Vendredi 13 février :
Bien plus que « d'hiver », les sons proposés par le
festival sont réellement « divers ». Preuve en est
donnée avec le grand écart effectué ce soir avec deux formations,
emballantes dans des registres très différents. On commence avec le
jazz du trompetiste Ambrose Akinmusire, musicien dont on parle de
plus en plus en des termes élogieux. Pour la création du soir, le
quintet (piano, contrebasse, batterie, cuivres) d'Akinmusire se
retrouve augmenté de deux membres, le guitariste Charles Altura et
l'incroyable chanteur Theo Bleckmann, qui vocalise bien plus qu'il ne
chante, usant de sa voix comme d'un instrument soliste. Le jazz,
relativement classique par ailleurs, d'Akinmusire prend alors une
tournure planante et rêveuse. Iréel. Le phrasé du trompetiste
rappelle un peu Miles Davis, reste à voir si Akinmusire aura la même
capacité de transformation que son modèle. Chouette prestation.
Traditionnellement
ancré dans les musiques « Noires » au sens large (jazz,
reggae, soul, blues etc...) le festival Sons d'hiver ouvre parfois
une petite porte vers le rock, genre abordé sous un angle
expérimental (Pere Ubu l'année dernière) et souvent instrumental,
Tortoise ou Massacre, que l'on voit à titre personnel pour la
deuxième fois sur cette même scène de la MAC de Créteil.
Lorsqu'il déboule sur scène, le super trio composé du guitariste
anglais Fred Frith, du bassiste star Bill Laswell et de l'inusable
batteur Charles Hayward, prend possession de ses instruments pour ne
les lâcher qu'une heure et quart plus tard. Nous assistons alors à
un flot de musique, et de sons, ininterrompu. Si Massacre il y a,
c'est bien celui des structures conventionnelles
couplet/refrain/couplet. L'incroyable section rythmique maintient la
baraque à flot alors que Frith part dans l'exploration de sa
guitare, tirant de cette dernière des sons improbables usant parfois
d'accessoires divers tels qu'une serviette pour recouvrir les cordes
ou d'un archet. A la batterie, Hayward impressionne par son sens du
swing et sa capacité d'accélération/décélération. Dans ce
contexte Laswell fait preuve d'inventivité, son jeu est imprégné
de reggae, et ses différentes pédales d'effets apportent une note
saturée et distordue. Véritable exploit, on ne perds jamais le fil
de ce « free rock » pourtant tortueux à souhait. Quel
groupe !
Samedi 14 février :
En ce soir de la Saint-Valentin, on retombe amoureux de la musique
une nouvelle grâce à un magnifique plateau orienté blues, gospel
et soul. Premier à ouvrir le bal, Otis Taylor est un bluesman à
part. Il y a déjà sa présence, imposante, sur scène et son visage
(à moitié caché par une casquette) qui est un roman d'aventures à
lui seul. Une gueule, pour résumer mais aussi une voix grave et
profonde. Accompagné de ses quatre musiciens (deux violons, basse et
batterie), Taylor (voix/guitares) investit un champ
blues/country/folk où se télescopent violons et banjo, instruments
que l'on a pas forcèment l'habitude d'entendre dans la « musique
du diable ». C'est surtout sur un plan rythmique que la chose
impressionne, le groupe atteignant une sorte de transe quasi tribale
(surtout la violoniste qui danse avec des mouvements assez amples).
Composée d'un public d'abonnés, d'ordinaire assez sage, la MAC est
cette fois-ci debout comme un seul homme ! On se croirait
presque dans le sud profond. Belle ambiance. A noter une reprise très
belle quoiqu'un peu longue de « Hey Joe » popularisée en
son temps par Jimi Hendrix.
Dans un registre plus
« sacré » c'est au tour des Campbell Brothers d'investir
ensuite la scène. Fidèles serviteurs du gospel, les Campbell
Brothers jouent une musique où les lap steel et pedal steel guitar
(instruments se jouant assis, la guitare posée à plat) tiennent un
place centrale. C'est un style de gospel bien particulier que l'on
nomme le « Sacred steel ». Bien entendu les voix,
multiples, sont de première importance. Le tout est rondement mené
avec un solide sens du groove qui aide à faire passer le message,
positif, sur une note festive. On est encore une fois emballé par le
sens du spectacle du groupe qui se fait lever le public,
applaudissant à tout rompre. Avec ça, on est paré pour la Messe
demain matin !
On termine enfin avec
des vielles connaissances, les Nantais de Malted Milk accompagné de
la chanteuse Américaine Toni Green que l'on retrouve pour la
première fois sur scène après avoir été épaté par leur album commun en fin d'année dernière. L'association se place dans un
revival soul soyeux et groovy de qualité au moins égal à celui des
productions Daptone. C'est dire à quel point nos Nantais maîtrisent
cette idiome. La rythmique est à la fois souple et solide et l'orgue
Hammond (Damien Cornelis également membre du Blues Power Band)
enveloppe le tout de nappes de son chaud. Les interventions des
cuivres sont toujours à bon escients et les guitares ramènent le
tout vers le terrain du blues. La présence de la chanteuse de
Memphis Toni Green (une ancienne choriste d'Isaac Hayes, ça vous
classe le personnage) aide le groupe à s'ancrer dans ce territoire
de musiques telluriques. Le chanteur/guitariste Arnaud Fradin relaye
efficacement Toni au chant sur quelques titres, c'est aussi une
présence réconfortante lorsque la chanteuse est prise par l'émotion
au milieu de « Just ain't working out ». Le plateau que
nous a concocté l'équipe de Sons d'hiver est tout simplement
superbe pour finir ce dernier weekend du festival. Rendez-vous
l'année prochaine pour les 25 ans du festival !
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