujours rêvé. J'en reviens à l'idée du ping-pong. Trouver un musicien avec qui on peut échanger comme ça tout le temps. A un degré cérébral, technique ou amical. Quand tu sens une complicité, une loyauté. Avec Shanka c'est très pratique, c'est en toute confiance.
Shanka : Il n'y a pas de retenue.
Greg : Ca fait tellement longtemps qu'on se connaît...
Shanka : C'est naturel.
Greg : On n'est presque pas peur d'être à poil l'un devant l'autre (rires).
Shanka : Et doucement là (rires) !
Greg (gêné) : Oui enfin on s'entends (rires) !

A l'écoute du disque j'ai l'impression que vous avez élargi l'horizon musical, il y a plus de blues (« Gold digger »), plus de pop (« Alive »), plus de punk (« Grey people »). Je sais que les influences on toujours été là, mais dans « Victory » ça ne s'entendait pas forcément...

Shanka : Tout à fait. « Victory », notre premier disque, c'est fait un peu bizarrement dans le sens où c'était une compilation de plein de choses. Après le premier album et les deux premières tournées, on s'est posé plusieurs questions : Quel est notre projet ? Quelle est sa couleur, son caractère ? Qu'est-ce qui marche bien ? Quand tu crées un groupe, c'est comme une espèce de personne morale à part entière. Tu ne peux pas faire n'importe quoi avec n'importe quel groupe. Il y a tellement de paramètres. Moi-même en tant que frontman je me suis posé plusieurs questions : Dans quel domaine je suis le plus à l'aise ? Où ai-je envie d'aller ? Il y a d'abord eu un parti pris volontaire qui s'est dégagé naturellement. Ce disque là j'ai voulu l'ancrer dans une vérité rock n'roll des années 70. D'où les références au Gun Club, aux Stooges. Pour trouver un noyau irréductible d'énergie rock qui ne ment pas, qui n'a pas peur d'aller dans l'efficacité et la simplicité. Et d'autre part il y a mon côté blues/country que j'ai dans les veines depuis que j'ai commencé la musique.

Greg : Attention c'est des sujets... On est fans !
Shanka : J'ai construit autour de ça. C'est une recherche presque au stade philosophique. Quand tu commences à analyser les musiques folkloriques populaires, tu touches à quelque chose de terrien, ancré dans l'imaginaire populaire, qui parle à tout le monde. Cette recherche d'absolu. Pouvoir toucher n'importe qui, de n'importe quelle culture parce que tu utilises cette racine commune. Je trouve ça fascinant. Et puis il y a le côté punk, dans l'esprit et la manière de faire. Dans l'attitude et dans la musique. C'est un truc qui nous parle depuis toujours. Le côté pop vient d'une démarche qui est foncièrement tournée vers le public. Evidemment on cherche aussi à se faire plaisir. Si tu ne prends pas de plaisir, tu ne peux pas en donner. La science de la chanson. Nous on est la génération X, on a grandi avec le power pop, avec Nirvana. Ces gens nous ont influencé à mort. Et leur idée c'était de faire des chansons avec une exigence d'honnêteté artistique absolue dans le texte et dans la musique. Et en même temps avec une forme très punk, gros son, production épique. On ne fait pas de la musique de chambre.

Greg : Tourner avec les Subways c'était aussi très instructif, très intéressant. Ça nous a donné une idée sur le punk, la chanson, les formats courts. On est loin d'avoir fait du pompage mais quand tu tournes pendant quatre semaines avec un groupe comme eux, ça donne à réfléchir.
Shanka : Il y a des leçons à tirer...

Et le visuel a été beaucoup travaillé, plus que sur le premier disque. Le personnage de Smoky...
Shanka : Tout le visuel c'est moi. Mais si tu veux c'est une boîte de Pandore. Je ne pensais pas que cela irait aussi loin. Je suis un grand fan de Daniel Johnston. J'ai vu ses œuvres en vrai pour la première fois il y a deux ans, au Lieu Unique à Nantes. J'ai eu une petite révélation. C'est vraiment chouette de pouvoir s'exprimer comme ça. Je n'ai pas fait d'école d'art ni rien du tout, mais il n'y a pas de complexe à avoir. Il y a toujours ce côté un peu corporatiste à la française, si ça n'est pas ton métier, n'y va pas. Mais je n'avais pas envie de laisser ça aux professionnels. D'avoir vu l'expo, ça m'a donné l'envie. Je vais y aller, je vais oser. Je vais exprimer ce que j'ai à dire. Ça ne sera peut-être pas bien mais ça sera sincère. De fil en aiguille, j'ai commencé à griffonner de plein de manières différentes : crayons, plume et encre, marqueur. Et pour le coup au marqueur, j'ai commencé à faire le dessin animé de « Grey People » où est né, un peu de nulle part, le personnage de Smoky. On a trouvé ça super fort. C'est là où j'ai demandé à Paul (Toupet, l'artiste, nda) de nous faire des masques pour la scène avec son interprétation du personnage. De la même manière, il y a une quinzaine de dessinateurs de BD qui font également leur interprétation personnelle du personnage. C'est super chouette de voir la vision d'artiste d'un personnage que tu as créé. On a vraiment fait un beau digipack avec un beau livret, on s'est fait chier avec le format... Chaque texte est illustré de manière indépendante, pour exprimer plus tout en laissant la porte ouverte a l'interprétation de chacun. Le but n'est pas de donner toutes les clefs mais de pousser plus loin l'expression artistique autour de la chanson.

Tout ce travail va se ressentir au niveau du live ?
Shanka : Tout à fait. On va essayer de faire vivre notre set up avec de la vidéo sans tomber dans la présentation powerpoint. Tu mets des écrans, tu projettes dessus, je trouve ça un peu figé. Ça ne fait pas vraiment rêver. Toute la création vidéo pour le live, un dessin animé que j'ai fait aux marqueurs, on le projette sur le matériel. Tout les instruments sont peints en blanc, on a mis de la toile par endroits. Et on en joue. La grosse caisse est ronde, j'ai fait un œil qui s'ouvre dedans par exemple. Des choses comme ça. C'est très ludique, très marrant à faire. Et puis c'est pratique.

Greg : On est un petit groupe, on ne peut pas prendre quatre heures pour faire nos balances et accrocher les supports etc... Tu débarques dans un festival ou tu fais une première partie, tu ne peux pas te permettre de dire je veux ça et ça. On voulait quelque chose d'ergonomique et de très simple à installer avec un rendu original. Les écrans géants c'est un peu décevant, triste quelque part.

Ca donne un côté calculé, à ce moment là il se passe ça etc...
Shanka : Ça n'est pas très surprenant et ça n'apporte pas grand chose à l'univers. En plus souvent c'est une création d'une personne extérieure au groupe et ça ne vient pas des créateurs au départ. Là, je l'ai fait moi-même. Techniquement ça n'est peut-être pas parfait. Mais chaque vidéo qui est lancée est en phase avec la musique. Ça ne peut pas être plus personnel. En plus j'ai mes limites en tant que dessinateur, donc on va à l'essentiel.

Greg : Cela donne de jolies métaphores. Des textes imagés. C'est une déclinaison, un fil rouge qui est parti de « Grey People ». Tout se tient. C'est les mêmes éléments.

« Grey People », c'est le titre qui a tout déclenché dans ce projet ?
Shanka : Pas vraiment. Dans l'absolu il est presque secondaire. Dans mon idée, ça n'était pas le bijou de l'album. Après il s'avère que j'ai fait le clip là dessus. C'est venu comme ça.

Il y a aussi un changement de dimension au niveau du label. Vous êtes maintenant signés chez Caroline, une major...
Greg : J'ai un contrat d'artiste avec Universal, sur un autre label, ça nous a ouvert des portes. On s'est retrouvé là par hasard. Se retrouver sur Caroline, pour nous c'était surréaliste. On aurait jamais signé ailleurs. Caroline sait travailler un disque comme le notre. C'est une simple question de culture. Au départ Caroline a été créé par Richard Branson pour les groupes qui ont du potentiel sans être nécessairement mainstream. Quand tu vois les opportunités qui sont offertes aux artistes français... C'est ça la clé de tout. Le label vient d'ouvrir une antenne en France, ça fait un réseau qui permet aux artistes français de remonter à l'international.

Shanka : Sur le premier on avait travaillé avec plein de boites différentes. C'est très compliqué de gérer plusieurs interlocuteurs qui ne se parlent pas entre eux. On a un canal, un interlocuteur. Ne serait-ce que pour aller chercher tes royalties, c'est plus simple et plus sécurisé pour nous.

Greg : On avait plusieurs propositions. Certaines avaient des réseaux de distributions en major. Mais quand tu vois le roster de Caroline : Blondie, Korn, 50cent, St Vincent etc... Juste pour citer quatre noms. Etre le premier groupe français signé sur ce label, ça peut valoir le coup quand même !

Shanka : C'est un super outil de travail. Et comme on s'occupe de tout, on ne va pas cracher dessus. On est malgré tout très indépendants. On choisit avec qui on travaille. Ça nous laisse de la marge de manœuvre. De toute façon on est allé trop loin dans l'indépendance. C'est devenu pratiquement impossible de nous imposer quoi que ce soit.

Greg : On sait avec qui on veut bosser et avec qui on n'a pas envie de travailler. Et cela ne pose jamais de problème. C'est ce qui fait la force de ce label. C'est au choix. La liberté ça n'a pas de prix. Je m'en rends compte dans la vie de tous les jours. Si on se plante ça sera de notre faute. On élimine plein de parasites quand tu sais comment tu veux travailler ton projet et quelle vision tu as pour le groupe. Et quand les gens en face sont prêts à te donner les moyens pour travailler comme tu l'entends.

Shanka : Si on regarde les choses d'un point de vue strictement industriel, les seuls disques qui vont rester en bacs, c'est ceux des majors.

Greg : C'est les seuls qui vont survivre. C'est la crise du disque. La FNAC ne centralise plus. Quand tu es en indé ça devient plus en plus compliqué pour placer tes disques. Maintenant les labels indés doivent négocier magasin par magasin la présence du disque de certains artistes dans les bacs. T'imagines le boulot ? C'est devenu un enfer. Et un dernier détail amusant, Caroline c'est une entité à part chez Universal, les bureaux sont dans un quartier différent. Caroline c'est l'indé de la major et nous on est l'indé chez Caroline. On s'y retrouve finalement.

Et pour les tournées ?
Shanka : On a trouvé une équipe en or pour s'en occuper : POP, pour oublier productions. Pour nous c'est super, jusqu'ici on avait fait que deux concerts en France.

Greg : C'est eux qui avaient pris Shaka Ponk quand ils jouaient pour 17 personnes. Ils savent faire du développement. Les programmateurs répondent positivement au disque c'est génial. Mais je pense qu'ils sont rassurés de savoir que le groupe est signé sur un label qui tient la route et qu'il y a un minimum de travail qui va être fait. Ça aide d'être signé sur un « beau » label. Ça crédibilise auprès des promoteurs locaux. De toute façon, si le disque ne plaisait pas, on aurait aucune date. Après toute la mécanique se met en route, ça entraîne les radios et ainsi de suite... Le label a une belle visibilité.

Shanka : Etre signé sur le même label que Korn, Blondie et 50 cents, c'est rassurant. Au moins le label va passer l'année ! (rires)
Greg : Et en plus tu te dis « WOW » ! (rires)

Shanka, sur « Don't die a copy » tu chantes « to find yourself you've got to loose yourself » cela m'a questionné...
Shanka : Pour arriver à se trouver et à se réaliser en tant qu'être humain il savoir se perdre un peu d'une certaine manière. Faire des expériences qui sortent des rails. Faire des sorties de route pour trouver la sienne. Loose, avec deux « o », c'est parce qu'il faut se détendre. Il faut arriver à prendre du recul. Arrêter de tout prendre comme si ta vie en dépendait. Le recul dans la vie c'est un des meilleurs médicaments anti dépresseur qui soit.

Greg : C'est vrai mais c'est dur.
Shanka : Ca rejoint l'humour. Je suis persuadé qu'il y a de l'humour dans la musique. C'est un trait de génie. Pourquoi Nirvana est si génial ? Parce qu'il y a une grande ironie de la part de Kurt Cobain dans la manière dont il présente son groupe. Je trouve que ça projette le groupe dans le génie. Quand il fait des émissions de télé en faisant semblant de jouer. C'est un des premiers mecs qui a osé le faire, qui a eu le courage. Ce qu'on fait ce n'est que de la musique, on ne fait pas de la recherche fondamentale, créer des vaccins ou creuser des puits en Afrique. Ça reste de l'entertainement, quelque chose d'assez léger finalement. Même si potentiellement les émotions provoquées par l'écoute peuvent être intenses. C'est important de dédramatiser la chose.

Shanka tu as déménagé à Bruxelles il n'y a pas si longtemps...
Shanka : Ça s'inscrit dans ma démarche d'aller voir le monde. Les voyages forment la jeunesse. Moi j'étais déjà un peu inséré dans le milieu belge grâce à quelques amis et collaborateurs. Je joue avec des Belges, je découvre l'arrière pays. C'est intéressant, les Belges ont une manière d'être à mi-chemin des pays voisins. Ils peuvent être très durs dans le business comme les Anglais et accueillant comme des Allemands ou des gens du Nord, généreux. Ils ont de l'humour aussi, c'est vraiment un pays au croisement de plein de cultures. Il y a énormément de bons groupes et de bons musiciens. Et puis Bruxelles est magnifique. Je viens de Nancy, j'adore l'art nouveau, et pour ça Bruxelles c'est génial. Tu sors dans la rue et tu as douze façades art nouveau d'affilée.

Propos recueillis le 13 mai 2014.
En concert le 19 mars à la Gaîté Lyrique


dimanche 22 février 2015

Roddy Frame + Roo Panes, Le Point Ephémère, 21/02/2015.

(c) Steve Gullick


Alors que les lumières s'éteignent une à une, plongeant le Point Ephémère dans une semi obscurité, c'est un Roddy Frame fringuant comme au premier jour qui déboule sur scène, au débotté, le sourire (qui ne le quittera pas de la soirée) jusqu'aux lèvres. Derrière nous, des spectateurs s'extasient sur la ligne de Roddy, s'exclamant : « Mais, qu'est-ce qu'il est mince ! ». On l'a découvert extrêmement mature alors qu'il était encore adolescent et on le retrouve aujourd'hui en fringuant jeune homme de 51 ans. Inusable Roddy ! En solo intégral, avec seulement quelques guitares et harmonicas pour accompagnement, l'ex-leader des mythiques Aztec Camera, attaque le concert comme s'il s'agissait d'un gig entre amis, un samedi soir, sur la scène d'un pub de son Ecosse natale, abreuvant le public de bons mots et de blagues entre deux titres (« J'adore quand ma guitare fonctionne, ça me rends très heureux »). Assez dynamique, bougeant beaucoup sur la scène, Roddy attaque les cordes de sa guitares avec une puissance phénomènale, compensant par la seule force de son poignet le manque de décibels grâce à la souplesse de sa main droite, générant un joli petit swing. Roddy retrouve par moment la posture d'un guitarise de rockabilly, jambes écartées et genoux flêchis. Afin de rompre la monotonie d'un concert solo, Frame trouve dans les gammes hispanisantes une inspiration nouvelle et enquille tranquillement le refrain de « People Get Ready » (Curtis Mayfield) saupoudrant le tout d'influences venues du blues et de la soul. L'excellent chanteur, au timbre digne d'un crooner, se double ainsi d'un guitariste virtuose. L'utilisation d'une guitare à douze cordes donne une toute ampleur au son le temps d'une magnifique séquence nostalgique « Oblivious » (le public chante en cœur) / « We could send letters » issues du premier album d'Aztec Camera (« High land, hard rain », 1983). L'ovation finale fût longue pour le survivant des eighties qui clôturera le set avec un nouveau titre totalement inédit et pas encore terminé s'exclamant « Je n'arrive pas à y croire, c'est complètement fou ! ». Le public le lui rendra bien. Un concert rafraîchissant.

Découvert en première partie, le jeune Roo Panes se produira également en solo intégral à la guitare douze cordes dans une approche totalement opposée, plus sombre et mélancolique bien servie par une magnifique voix. Une belle découverte.


samedi 21 février 2015

Blues Power Band : « Sun studio session »




Memphis, Tennessee, Janvier 2014. Sélectionné pour défendre les couleurs de la France à l'International Blues Challenge, le Blues Power Band profite d'une soirée off, celle du 24 janvier, pour investir les légendaires studios Sun le temps d'une séance dont sont issus les titres de cet EP. A séance exceptionnelle, disque exceptionnel puisqu'il s'agit de la première sortie vinyle pour le groupe, dans une très belle livrée orange. Si le tracklisting est bien connu des fans du groupe, les chansons sont présentées ici dans des versions totalement inédites et la magie du lieu semble avoir inspiré les musiciens qui débordent ici de feeling (les intros à la guitare de « Below » et « The end », le solo d'orgue de « Woman of action »). Et le groupe, qui il n'y a pas si longtemps accolait au Blues de son patronyme un point d'interrogation, effectue ici un spectaculaire retour aux fondamentaux de la note bleue. Accouchant au passage d'un disque insomniaque à écouter aux premières lueurs du petit matin. Une belle réussite à mettre au crédit du groupe. Attention, l'édition est limitée à 300 exemplaires...

jeudi 19 février 2015

Archi Deep and The Monkeyshakers #2



Trio originaire de l'Ile d'Oléron, Archi Deep and The Monkeyshakers rejouira tous les amateurs de rock n'roll à l'ancienne. Si la musique est un éternel voyage dans le temps, alors Archi Deep revisite, avec bonheur et une réussite certaine, le son des années 1970. Entre rock n'roll et blues, Archi Deep n'invente certes rien mais le fait avec une efficacité remarquable. Ainsi, « Girls, money and sex », sonne comme un de ces hymnes rock de la grande époque dorée avant un passage blues/jazz surprenant, finement amené et rondement mené. Il y a décidément beaucoup de musique en eux. Ailleurs, un feeling blues (cf. « Half of a two », « I got inked », « You're not the kinda girl I like ») habite des compositions orientées rock/garage où leur science du riff de guitare, leur gros son et la dynamique de l'excellente section rythmique font des merveilles. Placée en fin de programme « Erase yourself » clôt les débats sur une note acoustique délicate montrant au passage une autre facette, folk, de leur musique. A suivre...


mercredi 18 février 2015

Streets of Laredo : « Volume I & II »



Composé de la fratrie Neo-Zélandaise exilée à Brooklyn, Daniel, Dave et Sarahjane Gibson, le groupe Streets of Laredo a sorti son premier album en fin d'année dernière. Inspiré par la tradition folk de sa ville d'adoption, Streets of Laredo s'impose d'emblée en digne descendant revisitant avec bonheur le style acoustique des années 1960 et 1970. Quoi de plus normal pour un groupe dont le patronyme s'inspire à la fois d'un western (réalisé par Leslie Fenton en 1949) mais aussi d'une ancienne « cowboy song » des années 1920 ? On reste subjugé par l'appropriation de ces idiomes typiquement étasuniens par le groupe qui, rappelons le, n'est pas américain de naissance. Et pourtant on s'y croirait. L'utilisation d'une batterie (« Need a little help »), un accordéon mi country-mi celtique (« Slow train ») et un soupçon d'électricité rock n'roll (« Girlfriend », « Hey Rose », « Laredo ») évite au groupe la sécheresse d'une formation guitare sèche/harmonica. Bien au contraire, ces apports judicieux apportent de nouvelles couleurs fort intéressantes. On imagine sans peine la musique, très cinématographique, de Streets of Laredo servir de bande sonore a de grands travellings dans le désert rocailleux, au milieu des cactus, dans un voile de poussière au soleil couchant (« Dear Leron »). Roots et réussi.
En concert le 02/03 à la Maroquinerie (Paris) dans le cadre du festival Les Nuits de l'alligator
http://www.streets-of-laredo.com/

mardi 17 février 2015

The Pop Group : « Citizen Zombie »



Auteur de deux albums entre 1979 et 1980, The Pop Group est de retour après une pause de... trente cinq ans ! La résurrection ! Première constatation, ne surtout pas se fier au patronyme un peu générique du groupe. Car derrière la dénomination, banale, de The Pop Group se cache une formation redoutable. On en a la démonstration dès la première plage, « Citizen Zombie », chaos organisé de guitares et de boucles sur une rythmique industrielle. Ailleurs le groupe s'attache à des rythmiques discoïdes (« Mad Truth », « S.O.P.H.I.A ») pratiquant une sorte de funk blanc, terriblement accrocheur, façon Bowie (circa « Let's Dance ») mais prêt à vous exploser à la figure. A l'écoute, la clique de Mark Stewart évoque bien plus le New York City de 1981 que Bristol, ville dont le groupe est originaire. On retrouve la frénésie, l'urgence et l'inventivité (« Shadow Child ») typique des formations issues de la Grosse Pomme. N'ayant pas froid aux yeux et terriblement free, The Pop Group explose les structures, pour mieux en redéfinir les contours et les lacérer à grands coups de guitares et un martellement industriel continu convoquant à l'occasion quelques fantômes dark (« The immaculate deception »). Fort, a condition toutefois d'avoir le cœur bien accroché.

lundi 16 février 2015

Les femmes s'en mêlent #18


Depuis 1997, le festival les Femmes s'en mêlent propose un état des lieux des musiques qui nous sont chères (pop, rock) à travers le prisme d'une programmation féminine à Paris mais aussi en régions. La 18ème édition se tiendra du 16 au 27 mars prochain. Parmi les dates à ne pas louper notons entre autres le concert en exclusivité de Véronique Vincent & Aksak Maboul (dont l'album enregistré au début des années 1980 ne sort que maintenant) et notre chère Sallie Ford accompagnée de son nouveau groupe exclusivement féminin.
http://www.lfsm.net/fr/
https://fr-fr.facebook.com/festivallfsm

Festival sons d'hiver, Maison des Arts de la Culture, Créteil, 13 et 14 février 2015.


Vendredi 13 février : Bien plus que « d'hiver », les sons proposés par le festival sont réellement « divers ». Preuve en est donnée avec le grand écart effectué ce soir avec deux formations, emballantes dans des registres très différents. On commence avec le jazz du trompetiste Ambrose Akinmusire, musicien dont on parle de plus en plus en des termes élogieux. Pour la création du soir, le quintet (piano, contrebasse, batterie, cuivres) d'Akinmusire se retrouve augmenté de deux membres, le guitariste Charles Altura et l'incroyable chanteur Theo Bleckmann, qui vocalise bien plus qu'il ne chante, usant de sa voix comme d'un instrument soliste. Le jazz, relativement classique par ailleurs, d'Akinmusire prend alors une tournure planante et rêveuse. Iréel. Le phrasé du trompetiste rappelle un peu Miles Davis, reste à voir si Akinmusire aura la même capacité de transformation que son modèle. Chouette prestation.

Traditionnellement ancré dans les musiques « Noires » au sens large (jazz, reggae, soul, blues etc...) le festival Sons d'hiver ouvre parfois une petite porte vers le rock, genre abordé sous un angle expérimental (Pere Ubu l'année dernière) et souvent instrumental, Tortoise ou Massacre, que l'on voit à titre personnel pour la deuxième fois sur cette même scène de la MAC de Créteil. Lorsqu'il déboule sur scène, le super trio composé du guitariste anglais Fred Frith, du bassiste star Bill Laswell et de l'inusable batteur Charles Hayward, prend possession de ses instruments pour ne les lâcher qu'une heure et quart plus tard. Nous assistons alors à un flot de musique, et de sons, ininterrompu. Si Massacre il y a, c'est bien celui des structures conventionnelles couplet/refrain/couplet. L'incroyable section rythmique maintient la baraque à flot alors que Frith part dans l'exploration de sa guitare, tirant de cette dernière des sons improbables usant parfois d'accessoires divers tels qu'une serviette pour recouvrir les cordes ou d'un archet. A la batterie, Hayward impressionne par son sens du swing et sa capacité d'accélération/décélération. Dans ce contexte Laswell fait preuve d'inventivité, son jeu est imprégné de reggae, et ses différentes pédales d'effets apportent une note saturée et distordue. Véritable exploit, on ne perds jamais le fil de ce « free rock » pourtant tortueux à souhait. Quel groupe !

Samedi 14 février : En ce soir de la Saint-Valentin, on retombe amoureux de la musique une nouvelle grâce à un magnifique plateau orienté blues, gospel et soul. Premier à ouvrir le bal, Otis Taylor est un bluesman à part. Il y a déjà sa présence, imposante, sur scène et son visage (à moitié caché par une casquette) qui est un roman d'aventures à lui seul. Une gueule, pour résumer mais aussi une voix grave et profonde. Accompagné de ses quatre musiciens (deux violons, basse et batterie), Taylor (voix/guitares) investit un champ blues/country/folk où se télescopent violons et banjo, instruments que l'on a pas forcèment l'habitude d'entendre dans la « musique du diable ». C'est surtout sur un plan rythmique que la chose impressionne, le groupe atteignant une sorte de transe quasi tribale (surtout la violoniste qui danse avec des mouvements assez amples). Composée d'un public d'abonnés, d'ordinaire assez sage, la MAC est cette fois-ci debout comme un seul homme ! On se croirait presque dans le sud profond. Belle ambiance. A noter une reprise très belle quoiqu'un peu longue de « Hey Joe » popularisée en son temps par Jimi Hendrix.

Dans un registre plus « sacré » c'est au tour des Campbell Brothers d'investir ensuite la scène. Fidèles serviteurs du gospel, les Campbell Brothers jouent une musique où les lap steel et pedal steel guitar (instruments se jouant assis, la guitare posée à plat) tiennent un place centrale. C'est un style de gospel bien particulier que l'on nomme le « Sacred steel ». Bien entendu les voix, multiples, sont de première importance. Le tout est rondement mené avec un solide sens du groove qui aide à faire passer le message, positif, sur une note festive. On est encore une fois emballé par le sens du spectacle du groupe qui se fait lever le public, applaudissant à tout rompre. Avec ça, on est paré pour la Messe demain matin !


On termine enfin avec des vielles connaissances, les Nantais de Malted Milk accompagné de la chanteuse Américaine Toni Green que l'on retrouve pour la première fois sur scène après avoir été épaté par leur album commun en fin d'année dernière. L'association se place dans un revival soul soyeux et groovy de qualité au moins égal à celui des productions Daptone. C'est dire à quel point nos Nantais maîtrisent cette idiome. La rythmique est à la fois souple et solide et l'orgue Hammond (Damien Cornelis également membre du Blues Power Band) enveloppe le tout de nappes de son chaud. Les interventions des cuivres sont toujours à bon escients et les guitares ramènent le tout vers le terrain du blues. La présence de la chanteuse de Memphis Toni Green (une ancienne choriste d'Isaac Hayes, ça vous classe le personnage) aide le groupe à s'ancrer dans ce territoire de musiques telluriques. Le chanteur/guitariste Arnaud Fradin relaye efficacement Toni au chant sur quelques titres, c'est aussi une présence réconfortante lorsque la chanteuse est prise par l'émotion au milieu de « Just ain't working out ». Le plateau que nous a concocté l'équipe de Sons d'hiver est tout simplement superbe pour finir ce dernier weekend du festival. Rendez-vous l'année prochaine pour les 25 ans du festival !

samedi 14 février 2015

Bernard Lavilliers, MAC Créteil, 11/02/2015




Il vieillit plutôt bien Bernard Lavilliers. Le temps a, peu à peu, gommé ses traits caricaturaux (sa propension à jouer les gros durs et le guide du routard monté sur pattes) pour faire place à un chanteur chaleureux transformant sa perfomance du soir en moment convivial. Lavilliers gère la scène comme un vieux pro, contant autant qu'il chante ses histoires et autres souvenirs de voyages entre chaque morceau. Entouré par un groupe de multi-instrumentistes rdoutables (notamment un orgue hammond B3 avec double leslie ; petite pensée émue pour les roadies en charge de transbahuter l'engin) Bernard revisite son répertoire marqué notamment par le reggae (beaucoup), le rock (un peu) et la salsa, l'occasion d'effectuer quelques jolis pas de danse car c'est, aussi, un showman averti avec ses « pompes rouges de maquereau Portoricain » (c'est lui qui l'affirme). Le répertoire du soir est très marqué par les années 1970 avec notamment « La grande marée » et « Les aventures extraordinaires d'un billet de banque » issues de son troisième album « Le Stéphanois » (1975). Le climax émotionnel est atteint avec « On the road again », en solo à la guitare sèche, dédié à ses « potes de Charlie Hebdo », les premiers à l'avoir soutenu. Hélas la formation réduite (quatre musiciens) oblige le clavier à prendre en charge les basses lorsque le bassiste et le guitariste se transforment en section de cuivres. La musique devient alors jazzy au détriment de l'assise rythmique, c'est dommage. Un excellent concert en forme de carnet de voyages.
http://bernardlavilliers.com/

vendredi 13 février 2015

Marilyn Manson : « The Pale Emperor »




Alors que Marilyn Manson sort son douzième album (en comptant les enregistrements live), en 21 années de carrière, on pourrait légitimement se demander à quoi bon continuer. Suivi par un public fidèle, mais vieillissant, M. Manson apparaît moins triomphant qu'à l'époque de sa splendeur. Et cet état de fait dure depuis quelques années déjà. On peut accorder au moins un mérite à Marilyn Manson, celui de la constance, qui le pousse à sortir des albums qui, d'un point de vue musical, se tiennent toujours plus où moins (on reste sur un « Born Villain » d'excellente facture sorti en 2012). Lui, au moins, n'a pas cédé aux albums prétextes à des tournées mondiales destinées à renflouer les caisses. Bien loin de tourner en rond, Manson décide, sur ce nouveau disque, de changer quelque peu ses méthodes de travail. Il en résulte un disque plus simple, plus direct que par le passé, enregistré en grande partie en live avec pour simple accompagnement des guitares et une section rythmique (basse/batterie). Un album plus rock n'roll que métal, prenant une surprenante orientation blues (le « Killing Strangers » d'ouverture, « Slave only dreams to be king »). Cet accompagnement musical dépouillé permet de mettre en valeur la voix si particulière de Manson, et on ne dira jamais à quel point ce type est un grand chanteur, qui a rarement aussi bien vocalisé que sur ce disque. Mais un album de Marilyn ne serait pas tout à fait un disque de Manson sans une note sinistre (« Deep six », "Birds of hell awaiting") ni une dose de grandiloquence gothique (« Warship my wreck » qui sonne comme le Manson d'avant, soit le parfait contrepoint de sa nouvelle démarche). Manson a toutefois mis de l'eau dans son vin et l'ensemble sonne moins radical et jusqu'au boutiste qu' « Antichrist Superstar » (1996). Non, Marilyn Manson n'est pas fini et il a encore des choses à dire après toutes ces années.
http://www.marilynmanson.com/

jeudi 12 février 2015

Asaf Avidan : « Gold Shadow »



Asaf Avidan a beaucoup à se faire pardonner. Parce que lui, on l'a vraiment aimé quand, à l'époque de son groupe les Mojos, il pratiquait un rock garage furieux teinté de blues (mais aussi de folk) en se posant en réincarnation paradoxale de Janis Joplin. Ah ça oui Asaf on l'a beaucoup aimé et on garde encore un souvenir ému du concert au divan du monde. Mais voilà, ça c'était avant ; avant le « changement de pulsation » (plutôt mollassonne la pulsation) et le repositionnement commercial. Sur ce nouveau disque Asaf pleure son amour qui se meurt et, si on est désolé pour lui, il faut admettre que musicalement, cela lui sied beaucoup mieux ainsi. Le disque souffre un manque de peps manifeste et parfois Avidan retombe dans ses travers habituels, une emphase un peu factice par exemple, mais globalement l'inspiration est plutôt revenue. La chose demarre plutôt bien avec « Over my head », acoustique et teinté de blues comme à la grande époque. Si la musique s'est globalement assagie, « The Jail that sets you free » brûle malgré tout d'une étincelle rock n'roll, un peu moins forte toutefois qu'à la grande époque et « Bang bang » le voit renouer avec le blues. Les sommets d'émotions sont atteints sur « Gold Shadow » et, surtout, « My days are long and dark these days » : acoustique intimiste, chant emprunt de sentiments (car son talent vocal n'est jamais parti) arrangements tendant vers le baroque : le fantôme des Doors reprenant Brecht n'est pas très loin (« These words you wanna hear » ; « A part of this »). En évitant de s'inscrire dans un cadre musical bien précis, Avidan accouche d'un album varié susceptible de plaire à (presque) tout le monde. Et c'est déjà nettement mieux que son album précédent.


mercredi 11 février 2015

Zo : « Les paradis ordinaires »



Et si le bonheur résidait dans les choses simples ? Avec des moyens somme toute assez limités mais une bonne dose d'inspiration, Zo accouche d'un album, son deuxième, d'une simplicité désarmante mais au charme indéniable. Alors certes, il n'est ici point question d'une grande révolution mais, dans le fond, qu'importe. « Les paradis ordinaires », c'est une collection de chansons sacrément accrocheuses. Et c'est déjà énorme. Caché derrière des dehors modestes, Zo atteint ainsi de petits sommets. La chanson acoustique, dans la langue de Molière (« Si mon coeur », « Jaisalmer »), reste sa base privilégiée, mais Zo ne se prive d'aucun plaisir, ce qui nous en donne beaucoup au passage. Un soupçon de rock, voire de rockabilly (« Slow guimauves, twist & soda », « Port-Navalo », « Strass avenue »), une petite dose de western (« Comme sur des chevaux ») viennent égayer le tout d'une petite note canaille pas faite pour nous déplaire et qui attire durablement l'attention. Soulignons enfin l'effort porté sur la langue française par l'auteur. En ce sens cet album semble rescapé d'une époque lointaine où les artistes tentaient d'adapter les textes dans notre langue plutôt que de tomber dans l'écueil de la pâle copie dans un anglais souvent lamentable. Un disque frais, véritable éloge des petits plaisirs quotidiens. Ca fait du bien.



mardi 10 février 2015

DU PLOMB



Premier EP pour cette formation originaire de Bordeaux qui fait honneur à son patronyme de manière originale puisqu'il n'y a pas une seule note de guitare sur le disque ! A la place un synthé et autres machines (activées par Julien) mais aucun risque cependant de les confondre avec un groupe électro. A l'instar des récents Royal Blood, Du Plomb pratique un rock lourd avec un substitut à la guitare que l'on jurerait plus vrai que nature. Le quatuor s'installe dans une veine métal/stoner avec ce que cela comprends d'influences venues du blues, du psyché et du rock lourd façon 70s (« Let it burn »). Encore une fois, très surprenant puisque, on le rappelle, tout cela sans frotter la moindre corde de guitare. Bluffant ! L'EP bénéficie de la production aux petits oignons de Fred Duquesne (un pilier de la scène métal d'ici) qui utilise à la perfection les possiblités offertes par le line up original du groupe pour un résultat frais et immédiat (« This is my eye », « Choose the man »). Le groupe réussit même à nous réconcilier avec le rock dit « engagé », puisqu'ils le font de manière subtile utilisant des extraits de discours et d'interviews (« Secondaires », « Question ») assez brefs, sans être lourdingues ; tout l'inverse de la kyrielle des pales copies de Noir Désir qui pullullent depuis des années. Un peu court (5 véritables chansons et 2 intermèdes) ce premier EP laisse augurer d'un avenir prometteur...
https://fr-fr.facebook.com/duplomb

lundi 9 février 2015

Mounties : « Thrash rock Legacy »



Manière de super groupe à la sauce canadienne, le trio Mounties (le surnom donné à la police montée Canadienne) regroupe quelques têtes bien connues : Hawksley Workman, Steve Bays (Hot hot heat) et Ryan Dahle (Limblifter, Age of Electric). En tout premier lieu, surtout ne pas se fier à l'expression « Thrash » contenue dans le titre du disque, en effet, les Mounties sont tout ce qu'il y a de plus pop à milles lieues d'une musique heavy. Bien au contraire. Si puissance d'exécution il y a, cette dernière réside dans le dynamisme et non la lourdeur. La batterie pulse, imprime un rythme démentiel et plein de groove (« Made up my mind », irréssistible). Les synthés, millésimés, apportent une note kitsch et donnent à l'ensemble un air de navette spatiale en perdition depuis les années 1980 (« Tokyo Summer », « The twig and the tree », « Minimum effort »). Le groupe met la barre assez haut en matière d'écriture, les compositions intrépides ménagent de nombreuses surprises, multipliant les fausses pistes : l'excellente « If this dance catches on » mais la remarque vaut pour l'ensemble du disque ; comme par miracle, et tel un chat, le trio retombe toujours sur ses pattes. A l'inverse, Mounties est aussi à l'aise dans des structures plus classiquement rock mettant la guitare en avant (« Made up my mind »). L'ensemble démontre un réel effort du trio pour produire quelque chose d'original, et le plaisir pris par les musiciens s'entends de la première à la dernière plage. Seul petit bémol, le disque est un peu long, 14 titres, et il n'est pas évident de tenir la distance. Un disque très frais cependant, de quoi préparer sereinement le retour des beaux jours.
En Concert le 11 avril à Paris (La Maroquinerie)

dimanche 8 février 2015

Twin Atlantic : « Great divide »




A bien des égards, Twin Atlantic semble échappé de cette zone grise du début des années 2000 où formations néo-métal interchangeables et groupes pop insignifiants (Coldplay) se disputaient le haut des charts. Coincés entre ces deux tendances, les Ecossais se rêveraient en héritiers des Smashing Pumpkins ou de Nirvana et sont finalement assez loin du compte. Pour un « Heart and soul » à moitié réussi et partiellement bien envoyé combien de titres ampoulés (« The ones that i love », « Hold On »...) et souffrant de plus d'une production trop propre pour être honnête... Symptomatique d'un groupe qui ne trouve jamais la bonne carburation. « I'm an animal » clament-ils, particulièrement bien domestiqué alors, serait-on tenté de répondre.
http://www.twinatlantic.com/

samedi 7 février 2015

Twin Arrows + Eyes Shaker, Le Nouveau Casino, 06/02/2015.

Twin Arrows


Ah, c'est sur il faut aimer le rock n'roll estime-t-on, enfilant gants, bonnet et écharpe avant d'aller affronter les températures négatives, là où (presque) tout nous pousserait a rester bien au chaud, sous la couette devant la télé. Ah, c'est sur, il faut aimer le rock n'roll ! S'interrogeant soudainement sur la nature profonde de notre motivation. Un concert c'est une décharge d'adrénaline, de l'excitation, en résumé, tout ce que ta télévision ne pourra jamais (enfin presque) t'offrir. Alors c'est sur, il faut l'aimer le rock n'roll, surtout quand on a la chance d'avoir une aussi belle affiche que ce soir et qu'importe si il faut en passer par des rafales de vent glaciales...

A peine rentré dans le nouveau casino qu'un bruit assourdissant et saturé nous étreint. On est surpris de constater que les responsables ne sont que deux sur scène : un orgue hammond et une batterie. Les Eyes Shaker, puisque c'est d'eux dont il s'agit, auraient pû faire partie de cette génération qui, dans les années 1990, avaient décidé de réinventer le rock n'roll en se passant de six cordes (Morphine, Ben Folds Five etc...), pourtant c'est plutôt aux années 1960, aux groupes garage et psyché que l'on pense. Les deux musiciens sont à fond et une batterie en survoltage permanent le conteste au groove chaud de l'orgue hammond. Intéressant comme contraste. Eyes Shaker, où comment rester fidèle à l'esthétique des années 1960 tout en étant totalement original, sans tomber dans l'écueil de la copie. Le set, assez court, se termine avec une reprise de « Ace of spades » (Motörhead) et il en faut assez peu pour se persuader que Lemmy serait content...

Vient ensuite The Jaja and the Poupou's (une métaphore cycliste entre Jalabert et Poulidor ?), une troupe de théâtre proposant un intermède comique. Faute d'instruments (confondus avec les affaires d'aquagym!) le groupe mime son concert en audio description... On ne sait pas trop quoi en penser si ce n'est que tout ceci semble un peu hors sujet...


Enfin en tête d'affiche on retrouve les Twin Arrows. Le groupe que l'on avait quitté il y a quelques années se débattant dans les méandres de l'autoproduction est actuellement en pleine bourre. Distribué par l'excellente structure Modulor, le quintet remplit le nouveau casino (plein comme un œuf) quelques jours avant la sortie de leur deuxième effort (et pour l'avoir écouté on peut d'ores et déjà affirmer qu'il s'agît d'une petite bombe) ! Sur scène le groupe est totalement déchaîné et a franchi, sur le plan musical, une étape significative. En pleine possession de leurs moyens, les Twins Arrows soufflent le chaud et le froid, alternant passages épiques à base de guitares énormes et intermèdes psychés, limite angoissants, dominés par des nappes de claviers. L'orage gronde avant la grande explosions des décibels. Entre rock n'roll, blues et psychédélisme le groupe s'en donne à cœur joie, le quintet est en transe ! Sexy comme tout dans son perfecto noir, l'incroyable chanteuse Eléonore Michelin domine l'ensemble de sa voix chaude et grave telle une prédicatrice possédée. Les influences sont parfaitement digérées, le résultat est frais, original et excitant. Pas de doute, ils sont arrivés à maturité. Rendez-vous le 23 février pour la sortie du disque...
http://www.twinarrows.fr/
https://fr-fr.facebook.com/twinarrows
https://fr-fr.facebook.com/pages/Eyes-Shaker/200813923342401
http://eyesshaker.bandcamp.com/
https://fr-fr.facebook.com/JajaPoupou

mardi 3 février 2015

Sir Richard Bishop : « Tangier Session »



Guitariste virtuose, Richard Bishop, a.k.a Sir Richard Bishop, est un vieux routier du rock étasunien, membre des Sun City Girls depuis 1984. Sa carrière solo, débutée en 1998, montre une facette différente, expérimentale et inspirée par les voyages de sa musique. Il en va ainsi de ces « Tangier Session », qui évoquent par moment « Only lovers left alive », la bande originale du dernier Jim Jarmusch. Entièrement acoustique et instrumental, l'album ne compte qu'un seul intervenant : Bishop qui s'occupe de tout de A à Z. Pas de batterie, ni de percussions, rien que des guitares au son cristallin dont Bishop pinse les cordes avec une sensibilité à nulle autre pareille, produisant une musique où les notes comptent autant que les silences. Tour à tour délicate, intimiste où rêveuse, la musique semble s'être échappée de l'attraction terrestre, la bande son idéale d'une soirée sous les étoiles au milieu du désert. L'album s'écoute comme un carnet de voyage. D'une durée réduite, seulement sept titres, Bishop évite ainsi, habilement, l'écueil de l'ennui inhérent à ce genre de projet intimiste. On est épatés...


lundi 2 février 2015

The Monkberry Moon Orchestra : « Velvet Glove »



Après trois Eps, les Monkberry Moon Orchestra, groupe que l'on suit régulièrement depuis quelques années, passe à la vitesse supérieure avec ce premier album intitulé « Velvet Glove ». Comme à son habitude, le quintet semble être tombé dans le tunnel à remonter le temps pour recréer, le temps de 13 compositions, ces années 1960 tant chéries. Une fois de plus la pop tendance ligne claire du groupe prouve toute son efficacité sur ce premier disque. Grâce à une section rythmique remarquable, la basse « ronde » d'Alex en particulier impressionne (cf. « The invitation », « Endless sky »), TMMO parsème sa pop psyché d'un soupçon de groove bienvenu (cf. « Last farewell »). Le groupe se lâche par moment sur les arrangements, le temps d'un solo de guitare (Yann Beyer/Fred Exertier) ou d'orgue (Noé Franklé) bien acide, suffisamment pour injecter un peu de folie dans un univers somme toute assez sage (l'enlevée « Velvet Glove », « Liar Liar »). Tout au long du disque, la chanteuse Audrey nous fait un grand numéro de charme, irradiant les compositions de son grain de voix diaphane. Le tout nous ramène souvent du côté d'April March mais le groupe ouvre une brèche supplémentaire en direction des Byrds, version féminine, qu'ils reprennent par ailleurs (« Mr Spaceman »). Un album doux comme du velours, que le survolté duo de guitaristes sauve de la routine et, au final, une réussite supplémentaire à mettre au crédit du groupe. A suivre...


dimanche 1 février 2015

A vicious love Story



Ecrit par l'auteur Anglo-Norvégienne Teddie Dahlin, A Vicious love story, relate un épisode peu connu de la vie de l'ex-bassiste lors de la tournée norvégienne des Sex Pistols en 1977. L'auteur nous promet un portrait présentant un aspect méconnu de la personnalité du musicien, avant la déchéance. Déjà disponible en version ebook kindle, la version papier arrivera en librairie le 12 mars. Chronique à suivre...

Paul Smith & Peter Brewis : « Frozen by sight »




Parfois, les meilleures choses sont commandées à distances... C'est à la suite d'une commande du festival of The North East, que Paul Smith (Maxïmo Park) et Peter Brewis (Field Music) entament leur collaboration. L'album qui résulte de la rencontre des deux musiciens, « Frozen by sight », s'apparente à un OMNI, un objet musical non identifié. Baroque, mais élégant, le disque mélange compositions pop, délicatesse folk et arrangements de musique de chambre. Le résultat est étonnant, délicat et inspiré par les voyages comme l'indique le track listing : « Barcelona (at Eye level)», « Santa Monica », « Budapest », « L.A street cleaner », « Philly » etc... Un mini tour du monde entre vieille Europe et nouveau monde. Intemporel et précieux par intermittence, l'ensemble manque tout de même sérieusement de peps ("Budapest" qui sonne un peu inachevée).
http://www.frozenbysight.co.uk/