lundi 6 avril 2015

Interview avec Charlie



C'est dans le hall de l'hôtel Kipling à Paris que l'on a retrouvé Charlie. Un peu timide, s'exprimant d'une voix douce et feutrée, cette dernière est revenue sur son parcours d'artiste et la sortie l'année dernière de son deuxième album « Les fleurs sauvages », synthèse impeccable de folk-rock à l'américaine et de chanson française. Un disque malheureusement passé un peu inapperçu. Rencontre avec une artiste discrète.

Est-ce que tu pourrais te présenter en quelques mots ?
Charlie : Je suis artiste, je fais de la chanson française. Chanteuse, conteuse. Folk en français, c'est pas mal.

Il y a eu quatre ans entre les deux premiers albums que s'est-il passé entre temps ?
Charlie : Beaucoup de voyages. Il s'est passé pas mal de choses en fait. J'ai beaucoup écrit mais j'avais envie de prendre mon temps. J'avais envie de faire un album différent. Pendant longtemps j'ai écrit mais je faisais un peu les mêmes choses que sur le premier. Du coup j'ai mis beaucoup de chansons de côté. Il y a eu aussi la tournée qui a duré deux ans après la sortie du premier album.

Le premier disque était très chanson acoustique, piano, guitare. Celui-ci est plus rock, blues. Penses-tu avoir trouvé ton identité musicale avec cet album ?
Charlie : Je crois que l'identité musicale se trouve plus dans le texte et dans la voix. Le fait de poser le chant sans en faire des caisses. Après la musique autour... Peut-être que le prochain album je ferais quelque chose d'encore différent. Je ne sais pas. Je suis un peu un électron libre en matière de musique. Je n'ai pas non plus envie de m'enfermer dans un seul et même registre. C'est bien d'aller faire des choses différentes d'un album à l'autre. Finalement on s'amuse à faire de la musique. L'interprétation, le fait de chanter, raconter des histoires c'est ça qui est important. Le reste je m'amuse avec.

C'est important qu'il y ait une continuité, comme un fil entre les disques vis-à-vis de ton public ?
Charlie : Pas forcément. C'est vrai que le deuxième disque est très différent du premier. Mais je pense que le public va l'aimer aussi. Je me vois plus comme un conteuse, je raconte des histoires. C'est des tableaux, doux et légers, comme sur mon premier disque. C'est vraiment l'identité du projet.

Est-ce le disque de la maturité ?
Charlie : Un peu plus dans le sens où il y a une vraie réalisation, une direction. Le premier était très chanson. Sur un premier disque on part toujours un peu dans tous les sens, il y a comme une profusion d'idées. Je m'éparpille un peu moins.

On ne sait jamais, le premier peut aussi être le dernier...
Charlie : C'est pour ça qu'on met tout ce qu'on a. Le paquet (sourire) !

Quel serait le lien entre les deux disques ?
Charlie : La recherche sur les textes, l'interprétation. J'aime bien la douceur dans le chant. Quelque chose d'assez calme et posé. Je crois que je me suis libérée de pas mal de choses, je n'arrive pas trop à faire le lien entre les deux albums.

Comme quoi par exemple ?
Charlie : J'avais beaucoup écrit pour le premier. Là, j'ai plus ciblé les thèmes. J'avais vraiment envie de quelque chose de cohérent. Un disque métaphorique sur les éléments, la nature. Un titre s'appelle « Les pluies » un autre « Les vents ». Sur le premier c'était plus un enchaînement de petites histoires. Je voulais plus de liens entre les chansons. Même au niveau des arrangements. Il y a un chant un peu tribal qui revient des fois. Il y a ce côté Americana aussi. J'avais envie que cela se sente dans les thèmes et dans les arrangements.

L'aspect naturel du disque m'a fait imaginé un enregistrement dans une grange ou une cabane dans la fôret...
Charlie : Non, non on a enregistré dans un grand studio. C'est rigolo. Par contre tout le monde a enregistré en même temps, dans les conditions du live. Il y avait une espèce de cohésion qui s'est créée en studio. C'était vraiment agréable, quelque chose que je n'avais jamais vécu. Il y a des choses très intéressantes qui ressortent. On était en Belgique, en huis clos. On vivait ensemble. Il y avait cet état d'esprit de se retrouver et de faire de la musique dans un seul et même lieu. C'est agréable.

Il y a eu beaucoup de répétitions au préalable ?
Charlie : Non, par contre on avait fait des maquettes. Mais une grosse part de la création s'est fait en studio.

De l'improvisation ?
Charlie : Oui tout à fait. On cherche des choses. Les maquettes, c'est les directions, les structures. Après le studio c'est une phase de recherche de sons etc... Souvent quand les gens se mettent à jouer ensemble il se passe un truc un peu magique. Les musiciens se trouvent les uns par rapport aux autres. C'est ça qui est intéressant.

C'est plus excitant ?
Charlie : C'est différent. On peut avoir plus de surprises. Il faut être bien préparé. Sinon on se retrouve bloqué. Mais cela laisse plus de place à la spontanéité, au hasard et à la créativité de chacun. Une fois lancé, il faut assurer.

Le lien avec les musiciens était plus fort ?
Charlie : C'est une expérience particulière. On voit son album prendre vie en direct. C'est rigolo. C'est une super expérience. C'est très excitant, on est sur un petit nuage. C'est chouette.

Un petit mot sur la collaboration avec Emmanuel Da Silva ?
Charlie : Je ne le connaissais pas avant. Je cherchais un réalisateur pour l'album, j'avais envie de travailler avec quelqu'un contrairement au premier où j'étais autonome. J'ai toujours beaucoup aimé ce qu'il faisait et il a aussi fait beaucoup de réalisations. Pour moi c'était intéressant de bosser avec lui qui a l'habitude de se mettre au service des artistes. Ca s'est fait très rapidement, le projet lui a plu tout de suite. Assez naturellement.

Ta façon de chanter, comme un murmure, est assez séduisante à l'oreille. Tu as trouvé ta voix de chant assez facilement ?
Charlie : Non. Il faut beaucoup se réécouter. Au bout d'un moment je me suis dit qu'il fallait chanter de façon très naturelle. C'était la chose qui me correspondait le plus et qui correspondait également à ce que j'avais envie de dire, dire les choses simplement. Je ne travaille pas spécialement ma voix, je n'ai jamais pris de cours de chant de ma vie, j'ai tout appris sur le tas, en concert, en studio. J'ai un studio chez moi, je travaille beaucoup à la maison. Après j'écoute, c'est venu petit à petit. Aujourd'hui c'est très spontané. Je n'ai pas envie de dire que je chante comme je parle mais presque en fait. Il n'y a pas une grande différence entre ma voix parlée et ma voix chantée.

Tu affirmes que tu as peu d'influences francophones...
Charlie : J'ai un peu les mêmes grosses références que tout le monde : Jean-Louis Murat, Daho, Bashung, Camille.

Il y a un petit cousinage avec Daho dans la façon de chanter...
Charlie : J'aime beaucoup cet artiste, il a une façon de faire les choses très élégante. Ses arrangements, ses textes. C'est un poète, moi j'adore. Mais c'est vrai qu'il n'est pas dans la performance non plus. Plus dans la voix parlée.

Comment tu décrirais ta musique ? Un texte en français sur une trame musicale très américaine ?
Charlie : C'est un peu ça. Folk, americana.

Un adjectif m'a marqué dans ta bio : « poussiéreux ». Comment tu décrirais cette notion de poussière dans ta musique ?
Charlie : J'écoute beaucoup de musique des années 1970. J'aime bien les aspérités, la spontanéité des artistes ces années là. Je trouve qu'à l'époque les gens prenaient beaucoup de risques, n'essayaient pas de faire de la pop. Je trouve ça chouette. Je ne sais pas si cela s'entends dans l'album mais j'accorde beaucoup d'importance à la nature des sons. J'avais envie d'un son de guitare à l'ancienne. C'est surtout par rapport aux guitares que j'avais utilisé le terme poussiéreux.

Tu accordes une grande importance aux textes. Tu as une manière de procéder ?
Charlie : Tout d'abord j'essaye de trouver les mélodies à la guitare. J'oriente le texte en fonction de la mélodie. Je fais tout en même temps. Je ne pars pas d'un thème précis. Tout dépends de mon état d'esprit du moment où j'écris, les thèmes peuvent être proches. Parfois j'ai envie de parler de voyages ou d'amour. Finalement il n'y a rien d'intellectualisé, tout est très spontané, libre. Il y a des périodes où je n'écris pas du tout, je n'ai rien à dire ou je n'en ressent pas le besoin.

On ressent cette notion de liberté dans ton écriture, un peu abstraite...
Charlie : C'est vrai il y a de cela. Enfin, j'espère. On a l'impression que c'est abstrait mais c'est très construit, il y a un vrai sens. Tout raconte quelque chose. Tout a un sens.

Les paroles me paraissaient plus directes sur le premier album...
Charlie : Le disque est très métaphorique sur pleins de points. Comme je te le disais, j'ai beaucoup voyagé entre les deux premiers albums. Et j'ai vu plein de paysages qui m'ont évoqué des sentiments, des histoires. Et aussi les éléments. Les vents, les pluies sont des métaphores sur des situations, des choses de la vie. C'est un disque plus poétique. Plus évocateur.

En parlant de paysages, la nature c'est quelque chose d'important dans ton écriture ?
Charlie : Oui bien sur. Je vis en plein centre ville mais presque dans un parc. J'ai la chance d'avoir les deux. Je ne fuis pas la ville mais j'aime me retrouver. J'aime le calme, la nature ça me ressource à plein de niveaux. Je suis assez solitaire. J'apprécie ces moments là, la nature ça me repose, ça m'appaise. C'est l'endroit où je me sens bien.

Le voyage c'est aussi une autre composante, la musique c'est un voyage ?
Charlie : Oui c'est un voyage. C'est déjà un parcours, on évolue tout le temps, on rencontre de nouvelles personnes, on découvre de nouvelles choses, des instruments, des musiciens, des sons. C'est toujours en mouvement. Quelque part le paysage musical change. On n'écoute pas la même chose qu'il y a dix ans. Pour moi c'est un décor sans cesse en mouvement. La musique se déplace.

Comment une solitaire comme toi s'accomode de la vie en tournée ?
Charlie : En règle générale je ne pars qu'avec des gens que je connais (rires). C'est important d'être entourée. Je suis solitaire mais je suis sociable aussi. J'aime bien quand même m'entourer de personnes. C'est important qu'il y ait une vraie équipe sur scène. Ca s'entends. On passe tellement de temps ensemble dans les transports, les hôtels. Il faut des gens de confiance, qui s'entendent bien entre eux. Pour moi l'harmonie c'est important. Il faut pouvoir être à l'aise, communiquer, quand il faut changer certaines choses. C'est quand même une grosse partie de notre boulot. Autant que cela soit agréable et que cela le reste. Le choix des personnes qui viennent sur scène pour m'accompagner, c'est très important. Ce n'est pas juste des musiciens.

Comment tu appréhendes la vie en tournée ?
Charlie : Je ne l'appréhende pas, j'aime bien me déplacer. Prendre mes valises, revenir. J'ai été habituée à le faire. Cela ne me pose pas de problème. La routine ça n'est pas trop mon truc. C'est bien de changer. Tu fais tes valises, tu vas à telle date. Et puis surtout c'est pour donner des concerts, pas pour assister à une conférence. Des gens qui viennnent te voir, c'est quand même super agréable.

Avec le recul, tu es satisfaite de l'accueil fait à l'album ?
Charlie : Ca a été un peu timide. C'est un problème de contexte. Les gens n'écoutent plus trop de la chanson française. On n'en voit presque plus. On ne voit que la variété. La chanson est un peu boudée. C'est compliqué pour les artistes comme moi qui écrivent en français. C'est pas grave, peu importe. Moi je suis contente de mon album, super fière du résultat. De toute façon, en tant qu'artiste c'est quelque chose qui t'échappes complètement. La promo, le label s'en occupe. Ca ne m'appartient plus.

Le disque c'est un peu ton bébé, c'est difficile de le lâcher dans la nature ?
Charlie : Moi je fais confiance au label. Il y a toujours une appréhension. Tu as toujours envie que ton album marche, qu'il soit entendu par plein de monde, de le jouer sur scène. La musique ça n'est pas une science exacte. Ca fait partie du métier, c'est le revers de la médaille.

Comment tu vois l'avenir ?
Charlie : J'écris de nouvelles chansons. J'aimerais bien que le troisième album sorte plus rapidement. Ne plus avoir toute cette attente. Je travaille aussi pour la scène. Il y a des chansons que j'ai envie de garder que je jouerai plus tard. Et puis on verra. Peut-être qu'il va se passer un super truc !

Propos recueillis le 16/10/2014.
http://www.charlieofficiel.com/


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