Sorti l'an dernier
« High », le troisième album de la Belge Lady Linn avait
surpris son monde avec une nouvelle approche plus marquée par les
synthés et les années 1980. Un changement de cap radical pour celle
qui jusqu'à présent était la digne descendante d'un courant
soul/jazz très marqué par les années 1960. Tentative d'explication
avec la principale intéressée...
La première chanson
s'appelle « Regrets », c'est étrange comme façon de
commencer un nouveau disque !
Lady Linn (rires)
: Et bien, en ce qui me concerne, le titre n'est pas la chose la plus
importante. C'est plus l'atmosphère de la chanson qui compte. Et
c'est une bonne chanson pour commencer, plutôt calme, lente. C'est
un bon début.
Sur ce disque tu as
laissé tomber l'écriture au piano pour la guitare...
L.L : Parfois
c'est bien de découvrir un nouvel instrument et de faire des
chansons avec. Tu ne connais pas si bien que ça l'instrument, tu
fais des choses nouvelles. Et il était temps de faire quelque chose
de different. Une nouvelle approche. C'est frais, c'est surprenant.
Revenons un peu sur
l'album précédent « No good bye at all ». Tu avais
l'impression que tu ne pouvais pas faire un meilleur disque dans ce
registre jazz/soul 60s ?
L.L : En fait
c'était ma première sortie en France mais c'était mon deuxième en
Belgique et le deuxième dans ce style. C'est venu naturellement, je
voulais faire quelque chose de différent. Je voulais être libre. Je
ne voulais plus penser au groupe, les magnificent seven. Les deux
premiers disques ont été écrits avec le son du groupe en tête,
les cuivres, le piano... Maintenant je veux juste écrire et après
on voit ce qui se passe.
Tu étais une chanteuse
pop 60s...
L.L (elle coupe) :
Je le suis toujours...
C'est un nouveau style
pour toi, tu as ressenti le besoin d'aller de l'avant ?
L.L : Je ne dirais
pas « de l'avant » parce que j'aime toujours mes deux
premiers disques. Et on joue toujours ces anciennes chansons en
concert. Mais bon tu sais, il y avait une partie de moi qui n'était
jamais là dans ma propre musique. J'ai chanté de la house pendant
dix ans et cela ne s'entendait jamais. Ce nouveau disque me ressemble
plus, c'est une combinaison de choses très differentes. Et
maintenant je mélange mieux les styles en un seul. Le dernier disque
c'était surtout le concept du groupe. Maintenant, c'est moi. Renaud
Letang, le producteur, a vraiment transformé les chansons. Les démos
étaient très acoustiques quand je suis allé le voir. Il en a fait
quelque chose de très pop. C'était ok, j'ai confiance en lui.
C'est un nouveau début,
c'est excitant ?
L.L : Ca l'est
pour moi. J'aime beaucoup, ça me donne une nouvelle énergie. En
concert on a un groupe très différent avec de nouveaux musiciens.
Les cuivres et les choristes sont toujours là. On a beaucoup
travaillé. Tout le monde aime cette nouvelle formation.
Tu est heureuse de
cette nouvelle approche ?
L.L : Je suis
contente ! J'aime ! Je suis satisfaite parce que c'est
différent. C'est plus moderne, plus original d'une certaine façon.
J'ai pris un risque. Certains vont aimer et d'autres non...
Mais d'un autre côté
des titres comme « Drive », « Back » ou
« Remember » auraient pû être sur les disques
précédents...
L.L : C'est ce que
je voulais dire, je mélange mieux les styles. J'écoute aussi bien
de la soul, du rock, du jazz, de la musique brésilienne, de la
country, de la pop ou de reggae. Mais à la fin c'est toujours moi
qui écrit les chansons. Produits différemment, les disques
précédents auraient pû être comme celui ci. Les chansons, cela
reste des chansons.
Tu as un noyau dur qui
constitue ton identité musicale et après tu évolue autour ?
L.L : Oui, c'est
exactement ça. Tu écris des chansons après la façon dont tout
cela va sonner peut donner des choses très différentes.
Une autre nouveauté
c'est ce côté très années 80 sur « Never ». C'est une
chanson très pop, new wave...
L.L : Oui c'est
vrai. C'est une chanson que j'ai écrite à propos d'un sentiment qui
m'appartient et je pense que c'est universel. A partir du moment où
tu te sépares de quelqu'un, cette personne commence à t'aimer.
Typique. C'est une chose contre laquelle je me suis beaucoup battue
dans des relations précédentes. Enfin plus maintenant, je suis
heureuse (rires) ! Mais cela m'est arrivé souvent. Je suis dans
une relation qui ne fonctionne pas, je m'en vais et après il
revient. Cela n'était pas vrai au moment où j'ai écrit la chanson
mais c'est resté en moi. Tu as envie de cette personne même si tu
sais que cela n'est pas bon pour toi.
Un mot sur ton côté
« impertinent » (impertinent = sassy, référence à la
chanson du même titre sur le dernier album, nda) ?
L.L : Pour moi
l'impertinence, c'est avoir confiance en soi, savoir que je peux être
forte. Tu vois beaucoup de personnes qui sont très impertinentes et
tu est un peu jaloux. Et d'un autre côté tu les admire. Tu
t'imagines qu'elles n'ont aucun problème, et dans le fond, c'est
complètement faux. Je trouvais que c'était un sujet amusant. La
jalousie c'est un sentiment un peu enfantin finalement. Cela n'aide
personne.
C'est la première fois
que les magnificent seven ne sont pas impliqués dans
l'enregistrement...
LL : Oui et c'est
principalement à cause du style. Et aussi parce que nous avons
travaillé de façon très différente. Pour les albums précédents
j'avais répété avec le groupe au complet. Ce coup ci les démos
ont été enregistré avec le seul guitariste, Bruno. Après on est
allé voir Renaud. Il a beaucoup fait pour le son. Tous les musiciens
impliqués sont venus quelques jours à Paris les uns après les
autres. Renaud a pris les rênes et a travaillé avec eux. Les
arrangements sont différents. On avait choisi le nom Lady Linn and
her Magnificent Seven parce que cela évoquait un vieux big band.
Count Basie et SON orchestre, Duke Ellington et SON orchestre. On
cherchait ce genre de vibration. Le disque est plus produit. Cela n'a
plus rien à voir avec le groupe. Et les musiciens ont changé. Il
n'y a que les trois cuivres qui sont restés. Le nom Lady Linn et ses
magnificent seven ne correspondait plus à la musique. C'est trop
différent maintenant.
Tu as évoqué Renaud
Letang qui a produit le disque. Tu as une relation de travail
spéciale avec lui ?
L.L : Oui, il est
super ! Et j'adore venir à Paris en plus ! J'ai adoré
venir ici et travailler avec Renaud. On avait fait une tournée en
France il y a deux ans. Les gens sont chaleureux, entousiastes dès
le premier titre ! On n'est pas habitués, les gens ne sont pas
si ouverts en Belgique. En France, les gens commencent à danser
alors que tu n'as encore rien fait (rires) ! C'est très
naturel, très agréable. Même dans les petits clubs dans lesquels
on jouait, ils sont tellement entousiastes ! Sortir de Belgique,
c'est très amusant pour moi.
C'est comme être en
vacances ?
L.L : Oui cela y
ressemble. C'est très excitant. C'est même mieux que des vacances,
parce qu'on est là pour travailler (rires) !
On a parlé de la
guitare un peu plus tôt et pourtant il y a une magnifique chanson au
piano sur l'album « Feeling me ». Tu peux nous dire
quelques mots sur ce titre ?
L.L : C'est une
des premières chansons que j'ai écrite pour le disque. Il y a deux
ans, j'étais encore professeur dans une école de musique. J'ai
écrit la chanson là-bas dans une salle de classe sur un grand
piano. J'ai enregistré la chanson sur mon téléphone, dans ma
messagerie, c'était tout ce que j'avais sous la main et je
ressentais le besoin de l'enregistrer. Et puis je l'ai complètement
oubliée. Et puis par la suite la chanson a évolué vers quelque
chose de beaucoup plus pop, très énergique. J'ai dit à Renaud, je
ne la sens pas cette chanson on devrait la laisser tomber. Et puis je
suis retombée accidentellement sur mon vieux message téléphonique.
Bon tu sais, je suis nulle avec le téléphone, je laisse traîner
beaucoup trop de messages. J'ai réecouté et je suis tombée sur
« Feeling Me » seule au piano. C'était dans une gamme
différente. C'était beaucoup plus beau comme ça (rires) !
J'ai dit à Renaud, tu veux l'écouter, je pense qu'elle est
meilleure que notre version (rires) ! On l'a laissé comme ça.
C'est amusant et bizarre en même temps.
Je crois que le premier
titre enregistré pour ce nouveau disque est « High »...
L.L : Oui en
effet. Renaud dit que cela lui rappelle le film « Flashdance ».
What a feeling (elle chante). Il a rajouté des beats dessus. Je suis
toujours surprise par le fait qu'il entende les choses aussi
différemment. A la base, c'était de la soul music, pas du disco.
Mais bon Renaud savait que j'aime bien le disco et chanter de la
house. Ceci explique cela.
J'ai lu quelque part
que tu aimes beaucoup Charles Bradley...
L.L : Ah oui, il
m'inspire beaucoup. J'ai vu un concert filmé à la télévision.
Cela m'a beaucoup touchée. C'est incroyable à quel point il se
laisse aller, jusqu'à la transe. Il plane grâce à la musique.
WOW !
Je l'ai vu plusieurs
fois en concert et à chaque fois j'ai cru qu'il allait pleurer...
L.L : Mais il
pleure vraiment. Il plane ! C'est la raison pour laquelle j'ai
écrit la chanson. Moi aussi j'ai pleuré après l'avoir vu. C'était
incroyable, WOW ! Très émouvant. Je me suis installée au
piano et en dix minutes j'avais écrit une chanson. A cause de lui,
tellement j'ai été impressionnée (rires) !
Tu l'as rencontré ?
L.L : Non, je
devrais peut-être. En fait cela n'a aucune importance. Je suis
heureuse qu'il m'ait inspirée. Il n'a pas besoin de me connaître.
Une dernière question
pour finir, qu'est-ce que tu vas faire maintenant ?
L.L : J'écris la
musique d'un film belge qui va sortir en 2015. J'écris toute la
partition. C'est un nouvel exercice pour moi mais j'aime bien. Cela
sera instrumental mais il y aura aussi quelques chansons. C'est
différent de l'album. Sensible et d'une certaine façon vide. C'est
dur à expliquer. Sinon je suis de plus en plus inspirée par la
scène afrobeat.
Propos recueillis le
04/06/2014.
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