Rock en seine, 28 Août
2014. Quelques minutes après avoir mis le feu lors d'une prestation particulièrement énergique on retrouve le chanteur Matthew Shultz
dans la coulisse, entre un groupe en pleine répétition et un ciel
qui vire à l'orage. Dans le privé, le chanteur se révèle aussi
calme qu'il est exubérant sur scène et fixe intensément son
interlocuteur (habitude un peu perturbante soit dit en passant)
prenant son temps pour répondre. Concentré. Matthew Shultz comme
vous ne l'avez jamais vu ! L'occasion de discuter de son rapport
au grunge car qui n'a pas cru revivre les années 1990 à l'écoute
des « Aberdeen », « Back against the wall »
et autres « In one ear » nous jette la première
pierre...
Alors c'était comment
sur la grande scène aujourd'hui ?
Matthew Shultz (chant)
: C'était incroyable, parfait ! La foule était plus nombreuse
qu'espérée et c'était un super public. Je me suis éclaté.
La dernière fois que
le groupe est venu, il y a trois ans, la sécurité a eu du mal à te
tenir...
Matthew : Je me
suis un peu calmé. J'aime penser que je suis plus concentré et
volontaire.
C'est un peu bizarre
que les premiers albums du groupe n'ont pas été distribué
officiellement en France...
Matthew : C'est un
peu bizarre en effet, je ne savais pas. On vient juste de changer de
label en faveur de Sony. Nos disques sortent ici maintenant.
En France, la presse a
beaucoup comparé le groupe à Nirvana à cause de chansons comme
« Aberdeen » ou « Sell Yourself ». Qu'en
penses-tu ?
Matthew : J'adore
Nirvana mais je ne pense pas que l'on ait été inspirés
musicalement par eux. Ou alors inconsciemment. A une époque j'avais
la même coupe de cheveux que Kurt Cobain. C'est peut-être à cause
de ça. « Aberdeen » c'est une chanson à propos de la
ville du même nom en Ecosse. On a fait une tournée avec les Foo
Fighters. Notre batteur est tombé malade et a dû être hospitalisé.
Dave Grohl a joué avec nous à la batterie.
C'est classe !
Matthew : C'était
incroyable !
Il est puissant
derrière la batterie ?
Matthew : Il est
incroyable. Le truc rigolo, c'est qu'on a du mal à assurer le
concert pour le public. On n'avait qu'une envie : regarder Dave
Grohl jouer de la batterie (rires) !
Tu viens du Kentucky,
tu as écouté beaucoup de country étant plus jeune ?
Matthew : De la
country ? Oui bien sur !
Je pose cette question
à cause de la chanson « No rest for the wicked »...
Matthew : Oui il y
a un petit truc country dans cette chanson à cause de la guitare
slide. Mais ça vient aussi de Bob Dylan dernière période ou des
Allman Brothers. En fait, je travaillais sur les chantiers et j'avais
un collègue qui était également dealer. Il était tout le temps en
train de se plaindre. De la drogue, de tous les soucis que cela
créait dans sa vie. Je lui ai demandé pourquoi il continuait à
faire le dealer puisqu'il était tout le temps en train de se
plaindre. Et il m'a dit : « Mec, y'a pas de repos pour les
méchants » (No rest for the wicked, ndlr) ! Je l'ai noté
sur une assiette en carton et c'est comme ça que la chanson est née.
C'était comment d'être
dans un groupe à Bowling Green, Kentucky ?
Matthew : C'était
un moyen de se libérer d'un destin tout tracé. Je veux dire
l'équipe de foot du lycée, tout ça. J'ai arrêté le football
quand on a commencé le groupe. Bowling Green, c'est une ville
étudiante, on a beaucoup joué dans des fêtes lorsque les étudiants
étaient là. Il y a beaucoup de kids, de musique, quelques
excellents groupes. Il y a quelques groupes de Bowling Green qui se
débrouillent pas mal d'ailleurs. C'est un endroit cool.
L'humour, le second
degré, c'est important dans Cage The Elephant ?
Matthew : Ce qui
est important, surtout, c'est d'avoir un certain niveau de liberté.
Ca c'est sur. On doit s'autoriser à profiter. Comme Iggy Pop. Les
problèmes commencent quand tu te prends trop au sérieux. Tu vois ce
que je veux dire ? Il y a un adage qui dit « Ne te prends
pas trop au sérieux, personne ne s'en sort vivant ». Beaucoup
d'artistes que j'adore s'autorisent à être eux-mêmes.
Toi et ton frère Brad
(guitariste du groupe) avez reçu une éducation religieuse. Tu as
découvert le rock n'roll assez tard. C'était libérateur ?
Matthew : J'ai été
exposé au rock n'roll assez tôt mais je ne me suis vraiment plongé
dedans qu'après le divorce de mes parents. Mon premier boulot,
c'était dans une pizzeria et mon premier salaire c'était quelque
chose comme 300 dollars. Je n'avais jamais vu autant d'argent avant !
Je suis allé chez le disquaire du coin et j'ai acheté un paquet de
disques comme ça ! Tu as vu le film « Presque Célèbre »
(réalisé par Cameron Crowe en 2000, ndlr) ? Quand il allume la
bougie et commence à écouter les disques ? C'est exactement
comme ça que ça c'est passé (rires) ! J'étais assis et
j'étais là : « Oh mon Dieu » ! Je découvrais
le rock n'roll ! J'écoutais mes disques tous les soirs avant de
me coucher ! C'était incroyable, une période vraiment heureuse
dans ma vie.
Le nouvel album
s'intitule « Melophobia » que l'on pourrait traduire par
« peur de la musique » ou « mélodie phobique ».
C'est un peu bizarre comme titre, non ?
Matthew : Oui
(rires) ! Bon en fait il ne s'agit pas d'une véritable peur de
la musique. Il s'agit plutôt d'une peur de la musique dans le
contexte de nos sociétés modernes. Faire de la musique comme on
projette des images au lieu de communiquer. Ecrire une chanson qui va
être perçue comme « artistique », « intellectuelle »
ou pire que tout « comme tenant du génie ». Tous ces
mots sont des titres qui séparent une élite de la masse.
Historiquement, la musique a toujours rassemblé les gens.
Un petit mot sur la
chanson « It's just forever » avec Alison Mosshart. Le
final au piano est très différent de ce que vous avez fait
jusqu'ici.Tu penses que le groupe a franchi une nouvelle étape avec
ce disque ?
Matthew : Oui. Je
pense que nous sommes de bien meilleurs musiciens qu'avant. On s'est
permis d'être plus transparents, plus libres. En même temps on est
aussi beaucoup plus volontaires. Je ne crois pas que « Melophobia »
va définir notre son mais c'est certainement le chemin que l'on va
prendre dorénavant pour faire de la musique. C'est une première
étape dans notre quête de liberté.
Et alors, Alison
Mosshart ?
Matthew : Oh mon
Dieu, incroyable ! Elle est très belle mais c'est aussi une
personne très intéressante. Très douce, humble, authentique. Quand
elle est venue, elle était un peu malade, avait mal à la gorge.
Elle avait peur de ne pas être à la hauteur. En deux prises c'était
réglé ! Ok c'est bon je crois qu'on a fini (rires) !
Ensuite on a passé des heures à discuter. C'était génial.
Il y a d'autres gens
avec qui tu aimerais faire de la musique ?
Matthew : Oh oui,
Neil Young, Julian Casablancas, Dan Auerbach, Jack White. Tom Waits
ça serait génial. Et Iggy Pop !
Iggy Pop !
J'aimerais bien voir ça sur scène (rires) !
Matthew (rires) :
Oh yeah ! Ca serait incroyable !
Un petit mot sur
« Cigarette daydream » dans laquelle tu parles de la conduite ?
Matthew : J'étais
obsédé par les albums et j'avais cette voiture horrible qui tombait
en ruines. Je conduisait jusqu'à trois heures du matin en écoutant
de la musique. J'allais assez loin dans la campagne. Et j'écoutais
la musique. Mais cette chanson parle de ma femme. Elle est Rennaise,
je l'ai rencontré aux Transmusicales. On s'est marié il y a
quelques semaines à Paimpol.
Est-ce que le groupe
est moins en colère ?
Matthew : En
colère ? Je n'ai jamais été autant en colère (rires) !
Et d'un point de vue
musical ?
Matthew : Ca
dépend de notre état d'esprit du moment et de ce que l'on a envie
d'exprimer. Il y a beaucoup de choses sur lesquelles je pourrais
m'énerver. On verra comment ça se passe.
J'ai trouvé que
Melophobia était un album plus complexe...
Matthew : On a
essayé de faire en sorte que tout fonctionne ensemble. On a
construit et déconstruit, construit et déconstruit encore et encore
jusqu'à ce que cela sonne bien. Il fallait qu'on le sente bien
aussi.
Ca a été long ?
Matthew :
Absolument. On a passé quatre à cinq mois à écrire. Et après
encore deux ou trois mois en studio. Ca a été beaucoup plus long
que d'habitude. Le groupe n'a jamais passé autant de temps en
studio. On a rendu notre producteur dingue (rires) !
Vous avez eu un succès
énorme au Royaume-Uni...
Matthew : Oui ça
s'est bien passé pour nous là-bas par le passé. Mais maintenant la
scène britannique est très orienté sur les Djs ce qui est ok
aussi. On n'a pas pu passer autant de temps que l'on aurait voulu au
Royaume-Uni sur cette tournée. Par le passé on restait deux ou
trois mois, ce qui était incroyable. On a toujours adoré aller en
Grande-Bretagne. J'espère que l'on pourra rester plus longtemps dans
le futur.
Propos recueillis le
28/08/2014.
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