mercredi 29 juin 2022

S.am : « Ikigaï »

 


A la recherche de son « Ikigaï » (joie de vivre, raison d’être en japonais), Sarah Amsellem est devenu S.am, et alors qu’il s’est agi de donner une suite musicale à cette nouvelle identité ("Rebirth" chante-t-elle à dessein), S.am s’est focalisée sur son instrument le plus personnel, et peut-être le plus beau : sa voix. Ainsi, c’est la tendance de fond, expérimentale et psychédélique, qui a toujours animé sa musique (cf. « L’âme innocente » ; « Le Brasier ») qui s’invite très largement à la table pour un résultat très vocal et fort éloigné de tout ce que Sarah avait proposé jusqu’ici. Pour être tout à fait honnête, la réaction première à la découverte de cette nouvelle proposition musicale, folk et chamanique, est d’avoir été désarçonné, quelque peu désemparé, tant l’artiste s’éloigne ici du format chanson, pop, trip hop, qui constituait sa marque. Pourtant, les points de concordances existent et sont même nombreux. Si l’on note l’absence totale de piano (suffisamment rare pour être souligné), l’EP s’enlumine de quelques sublimes lignes de ukulélé. De même, il n’est pas déraisonnable d’entendre dans les magnifiques harmonies vocales de « Reboot » un lointain cousinage avec les Beach Boys, soulignant l’ancrage pop de sa musique, ou de retrouver dans cette pulsation qui fait vibrer ce nouvel EP le même écho que celui qui animait jadis « Je me nomme poète » ou sa chanson « Nudité » (extraite de son vinyle "Sésame"). Le fait est que nous sommes ici en présence d’un disque rare, dans le mesure où il se situe à l’écart des modes et des tendances actuelles. Un disque qui exige du temps, de l’attention et une écoute répétée. Un disque qui appelle également une forme d’abandon de la part de l’auditeur. Il faut savoir s’abandonner à la musique de S.am, à ses harmonies, ses percussions délicates et dégagées des contingences terrestres (« Sanili », absolument sublime, la coda hypnotique de « Lemniscate ») et à ses harmonies vocales éthérées qui se prolongent à l’infini. Accéder à la beauté est à ce prix. Seule musicienne invitée, la violoniste Marie Lesnik (une de ses sœurs de l’aventure Pagan Poetry) ajoute une touche baroque, voire stridente, à « Soul », entraînant la chanson dans un long tunnel, une spirale hypnotique enivrante et bouleversante. Enfin, la très personnelle « Sakura » ponctue le cd en prolongeant l’exploration de la thématique féminine, entamée avec l’album « Muses » consacré aux poétesses, une cause dont l’artiste s’empare avec bienveillance et qui constitue une des lignes de forces de son parcours musical. Au-delà d’un simple disque, un voyage, une expérience, dont l’écoute est plus que recommandée.

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mardi 28 juin 2022

Garland Jeffreys : "The King of In Between"

 


Retiré (définitivement ?) de la scène, Garland Jeffreys se retourne sur son parcours et ses cinquante ans de musique le long d'un documentaire en cours de fabrication. Et Dieu sait qu'il y en a des choses à dire, de ses amitiés avec Lou Reed, Bruce Springsteen, Bob Marley, Elliott Murphy, ou du croisement unique en son genre (le in-between) qui caractérise sa musique, de la soul au folk/rock. Le documentaire s'annonce passionnant et pour soutenir le projet, c'est par ici :

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dimanche 26 juin 2022

Robyn Bennett : « Feel »

 


Le deuxième volume de la série d’EP post-confinement de la chanteuse, à sortir entre 2021 et 2023, vient de voir le jour et s’intitule « Feel », ce qui est particulièrement heureux car, tant la musique que la voix de la chanteuse, débordent de feeling. Une sorte de sentiment primesautier parcours le disque et habite les compositions qui, si elles restent imbibées de jazz et de soul, ne s’interdisent pas quelques détours vers la pop ou le funk et voient Robyn s’essayer à l’exercice du flow hip-hop (cf. la bien nommée « Get Up »). Le tout mené sur un tempo enlevé, joyeux et avec beaucoup de fraîcheur. L’EP est autant soucieux de respecter la tradition que d’y ajouter une production enlevée et moderne et, pour cette raison, ne peut qu’être recommandé.

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samedi 25 juin 2022

Madam

 


Derrière le nom, relativement générique de Madam, se cache un redoutable trio rock’n’roll entièrement féminin (on s’en serait douté) et quelques mois après la découverte de Grandma’s Ashes, cette nouvelle découverte nous confirme que tout n’est pas perdu ici-bas. En effet les trois musiciennes de Madam n’y vont pas par quatre chemins et délivrent, en cinq titres, un décharge d’adrénaline et de décibels à faire pâlir d’envie n’importe quel groupe, à la fois puissant et électrique ; brut et sauvage. Le disque file droit au but, les trois musiciennes sont à l’unisson pour galvaniser l’auditeur. Une unicité de style qui sied à merveille à la chanteuse (et guitariste) Gabbie Burns dont le chant incarne parfaitement l’élément pop baroque, varié et mélodique, qui s’intègre à merveille dans le gros son du trio en lui apportant de la fraîcheur et un grain de folie. Belle découverte.

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vendredi 24 juin 2022

The Bobby Lees : « Hollywood Junkyard »

 


Retour surprise pour les Bobby Lees avec ce nouvel EP (4 titres) que l’on attendait pas et surtout pas en cette saison ! En effet, s’ils sont toujours aussi vindicatifs et électriques (« Dig your hips »), les New-Yorkais surprennent avec ces chansons aux accents baroques, voire horrifiques, qui constitueraient la bande originale idoine pour la prochaine soirée d’Halloween (« Hollywood Junkyard »). La surprise est de taille mais plutôt bonne, le quatuor ayant considérablement élevé son ambition musicale, n’hésitant plus à se mettre au piano (cf. les surprenantes intonations cabaret de « Strange Days »). A (re)découvrir.

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vendredi 17 juin 2022

Dätcha Mandala : « The Last Drop »

 


C’est avec un plaisir certain que l’on retrouve le trio bordelais, avec ce nouvel EP de cinq titres. Les guitares rugissent (la puissante « Hit and Roll »), comme aux plus belles heures, et la voix de Nicolas, boucles blondes entre Robert Plant et Roger Daltrey, séduit, une fois de plus. Et pourtant, quelque chose sonne différemment. Avec ce nouvel EP le groupe révèle une face plus introspective, se retournant sur ses influences : la première plage s’intitule « Janis », « L.A. Hippie », voire mélancolique (cf. les nappes de cordes enrobant « I & You »). Un effet des confinements successifs ? Quoi qu’il en soit le mélange de rock saturé mâtiné de blues et de folk psychédélique (« Carry On ») se révèle toujours aussi efficace et procure une sensation de bonheur immédiat.

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jeudi 16 juin 2022

Shaggy Dogs : « Sorry for the delay !! »

 


Ils sont mignons, les Shaggy Dogs de s’excuser de la sorte pour l’attente (il est vrai que le temps s’est écoulé depuis leur « Fiesta Blues’n’Roll »). Mais de fait, même si on les avait un peu perdus de vue ces derniers temps, il est surtout question de temps qui passe sur les cinq titres de ce nouvel EP (« Carpe Diem », « Take Your Time »). Une philosophie hédoniste qu’ils mettent en musique avec leur efficacité habituelle, du blues, bien entendu, au rhythm’n’blues sans oublier le rock’n’roll le plus incisif. Le résultat est des plus réussis, de l’attaque au piano du la plage d’ouverture (« Johnny ») aux cuivres (assurés par Sax Gordon Beadle, excusez du peu) qui enluminent ça et là la musique (« Carpe Diem ») apportant une note élégante presque jazzy. A ce titre, notons également « The Ones Who Know It All », tentative aussi rare que réussie d’incursion dans le genre crooner, bien aidée par les sublimes harmonies vocales du norvégien Eric Slim Zhal (un ancien récipiendaire de l’European Blues Challenge). Tout cela valait bien le coup d’attendre.

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mercredi 15 juin 2022

Dead Chic : « Bastion Session »

 


Derrière le patronyme « so chic » de la nouvelle formation se cachent deux figures bien connues et, surtout, bien aimées de cette page, à savoir le guitariste Damien Félix (Bigger, ex-Catfish) et Andy Balcon qui fût autrefois la voix d’Heymoonshaker. Une alliance quasi-rêvée tant le chant, toujours aussi écorché de l’un se marie à merveille à la guitare élégante et aventureuse (« Too Far Gone ») de l’autre. Bien servi par un sens du songwriting imparable, où se télescopent, les influences venues du blues (un signe de bon goût indéniable détectable dans le feeling se dégageant de la guitare poussée dans ses ultimes retranchements à l’unisson du râle d’Andy) mais aussi de l’accroche pop / folk (« Ballad of another man ») ou, plus généralement du rock puissant et saturé, ce premier EP distille des sensations fortes, les effluves d’un classique immédiat (dans la lignée de Valparaiso, par exemple) et, hélas, un goût de trop peu. Quatre titres seulement, qui passent à la vitesse de l’éclair, mais annonçant de grandes choses à venir.

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mardi 14 juin 2022

Quiet Dan : « The Fire Next Time »

 


Ce nouvel EP de l’artiste israélien, installé en France, confirme le talent de l’artiste aperçu sur son premier album, tout autant qu’il brouille les pistes. Tout d’abord, il convient de ne pas se fier à l’adjectif collé à son prénom, tant l’univers de Dan apparaît dans toute sa splendeur baroque et bouillonnante et ce dès la première plage « Milk & Beer ». Et pourtant, calme, Dan sait l’être sur des titres apaisés (« One by one », « Spirit ») mais, où pointe toujours un soupçon de bizarrerie inquiétante. « La prochaine fois le feu », écrivait James Baldwin, une injonction menaçante qui va comme un gant à la musique de Dan où l’orage sourd gronde et menace, sous-jacent (« The fire next time »), en dépit de ses atours folk ("Magicians") et psyché (« Call me when you get there ») délicats.

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dimanche 12 juin 2022

Decasia : « An Endless Feast for Hyenas »

 


Le premier album du groupe nantais, désormais basé à Paris, démarre sur des bases élevées. Ainsi c’est un riff de guitare wha-wha déchaînée mené tambour battant suivant le rythme infernal de la section rythmique qui nous souhaite la bienvenue dans cet opus. Cela ne pouvait mieux commencer ! En effet, si les années 70 et les fantômes psychédéliques hantent cet album, Decasia se garde bien de toute nostalgie, en explosant l’idiome à grands coups de riffs stoner métallique. C’est ainsi une version lourde en décibels du psychédélisme que nous livre le groupe. Le chant habité, voire fantomatique, et les passages narratifs plus calmes (il en faut bien quelques uns) nous rappellent sans cesse l’ancrage de la musique dans cette spirale hypnotique. Enregistré dans une maison perdue en Auvergne, le trio a parfaitement retranscrit ses improvisations diaboliques en morceaux trippants et entraîne l’auditeur, roué de coups de larsen dévastateurs et d’accélérations furieuses, dans son univers entre grimoires et bougies. Cet album constitue une merveilleuse surprise !

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samedi 11 juin 2022

Robert Finley : « Sharecropper’s son »

 


Fils du métayer, vétéran de l’armée, quasiment aveugle, Robert Finley, 68 ans et trois albums seulement au compteur, à déjà vécu mille vies avant la musique. Et ce n’est que lorsque sa vue s’est dégradée, au point de lui faire abandonner son métier de charpentier, qu’il s’est, enfin, abandonné à la musique, une passion qui l’a guidé toute sa vie. La précision est inutile mais, avec un tel vécu, forcément Robert Finley a des choses à raconter et, surtout, à chanter. Sa voix, cabossée par les années, est un régal à l’oreille, et tel l’organe d’un vieux soul/blues man, ce qu’il est dans le fond, les émotions affluent, dans un flux continu, tel un torrent de montagne. Dans sa quête, Finley a trouvé, en la personne de Dan Auerbach, le partenaire dans le crime idéal pour mettre parfaitement en musique le feeling qui habite la moindre note du disque. L’album ne s’éloigne jamais d’une esthétique soul/blues alanguie, un feeling laidback et tranquille, comme une sorte de JJ Cale en un peu plus poussiéreux, et c’est franchement ce qui pouvait arriver de mieux. Intemporel et sublime !

En concert le 12 juin à Paris (Trabendo)

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jeudi 9 juin 2022

Olivier Rocabois : « The Pleasure is Goldmine »

 


Conçu comme un trait d’union entre son premier album (le sublime « Olivier Rocabois goes too far ») et son prochain, prévu pour 2023 (enfin si tout va bien d’ici là), ce nouvel EP assoit encore un peu plus l’artiste dans le paysage pop hexagonal. Ces 23 minutes relèvent du fantasme pop. Ainsi, alors qu’il imagine sa musique, abordant des horizons lointains, aussi bien dans le temps (l’ombre du 20ème siècle, des années 60 et 70 est omniprésente) que dans l’espace (la musique possède ce petit soupçon de classe britannique, voire exotique quand elle lorgne vers le Brésil), Olivier fait rêver et voyager l’auditeur. Grandiloquent et baroque, produit avec un soin maniaque et à grand renforts de piano élégant, de claviers étranges, d’éclairs électriques, ce nouvel EP aux envolées lyriques ressuscite la pop en la mâtinant de folk et d’improvisations autant chamaniques que psychédéliques (« Brain Cells ») et nous pose la question ultime : le cinquième Beatles était-il français ?

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Elise & The Sugarsweets : « Horosho »

 


Ce nouvel effort, le deuxième du groupe, marque une évolution significative pour Elise & The Sugarsweets. D’une part, si le quintet n’a pas changé de nom, il dispose, en la personne de Yulia Gubenko, d’une nouvelle chanteuse, qui signe ici ses débuts discographiques avec le groupe, dotée d’une sublime voix, ample et éraillée, incarnant à la perfection toutes les nuances d’une musique gorgée de soul et de feeling. Feeling est bien le maître mot ici, perceptible dans les licks inspirés de la guitare d’Olivier Raymond (lequel engage un passionnant dialogue musical permanent avec la chanteuse, l’un répondant à l’autre), dans le groove lancinant de l’orgue (Bala Pradal) ou dans la section rythmique à tout casser des frères Ferrié (Jérôme à la basse, Olivier à la batterie). Ainsi, ce nouvel effort est un régal d’écoute, immergé dans la grande tradition soul, à grands renforts de cuivres ou de sublimes harmonies vocales (on note la présence d’Audrey Lurie de Little Odetta dans les chœurs). La formation mise en orbite pour s’inscrire dans la grande tradition soul ne dispense pas d’une prise de risques, sous forme de clins d’œil appuyés vers le hip-hop funk (le flow qui orne « My Goddess got shapes », cosignée de l’ancienne chanteuse Elisa Heyte) ou vers le rock’n’roll pur sucre (« Birthrights » ; « Not allowed to sing the blues » signée Bernard Sellam d’Awek. Loin d’être sclérosée sur ses acquis, la formation continue sa marche en avant, prouvant par la même l’intemporalité de la soul, le temps de cet album vivifiant.

En concert le 11/06/2022 (Jazz Club Etoile)

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