mercredi 31 août 2022

Datura4 : « Neanderthal Jam »

 


Dans le parcours musical de Dom Mariani, déjà membre (entre autres) du légendaire combo psyché The Stems dans les années 1980, Datura4, actif depuis une dizaine d’années, s’impose à la fois comme une suite logique mais aussi un petit pas de côté. Logique, car on retrouve l’obsession de l’Australien pour le rock teinté des influences 60s/70s. Petit pas de côté, car cette influence prégnante (cf. la magnifique « Open the line ») se pare, dans ce nouveau contexte, de guitares saturées et de rythmes ternaires, hérités de blues et de boogie (« Black Speakers ») dans un parfait artefact hard rock des années 1970 (« Bad Times »). « Plus heavy, meilleur c’est !» pourrait bien être la devise du groupe sur ce nouvel effort. Et en effet le groupe s’y entend comme pas deux pour entraîner l’auditeur dans ce voyage temporel au pays du gros son, volontiers hypnotique à l’occasion. C’est assez addictif.

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mardi 30 août 2022

Interview avec Lulu Van Trapp

 

Lulu Van Trapp, Rock en Seine, le 27 août 2022 (c) Victor Picon

Lulu Van Trapp, Rock en Seine, 27 août 2022, (c) Victor Picon

Si un groupe est bien content d’être là, à Rock en Seine, c’est Lulu Van Trapp ! « C’est la première fois qu’on joue, l’expérience est très différente par rapport à une salle. Il y a plein de choses qui se passent, des rencontres, des amitiés naissent avec d’autres artistes. Et puis le look des festivaliers est assez rigolo». Une expérience qui avait pourtant mal débuté, le synthé de Rebecca (également chanteuse) ayant rendu l’âme juste avant le début du concert : « C’est la toute première fois que je ne fais que chanter, c’était déstabilisant, d’habitude le clavier constitue une sorte de rempart avec le public ». Un public avec lequel ils entretiennent un rapport particulier : « On est là pour les regarder dans les yeux, les attraper par le colback et ne plus les lâcher. En vrai, on n’est pas là pour draguer les gens. La scène c’est notre terrain conquis, dès qu’on pose le pied sur scène, il n’y a plus de question, ni d’hésitation, on sait qui on est et on est nous et entièrement nous ». Un exercice qu’ils abordent selon un angle bien particulier, à l’image du batteur qui joue debout (ce qui reste quand même assez rare exception faîte des Stray Cats ou d’Art Brut) : « On est en mode Avengers, debout, alignés, prêts à partir au front !» Un champ lexical guerrier qui incarne assez bien l’attaque du groupe, son côté rentre-dedans, foutraque et décalé où les influences, Nina Hagen (revendiquée par la chanteuse, « j’étais obsédée par elle »), du punk, de la surf music ou du reggae/ska se télescopent : « C’est la somme de toutes ces influences qui nous a faits ». Et pourtant derrière cette image se cache une bande de cœurs tendres dont certains se connaissent depuis le CM2 : « En vrai, le premier album, "I’m not here to save the world", est grave un disque de chansons d’amour, il n’y a pas un titre qui ne soit pas nourri par nos expériences, espoirs ou déceptions que l’on a tous assez nombreuses ». De quoi largement nourrir un deuxième disque, dont l’enregistrement est prévu pour cet automne.

Propos recueillis à Rock en Seine, le 27 Août 2022.

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lundi 29 août 2022

Rock en Seine, 25, 26, 27 août 2022.


 
Yard Act (c) Olivier Hoffschir

Inhaler (c) Olivier Hoffschir

Newdad (c) Christophe Crénel

UTO (c) Victor Picon

Grandes retrouvailles au Domaine National de Saint-Cloud après deux ans de disette, pour les raisons que tout le monde connaît ! On commence le 25 août avec l’impression d’embarquer sur le ferry en direction de Dublin, tant l’Irlande est omniprésente dans la programmation de ce premier jour : Yard Act, Fontaines DC, Inhaler et Newdad. On commence avec Yard Act, excellente formation post punk à l’énergie aussi débordante que contagieuse et dotée, qui plus est, d’un grand sens de l’humour. Une excellente découverte en forme de petite mise en jambe avant le choc provoqué par la prestation à couper le souffle de Fontaines DC. L’énergie du quatuor, à grands coups de riffs de guitare addictif entraîne le spectateur dans sa folie, un concert fait de hauts, de bas et de subites montées en tension, difficile de s’en remettre… On termine cette première journée avec trois découvertes, Inhaler dont le chanteur Elijah Hewson n’est autre que le fils de Bono (U2) dont on retrouve un petit quelque chose dans le chant. Sur scène la pop rock énergique d’Inhaler assure le job inhérent à la scène d’un festival mais sans être d’une originalité folle non plus. Une question de maturation sans doute. Un peu plus loin, sur la scène Firestone, nous faisons la connaissance de Newdad, groupe éthéré, une forme de My Bloody Valentine moins expérimentale, aux compositions planantes, raffinées, menées par une basse que n’aurait pas renié The Cure ou Joy Division. La voix de la chanteuse, très mélodieuse, apporte un contrepoint bienvenu et incarne avec grâce les compositions en apesanteur du groupe. Plutôt que de supporter ce pathétique golden pit (un quart de l’espace disponible cloisonné avec des barrières et réservé aux VIP +) nous préférons nous éclater sur la petite scène Ile de France en compagnie du jeune duo électro pop UTO. Déjantée et haute en couleurs, la proposition musicale du duo enchante et hypnotise. Eux-mêmes évoquent le cycle d’une machine à laver pour décrire leur compositions qui tournent en boucle. On sent une grande complicité dans le chant, et dans le jeu de scène, ainsi qu’une énergie débordante qui emballe le public dans une sorte de transe collective. La guitare apporte une note progressive étonnamment connotée 70s dans le contexte si original et novateur du groupe, qui sortait son premier album le soir même à minuit.
 
Aldous Harding (c) Olivier Hoffschir

The Liminanas (c) Olivier Hoffschir

Los Bitchos (c) Victor Picon

Kraftwerk (c) Olivier Hoffschir

Jehnny Beth (c) Olivier Hoffschir

DIIV (c) Olivier Hoffschir


Sans conteste la journée du 26 août aura été la plus dense et la plus satisfaisante sur le plan musical. On commence par faire un petit coucou à Jehnny Beth en grande forme synth punk sur la scène de la cascade, ce qui constitue un bon shoot d’énergie pour le reste de la journée. Sur la controversée grande scène, le golden pit nous aura laissé un peu d’espace pour admirer la sublime Aldous Harding. Cette dernière, assise sur une chaise, la guitare folk sur les genoux, incarne un contrepoint et une présence rare dans le cadre d’un festival où les décibels font la loi, c’est beau, mélodique, inattendu (cf. la tasse à café utilisée comme une percussion) et ça fait du bien. Les New-Yorkais de DIIV (prononcez dive) ont également fait sensation. Le groupe incarne une sorte de trait d’union post-grunge où Sonic Youth devient progressif shoegaze et planant, difficile de ne pas se laisser emporter par la spirale hypnotique. En parlant de spirale hypnotique, l’enchaînement avec les Limiñanas semble tout trouvé ! En l’espèce les Catalans incarnent une sorte d’épitomé inégalable. Le groupe est en grande forme et nous transporte séance tenante dans les sixties psychédélique (les visuels diffusés en arrière plan y sont pour beaucoup). La collaboration avec Anton Newcombe a laissé des traces dans le son du groupe dans lequel on retrouve parfois un peu ce côté foutraque cher à BJM. En parlant de psychédélisme nous aimerions maintenant partager notre entrain pour les Anglaises de Los Bitchos qui ont la particularité d’être un groupe entièrement instrumental (rare dans le contexte d’un festival). Un grand carambolage de sons psyché, surf, exotica rétro futuriste où les percussions latines prennent parfois le dessus sur l’orgue et la guitare. Dommage toutefois de sombrer dans le cliché en reprenant cette vieille scie de « Tequila » mais une très belle découverte. Enfin, l’ovni du week-end aura été sans conteste la prestation (en 3D !) de Kraftwerk (des lunettes spéciales ont été mises à disposition du public). Les quatre membres du groupe sont alignés de manière robotique derrière des pupitres identiques ne laissant apercevoir que peu de chose, alors que, derrière, l’écran géant diffuse les films en 3D, parfois assez creepy lorsque la main du mannequin incarnant « The Robots » vient nous frôler le visage où lorsqu’un satellite (« Spacelab ») nous arrive en pleine poire. Incarnant un futur dystopique (« Computer Love », « Computer World », « The Man Machine ») ou une évocation de l’essor industriel du 20ème siècle (« Autobahn ») dans ce qu’il peut avoir de pire (« Radioactivity »), Kraftwerk reste indispensable un demi-siècle après sa formation. A la fin du set, chaque musicien a droit à son solo de clavier avant de quitter la scène, Ralf Hütter, le seul membre original du groupe encore en activité, quittant les lieux en dernier. Nous sommes hébétés.
Lulu Van Trapp (c) Victor Picon


C’est déjà samedi et la fin (pour nous) de cette édition 2022. On commence l’après-midi sous le charme charismatique de Malik Djoudi dont la proposition électro soul pop, chantée en français, constitue la bande son idéale de cet après-midi de canicule ! Un sprint pour traverser le site dans son intégralité et on a raté, hélas, le début du concert de November Ultra, chanteuse qui évolue quasiment dans son jardin (elle est de Boulogne-Billancourt) et qui a failli, selon ses propres dires « venir en pyjama ». Une idée pas si idiote que cela tant son folk dépouillé (elle est seule sur scène assurant tour à tour clavier, guitare sèche ou électrique) apaise, repose et émeut quand elle évoque le deuil, le temps d’une chanson pudique, ou convoque ses racines et le passé en chantant en espagnol. On en a des nœuds dans l’estomac. Sublime ! Enfin après tant de douceur il est temps de se réveiller et pour ça rien de mieux qu’un bon shoot de rock’n’roll déjanté en compagnie de Lulu Van Trapp. Aligné sur la scène qu’ils semblent prêts à prendre d’assaut (même le batteur joue debout) le quatuor attaque littéralement le public de ses compositions où surf music, ska et reggae se télescopent au punk garage psyché. Quel cocktail mené avec énergie par la chanteuse Rebecca qui, à peine déstabilisée par son synthé tombé en panne pendant le soundcheck (soit quelques minutes à peine avant le show) n’a pas hésité à venir visiter le public déchaîné, dans un grand nuage de poussière, à plusieurs reprises dans un grand moment d’euphorie collective, ce à quoi un festival digne de ce nom doit ressembler. Alors évidemment on aurait aimé vous parler de Tame Impala, d’Idles ou de Nick Cave, autant d’artistes que l’on adore, mais ce golden pit, sinistre, sans âme et bloquant la vue, nous a découragé d’avance. On a préféré aller faire la fête ailleurs.


Malik Djoudi (c) Christophe Crénel

November Ultra (c) Victor Picon





















vendredi 26 août 2022

Eels : « Extreme Witchcraft »

 


Cette année a vu le retour en grande forme du groupe mené par E ! Dès le premier titre « Amateur Hour », Eels excelle dans ce qu’il fait de mieux, ce rock’n’roll énergique mené tambour battant par des guitares à se damner, teinté d’influences rhythm’n’blues. On sait le chanteur miné par des deuils et autres épreuves difficiles à surmonter, ce qui a souvent nourri sa musique. La nouveauté réside dans le fait qu’il semble s’amuser et, pour le coup, vraiment jouer. Il se dégage dès lors de ces 12 nouvelles compositions une sensation « feel good » qui fait du bien à écouter, d’autant que ses qualités d’écriture sont à l’avenant. Intemporel !

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jeudi 25 août 2022

John Paul Keith : « The Rhythm of the City »

 


En dépit de son patronyme, qui nous laisse rêveur (un spécialiste du marketing à la recherche d’un nom pour un groupe de reprises n’aurait pas trouvé mieux), John Paul Keith, n’a que peu à voir avec un fantasme rock’n’roll british à la Rolling Beatles. Ce qui ne signifie en rien que le grand frisson n’est pas au rendez-vous à l’écoute de son nouvel album ! A Memphis, faisant honneur au titre de son disque, chez John Paul Keith, le rythme est sacrément bon ! Pourquoi, diable, choisir entre le rock’n’roll, la soul ou le rhythm and blues ? John Paul Keith ne choisit pas et aborde tous les styles avec un talent égal. Un petit quelque chose d’Elvis dans la voix (sans être ridicule cf. « Love love love »), l’élégance d’écriture d’un Buddy Holly, le charme d’un Roy Orbison, une touche soul psyché à la Motown (« The Sun is gonna shine again ») où à la Stax (« The Rhythm of the City ») : tout l’album baigne dans un classicisme intemporel nourri aux meilleures sources. Charmant du début à la fin, pris en flagrant délit d’élégance dès le premier titre, cet album est un must !

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mardi 23 août 2022

Ben Harper : « Bloodline Maintenance »

 


Après avoir souvent recherché une forme de caution auprès d’autres musiciens, spécialisés dans le blues et le gospel, tels que Charlie Musselwhite ou les Blind Boys of Alabama, Ben Harper assume enfin seul son destin de soulman. C’est la grande révélation de cet album qui voit le Californien s’inscrire dans le sillage de Curtis Mayfield ou de Marvin Gaye, pour le commentaire socialement fort (« We need to talk about it »). Dans ce contexte soul, guitares wha-wha à l’appui, le falsetto et le timbre de l’artiste haut perché font des miracles. Et le chanteur d’aligner les perles intemporelles, à la brièveté bienvenue, dignes de l'âge d'or des années 70. Le résultat, bien qu’extrêmement codifié, possède une petite touche moderne, personnelle, et réside dans les soli de guitares de Ben Harper, au son particulièrement travaillé, un témoignage de son passé rock, ou de quelques scratches habilement mixés (« Problem Child »), qu’il arrive à intégrer le plus naturellement du monde dans ses compositions sans âge (« More than love »). Après toutes ces années, Ben Harper a encore des choses à dire et c’est fort heureux. Gageons que, tel un nectar délicat, cet album vieillira bien.

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lundi 22 août 2022

Father John Misty : « Chloë and the Next 20th Century »

 


Si Father John Misty n’existait pas, il faudrait l’inventer ! Si d’aucun aiment à écouter de la musique pour voyager dans le temps ou l’imaginaire, alors voici la bande originale idéale pour toutes sortes d’escapades immobiles. Le cinquième album de Joshua Michael Tillman (aka Father John Misty) est le plus évocateur, doux et délicat de toute sa carrière ! Un sublime voyage en musique qui débute dans les effluves jazzy et rétro de « Chloë », comme échappée d’une comédie musicale des années 30, écrite dans la Tin Pan Alley. Il est pourtant difficile de tenir la distance après un tel titre d’ouverture mais Misty n’en a cure et, en chemin, ne se prive pas du plaisir de revisiter la scène folk californienne (cf. « Goodbye Mr Blue ») propulsant l’auditeur en plein Laurel Canyon des sixties, ni de charmer l’auditeur de sa voix de crooner (« Buddy’s Rendezvous »), saxophone sirupeux à l’appui, sans jamais tomber dans le kitsch. Et on ne parle même pas de l’audacieux néo psychédélique au clavecin (cf. « Q4 »). C’est certain, un tel album nous aurait fait du bien pendant le confinement !

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dimanche 21 août 2022

Pur-Sang : « Chaos Sublime »

 


Bien qu’il s’agisse là de leur premier album en commun, Skye et Claire Joseph, ont toutes les deux une longue expérience avant d’en arriver à ce disque où le duo est accompagné, entre autres, du batteur Baptiste Brondy (Delgres) et du pianiste Johan Dalgaard, deux habitués de la scène blues/soul parisienne. Tout sauf un hasard... En effet, de la « Rivière » à l’« Océan », c’est à un fabuleux voyage en musique(s) auquel nous invite ce Crazy Horse là, et il est entièrement francophone. « Rivière », « Monde », « Voyageurs », « Océan », la thématique du voyage, sous toutes ses formes, qu’il soit imaginaire, réel, fantasmé ou introspectif, se tient du début à la fin du disque. Ancré dans le folk, par la grâce de sublimes guitares arpégées avec une délicatesse qui ne semble pas appartenir à ce monde, agrémentées d’harmonies vocales aériennes (« Ancolies » ; « Voyageurs »), Pur-Sang nous indique la voie, dessine d’amples paysages sonores baignés de vent et des reflets mordorés du soleil couchant, pour finalement arriver à destination, là où la terre s’achève : vers la mer. Plus qu’un album, une véritable aventure sonore, que l’on écoute comme on lisait autrefois une carte routière. L'itinéraire se révèle sinueux, parfois escarpé d’éclairs électriques blues et rock (« Soeurs », « Monde »), et, en chemin, le calme succède à la tempête. Une manière de faire honneur à son titre où le chaos côtoie le sublime.

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samedi 20 août 2022

JAZZ OUT OF NORWAY

 


Si l’été est propice aux voyages et à la découverte, alors partons explorer, cette contrée lointaine et mystérieuse, surtout en raison de sa langue, la Norvège. Relativement peu connue à l’internationale, confondante de modestie, la Norvège possède une scène jazz diversifiée et vivifiante à découvrir sur cette copieuse compilation et trente titres par autant d’interprètes différents. Si le genre vocal est assez peu représenté (à l'exception notable de Siril Malmedal Hauge), pour le reste, la sélection ici présente laisse une large part à des explorations sonores très surprenantes, flirtant avec l’électro (Jo Berger Myrhe), aventureuses (Terje Gewelt, Ingebrigt Håker Flaten) ou une énergie quasiment rock (A tonic for the troops, Møster, Eivind Aarset 4tet). Dans un registre plus classique, le pianiste Kjetil Mulelid (en solo intégral), Olga Konkova Trio et le duo Elin Rosseland et Johannes Eick, jouant des contrastes entre la contrebasse et la voix, atteignent des sommets d’émotions. Enfin le métissage avec les traditions Klezmer ou venues d’Afrique (Shannon Mowday & Lila, Andreas Røysum Ensemble) n’est pas étranger à la scène norvégienne. Il ne s’agit là que d’un tout petit aperçu tant il reste à découvrir sur ce copieux double album digital.
 

Pour écouter


vendredi 19 août 2022

MOLLY PEPPER

 


Alliance impromptue, née en 2020, de trois musiciens désœuvrés par le confinement, Molly Pepper a sorti son premier EP de quatre titres en début d’année. La chose étonne et ne se laisse pas aborder facilement. Est-ce parce qu’ils ont tous eu un vécu en dehors de la musique ? Le fait est que le trio n’a pas son pareil pour aborder les choses de manière oblique et peu conventionnelle, en dehors des chemins battus. Chez Molly Pepper les beat électro, côtoient des guitares résolument punk/rock (cf. « All the things ») alors que les synthés entraînent l’auditeur dans une spirale hypnotique quasiment psychédélique (cf. « Hi Gene »). Enfin, le timbre obsédant de la chanteuse Sandrine Quétier participe pleinement du charme dégagé par le trio (cf. « Song »).

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mercredi 17 août 2022

Melaine Dalibert : « Shimmering »

 


Des 88 touches d’ivoire de son instrument, Melaine Dalibert, pianiste et compositeur, sait faire le plus bel usage. La meilleure preuve en est son nouvel album, une collection de huit pièces assez courtes, toutes enregistrées seul, ou presque. En effet, les arrangements, des plus discrets, se résument à quelques nappes électros, à peine soulignées de cordes timides, dans le but, surtout, de mettre en valeur la sonorité exquise, le velouté délicat du piano, sans ébranler l’équilibre, instable et précaire, de l’ensemble. Hiératique, atmosphérique ou planante sont autant d’adjectifs venant directement à l’esprit. Dans les faits, des fameuses 88 touches, délicatement caressées, soigneusement effleurées, se dégage une grande sensibilité. Note après note, Melaine Dalibert esquisse des paysages sonores doux et apaisants, comme autant d’invitations à la quiétude. Au diable les étiquettes, « moderne classical » ou « Ambiant » ! Et qu’importe le flacon pourvu que l’on ait l’ivresse ! Qu’il est doux de se laisser bercer par le charme minimaliste de ces pop songs dépourvues de paroles…

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dimanche 14 août 2022

Kaz Hawkins : « My life and I »

 


Plus qu’un best-of, cette nouvelle compilation est pour la chanteuse irlandaise, récemment installée en France, un moyen de célébrer sa nouvelle vie. Et il y a en effet de quoi : outre son déménagement, la chanteuse est pour la première fois de sa vie signée sur un label ! Et pas n’importe lequel, Dixiefrog, classieuse et élégante maison qui fut maintes fois par le passé un refuge pour les artistes anglo-saxons en manque d’affection sur leur sol natal (Eric Bibb, Neal Black, Popa Chubby etc.) Une longue tradition dans laquelle Kaz Hawkins s’inscrit tout naturellement. Preuve supplémentaire de l’attachement à la chanteuse, s’il en fallait une, en guise de première sortie, nous parvient cette galette introductive, au menu copieux, pas moins de 17 titres ! Un alléchant programme en perspective, solidement ancré dans le blues (« Feelin’Good »), le gospel (« Pray »), la soul (« Full Force Gale ») et le blues-rock (« Don’t make mama cry »). Entre reprises de bon goût (Nina Simone, Etta James et, naturellement, Van Morrison, origines irlandaises obligent) et compos personnelles, Kaz Hawkins, également guitariste, fait preuve d’un talent protéiforme. Mais le registre dans laquelle on la préfère reste ce répertoire piano/voix intime (la merveilleuse « Hallelujah Happy People » ; « Because you love me ») dans lequel sa voix ample exprime à plein les émotions et autres tranches de vie douloureuses qui ont jalonné son parcours et nourri sa musique jusqu’ici (« One More Fight (Lipstick and Cocaine) »). Une puissance vocale qui n’est pas sans rappeler une autre expatriée, Sarah McCoy, première période, celle d’avant le virage électro. Merveilleuse découverte, ce disque somme ne dépareillera pas dans votre collection.
En concert au festival Blues Roots de Meyreuil (13) le 8 septembre.

https://www.kazhawkins.com/

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samedi 13 août 2022

Yôkaï : « Coup de grâce »

 


Touchés par la grâce Yôkaï ? En attendant, le groupe, en pratiquant le mariage improbable des contraires, nous offre un album tout à fait inattendu. Du jazz psychédélique !!! Puristes à l’esprit étroit, vous pouvez d’ores et déjà passer votre route. Pour les autres, cet effort semble tout indiqué à qui aime l’expérimentation et les tortueux chemins (progressifs) de traverse. Dans les faits, la chose se rapproche du free jazz, par la longueur des morceaux et la volonté de sublimer les contraintes de l’idiome, d’en exploser les frontières ; mais s’en distingue par la face psychédélique et expérimentale s’éloignant même de l’instrumentation typique du jazz. Ainsi l’album navigue à vue dans des eaux inconnues, traverse les éclairs d’électricité, comme les nappes atmosphériques, planantes et étranges (« Het Bos »), tel un navire entre tempêtes et accalmies. Il y a quelque chose qui tient également de la bande originale d’un polar des années 1970 dans cet album, la magnifique « Roubaix » qui sonne comme un sublime hommage, digne du François du même nom. Mais la formation est bien trop créative, libre, pour se laisser enfermer dans un tel carcan rétro, en dépit des synthés analogiques("Amazonas"), et les surprises sont nombreuses au fil de l’écoute.

https://yokaibxl.bandcamp.com/album/coup-de-gr-ce

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vendredi 12 août 2022

dDamage : « Radio Ape » (2004)

 


Derrière le patronyme intriguant de dDamage, se cache la fratrie Hanak. Deux frères, Frédéric et Jean-Baptiste, unis dans une passion commune pour la musique mais aux aspirations artistiques divergentes. En effet, Frédéric ne jure que par le hip-hop, alors que Jean-Baptiste, guitariste, ne rêve que de rock. En dépit de leur différence, les deux frères restent unis dans une communauté de destins, dont une des premières réalisations sera ce troisième album, sorti en 2004, et réédité cette année. Le résultat intrigue, forcément, et, unique en son genre, ne ressemble à rien de connu. Tout juste peut on imaginer le chaînon manquant entre Autechre et Sonic Youth à supposer qu’une telle chose ne puisse qu’exister. Tout en aspérités ("On Precinct 13"), farouchement noise, entre guitares furieuses, breakbeats en pagaille, bourdonnement électro et voix trafiquées (« Keedz »), l’album n’est pourtant pas dénué d’aspirations mélodiques voire planantes (« Liquid Words » ; « Aeroplanes »). Et c’est précisément là, dans ce calme au milieu de la tempête, que réside l’étrange et fascinant pouvoir d’attraction de cette musique qui distille son venin lentement, tel un poison retors, dans les oreilles de l’auditeur. Dix huit ans après sa sortie, « Radio Ape » n’a rien perdu de son aura mysterieuse. La disparition prématurée de Frédéric en 2018 mettra, hélas, brutalement fin à l’aventure du groupe. JB a depuis consigné ses souvenirs de tournées dans un roman à vocation biographique (« Sales Chiens », éditions Léo Scheer). Cette magnifique réédition agrémentée de sept bonus (trois inédits et les quatre titres de l’EP « Pressure ») constitue le plus bel hommage rendu à Frédéric.

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jeudi 11 août 2022

Alex Henry Foster & The Long Shadows + Sef Lemelin, Zèbre de Belleville et Supersonic, 3 et 4 août 2022.


En deux soirées, dans deux salles différentes, Alex Henry Foster et son groupe The Long Shadows, ont livré deux performances, deux véritables marathons, dépassant à chaque fois les deux heures, atteignant, en compagnie du public, des sommets d’émotions. Un voyage en terra incognita musicale, un grand plongeon dans l’inconnu, post tout, post rock, post punk, post psychédélique et post progressif, réservant entres autres surprises un titre en français (ce qui ne manquera pas de rappeler un "vague souvenir" à quelques-uns) et aussi une reprise de leur ancien groupe, Your Favorite Enemies. Sur scène Alex aime à prendre son temps et dorénavant, chaque pièce dure entre 20 et 30 minutes, un temps mis à profit par les musiciens pour explorer les moindres recoins, échapper aux formules convenues, élaborer de nouvelles structures, expérimenter de nouveaux arrangements, imaginer de nouvelles versions d’anciennes chansons. Le groupe est porté par la dynamique complémentaire entre les deux guitaristes Ben et Sef Lemelin. Si l’un, Ben, a un jeu plutôt classique, où les cordes sont tantôt arpégées, tantôt brossées, l’autre, Sef, se révèle plus expérimental, son rack de pédales d’effets est énorme, tâte également du synthé, et aime visiblement la recherche sonore. La complémentarité entre les deux guitares crée d’intéressantes interactions. A la basse, Jeff Beaulieu fait souvent office de détonateur, allumant la mèche du rock, faisant d’un coup monter la pression, avant la grande attaque du son saturé des guitares, c’est bien évidemment le cas sur « The Hunter » mais également « The Son of Hannah », c’est également un excellent bassiste, expansif, jamais avare de gesticulations avec son instrument. Derrière ses claviers, Miss Isabel est l’élément surprise du groupe et dégaine des instruments assez rares dans le domaine du rock, trompette, flûte ou clarinette font ainsi partie de la panoplie de la musicienne pour créer des structures et autres arrangements assez étonnants. Enfin, Charles Allicie est totalement au service des chansons, pas de solo vain en trois heures de concert, pas une note qui ne soit pas dans l’intérêt des compositions, le tout dans une subtile alliance de puissance et de feeling. Charles joue également du xylophone et est, dans ce cas, relayé à la batterie par Ben Lemelin, le changement de batteur, au sein du même morceau, apporte souvent un changement de dynamique, un petit coup de fouet relançant à chaque fois la machine. Et enfin, au chant, Alex Henry Foster (qui joue également de la guitare ténor et des claviers), une personnalité attachante dont l’humanité et la bienveillance habite les chansons pour qui ne pas finir un concert en nage après une telle débauche d’énergie n’est tout simplement pas concevable. Naturellement, dans ces conditions, le groupe ne peut pas voyager léger et trimballe dans son sillage une quantité impressionnante d’instruments. Sous le regard éberlué de l’équipe du Supersonic Records (le disquaire installé à la porte voisine du club, actuellement en travaux) le groupe a réussi a faire tenir deux batteries, un xylophone, la basse et le rack de claviers sur la (trop) petite scène (habituellement réservé aux showcases solo ou acoustiques) de la boutique ; Alex et les deux guitaristes étant installés au pied de cette dernière. Je vous jure, de vrais as du rangement ces Québecois ! Un petit mot enfin pour saluer le guitariste Sef Lemelin qui, les deux soirs, a assuré la première partie du concert avec son projet solo mélangeant guitare expérimentale et synthés dans des boucles électro progressives et hypnotiques.






Cecile McLorin Salvant + Marion Rampal, Paris Jazz Festival, Parc Floral, 21 juillet 2022.



Par une belle soirée d’été qu’il est doux de retrouver la quiétude du Parc Floral, déserté des promeneurs, et uniquement ouvert pour les concerts du soir. Le calme habite les allées, entre les arbres, un paon se promène en liberté, sur le chemin qui nous mène aux toilettes. Scène étonnante d’un parc où, le soir, la nature reprend ses droits. Mais, puisque c’est la musique qui nous a menés en ces lieux, revenons à nos moutons. Sur scène nous attendent ce soir deux voix magnifiques, et complémentaires, celles de Marion Rampal et de Cecile McLorin Salvant.

Marion Rampal décline sur scène son nouvel effort « Tissé », magnifique album, dont le répertoire, doux et délicat, est à l’avenant de cette douce soirée d’été. La voix mélodique de la chanteuse ondule dans l’air et, le groupe de musiciens qui l’accompagne ce soir en profite pour se lancer dans de longs passages instrumentaux, une transe hypnotique et aérienne menée par la guitare en sourdine de l’excellent Mathis Pascaud. L’écrin est idéal pour la poésie de Marion Rampal, quoi de plus indiqué pour elle qui aime chanter « D’autres soleils » ? La lumière et la nature étant deux des principales inspirations de la chanteuse, le cadre est parfait alors que le soleil se couche derrière les arbres, au pied du petit plan d’eau.

On a fini par l’oublier, tant son français est parfait, mais Cecile McLorin Salvant est belle et bien américaine de naissance, même si ses origines ont fait qu’elle a débuté sa carrière à Paris, il y a déjà plus de dix ans. D’autant que la chanteuse a fait le choix, de plus en plus prégnant, de s’éloigner de la langue anglaise au profit du français (on l’avait déjà adoptée depuis longtemps et ce n’est visiblement pas près de changer) mais aussi de l’occitan (une nouveauté) ou de créole. Musicalement Cecile s’exprime dans un registre rétro, au charme suranné, naturellement empreint de jazz, mais aussi de comédie musicale. Ainsi, en concert, Cecile ne se contente pas de chanter mais aime également à déclamer, réciter faisant ainsi montre de ses qualités naturelles d’actrice, son charisme s’empare de la scène, ou de sa plume élégante. Lorsqu’elle chante sa voix, ample et impressionnante, enrobe l’auditeur dans une bulle de douceur atteignant des sommets d’émotions. Grande soirée !

mercredi 3 août 2022

Tami Neilson : « Kingmaker »

 


Situé dans un croisement particulier et bien à elle, ce nouvel effort de la chanteuse plonge l’auditeur dans un voyage imaginaire infini en passant par tous les états. Il y a tout d’abord sa voix, tellement puissante et évocatrice, qu’une tornade pourrait être baptisée de son nom en forme d’hommage. Et quel hommage ! Son organe est si puissant qu’elle le module à l’envi en s’adaptant à tous les styles, énergique (« Kingmaker ») ou langoureux (« Beyond the stars »). C’est quasiment intrinsèque à sa musique, Tami Neilson est protéiforme et passe de la soul (« Green Peaches » qui sonne comme un inédit du regretté Tony Joe White) au pur rock’n’roll (« Mama’s Talkin’ » ; "Ain't my job"), sans oublier une touche western, pour le plus grand bonheur de nos oreilles. C’est ce dernier aspect qui se révèle le plus prégnant sur ce nouvel effort. Mais il s’agît avant tout de clarifier le risque de confusion entre country et western. On ne doute pas que la country fasse partie des influences de la chanteuse (cf. « King of Country Music ») mais un titre comme « Baby you’re a gun » évoque plutôt les grands espaces de manière cinématographique, comme la bande originale d’un film, un western naturellement, restant à tourner. Mais qu’importe l’idiome le rythme, le swing, reste la principale préoccupation de l’artiste qui enchaîne les perles toutes aussi entraînantes les unes que les autres. S’il est question de « King » dans le titre, ce nouvel effort, dans un monde parfait, devrait faire d’elle une « Queen ».

En concert le 31/08 au Balajo.

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mardi 2 août 2022

Adrien Durand : "La Petite Histoire du Temps Machine 2011>2021

 


Relatant une aventure autant humaine que musicale, ce livre-anniversaire retrace l’histoire du Temps Machine, une salle de concert sise à Tours, créée en partie pour pallier un manque ; la ville ne rayonnant pas au niveau national contrairement à Nantes, Bordeaux ou Rennes, ses voisines plus ou moins lointaines du Grand Ouest. Le Temps Machine, donc. Une histoire qui peut se lire à plusieurs niveaux. Local, tout d’abord, quand les rivalités et jalousies se sont fait jour lorsqu’il s’est agi de confier la gestion quotidienne du lieu. En creux, le livre souligne aussi la nécessité, en région, de tels équipements, à la fois salle de concert, bien sûr, mais également lieu de résidence pour les artistes permettant l’éclosion, à l’échelle locale, de nouveaux talents tout en favorisant l’émergence de projets artistiques. Un véritable poumon pour la vie culturelle. Des réflexions à explorer, en textes, témoignages, chroniques de disques, planche de BD, photos et affiches de concerts.

https://www.payassociation.fr/associationletempsmachine/lelivre

ADRIEN DURAND

La petite histoire du Temps Machine 2011>2021

Autopublié, 125 pages, 12 €