Tout quitter, sa
famille, son pays et ses racines, c'est la pari fou de Nour Harkati venu assouvir en France ses rêves de musicien. Humble et touchant,
le jeune artiste, auteur d'un premier album intitulé « Dive »,
revient sur cette expérience avec des mots parfois très émouvants.
Rencontre.
Tu viens d'une famille
musicale, avec tes deux parents musiciens. Il y avait beaucoup de
musique chez tes parents quand tu étais petit ?
Nour Harkati : Ma
Mère était chanteuse. Elle a chanté pendant une dizaine d'années
environ. Après elle a arrêté. Elle a sacrifié sa vie pour nous
aider. Mon Père était violoniste dans l'orchestre national mais il
est décédé quand j'avais six mois. Je ne l'ai pas vraiment connu.
Mais ma Mère m'a vraiment ramené à la musique et ça m'a
intérressé. Elle m'a vraiment donné envie d'apprendre à jouer
d'un instrument. J'ai choisi la guitare.
En Tunisie tu avais
accès à beaucoup de musique occidentale ?
N.H : Grâce à
internet on avait accès à tout. J'ai découvert beaucoup d'artistes
occidentaux comme ça : Radiohead, Pink Floyd, Ben Harper, Jack
Johnson etc... C'est la découverte de Ben Harper qui m'a donné
envie de faire carrière. J'étais loin d'être professionnel avant.
Je voulais juste jouer avec mes amis au lycée.
Qu'est-ce qui t'attire
chez lui ?
N.H : Franchement,
tout ! Les paroles, sa manière d'être, son parcours et les
chansons bien sur. Je n'ai jamais été déçu par un de ses album.
Parfois, quand tu suis un artiste, tu peux être déçu par son
évolution, le deuxième ou troisième disque sont moins bien. Ben
Harper, il m'a vraiment fait plaisir pendant toute sa carrière. Il
m'a fait rêver, ça a déclenché un truc en moi.
Et une chanson en
particulier ?
N.H : « Amen,
omen ». C'est la première que j'ai écouté. Je l'aime
beaucoup, elle représente beaucoup pour moi, des souvenirs avec mes
amis du lycée, ma famille. Mais j'aime tout ses albums.
Pourquoi avoir choisi
l'exil en France ?
N.H : Déjà en
tant que Tunisien, la France c'est un pays qu'on connait bien. Et
puis il y a une proximité avec la langue, aussi, on maîtrise le
français. Ca semblait logique de commencer içi. C'est un bon début.
J'y vais doucement, étape par étape. Je reste en France pendant
quelques années, je fais un album ou deux. Après on verra, Londres,
le Canada ou les Etats-Unis. Mais j'ai préféré commencer par la
France. Je ne me sens pas vraiment étranger, pas trop dépaysé en
tout cas.
Et ton arrivée,
comment ça s'est passé ?
N.H : C'était
génial, vraiment bien ! J'ai été vraiment bien accueilli.
J'étais hébergé à la cité internationale des arts. C'est une
résidence pour artistes, toutes les disciplines sont représentées :
peinture, photographie, théâtre, musique. Je me suis retrouvé dans
une ambiance conviviale, artistique avec des gens très ouverts, de
toutes les nationalités.
Tu t'es fait des amis ?
N.H : Oui bien
sur. J'ai été super bien accueilli.
La Tunisie te manque ?
N.H : Ah oui, bien
sur. Parfois, j'ai trop envie d'y aller. J'y retourne de temps en
temps. C'est l'endroit où j'ai grandi, j'y ai beaucoup de souvenirs.
Bien sur, ça me manque...
Le disque s'appelle
« Dive » (plonger, ndlr), c'est un verbe que tu utilise
également dans les paroles de « Down to the river » et
« Between the sunset and the dark ». Le verbe « Plonger »
a une signification particulière pour toi ?
N.H : C'est le
thème de l'album. J'ai quitté mes études de design graphique dans
une petite école d'arts, très sympa, en Tunisie. En 2010 j'ai
arrêté pour faire ce dont j'avais vraiment envie, de la musique. Je
suis arrivé ici quasiment les mains vides, j'avais une valise et une
guitare. C'était l'aventure, sans assurance, aucun diplôme ni rien
du tout. Et c'était ma première fois en France, je ne connaissait
pas le pays, je n'étais jamais venu même en touriste. Pour moi,
c'était le plongeon. Je ne connaissait personne, je suis venu, j'ai
fait mon truc. J'essaye encore de le faire d'ailleurs et je suis
content du résultat. L'album parle de cette expérience.
Le plongeon, c'est une
philosophie de vie ?
N.H : Oui,
exactement. La prise de risque c'est très important. Il y a des gens
qui n'arrivent pas à dépasser ce stade, la peur, le doute. Ils
n'arrivent pas à faire ce qu'ils veulent réellement dans la vie. Du
coup ils ne plongent pas. Ils restent toute leur vie à réfléchir,
à douter, à hésiter. A se dire : « Ouais peut-être
que ça ne va pas marcher ». Moi, je ne fonctionne pas comme
ça. Quand j'ai envie de faire quelque chose, je réfléchis bien
sur, mais vite fait. Et je passe à l'action.
Tu est plutôt un
chanteur folk, acoustique avec une pointe de soul, notamment sur « It
doesn't matter what i sing »...
N.H : Quand
j'écoute tout l'album mois je dirais plutôt « pop
alternatif » mais il n'y a pas vraiment de style précis dans
l'album. J'ai essayé de faire quelque chose qui touche beaucoup de
monde. Très ouvert, très grand public. De la musique populaire, un
peu américaine, parfois calme, parfois très rythmée voire énervée.
Certaines de tes
paroles sont très intimistes, « From Paris to love »,
« Brother »...
N.H : Quand
j'étais au lycée, à 17 ans, j'ai essayé de composer des chansons,
ça parlait d'amour, des filles... Mais j'avais envie de faire autre
chose. Du coup, aujourd'hui ma musique est devenue le reflet de mes
expériences personnelles. Je parle de ce que je vis tous les jours,
des différents états d'esprit par lesquels je passe. C'est comme ça
que j'écris. Je ne voulais pas me prendre la tête, écrire des
choses compliquées dès le début, c'est un premier album après
tout. Je voulais commencer par un truc simple, organique, naturelle.
Le deuxième sera plus précis, mature... Enfin peut-être.
Tu écris
régulièrement ?
N.H : Je vis des
choses et après il y a une période d'écriture. Je remplis le sac
d'émotions et après je fais le tri. Quand une expérience m'a
beaucoup touché j'ai envie d'écrire dessus. Pratiquement toutes les
chansons du disque ont été écrites à Paris.
En écoutant l'album je
me suis demandé pourquoi il n'y avait pas plus de sonorités
orientales, des percussions par exemple ?
N.H : C'est
quelque chose qui m'interresse beaucoup. Même en ce qui concerne la
langue, j'aimerai chanter en tunisien. Mais je sais que cela va venir
naturellement. Pour l'instant je suis vraiment branché sur tout ce
qui est musique occidentale, américaine. A un moment donné je vais
avoir besoin de retourner aux sources, aux souvenirs. Ma culture, ma
langue, là où j'ai grandi.
Tu as tourné en
Norvège...
N.H : Oui mais
c'était une petite tournée, cinq concerts en 2013 et un autre en
2014. C'était nouveau pour moi. Le pays, la culture, des découvertes
très intérressantes... C'est comme ça que l'album est sorti en
Scandinavie.
Il y a une sortie
prévue en Tunisie ?
N.H : Hélas non
car il n'y a pas vraiment d'industrie du disque en Tunisie. Mais je
vais ramener des cds lors de ma prochaine tournée là-bas. J'ai déjà
fait un festival très connu, « Jazz à Carthage ». Les
gens ont aimé et ont acheté l'album avant même la sortie
officielle.
Comment tu te sens en
ce moment avec la sortie du disque ?
N.H : Excité et
stressé en même temps. J'ai envie que tout se passe bien. J'espère
que tout va se développer de manière intérressante. J'espère voir
des choses arriver, des festivals, des concerts, des premières
parties. Les voyages, la scène c'est ce que m'excite le plus,
c'était mon but premier. Je veux vivre à travers la musique, gagner
un peu d'argent... Ca va beaucoup m'aider à défricher le chemin
pour le deuxième album. Normalement je serais plus mature
humainement, musicalement... En tout cas je suis très content de mon
premier album.
C'est un moment
émouvant ?
N.H : Ah oui c'est
sur. Surtout quand tu est satisfait de ton travail. J'ai vraiment
envie de continuer. Les débuts sont toujours émouvants, comme la
première fois que j'ai fait la Cigale (une des plus belles salles de
concert de Paris, ndlr.), c'était la première fois que j'y allait.
Il y avait 1400 personnes, c'était complet et c'était beaucoup
d'émotions. Ca me fait plaisir, c'est un résultat inattendu pour
moi. Quand je suis venu je ne savais pas ce que j'allais faire en
France. Je voulais faire de la musique, c'est tout.
Propos recueillis le
28/10/2014.
Un grand merci à Nour Harkati pour sa gentillesse et à Marion (Ephélide).
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