mardi 24 mars 2015

Interview avec Cage the Elephant

Cage The Elephant, Rock en Seine, 28 Août 2014 (c) Victor Picon

Rock en seine, 28 Août 2014. Quelques minutes après avoir mis le feu lors d'une prestation particulièrement énergique on retrouve le chanteur Matthew Shultz dans la coulisse, entre un groupe en pleine répétition et un ciel qui vire à l'orage. Dans le privé, le chanteur se révèle aussi calme qu'il est exubérant sur scène et fixe intensément son interlocuteur (habitude un peu perturbante soit dit en passant) prenant son temps pour répondre. Concentré. Matthew Shultz comme vous ne l'avez jamais vu ! L'occasion de discuter de son rapport au grunge car qui n'a pas cru revivre les années 1990 à l'écoute des « Aberdeen », « Back against the wall » et autres « In one ear » nous jette la première pierre...

Cage The Elephant, Rock en Seine, 28 Août 2014 (c) Victor Picon

Alors c'était comment sur la grande scène aujourd'hui ?
Matthew Shultz (chant) : C'était incroyable, parfait ! La foule était plus nombreuse qu'espérée et c'était un super public. Je me suis éclaté.

La dernière fois que le groupe est venu, il y a trois ans, la sécurité a eu du mal à te tenir...
Matthew : Je me suis un peu calmé. J'aime penser que je suis plus concentré et volontaire.

C'est un peu bizarre que les premiers albums du groupe n'ont pas été distribué officiellement en France...
Matthew : C'est un peu bizarre en effet, je ne savais pas. On vient juste de changer de label en faveur de Sony. Nos disques sortent ici maintenant.

En France, la presse a beaucoup comparé le groupe à Nirvana à cause de chansons comme « Aberdeen » ou « Sell Yourself ». Qu'en penses-tu ?
Matthew : J'adore Nirvana mais je ne pense pas que l'on ait été inspirés musicalement par eux. Ou alors inconsciemment. A une époque j'avais la même coupe de cheveux que Kurt Cobain. C'est peut-être à cause de ça. « Aberdeen » c'est une chanson à propos de la ville du même nom en Ecosse. On a fait une tournée avec les Foo Fighters. Notre batteur est tombé malade et a dû être hospitalisé. Dave Grohl a joué avec nous à la batterie.

C'est classe !
Matthew : C'était incroyable !

Il est puissant derrière la batterie ?
Matthew : Il est incroyable. Le truc rigolo, c'est qu'on a du mal à assurer le concert pour le public. On n'avait qu'une envie : regarder Dave Grohl jouer de la batterie (rires) !

Cage The Elephant, Rock en Seine, 28 Août 2014 (c) Victor Picon

Tu viens du Kentucky, tu as écouté beaucoup de country étant plus jeune ?
Matthew : De la country ? Oui bien sur !

Je pose cette question à cause de la chanson « No rest for the wicked »...
Matthew : Oui il y a un petit truc country dans cette chanson à cause de la guitare slide. Mais ça vient aussi de Bob Dylan dernière période ou des Allman Brothers. En fait, je travaillais sur les chantiers et j'avais un collègue qui était également dealer. Il était tout le temps en train de se plaindre. De la drogue, de tous les soucis que cela créait dans sa vie. Je lui ai demandé pourquoi il continuait à faire le dealer puisqu'il était tout le temps en train de se plaindre. Et il m'a dit : « Mec, y'a pas de repos pour les méchants » (No rest for the wicked, ndlr) ! Je l'ai noté sur une assiette en carton et c'est comme ça que la chanson est née.

C'était comment d'être dans un groupe à Bowling Green, Kentucky ?
Matthew : C'était un moyen de se libérer d'un destin tout tracé. Je veux dire l'équipe de foot du lycée, tout ça. J'ai arrêté le football quand on a commencé le groupe. Bowling Green, c'est une ville étudiante, on a beaucoup joué dans des fêtes lorsque les étudiants étaient là. Il y a beaucoup de kids, de musique, quelques excellents groupes. Il y a quelques groupes de Bowling Green qui se débrouillent pas mal d'ailleurs. C'est un endroit cool.

L'humour, le second degré, c'est important dans Cage The Elephant ?
Matthew : Ce qui est important, surtout, c'est d'avoir un certain niveau de liberté. Ca c'est sur. On doit s'autoriser à profiter. Comme Iggy Pop. Les problèmes commencent quand tu te prends trop au sérieux. Tu vois ce que je veux dire ? Il y a un adage qui dit « Ne te prends pas trop au sérieux, personne ne s'en sort vivant ». Beaucoup d'artistes que j'adore s'autorisent à être eux-mêmes.

Toi et ton frère Brad (guitariste du groupe) avez reçu une éducation religieuse. Tu as découvert le rock n'roll assez tard. C'était libérateur ?
Matthew : J'ai été exposé au rock n'roll assez tôt mais je ne me suis vraiment plongé dedans qu'après le divorce de mes parents. Mon premier boulot, c'était dans une pizzeria et mon premier salaire c'était quelque chose comme 300 dollars. Je n'avais jamais vu autant d'argent avant ! Je suis allé chez le disquaire du coin et j'ai acheté un paquet de disques comme ça ! Tu as vu le film « Presque Célèbre » (réalisé par Cameron Crowe en 2000, ndlr) ? Quand il allume la bougie et commence à écouter les disques ? C'est exactement comme ça que ça c'est passé (rires) ! J'étais assis et j'étais là : « Oh mon Dieu » ! Je découvrais le rock n'roll ! J'écoutais mes disques tous les soirs avant de me coucher ! C'était incroyable, une période vraiment heureuse dans ma vie.

Le nouvel album s'intitule « Melophobia » que l'on pourrait traduire par « peur de la musique » ou « mélodie phobique ». C'est un peu bizarre comme titre, non ?
Matthew : Oui (rires) ! Bon en fait il ne s'agit pas d'une véritable peur de la musique. Il s'agit plutôt d'une peur de la musique dans le contexte de nos sociétés modernes. Faire de la musique comme on projette des images au lieu de communiquer. Ecrire une chanson qui va être perçue comme « artistique », « intellectuelle » ou pire que tout « comme tenant du génie ». Tous ces mots sont des titres qui séparent une élite de la masse. Historiquement, la musique a toujours rassemblé les gens.

Un petit mot sur la chanson « It's just forever » avec Alison Mosshart. Le final au piano est très différent de ce que vous avez fait jusqu'ici.Tu penses que le groupe a franchi une nouvelle étape avec ce disque ?
Matthew : Oui. Je pense que nous sommes de bien meilleurs musiciens qu'avant. On s'est permis d'être plus transparents, plus libres. En même temps on est aussi beaucoup plus volontaires. Je ne crois pas que « Melophobia » va définir notre son mais c'est certainement le chemin que l'on va prendre dorénavant pour faire de la musique. C'est une première étape dans notre quête de liberté.

Et alors, Alison Mosshart ?
Matthew : Oh mon Dieu, incroyable ! Elle est très belle mais c'est aussi une personne très intéressante. Très douce, humble, authentique. Quand elle est venue, elle était un peu malade, avait mal à la gorge. Elle avait peur de ne pas être à la hauteur. En deux prises c'était réglé ! Ok c'est bon je crois qu'on a fini (rires) ! Ensuite on a passé des heures à discuter. C'était génial.

Il y a d'autres gens avec qui tu aimerais faire de la musique ?
Matthew : Oh oui, Neil Young, Julian Casablancas, Dan Auerbach, Jack White. Tom Waits ça serait génial. Et Iggy Pop !

Iggy Pop ! J'aimerais bien voir ça sur scène (rires) !
Matthew (rires) : Oh yeah ! Ca serait incroyable !

Un petit mot sur « Cigarette daydream » dans laquelle tu parles de la conduite ?
Matthew : J'étais obsédé par les albums et j'avais cette voiture horrible qui tombait en ruines. Je conduisait jusqu'à trois heures du matin en écoutant de la musique. J'allais assez loin dans la campagne. Et j'écoutais la musique. Mais cette chanson parle de ma femme. Elle est Rennaise, je l'ai rencontré aux Transmusicales. On s'est marié il y a quelques semaines à Paimpol.

Cage The Elephant, Rock en Seine 27 Août 2011 (c) Nicolas Brunet

Est-ce que le groupe est moins en colère ?
Matthew : En colère ? Je n'ai jamais été autant en colère (rires) !

Et d'un point de vue musical ?
Matthew : Ca dépend de notre état d'esprit du moment et de ce que l'on a envie d'exprimer. Il y a beaucoup de choses sur lesquelles je pourrais m'énerver. On verra comment ça se passe.

J'ai trouvé que Melophobia était un album plus complexe...
Matthew : On a essayé de faire en sorte que tout fonctionne ensemble. On a construit et déconstruit, construit et déconstruit encore et encore jusqu'à ce que cela sonne bien. Il fallait qu'on le sente bien aussi.

Ca a été long ?
Matthew : Absolument. On a passé quatre à cinq mois à écrire. Et après encore deux ou trois mois en studio. Ca a été beaucoup plus long que d'habitude. Le groupe n'a jamais passé autant de temps en studio. On a rendu notre producteur dingue (rires) !

Vous avez eu un succès énorme au Royaume-Uni...
Matthew : Oui ça s'est bien passé pour nous là-bas par le passé. Mais maintenant la scène britannique est très orienté sur les Djs ce qui est ok aussi. On n'a pas pu passer autant de temps que l'on aurait voulu au Royaume-Uni sur cette tournée. Par le passé on restait deux ou trois mois, ce qui était incroyable. On a toujours adoré aller en Grande-Bretagne. J'espère que l'on pourra rester plus longtemps dans le futur.

Propos recueillis le 28/08/2014.


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