C'est dans le hall de
l'hôtel Kipling à Paris que l'on a retrouvé Charlie. Un peu
timide, s'exprimant d'une voix douce et feutrée, cette dernière est
revenue sur son parcours d'artiste et la sortie l'année dernière de
son deuxième album « Les fleurs sauvages », synthèse
impeccable de folk-rock à l'américaine et de chanson française. Un
disque malheureusement passé un peu inapperçu. Rencontre avec une
artiste discrète.
Est-ce que tu pourrais
te présenter en quelques mots ?
Charlie : Je suis
artiste, je fais de la chanson française. Chanteuse, conteuse. Folk
en français, c'est pas mal.
Il y a eu quatre ans
entre les deux premiers albums que s'est-il passé entre temps ?
Charlie : Beaucoup
de voyages. Il s'est passé pas mal de choses en fait. J'ai beaucoup
écrit mais j'avais envie de prendre mon temps. J'avais envie de
faire un album différent. Pendant longtemps j'ai écrit mais je
faisais un peu les mêmes choses que sur le premier. Du coup j'ai mis
beaucoup de chansons de côté. Il y a eu aussi la tournée qui a
duré deux ans après la sortie du premier album.
Le premier disque était
très chanson acoustique, piano, guitare. Celui-ci est plus rock,
blues. Penses-tu avoir trouvé ton identité musicale avec cet
album ?
Charlie : Je crois
que l'identité musicale se trouve plus dans le texte et dans la
voix. Le fait de poser le chant sans en faire des caisses. Après la
musique autour... Peut-être que le prochain album je ferais quelque
chose d'encore différent. Je ne sais pas. Je suis un peu un électron
libre en matière de musique. Je n'ai pas non plus envie de
m'enfermer dans un seul et même registre. C'est bien d'aller faire
des choses différentes d'un album à l'autre. Finalement on s'amuse
à faire de la musique. L'interprétation, le fait de chanter,
raconter des histoires c'est ça qui est important. Le reste je
m'amuse avec.
C'est important qu'il y
ait une continuité, comme un fil entre les disques vis-à-vis de ton
public ?
Charlie : Pas
forcément. C'est vrai que le deuxième disque est très différent
du premier. Mais je pense que le public va l'aimer aussi. Je me vois
plus comme un conteuse, je raconte des histoires. C'est des tableaux,
doux et légers, comme sur mon premier disque. C'est vraiment
l'identité du projet.
Est-ce le disque de la
maturité ?
Charlie : Un peu
plus dans le sens où il y a une vraie réalisation, une direction.
Le premier était très chanson. Sur un premier disque on part
toujours un peu dans tous les sens, il y a comme une profusion
d'idées. Je m'éparpille un peu moins.
On ne sait jamais, le
premier peut aussi être le dernier...
Charlie : C'est
pour ça qu'on met tout ce qu'on a. Le paquet (sourire) !
Quel serait le lien
entre les deux disques ?
Charlie : La
recherche sur les textes, l'interprétation. J'aime bien la douceur
dans le chant. Quelque chose d'assez calme et posé. Je crois que je
me suis libérée de pas mal de choses, je n'arrive pas trop à faire
le lien entre les deux albums.
Comme quoi par
exemple ?
Charlie : J'avais
beaucoup écrit pour le premier. Là, j'ai plus ciblé les thèmes.
J'avais vraiment envie de quelque chose de cohérent. Un disque
métaphorique sur les éléments, la nature. Un titre s'appelle « Les
pluies » un autre « Les vents ». Sur le premier
c'était plus un enchaînement de petites histoires. Je voulais plus
de liens entre les chansons. Même au niveau des arrangements. Il y a
un chant un peu tribal qui revient des fois. Il y a ce côté
Americana aussi. J'avais envie que cela se sente dans les thèmes et
dans les arrangements.
L'aspect naturel du
disque m'a fait imaginé un enregistrement dans une grange ou une
cabane dans la fôret...
Charlie : Non, non
on a enregistré dans un grand studio. C'est rigolo. Par contre tout
le monde a enregistré en même temps, dans les conditions du live.
Il y avait une espèce de cohésion qui s'est créée en studio.
C'était vraiment agréable, quelque chose que je n'avais jamais
vécu. Il y a des choses très intéressantes qui ressortent. On
était en Belgique, en huis clos. On vivait ensemble. Il y avait cet
état d'esprit de se retrouver et de faire de la musique dans un seul
et même lieu. C'est agréable.
Il y a eu beaucoup de
répétitions au préalable ?
Charlie : Non, par
contre on avait fait des maquettes. Mais une grosse part de la
création s'est fait en studio.
De l'improvisation ?
Charlie : Oui tout
à fait. On cherche des choses. Les maquettes, c'est les directions,
les structures. Après le studio c'est une phase de recherche de sons
etc... Souvent quand les gens se mettent à jouer ensemble il se
passe un truc un peu magique. Les musiciens se trouvent les uns par
rapport aux autres. C'est ça qui est intéressant.
C'est plus excitant ?
Charlie : C'est
différent. On peut avoir plus de surprises. Il faut être bien
préparé. Sinon on se retrouve bloqué. Mais cela laisse plus de
place à la spontanéité, au hasard et à la créativité de chacun.
Une fois lancé, il faut assurer.
Le lien avec les
musiciens était plus fort ?
Charlie : C'est
une expérience particulière. On voit son album prendre vie en
direct. C'est rigolo. C'est une super expérience. C'est très
excitant, on est sur un petit nuage. C'est chouette.
Un petit mot sur la
collaboration avec Emmanuel Da Silva ?
Charlie : Je ne le
connaissais pas avant. Je cherchais un réalisateur pour l'album,
j'avais envie de travailler avec quelqu'un contrairement au premier
où j'étais autonome. J'ai toujours beaucoup aimé ce qu'il faisait
et il a aussi fait beaucoup de réalisations. Pour moi c'était
intéressant de bosser avec lui qui a l'habitude de se mettre au
service des artistes. Ca s'est fait très rapidement, le projet lui a
plu tout de suite. Assez naturellement.
Ta façon de chanter,
comme un murmure, est assez séduisante à l'oreille. Tu as trouvé
ta voix de chant assez facilement ?
Charlie : Non. Il
faut beaucoup se réécouter. Au bout d'un moment je me suis dit
qu'il fallait chanter de façon très naturelle. C'était la chose
qui me correspondait le plus et qui correspondait également à ce
que j'avais envie de dire, dire les choses simplement. Je ne
travaille pas spécialement ma voix, je n'ai jamais pris de cours de
chant de ma vie, j'ai tout appris sur le tas, en concert, en studio.
J'ai un studio chez moi, je travaille beaucoup à la maison. Après
j'écoute, c'est venu petit à petit. Aujourd'hui c'est très
spontané. Je n'ai pas envie de dire que je chante comme je parle
mais presque en fait. Il n'y a pas une grande différence entre ma
voix parlée et ma voix chantée.
Tu affirmes que tu as
peu d'influences francophones...
Charlie : J'ai un
peu les mêmes grosses références que tout le monde :
Jean-Louis Murat, Daho, Bashung, Camille.
Il y a un petit
cousinage avec Daho dans la façon de chanter...
Charlie : J'aime
beaucoup cet artiste, il a une façon de faire les choses très
élégante. Ses arrangements, ses textes. C'est un poète, moi
j'adore. Mais c'est vrai qu'il n'est pas dans la performance non
plus. Plus dans la voix parlée.
Comment tu décrirais
ta musique ? Un texte en français sur une trame musicale très
américaine ?
Charlie : C'est un
peu ça. Folk, americana.
Un adjectif m'a marqué
dans ta bio : « poussiéreux ». Comment tu décrirais
cette notion de poussière dans ta musique ?
Charlie : J'écoute
beaucoup de musique des années 1970. J'aime bien les aspérités, la
spontanéité des artistes ces années là. Je trouve qu'à l'époque
les gens prenaient beaucoup de risques, n'essayaient pas de faire de
la pop. Je trouve ça chouette. Je ne sais pas si cela s'entends dans
l'album mais j'accorde beaucoup d'importance à la nature des sons.
J'avais envie d'un son de guitare à l'ancienne. C'est surtout par
rapport aux guitares que j'avais utilisé le terme poussiéreux.
Tu accordes une grande
importance aux textes. Tu as une manière de procéder ?
Charlie : Tout
d'abord j'essaye de trouver les mélodies à la guitare. J'oriente le
texte en fonction de la mélodie. Je fais tout en même temps. Je ne
pars pas d'un thème précis. Tout dépends de mon état d'esprit du
moment où j'écris, les thèmes peuvent être proches. Parfois j'ai
envie de parler de voyages ou d'amour. Finalement il n'y a rien
d'intellectualisé, tout est très spontané, libre. Il y a des
périodes où je n'écris pas du tout, je n'ai rien à dire ou je
n'en ressent pas le besoin.
On ressent cette notion
de liberté dans ton écriture, un peu abstraite...
Charlie : C'est
vrai il y a de cela. Enfin, j'espère. On a l'impression que c'est
abstrait mais c'est très construit, il y a un vrai sens. Tout
raconte quelque chose. Tout a un sens.
Les paroles me
paraissaient plus directes sur le premier album...
Charlie : Le
disque est très métaphorique sur pleins de points. Comme je te le
disais, j'ai beaucoup voyagé entre les deux premiers albums. Et j'ai
vu plein de paysages qui m'ont évoqué des sentiments, des
histoires. Et aussi les éléments. Les vents, les pluies sont des
métaphores sur des situations, des choses de la vie. C'est un disque
plus poétique. Plus évocateur.
En parlant de paysages,
la nature c'est quelque chose d'important dans ton écriture ?
Charlie : Oui bien
sur. Je vis en plein centre ville mais presque dans un parc. J'ai la
chance d'avoir les deux. Je ne fuis pas la ville mais j'aime me
retrouver. J'aime le calme, la nature ça me ressource à plein de
niveaux. Je suis assez solitaire. J'apprécie ces moments là, la
nature ça me repose, ça m'appaise. C'est l'endroit où je me sens
bien.
Le voyage c'est aussi
une autre composante, la musique c'est un voyage ?
Charlie : Oui
c'est un voyage. C'est déjà un parcours, on évolue tout le temps,
on rencontre de nouvelles personnes, on découvre de nouvelles
choses, des instruments, des musiciens, des sons. C'est toujours en
mouvement. Quelque part le paysage musical change. On n'écoute pas
la même chose qu'il y a dix ans. Pour moi c'est un décor sans cesse
en mouvement. La musique se déplace.
Comment une solitaire
comme toi s'accomode de la vie en tournée ?
Charlie : En règle
générale je ne pars qu'avec des gens que je connais (rires). C'est
important d'être entourée. Je suis solitaire mais je suis sociable
aussi. J'aime bien quand même m'entourer de personnes. C'est
important qu'il y ait une vraie équipe sur scène. Ca s'entends. On
passe tellement de temps ensemble dans les transports, les hôtels.
Il faut des gens de confiance, qui s'entendent bien entre eux. Pour
moi l'harmonie c'est important. Il faut pouvoir être à l'aise,
communiquer, quand il faut changer certaines choses. C'est quand même
une grosse partie de notre boulot. Autant que cela soit agréable et
que cela le reste. Le choix des personnes qui viennent sur scène
pour m'accompagner, c'est très important. Ce n'est pas juste des
musiciens.
Comment tu appréhendes
la vie en tournée ?
Charlie : Je ne
l'appréhende pas, j'aime bien me déplacer. Prendre mes valises,
revenir. J'ai été habituée à le faire. Cela ne me pose pas de
problème. La routine ça n'est pas trop mon truc. C'est bien de
changer. Tu fais tes valises, tu vas à telle date. Et puis surtout
c'est pour donner des concerts, pas pour assister à une conférence.
Des gens qui viennnent te voir, c'est quand même super agréable.
Avec le recul, tu es
satisfaite de l'accueil fait à l'album ?
Charlie : Ca a été
un peu timide. C'est un problème de contexte. Les gens n'écoutent
plus trop de la chanson française. On n'en voit presque plus. On ne
voit que la variété. La chanson est un peu boudée. C'est compliqué
pour les artistes comme moi qui écrivent en français. C'est pas
grave, peu importe. Moi je suis contente de mon album, super fière
du résultat. De toute façon, en tant qu'artiste c'est quelque chose
qui t'échappes complètement. La promo, le label s'en occupe. Ca ne
m'appartient plus.
Le disque c'est un peu
ton bébé, c'est difficile de le lâcher dans la nature ?
Charlie : Moi je
fais confiance au label. Il y a toujours une appréhension. Tu as
toujours envie que ton album marche, qu'il soit entendu par plein de
monde, de le jouer sur scène. La musique ça n'est pas une science
exacte. Ca fait partie du métier, c'est le revers de la médaille.
Comment tu vois
l'avenir ?
Charlie : J'écris
de nouvelles chansons. J'aimerais bien que le troisième album sorte
plus rapidement. Ne plus avoir toute cette attente. Je travaille
aussi pour la scène. Il y a des chansons que j'ai envie de garder
que je jouerai plus tard. Et puis on verra. Peut-être qu'il va se
passer un super truc !
Propos recueillis le
16/10/2014.
http://www.charlieofficiel.com/
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