mardi 29 mai 2007

Jeff Buckley (1966 - 1997)


Je n’ai jamais eu la chance de voir Jeff Buckley en concert. Que ce soit à l’Olympia ou au Bataclan, je me suis à chaque fois cassé les dents sur des dates affichant complet. J’avais même réussi à rater la sortie cinéma du concert filmé à Chicago (qui est maintenant disponible en DVD). C’est vous dire si j’ai eu la poisse avec Jeff. Je garde pourtant de lui un souvenir très précis. C’était un matin, il y a 6 ans, alors que je prenais le petit déjeuner dans la cuisine en écoutant la radio OUI FM. J’avais à l’époque la jambe dans le plâtre et je passais mes journées à la maison. Il y avait une rubrique à la radio où les auditeurs, après avoir envoyé un email à un certain Paolo, pouvait réclamer un titre qui était ensuite diffusé. Et ce matin là, quelqu’un avait demandé « Hallelujah », la chanson de Leonard Cohen dans sa version reprise par Jeff Buckley seul à la guitare électrique. Je possède ce disque (l’album « Grace ») depuis des années et cette chanson, je peux l’écouter quand je veux. Pourtant ce jour là à l’écoute de ce morceau à la radio, j’ai ressenti quelque chose que je n’avais jamais ressenti avant ni même depuis. Une boule dans l’estomac, des frissons... Une émotion palpable physiquement, comme si l’âme de Jeff, venue de l’au-delà à travers les ondes, venait me susurrer de sa voix d’ange sa chanson dans le creux de l’oreille, me tapoter sur l’épaule, me toucher directement... Bah, pensais-je, tu es en train de t’imaginer des trucs, arrête ton film. Et là, il s’est passé quelque chose. A une poignée de kilomètres de là, enfermé dans son studio, l’animateur avait l’air aussi perturbé que moi, cherchant ses mots : « Euh, on vient tous de vivre un moment de recueillement, c’était magique. Magnifique ». Exactement ce que je pensais sur le moment, comme si lui aussi avait ressenti à ce moment là la présence de Jeff dans la pièce. Peut-être était-ce du à l’alignement des planètes, de la lune, du soleil, que sait-je. J’ai beau avoir réécouté l’album des dizaines de fois depuis, je n’ai jamais ressenti cela, de manière aussi forte.

Il y a exactement dix ans jour pour jour, Jeff Buckley disparaissait, noyé dans le Mississipi, dans des circonstances troubles. Il n’y a pas de mots assez forts pour dire à quel point tu nous manques.

This is our last goodbye.

Patti Smith, L’Olympia, 28 mai 2007.


Patti Smith est la reine de l’éclipse : quatre albums publiés entre 1975 et 1979 puis plus rien pendant dix ans et l’album « Dream of life » en 1989. Enfin depuis 1996 Patti a repris le cours de sa carrière. Patti Smith est la poétesse du rock, capable de mettre une photo d’Arthur Rimbaud, qu’elle adore, dans le livret de l’album « Easter », elle a par ailleurs publié plusieurs recueils de poésie. Patti a fait le lien entre les années 60 et 70 précurseur du punk tout en conservant un certain côté hippie. Patti, la princesse des grandes heures du CBGB (un lien vers le site du CBGB est disponible sur le côté droit de cette page) qui a d’ailleurs joué le tout dernier concert qui a jamais eu lieu dans cette salle avant sa fermeture définitive en octobre dernier. Sans elle (et quelques autres) ce blog n’aurait jamais existé. Je retourne régulièrement vers ses albums qui sont une source d’inspiration.

C’est dire si je suis content de la revoir ce soir…

L’Olympia est chargé d’histoires, de légendes : Les Beatles, Jimi Hendrix, Jeff Buckley, Piaf, impossible de les citer tous. Il s’agit probablement de la salle la plus historique de la capitale. Pour arriver à la salle on traverse un long couloir en pente descendante, les murs sont rouges et ce soir décorés de photos géantes en noir et blanc de Brel et d’Hendrix prises dans les lieux. Il y a deux bars superposés, un en bas, l’autre à l’étage juste avant d’accéder aux gradins on passe par une rampe. La salle est composée d’une fosse, d’un balcon et d’une mezzanine. Les fauteuils sont rouges. Les murs latéraux sont éclairés dans leur partie supérieure en bleu. Les instruments sont déjà en place, le sol de la scène est agrémenté de trois tapis persans.

Patti et son groupe arrivent sur scène, on trouve là deux rescapés des seventies : le guitariste Lenny Kaye et le batteur Jay Dee Daugherty et Tony Shanahan au piano, claviers et à la basse. Un nouveau guitariste/bassiste vient de se joindre au groupe. Le concert commence avec deux morceaux du premier album de 1975 : « Set me Free » et « Redondo Beach ». Première constatation, après autant d’années, sa voix n’a pas changée. Un joueur de balalaïka prénommé Hakim viendra se joindre un peu plus tard. Le dernier album en date de Patti est composé de reprise, certaines seront jouées ce soir : « Are you Experienced ? » (Jimi Hendrix), avec une intro surprenante à la clarinette, « Past time Paradise » de Stevie Wonder comme quoi toutes les bonnes musiques finissent par se rencontrer quelque part et enfin, en rappel, « Smells like teen spirit » de Nirvana à la guitare sèche et à la balalaïka qui, bien qu’acoustique, est dans cette version au moins aussi intense que l’originale. Cette dernière sera enquillée le plus naturellement du monde avec son tube de 1978 « Rock n’roll nigger », dans une version électrique survoltée. La rencontre entre deux générations. A propos de « rock n’roll nigger » précisons que qualifier cette chanson de raciste est la pire insulte que l’on puisse faire à Patti.

C’est une bien belle soirée de rock n’roll qui s’achève, et une question me taraude l’esprit : pourquoi ne joue-t-elle jamais « Dancing Barefoot » ?

dimanche 27 mai 2007

SHOWTIME ! Audition MJC La Haye Aux Moines, Créteil, 26 Mai 2007.


Andy Warhol l’a dit, on aura tous notre quart d’heure de gloire. Et je dois être chanceux puisque j’y ai droit tous les ans. Et pas qu’un quart d’heure, non, non, vingt bonnes minutes ! C’est aujourd’hui l’audition annuelle, le spectacle de fin d’année de la MJC ou je prends mes cours de musique. Et j’ai été très occupé cet après-midi, puisque je prends des cours de guitare et de batterie et que, fidèle à mes engagements, je dois jouer des deux, pas en même temps tout de même ! Mes partenaires dans le crime sont aujourd’hui Adrien à la guitare, Alain, le prof de guitare, qui aujourd’hui assure la basse (sur une superbe Fender qu’il a acheté en 1970) et le chant et enfin, Zoé, Charlotte et votre fidèle serviteur qui se succèdent à la batterie.

A peine arrivé, je suis déjà en panique quand je vois le tome basse de la batterie en train de se casser à moitié la gueule sur deux pieds (au lieu de trois). On m’explique : « Tu vois, la vis est tombée à l’intérieur et il faut une pince spéciale pour tout ouvrir. T’as pas ça sur toi par hasard ? ». Je me résout à l’idée de jouer sans quand Mac Giver fait son apparition sous les traits de Laurent, le prof de batterie, qui sort la fameuse pince en sifflotant, l’air de rien : « j’ai toujours ça sur moi au cas où… ».

Après quelques réglages sonores, on profite des quelques éclaircies de la journée en attendant que les spectateurs arrivent. Je sirote un coca, il fait lourd, une chaleur pas possible dans la salle. La salle dans laquelle on se produit est habituellement utilisée pour les cours de danse, pas tellement faite pour la musique live, ça résonne beaucoup. Les fenêtres sur le mur droit laissent échapper quelques rayons de soleil entre les branchages des arbres c’est agréable. Au plafond subsistent quelques décorations de Nöel. La salle est maintenant pleine, plus le choix, il faut y aller. On commence à quatre, Laurent, Zoé, Charlotte et moi alignés derrière la batterie pour une batucada, un rythme brésilien. Je me plante un peu au milieu mais bon ça ne s’entend pas trop, donc il n’y a rien de grave.

« Vous aimez le Rock n’roll ? » demande Alain au public avant que nous attaquions notre premier morceau « Suzie Q », une reprise de Creedence Clearwater Revival. Aussitôt je me décompose, mon ampli ne marche pas ! Je secoue les bras en l’air, attendez je n’ai pas de son, au secours je me noie ! (bon, ok, j’exagère un peu). Dieu (lire Laurent) fait alors son apparition et me remet le bidule en route d’une pichenette bien sentie, cet homme est mon sauveur !

Et c’est parti…

J’assure la partie rythmique ça va, pas de problème. On enchaîne ensuite notre deuxième morceau un instrumental intitulé « Chitlin’con carne », c’est Alain qui a dégotté ce truc, je ne sais absolument pas d’où ça sort. Là je n’ai que trois accords à jouer en boucle, je m’acquitte de ma tâche avant de remplacer Charlotte derrière les fûts, elle me glisse un « bonne chance » au passage. J’attrape mes baguette, là on joue un blues en 12/8 à moitié improvisé, composé pendant les répétitions. Nous sommes en trio avec Adrien à la guitare et Alain à la basse. Alain : « A la batterie : Régis et l’année prochaine il joue aussi du saxophone ! » Tu rêves, toi, tu le sais ? Donc je m’imprègne du rythme qui est ternaire. Je regarde mes partenaires dans le crime, tout le monde est prêt ? 1,2,3 1,2,3 on y va ! J’essaye de tenir la baraque du mieux possible, je me plante un peu sur le break, mais ça ne s’entend pas. Alain improvise les paroles en anglais. A la fin, Laurent me tape sur l’épaule, t’as assuré mon pote ! Il n’a pas vu que j’ai frôlé la crise d’apoplexie ! Les vingt minutes de gloire touchent à leur fin alors que l’on inverse la batterie pour Zoé qui est gauchère. Je reprends mon Epiphone LesPaul à paillettes pour le dernier morceau, « Honky Tonk Woman », la reprise des Stones où je joue le rôle de Keith Richards. J’adore les Stones depuis mon adolescence, donc le moment est d’importance ! A la fin de la chanson, la foule est en délire, c’est Woodstock, les gens hurlent, sautent dans tous sens, les filles me jettent leurs soutifs, non je déconne, on a juste eu des applaudissements !

Je quitte la MJC alors que l’orage commence à tonner, pour la deuxième fois en deux jours je me tape la pluie, la météo commence à sérieusement contrarier mes plans ce week end !

samedi 26 mai 2007

OF MONTREAL, Showcase Virgin Louvre, 25 mai 2007.


“Achetez-le ou je me cloue la main sur la table !”. C’est en ces termes que Tania, chroniqueuse au grand journal de Canal +, aurait évoqué le nouvel album d’Of Montreal. La pauvre n’aura sans doute pas besoin d’en arriver à une telle extrémité masochiste. Of Montreal, qui n’est pas originaire de la belle province mais d’Athens en Georgie, pratique une pop plutôt psychédélique sur laquelle se greffe des synthés new-wave. Le grand écart entre 60’s et 80’s.

C’est une véritable tempête qui s’est abattue sur la ville en cette fin d’après-midi du vendredi. Il a fait lourd et d’un seul coup, le ciel est devenu tout sombre et la pluie est tombée drue, l’orage tonne. La vue est irréelle, il fait nuit à 18h00, les rues sont désertes. Moi, j’arrive dans la galerie marchande du Louvre déguisé en éponge. Ah ce que l’amour de la musique me pousse à faire parfois… Les touristes se mettent à l’abri autour de la pyramide inversée en verre qui commence sérieusement à dégouliner.

Le showcase a lieu dans le fond du magasin, au rayon musique classique, jazz, blues et bandes originales de film. Sur l’estrade en bois deux tabourets sont installés avec des micros. Kevin : « Je rêve de vivre une tornade à Paris. Mais cela n’est pas arrivé, juste dans mon monde imaginaire». Toi tu n’as pas mis le nez dehors ! Le groupe n’est pas au complet seul le chanteur Kevin à fait le déplacement accompagné de son guitariste, les deux musiciens jouent de la guitare folk. L’acoustique permet de dégager la beauté pure du songwriting. Mélodies à la Beatles, chœurs à la Beach Boys. Dégagée des oripeaux, la musique d’Of Montreal dégage une beauté qui valait bien quelques gouttes d’eau. Un mini concert court, 20 minutes et 6 titres, mais excellent. Non, Of Montreal n’est pas un gadget à la mode, mais un authentique bon groupe.

vendredi 25 mai 2007

COMETS ON FIRE, le Point Ephémère, 23 mai 2007.


Les Comets on Fire sont originaires de Santa Cruz, la ville ou a grandi Jerry Garcia, du Grateful Dead, au sud de la baie de San Francisco. Leur musique est un drôle de mélange à la fois assez planante et pourtant très électrique, à équidistance du rock garage et psychédélique. Le point de rencontre entre le psychédélisme de Pink Floyd et du Grateful Dead et les guitares surchauffées des Stooges, du MC5 ou mieux encore de Blue Cheer, ce groupe qui à la fin des années 60 a inventé le métal à San Francisco. Le dernier album, Avatar, il s’agit de leur quatrième, sorti l’été dernier est sublime. Il est aussi celui qui est le plus facile d’accès. C’est ce soir leur premier concert français, et à voir le public clairsemé il est regrettable que beaucoup n’est pas saisi l’importance de l’événement.

Le point éphémère est à la fois un bar, un restaurant, une galerie et une salle de concert située au bord du canal saint martin, sur le quai de Valmy. On ne risque pas de confondre avec l’océan pacifique, mais au moins on est au bord de l’eau. L’endroit est étonnamment calme, à quelques encablures seulement du métro. On profite des derniers rayons de soleil de la journée en sirotant une bière assis au bord de l’eau, en attendant que les portes ouvrent. Le DJ du bar passe Jimi Hendrix, que demander de plus, c’est parfait.

La salle est toute petite et peinte en noir, il y a des échafaudages au plafond sur lesquels sont fixés les spots. Les Comets arrivent sur scène. Ils sont cinq, Ethan Miller le chanteur et guitariste, Ben Chasny à la deuxième guitare, le batteur Utrillo Keshner, Ben Flashman à la basse et Noel Von Hamerson à l’echoplex. Le set commence avec « Dog wood rust ». Ethan gueule dans le micro (pas très psyché pour le coup), sa fender jaguar vintage est rafistolée de sparadrap dans tous les sens. Utrillo est obsédé par Keith Moon. Quant à Noel son Echoplex tient plus du mécano que de l’équipement de haute technologie. Il balance sa crinière dans tous les sens en tirant des sons bizarre de son appareil, manipule des boutons, branche et débranche des fiches, tout juste si le gars sort pas son fer à souder pendant le show. Un engin pareil, je n’en voudrais même pas pour cuire mon steak, trop peur que ça m’explose à la figure ! Ils ont les cheveux qui leur tombent devant les yeux alors qu’ils se laissent entraîner par la musique. Noel passe à la batterie et Utrillo s’installe devant le clavier fender rhodes, le groupe part dans de longues dérives instrumentales, traversée par la foudre des guitares, Chasny envoie valdinguer son ampli sans même s’en rendre compte puis il regarde sa main gauche perplexe, je crois bien qu’il s’est coupé.

Les amis, on s’est pris la tornade de San Francisco en plein dans le buffet. Je ne vois rien dans la scène rock actuelle qui s’approche de près ou de loin de leur intense folie. La hype n'atteindra jamais ce groupe. Il s'agit là d'un compliment.


dimanche 20 mai 2007

Constance Amiot : Fairytale


Constance Amiot est une personnalité à part dans le paysage de la chanson francophone. Cette jeune femme est née de parents français et a grandi entre Afrique et Amérique. Son nouvel album « Fairytale » (le premier autoproduit est à ma connaissance introuvable) évoque à la fois les voyages et la rêverie. Toutes ces influences sont parfaitement résumées par la chanson « l’envol » ou Constance chante en anglais alors que les cœurs, en langue vernaculaire, sont assurés par Beniwe. Est-ce le fruit de l’exil, son album évite avec intelligence l’écueil de la variété française pour être finalement beaucoup plus proche des chanteuses folk des années 60 et 70 : Joni Mitchell, Rickie Lee Jones, Karen Dalton ou Evie Sands. Ce qui est suffisamment rare dans l’hexagone pour être souligné. L’album est majoritairement acoustique (Constance est à la guitare) ; la mandoline et la contrebasse apportent des notes chaudes sur lesquelles se pose son chant délicat en français ou en anglais (sans être ridicule). Certains morceaux sont plus blues (ah cet harmonica sur « Rendez-vous de novembre »), d’autres sont à la lisière de la country (« l’étourderie ») ou du jazz manouche ("le souffle d'un matin"). Des horizons musicaux assez divers en somme mais tout est homogène à l’image de son interprète. Je suis d’ordinaire peu réceptif à la chanson française qui m’exaspère vite et je trouve cette nouvelle scène « bobo » française affligeante, mais là je suis sous le charme…

P.S : Retrouvez Constance Amiot dans Taratata le 25 mai sur France 2.

http://www.constancemusic.com/

samedi 19 mai 2007

Mavis Staples : We’ll Never turn back


Décidément, le label ANTI- est actuellement à la pointe de la soul. Après avoir sortis les nouveaux opus de Salomon Burke et de Bettye LaVette, c’est au tour de Mavis Staples de voir sa carrière musicale relancée. Mavis est l’ancienne chanteuse des Staples Singers, groupe familial des années 60. Les Staples singers ont toujours été très engagées dans le combat pour les droits civiques et l’égalité entre les races. Son nouvel effort est aussi l’occasion de remettre certaines pendules à l’heure. Car si des progrès ont été effectués, comme le chante Mavis, « 99 and ½ » % ne suffisent pas. Nous ne sommes pas arrivés à ce point pour retourner en arrière, « We’ll never turn back ». La lutte n’est pas finie, le sera-t-elle d’ailleurs un jour ? C’est là tout le propos de l’album.

Produit par Ry Cooder, qui assure par ailleurs toutes les guitares, avec l’aide de son fils, Joachim qui joue lui des percussions. « We’ll never turn back » s’inscrit dans une veine musicale typiquement sudiste entre soul, gospel, blues et country ; un peu à la manière de « His hands », le dernier album en date de Candi Staton. La plupart des titres ici présents sont des traditionnels, accompagnés de quelques reprises et de nouveaux titres écrits par Mavis et Ry Cooder. Tous traitent de la problématique évoquée plus tôt. Le côté dramatique de la chose est que ces titres soient toujours d’une actualité si brûlante.

jeudi 17 mai 2007

Amy Winehouse : « Back to Black »



Deuxième album pour cette jeune londonienne. Le moins que l’on puisse dire c’est que cela commence fort dès le premier titre : « They tried to make me go to rehab and i said no, no, no » (Ils ont essayé de m’envoyer en désintox et j’ai dit non, non, non). C’est que la demoiselle a du caractère et une réputation déjà sulfureuse : concerts et interviews donnés en état d’ébriété, bagarres avec ses fans. On parle d’elle comme d’un Pete Doherty féminin, pas exactement un compliment… Son apparence physique est également source d’inquiétudes, en trois ans, elle a perdu beaucoup de poids, est dorénavant maigre et couverte de tatouages. Une beauté vulgaire. Musicalement, on se rapproche plus d’une soul-jazz, le disque évoque les girls groups des années 50 et 60. Amy est bien entourée par le guitariste Binky Griptite et le batteur Homer Steinweiss, tout deux recrutés chez les Dap-Kings, le groupe accompagnant Sharon Jones. Le disque est étonnamment bon, après un premier opus, « Frank », relativement moyen, bancal entre jazz et R n’B contemporain. A ce titre, les chansons « You Know i’m no good » et « He can only hold her » sont de belles réussites. Maintenant quand j’entends parler, dixit la publicité, d’album qui « ressuscite la motown » (ben voyons !) ou de disque « brillantissime, n’ayons pas peur des mots » (dixit Canal +), là, je suis à deux doigts de m’étouffer ! Que penser de telles déclarations pour le moins péremptoires alors que depuis un an et demi, Bettye LaVette, Candi Staton et Mavis Staples (dont on reparlera bientôt) ont toutes effectuées des retours en grâce. Que penser de telles déclarations alors que dans le même temps Sharon Jones (cf. mon message du 4 février) et Nicole Willis (cf. mon message du 14 janvier) galèrent dans un relatif anonymat sur de petits labels indépendants. Chanteuses qui sont au moins aussi intéressantes qu’elle. Et enfin que penser d’Amy Winehouse, qui est elle poussée par une major (Universal), qui met le paquet et se donne beaucoup de mal pour faire d’elle une Norah Jones soul, saisissez le concept ? Tout cela pour vous dire que même si son album n’est pas mal, si vous êtes amateur de soul, vous avez tout intérêt à élargir le spectre. Car elle est loin d’être la seule représentante d’un genre actuellement en plein renouveau.

lundi 14 mai 2007

Fred Wesley, la maroquinerie, 11 mai 2007.


Un autre week-end, un autre concert et cette fois c’est avec une légende que nous avons rendez-vous, Monsieur Fred Wesley, ancien membre des JB’s. Fred, le tromboniste fut bien plus qu’un musicien pour James Brown (voir mon post du 7 janvier). En effet ce son sur les albums « The Payback » ou « Get on the good foot », ces guitares qui arrachent et ces cuivres qui mettent KO, c’est à lui, le directeur musical, qu’on les doit.

La première partie est assurée par Rad, une chanteuse d’Oakland que je ne connaissais pas. J’ai beaucoup apprécié sa voix et son jeu au fender rhodes. Renseignement pris, elle est accompagnée par des musiciens intéressants, notamment Billy Johnson l’ancien batteur de Maze, celui la même qui jouait sur le « live at New Orleans » il y a 25 ans, et un ancien bassiste de Tower of Power (connexion Bay Area oblige).

Après cette première partie des plus intéressante, les « Big Guys » font leur entrée en scène. Ils sont sept, basse, batterie, guitare, clavier et les cuivres : trompette, Fred au trombone et Pee Wee Ellis (autre ancien membre éminent des JB’s) au saxophone. Il y a quelque chose de très impressionnant chez ces soul/blues/jazz men (j’ai eu la chance d’en voir quelques uns sur scène) old school. Comme l’impression que chaque mouvement, chaque note jouée ou chantée vient des tripes, du fond du cœur. De fait, ces concerts relèvent à chaque fois d’un niveau d’engagement physique absent dans la plupart des autres musiques (qui ont aussi leurs qualités). La première partie du set est plutôt jazz, on pense particulièrement à Miles Davis période électrique à l’album « Bitches brew ». Puis les choses prennent une tournure funk prévisible. La maroquinerie est complètement retournée, pas un spectateur ne reste immobile, impossible de résister à la tornade. Fred Wesley c’est plus fort que toi ! On est en plein dedans, le pied à fond sur l’accélérateur. Il ne manque plus que lui le soul brother number one. Il doit être fier de là haut. C’est le concert funk ultime, qu’est-ce que tu veux aller voir après ça ? Tout paraît bien fade. Comme le disait une spectatrice croisée à la sortie : « de ma vie, je ne me suis jamais pris une telle tranche de funk ». Moi non plus.

Je ne verrai jamais James Brown en concert mais ce soir je me suis approché au plus près de la légende. Respect Messieurs.

mardi 8 mai 2007

Quentin Tarantino’s DEATH PROOF Original Soundtrack.


Petite digression cinématographique aujourd’hui pour vous toucher deux mots de la bande originale de Death Proof, le nouveau film de Quentin Tarantino.

Qu’il est bien loin le temps des « Bullitt », « Shaft » et autres « Superfly », le temps où les bandes originales de films étaient de vrais bons disques. On assiste maintenant à des compilations de « musiques inspirées du film », agrégats de groupes ou chanteuses à la mode que l’on essaye de refiler à un public d’adolescents (manque de pot, ces derniers n’achètent plus de disques). Dans ce marasme actuel, il y a néanmoins un sur qui compter : Tarantino. Bien qu’il n’ait jamais signé de film musical, à proprement parler genre biopic, documentaire ou concert filmé, Tarantino est un authentique cinéaste musical. Ses films et les bandes son qui vont avec, sont montés avec un sens du rythme digne d’un batteur. Personne n’utilise la musique comme lui. « Pulp Fiction », « Jackie Brown » et dans une moindre mesure « Reservoir dogs » sont aussi de très bon albums. J’imagine sans peine Tarantino fouiller compulsivement les bacs de vinyles à 1 $ chez Amoeba Music. « Death Proof » ne déroge pas à la règle, le CD regorge de groupes oubliés des années 60 et 70 et le résultat est absolument irrésistible. Est-ce que quelqu’un se souvient de Smith (non, rien à voir avec Morrissey) ou de Pacific Gas & Electric ? Et bien à l’écoute du disque on a qu’un envie : celle d’en savoir plus sur ces groupes.

Le skeud s’ouvre sur le bien nommé « The last race » de Jack Nitsche et son intro avec un bruit de moteur genre enfer mécanique : c’est la highway californienne qui sort par les enceintes ! Un truc à faire groover l’autoroute. Comme d’habitude, les morceaux sont entrecoupés d’extrait de dialogues qui permettent de mieux s’immerger dans l’ambiance. Quentin nous a réservé une bonne surprise avec la présence de notre francophone et francophile April March, c’est son « Chick Habit » qui clôture le disque. Pour la suite rendez-vous le 6 juin au cinéma…

lundi 7 mai 2007

The Bees : Octopus.



Les anglais de The Bees sont originaires de l’île de Wight. Etaient-ils seulement nés lorsque a eu lieu le fameux festival de musique ? Honnêtement, je n’en sais rien, mais en tout cas l’écoute de leur troisième album « Octopus » laisse peu de place au doute : dans leurs têtes, le festival ne s’est jamais arrêté ! Les amis, on a affaire là à une belle brochette d’allumés ! Et à l’instar de l’insecte dont ils ont emprunté le nom, ils piquent et ils sont contagieux. Ils sont entre quatre et huit, cela dépend. Leur musique est très fortement inspirée du psychédélisme des années 60, tout en laissant de l’espace pour une sorte de groove à base de cuivres, d’orgue hammond et de divers claviers vintage (Better Days), un peu dans la lignée des Sons of Champlin, ce groupe san franciscain oublié de la fin des 60’s. The Bees, c’est le genre de groupe que vous connaissez sans le savoir. Leur « Chicken payback », extrait de l’album précédent « Free the Bees » est devenu un mini-tube grâce à la publicité avec les Delachance ! Le nouvel album continue sur cette lancée quelques influences reggae/exotiques (Left foot Stepdown) en plus. Certains autres titres sonnent comme les bandes originales de vieux nanars oubliés des 60s. Les enfants, le disque de l’été est en avance !

dimanche 6 mai 2007

Money Mark, le nouveau casino, 5 mai 2007.

Le nouveau casino a ouvert en 2001. Pour accéder à la salle de concert, on doit parcourir un long couloir assez étroit et la salle, toute en longueur, est assez sombre. Les murs latéraux sont en relief composés de plaques métalliques en formes de triangles. Le plafond est orné d’une boule disco et de deux chandeliers. Le bar court le long du mur droit et est surplombé de deux lampes de bloc opératoire. Le zinc est lumineux. La mezzanine surplombant le fond de la fosse est sympa, un petit espace « lounge » avec une banquette le long du mur, des fauteuils, des tables basses. Malheuresement elle est fermée ce soir.

Après une première partie assurée par un dénommé Tahiti Boy, chantant en anglais avec pour seul accompagnement son clavier vintage, Money Mark et son groupe font leur entrée en scène. Ils sont cinq : Basse, Batterie, Guitare, Clavier et Mark alternant clavier et guitare. Mark vêtu d’une veste marron, chemise beige, cravate assortie et d’un jean arrive avec son petit magnétophone à cassettes jouant un morceau de jazz. La musique s’écoule pendant que le groupe prend ses aises. Mark : « Bonsoir, remontez vos chaussettes car on va vous botter les fesses ce soir » avant d’attaquer leur set sur « Color of your blues ». Et bien, voilà un homme qui tient ses promesses ! Je suis agréablement surpris par le show ce soir. Après avoir écouté le dernier opus de Money Mark (voir mon message du 7 avril) je m’attendais à un concert plutôt acoustique. Et bien non Mark est funky ! Les interventions du deuxième clavier, jouant les yeux fermés et avec le sourire jusqu’aux oreilles, sont particulièrement bien senties, spécialement sur la face B inédite, « Sneaky People ». Le batteur assure le swing en boxant sur la batterie, bien accompagné par le bassiste en kilt. Le guitariste au look hippie est par contre plus discret, mais a une wha-wha bien efficace. Je regrette juste que Mark n’ait pas plus de voix. Le temps de régler un petit problème d’éclairage, Mark expliquant dans le micro ce qu’il souhaite au technicien, les musiciens attaquent un instrumental disco. Mark se lâche et enlève sa cravate en la faisant tournoyer au dessus de sa tête. Puis se met en tête de faire tourner la boule disco en soufflant dans sa direction. Peine perdue. Il entame une danse avec une panthère en peluche. C’est ensuite le bassiste qui pète les plombs et saute dans le public et emballe toutes les filles (accompagnées où non) qui lui tombent dans les bras. Mark : « C’est notre dernier soir, on fait la fête » ! Ils invitent alors un spectateur, Gilles, à venir danser avec eux sur scène. Mark l’installe ensuite au clavier et surprise, le gars assure, tous les musiciens ont la banane ! Mark profite du show en secouant la tête sur le côté de la scène sirotant une bière. Le groupe quitte la scène. Avant d’attaquer les rappels, Mark taxe un paquet de clopes au public puis remet en route son magnétophone pendant que le clavier fait le marionnettiste avec la peluche. Une voix, en français, s’échappe du magnéto : « Bonsoir Paris, je suis la panthère. J’ai fait beaucoup de kilomètres pour être avec vous. Mais Mark en a une dernière pour vous ». Le rappel est joué en duo clavier/batterie. Et c’est ainsi que c’est achevé une belle saturday night fever. Quant à Mark on pourra le revoir le mois prochain accompagnant les Beastie Boys.

samedi 5 mai 2007

Mojo Classic : The Greatest album covers of all time


L’art de la pochette est un art perdu. On a beaucoup perdu avec l’apparition du disque compact, le format du CD offrant moins de possibilités que les vieux 33 tours d’antan. Et que dire de notre époque où la musique « ipodisée » n’est plus qu’un programme informatique se baladant en toute liberté complètement dématérialisée. Pourtant l’image et le son fonctionnent de concert, les deux revers d’une seule et même médaille. J’aimais bien scruter la pochette et feuilleter le livret tout en écoutant l’album. Je me faisais mon petit film mental, je m’imprégnai de l’univers de l’artiste, du groupe. Toutes ces considérations paraissent bien désuètes aujourd’hui.

Les choses sont ce qu’elles sont…


Pourtant, contre toute attente, le magazine anglais MOJO sort aujourd’hui un numéro hors série consacré à la pochette de disque. Le magazine s’appuie sur plusieurs interviews d’artistes ou photographes mettant en parallèle leur travail pour différents groupes. On retrace ainsi l’histoire de la pop grâce à la comparaison entre pochettes de différents groupes d’une même époque ou scène. Certains articles approfondissent les pochettes d’un seul groupe permettant ainsi de comprendre la construction de leur image. On y trouve également beaucoup de photos inédites, d’essais non retenus. De quoi redonner l’envie de se replonger dans l’écoute de ces grands classiques.