(c) Eric Keller |
En mini-tournée cet
automne avant de prendre un peu de temps pour mieux inventer la
suite, le quatuor Parlor Snakes revient longuement sur son deuxième
disque, une étape fondamentale de leur évolution, enregistré à
New-York City en compagnie du légendaire Matt Verta-Ray. Interview
fleuve avec la chanteuse Eugénie Alquezar accompagnée du batteur
Jim.
Il s'agît de votre
deuxième album. Le groupe aime bien prendre son temps…
Eugénie (chant/clavier)
: C'est une façon de voir les choses. Entre le premier album qui est
sorti en 2012 et celui-ci, il y a eu pas mal d'événements. On a
beaucoup joué, beaucoup de concerts, de premières parties, une
tournée avec Jim Jones Revue… L'écriture, le rodage. On peut
avoir l'impression qu'on prend notre temps mais au final on n'a pas
arrêté de bosser. C'était aussi un choix d'enregistrer à New-York
et il a fallu s'organiser en amont.
Jim (batterie) :
Mais c'est vrai que dans l'ensemble ça ne va pas vraiment dans le
sens où la durée de vie des disques est de plus en plus courte.
Pour beaucoup de groupes il y a 4 ou 5 ans entre deux albums. On
n'est pas pressés. Mieux vaut faire les choses bien. Après rien ne
dit qu'on ne va pas sortir un autre album dans un an…
Est-ce que vous
pensez que la collaboration avec Matt Verta-Ray (guitariste des
légendaires Speedball Baby, ndlr) a amené le groupe vers autre
chose ? Vous étiez surpris par le résultat ?
Eugénie :
Surpris, non. On l'a sollicité parce qu'on voulait un certain
résultat. On savait qu'il pouvait apporter ce son spécifique, sale
et organique, sur bande. On voulait ce type de son et c'était le
spécialiste. On a eu plein de bonnes surprises pendant
l'enregistrement. Tu rêves d'un truc dans ta tête, t'imagines des
choses, le résultat est toujours un peu différent de ce que tu as
rêvé. Mais là c'était différent dans le bon sens du terme.
C'était mieux que ce que j'espérais personnellement.
Jim : Ne
serait-ce que techniquement, la configuration de son studio, on est
presque tous dans la même pièce. De point de vue du batteur, je
m'étais préparé à un certain type de jeu. Il faut que je sois
Dave Grohl sur cet album (rires) ! Et on se retrouve dans la
même pièce, on ne va pas s'assourdir non plus juste parce qu'on est
musiciens (rires) ! On passe alors à un mode de jeu, peut-être
un peu plus léger. Au final ça va sortir un truc auquel moi je ne
m'attendais pas et duquel je suis content finalement. J'ai pris un
parti sur chaque chanson de ré-accorder la batterie, modifier le son
des cymbales, j'espère que cela va s'entendre. Mais cela nous a fait
prendre une direction différente.
Eugénie :
C'est assez garage dans la manière d'enregistrement. On était dans
une cave. C'est pas un studio immense et high-tech. C'est pas
Hollywood. Mais c'était exactement l'ambiance qu'il nous fallait
pour enregistrer ce disque. Il nous fallait de la chaleur, de la
moiteur.
Jim : De la
pluie et des inondations aussi (rires) !
Eugénie : Un
côté exigu mais avec des instruments et des livres partout… Des
bandes de groupes qu'on adore qui traînent. Tout ça participait
d'une ambiance hyper-inspirante.
Le fait d'être dans
la même pièce ça a donné quelque chose de particulier au niveau
de l'énergie ?
Jim : Bien sur.
Eugénie : Oui.
La basse et la batterie ont été enregistrées ensemble sur la
plupart des morceaux. La guitare aussi parfois. On se voit, on se
regarde, on transpire ensemble… Forcément l'énergie différente
par rapport à d'habitude où chacun joue sa partie à tour de rôle
et on attend sur le canapé. Ce n'est pas du tout la même manière
de procéder.
Jim : Et pour
le coup c'est complètement raccord avec sa technique
d'enregistrement. Tout
est vivant de A à
Z, de la conception jusqu'au mixage.
Eugénie : Même
pour la partie mix, tu ne vois rien. Tu n'es pas devant un ordinateur
avec des fréquences qui s'affichent. Tout est patché sur la table
de mix, tout est fait manuellement. Des fois on était quatre, il y
avait huit mains qui tripotaient les boutons, c'était vraiment un
échange. Si tu n'est pas content du premier mix tu recommences en
écoutant le morceau du début à la fin. C'est vraiment de l'écoute
et du doigté. Moi j'aime bien ce côté artisanal.
(c) Renaud Montfourny |
Et les retrouvailles
avec Matt Verta-Ray à la maroquinerie quand Heavy Trash (le groupe
formé avec Jon Spencer, ndlr) est passé au Nuits de l'Alligator (le
27/02/2015, ndlr) ?
Eugénie : Oui
on l'a revu. C'était un moment un moment très particulier pour moi.
C'était à la maroquinerie que l'on s'était rencontré avec Matt la
première fois, il y a quatre ans. Se retrouver en ayant travaillé
ensemble avec tous les souvenirs que cela suppose. C'était encore
plus fort. Je lui ai donné le vinyle de l'album. On a passé une
super bonne soirée, on a dansé, c'était super cool. Un bon moment
d'échange et de retrouvailles. Très chouette.
Et son studio ?
Eugénie : Il a
peu d'instruments finalement, beaucoup de claviers. Peu de guitares,
trois ou quatre, mais vraiment très bonnes.
Jim : Il a peu
de basses, une ou deux et un seul ampli mais, encore une fois, c'est
le bon ampli.
Eugénie :
C'est bien ordonné mais c'est petit.
Jim : C'est
bien tout est facilement accessible.
Eugénie :
Peter (le guitariste du groupe) s'est bien amusé a essayer les
guitares…
Il n'en a pas
embarqué une au passage (rires) ?
Eugénie (rires) :
Si tu veux c'était déjà tellement galère de transporter nos
instruments jusqu'à New York…
Jim : Peter a
dû démonter sa guitare pour la faire tenir dans une valise
(rires) ! Il a dû la dévisser ! Avec la peur constante
qu'un mec jette la valise comme ça ! Cela fait flipper…
Eugénie : On a
voyagé assez léger. Par contre on est revenus avec les bandes.
C'était le mic-mac à l'aéroport pour le partage du poids sinon
t'es taxé à mort…
Qu'est-ce que vous
espériez en débarquant à New-York et qu'est-ce que vous avez
finalement trouvé ?
Eugénie : Moi
j'y étais allé une fois en touriste avec Peter. Pour lui c'était
comme un retour à la maison il a vécu là-bas pendant de longues
années, il a ses repères et une partie de sa famille à Brooklyn.
Nous on était partis avec l'objectif de travailler et ça change
complètement ta manière de vivre la ville. C'est encore mieux. T'as
vraiment l'impression de faire partie de la ville, de vivre comme un
new-yorkais. On se levait tôt, on prenait le métro, on arrivait au
studio, on allait s'acheter un café avant… Le soir on sortait on a
vu plein de concerts à droite, à gauche.
Jim : C'est
drôle parce que du coup en fait tu te retrouves très vite dans un
mode de vie structurant. En treize jours on s'est retrouvé dans le
mode vie d'un habitant. Tu habites en banlieue parce que le centre
est trop cher…
Eugénie : On
était dans un appart un peu cra-cra. Un peu le bordel mais c'était
cool.
Jim : Non pas
cra-cra. On n'avait pas de bed bugs et ça c'est une vraie plaie…
Eugénie : On
était à Brooklyn, quand on est arrivés on avait l'impression que
le quartier était un peu craignos mais en fait tout le monde se dit
bonjour. Il y a un truc hyper agréable à New-York, les gens sont
très sympas, très positifs, très enthousiastes. Ils ne sont pas
flippés comme à Paris où tout le monde fait la gueule et personne
ne se parle. Ils n'ont pas la même manière de voir les choses que
nous. Il n'y a pas de meilleur endroit pour bosser. Ils sont dans
cette optique de boulot, tu décides de tes horaires comment tu vas
organiser ta journée, ce n'est pas l'ingénieur du son ou le
technicien qui veut rentrer chez lui qui décide. C'est toi et
franchement je trouve ça très agréable. Il y a une manière de te
pousser à donner le meilleur de toi-même avec beaucoup
d'enthousiasme, d'écoute. C'est peut-être un peu faux au début
mais quand tu arrives de Paris, le faux ça ne te dérange pas du
tout. Je disais même bonjour au flic dans la rue. Dans le métro, il
n'y a pas une seule fois où on n'a pas discuté avec quelqu'un. Il y
a des choses qui ne se font pas à Paris et là-bas ça se fait…
Bizarre. Avant que ça arrive à Paris… Soit c'est parce que tu te
fais emmerder soit il se passe un truc agressif mais c'est quand même
très rare qu'il y ait un échange.
Quand tu es avec tes
bagages dans le métro parisien tu galères tout seul…
Eugénie : Oui
et en plus t'es dans le passage dont tu fais chier.
Jim : Là-bas
c'est : « Vous êtes touristes, c'est bien, vous pouvez
aller voir cet endroit... »
Eugénie : En
revenant j'ai essayé de garder ce côté enthousiaste, dire bonjour
etc... Et puis t'es vite rattrapé par la mentalité générale… Je
suis Parisienne et j'aime beaucoup ma ville mais c'est bien de
voyager voir comment ça se passe ailleurs…
(c) Marion Ruszniewski |
Eugénie est-ce que
tu pourrais nous parler de ton travail aux claviers sur le disque ?
Ils sont assez discrets mais prépondérants...
Eugénie : Je
ne suis pas une grande pianiste, il n'y a pas de solo comme c'est le
cas avec Henry (Herbert, ndlr) des Jim Jones Revue parce que, tout
simplement, je n'ai pas le niveau. Et puis il n'y a pas trop la place
pour dans notre musique. Les claviers, pour la plupart des sons
d'orgues que j'utilise comme des nappes. Un soutien. Il y a des
moments où ça fait partir le morceau ailleurs. C'est ça que j'aime
beaucoup, les ambiances, qui t'amènent à un autre endroit. Matt
(Verta-Ray, ndlr) les a mixé de manière très subtile et j'adore
cette manière de faire. Tu le sens plus que tu ne l'entends. « Just
Drive » sans les claviers ce n'est pas le même morceau. Il est
extrêmement discret mais ça pose l'atmosphère, le morceau. En
live, le clavier est différent, plus agressif, distordu et mis en
avant.
Jim : Surtout
que maintenant tu as un ampli !
Eugénie : Au
tout début du groupe il n'y avait pas de claviers. Et puis c'est
venu au fur et à mesure. On avait envie de quelque chose d'un peu
retro, d'un peu saturé. Il est chouette mon clavier, il y a plein de
sons d'orgues et plein de sons bizarres, modulables qui vont bien
avec les effets rajoutés sur la voix.
Un des aspects qui
m'avait beaucoup plu dans le disque c'est la sensibilité pop comme
sur « Always you » qui se cache derrière le rock n'roll
garage…
Eugénie :
C'est marrant ce terme de pop parce que pour moi c'est presque un
morceau punk, un peu psyché. En live c'est une chanson qui envoie
bien la patate. Moi ça me rappelle le Velvet Underground, cette
structure répétitive. C'est une chanson féministe, c'est vraiment
le point de vue d'une nana. Ce côté pop vient de peut-être des
chœurs, le fait que la chanson soit assez courte. Qu'est-ce que tu
dirais toi ?
Jim : Moi je
dirais pourquoi pas pop après tout… Populaire si cela touche des
gens dans ce cas oui, tant mieux.
Eugénie : Bien
sur ! On veut faire une musique populaire !
Jim : On n'est
pas là pour faire peur aux gens non plus. Il y a d'autres morceaux
dans le disque qui sont plus vénéneux, plus péchus. C'est léger,
ça envoie. Il y a quand même un enjeu au niveau du texte.
Eugénie :
C'est une manière féministe légère, mais rentre-dedans avec de la
mélodie, de raconter la vie d'une nana qui doit absolument avoir des
bébés, être une bombe sexuelle, gérer le quotidien, le ménage,
la famille.
Jim : Et elle
n'a pas le temps (rires) !
Eugénie : Et
non elle a autre chose à foutre (rires) !
Et « Watch me
live » le premier single ? Les paroles m'ont intriguées...
Eugénie :
C'est pareil, c'est un morceau qui parle des nanas. La chanson est
venue d'une situation que j'ai vécu à un moment donné. C'était
l'été, il faisait très chaud, j'étais habillée avec une petite
combinaison blanche, des talons. C'est l'été, quoi. Je sors du
métro et je me retrouve entourée de femmes voilées, tout en noir,
en burqua. Je suis sortie de moi-même, je suis allée de l'autre
côté du trottoir pour voir l'image. Ces quatre nanas, autour de
moi, étaient des fantômes…
Jim : Alors
que, fondamentalement, sous le voile, ces quatre filles étaient
semblable à toi…
Eugénie : Bien
sur. Mais l'image me choque, c'est ça le problème. Je suis allée
leur parler : vous n'avez pas trop chaud, vous voyez quelque
chose là-dessous, avec humour, tu vois. Elles m'ont répondu
qu'elles me voyaient très bien… Donc je voulais écrire là-dessus
en évitant les références trop directes, parce que ça ne fait pas
partie de l'univers de Parlor Snakes. Les textes sont très
importants mais l'interprétation est libre de la part de l'auditeur,
le sous-texte est sous-jacent. Rien n'est jamais extrêmement clair
sauf peut-être pour « Always you »… J'aime bien parler
de problèmes sociétaux mais autrement. Jim a trouvé le refrain
« watch me live, watch me love » et c'était comme un cri
du cœur. Voyez avec vos yeux, pas ceux des autres, de vos mecs ou de
je ne sais quel fondamentaliste. J'aime bien aussi le fait que tout
le monde chante sur ce morceau.
Et « Just
Drive » ?
Eugénie :
J'adore l'ambiance, Matt a fait un boulot exceptionnel. Il y a un
souffle continu… Quand tu l'écoutes tu ne peux pas penser à autre
chose qu'un couple sur la route. La chanson ne pouvait pas s'appeler
autrement.
Jim : Conduit
et lâche prise.
Eugénie :
Voilà ! Il y a quelque chose d'inabouti entre eux, une tension,
un truc vénéneux. Quand on a commencé à répéter la chanson, je
chantais n'importe quoi, du yaourt, « devil, devil »…
Peter a écrit une grosse partie du texte en se calant sur les mots
que j'utilisais et c'est devenu « Just Drive ». On
imagine la nuit, une route, « Sailor et Lula » (film de
David Lynch, ndlr)… J'aime bien.
Comment est-ce que
vous vivez en tournée ?
Jim : Bien mais
ça peut être un peu éreintant. Je peux prendre pour exemple la
tournée qu'on a fait avec Jim Jones Revue. C'était la plus longue
et la plus intense. C'était un groupe avec un mode de vie très
sain. Ils prennent soin de leur show avant tout. Ça nous a inspiré.
Ne pas abuser de la picole après un concert par exemple, même si tu
es très content que tout se soit bien passé, ça fait que tu te
réveilles à neuf heures du matin, frais et ça change tout. Tout le
monde veut aller de l'avant, monter dans la bagnole sans se péter
une épaule parce que tu as pris un ampli et que tu es déshydraté à
cause de l'alcool…
Eugénie :
C'est tout pour le show en fait. Le plus important c'est le concert.
Je pense qu'on est assez raisonnables…
Jim : Assez
vieux en fait (rires) !
Eugénie : Moi
j'adore partir en tournée parce que c'est des moments hors
quotidien, de liberté.
Jim : Et on est
ensemble. On est très bien ensemble.
Eugénie : Oui,
on se marre beaucoup…
Jim : Et il y a
très peu de tension et quand il y en a elle se résout par le
dialogue.
Eugénie :
L'exemple des Jim Jones Revue est pertinent, c'est des mecs qui
vivaient pour la performance et le concert. Encore une fois, le plus
important c'est le concert. Ils boivent de la Badoit, beaucoup sont
végétariens. C'est un mode de vie. Après eux étaient en tournée
six mois par an. Sans ce mode de vie, le groupe aurait périclité
bien avant. Je trouve ça bien de faire la fête mais au final le
plus important c'est de faire de bons concerts.
Jim : Et
finalement tu profites beaucoup plus de ta tournée en faisant gaffe
à ce que tu manges, bois. C'est primordial d'avoir une homogénéité
dans les concerts. Si un soir tu fais un concert exceptionnel et que
tu es tellement content de toi qu'après tu te mets une mine, tu vas
être incapable de jouer le lendemain. Quel est l'intérêt ?
C'est un peu comme aux échecs si t'échanges un fou contre un pion
tu perds au change. Et c'est exactement ce qui se passe.
Eugénie : Et
l'ambiance entre nous est vachement importante. Si il y en a un qui
devient un boulet, parce qu'il est relou, bourré et qu'il ne gère
pas sa partie à lui ça peut créer une mauvaise ambiance. Bon je
dis ça mais ça n'est jamais arrivé, hein !
Jim :
Absolument.
Eugénie : Le
but c'est d'être le plus zen possible parce que, mine de rien, c'est
énormément de contraintes, même si je les aime. Dormir à l'hôtel,
ou dans endroits plus « roots », tu te tapes beaucoup de
bagnole, décharger le matos, remettre le matos dans le van…
Physiquement une tournée, c'est du boulot. Le bien vivre ensemble
pendant la tournée c'est très important. Chacun dort avec la
personne de son choix…
Jim : Et
souvent je dors tout seul parce que personne ne me choisit (rires) !
Eugénie :
C'est pas vrai (rires) !
Comment
décririez-vous le lien entre les différents membres du groupe ?
J'imagine qu'il est assez fort…
Jim : Oui.
Eugénie : On
est quatre amis dans la vie. On ne fait pas seulement partie du même
groupe. On sort ensemble, on va voir des concerts ensemble, on fête
des anniversaires… Il y a une bonne ambiance entre nous, pas trop
d'histoires d'égos mal placés.
Jim : Pour le
coup c'est une sacrée chance. Il y a beaucoup de groupes qui vivent
du conflit, des crises créées par deux ou trois entités qui
veulent être prépondérantes dans le groupe. Et chez nous ça n'a
jamais été le cas (il insiste).
Eugénie : Non
jamais. Il y a une alchimie unique entre nous. Chacun connaît son
rôle. On a un fonctionnement très démocratique au niveau de la
composition et ça évite beaucoup de frustrations. La genèse des
chansons vient très souvent de Peter mais après il y a un
fonctionnement très démocratique entre nous. C'est un échange
permanent, dans le groupe, personne n'est lésé parce qu'il voudrait
faire autre chose. Il n'y a pas de remise en question de la position
d'untel. L'important c'est de faire des bonnes chansons et de bonnes
tournées, de bien s'amuser sans perdre de vue nos objectifs et en
restant soudés.
Jim : Et si je
peux devancer une de tes questions, on nous demande parfois quels
sont les enjeux d'avoir une fille dans le groupe et sa place et il
n'y a aucun souci...
Eugénie : Moi
j'apprécie beaucoup d'être avec tous ces mecs tout le temps. Ça me
correspond bien. Il y a un côté bon pote.
La tonalité de
l'album est en générale assez brute. Est-ce que cela peut-être une
limite en termes d'arrangements au moment de transposer les morceaux
sur scène ?
Eugénie : On
ne se pose pas vraiment la question. L'enregistrement est assez brut,
on n'a pas rajouté trop de choses. C'est une guitare ou deux
maximum, basse, batterie et claviers. C'est notre formation en live,
c'est pas compliqué à recréer sur scène. C'est très intéressant
de voir comment évolue une chanson de l'album au live. L'idée c'est
quand même de proposer les morceaux de l'album mais d'avoir une
liberté dans la réinterprétation.
Jim : L'idée
étant d'avoir le show le plus personnel possible. On est Parlor
Snakes, on vient voir Parlor Snakes. Le principe, c'est pas tellement
de savoir comment vont sonner les morceaux en concert, plutôt de
savoir comment ils vont sonner ensemble. Les enchaînements, le track
listing. L'enjeu est là. Techniquement on n'a pas mis des tonnes
d'arrangements sur le disque.
Eugénie : Pour
en revenir à l'album, on a mis beaucoup de temps avant de trouver la
bonne manière d'enchaîner les morceaux, les positionner. On doit
gérer la même problématique pour les concerts. Il y a des moments
très énergiques et rock n'roll sur le disque mais aussi des
morceaux très calmes. Et cet aspect là est aussi très
représentatif du groupe. On a une ambivalence. On a un goût pour la
mélodie, l'ambiance, le calme, le silence parfois et en même temps
on est aussi un groupe de rock. On fait des chansons avec très peu
de choses parfois. « Man is the night », il y a tout un
passage avec juste la batterie, la voix et la basse. On recherche le
déséquilibre à l'intérieur de la chanson.
Jim : Je pense
que la diversité des ambiances tient au fait qu'on a une perception
visuelle des morceaux. On va voir les choses différemment, ce qui
est drôle c'est que souvent on a une direction commune. On imagine
les morceaux, on se représente des scènes. Et du coup il y a plein
de scènes différentes donc plein de titres différents.
Eugénie : On
attache aussi une grande importance à la lumière dans nos
spectacles, quand il y a la possibilité de faire le show lumière
qu'on a créé, on joue quand même beaucoup dans des petits clubs.
La lumière à beaucoup d'importance dans un concert de Parlor
Snakes, cela participe au visuel et à la création d'ambiances.
J'aime bien voir des choses subtiles en lumière qui t'aident à te
mettre dans l'ambiance. Et j'espère que cette ambiance nous est
propre.
« Man is the
night » est un morceau intéressant, on pense forcément à
Kate Bush dans ta façon de chanter mais musicalement cela reste très
rock. J'ai perçu ce morceau comme une fusion de deux univers…
Eugénie :
Alors déjà j'aime beaucoup Kate Bush donc je te remercie. Ce
morceau est né de manière très spontanée, on jammait en studio à
la recherche d'une structure et tout d'un coup, comme ça, je me suis
mise à chanter très aigu. Tout le monde a trouvé ça vachement
bien.
Jim : En fait
tu peux le faire…
Eugénie : Oui
c'est ça, en fait je peux le faire... Avec de bons abdos (rires) !
J'avais ce titre en tête, avant même que le texte ne soit écrit
« Man is the night ». On a donc écrit le texte avec
Peter et puis on m'a encouragé à chanter très aigu. Il y a quelque
chose de très féminin dans le chant et en même temps il y a cette
grosse batterie et ce son de guitare énorme. Visuellement, je vois
un milliard de choses sur ce morceau là. Il est à la fois riche et
très étrange.
Il est étrange
aussi dans le contexte de l'album…
Eugénie : Il
fait un peu ovni et pourtant il nous ressemble complètement, la
guitare western, la rythmique très forte.
Jim : Les
chœurs aussi…
Eugénie : En
live il est aussi très bizarre. J'adore chanter cette chanson, la
voix perce tout ! On a fait du bon boulot sur ce texte, il a
quelque chose de très mystérieux.
Jim : La phrase
en elle-même est très étrange. « Man is the night »…
Eugénie :
J'avais ce truc dans la tête, je me suis réveillée un matin, il
nous fallait un morceau qui s'appelle « Man is the night »,
c'est trop beau (elle répète le titre)…
Jim : Donc les
paroles ont été écrites autour du titre et non l'inverse…
Eugénie : Non
mais tu sais quoi, moi je trouve souvent le titre avant le texte.
Jim : C'est
l'ambiance du groupe, on trouve d'abord les thèmes.
Pourquoi l'album
est-il éponyme ? Il s'agît du deuxième du groupe, et souvent
les premiers albums sont éponymes. C'est un nouveau départ ?
Eugénie :
Chaque album est un nouveau départ, une nouvelle histoire. C'est le
premier où on est tous les quatre ensemble.
Jim : C'est le
premier composé à quatre aussi.
Eugénie : Sur
notre premier album, Séverin (bassiste, ndlr) ne faisait pas encore
partie du groupe et Jim venait d'arriver.
Jim : J'ai
participé un peu au premier disque, j'ai surtout apporté ma griffe
sur ce qui existait déjà. C'est tout à fait sensé que ce disque
soit éponyme parce qu'il nous ressemble plus.
Eugénie : Il
est plus abouti. Et puis on a recherché des titres et on n'était
pas satisfait. Pourquoi ne pas l'appeler tout simplement Parlor
Snakes (sourire).
Propos recueillis le
21/04/2015.
En concert le 3/10 à
Paris (Supersonic)
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