Une salle de classe. Des élèves du prestigieux collège Saint Joseph, sagement alignés, planchent sur un devoir quand, soudain, leur professeur, ruisselant de sueur, ouvre la fenêtre et se défenestre. Quelques jours plus tard, Pierre Hoffman (Laurent Lafitte), professeur remplaçant, débarque dans l'enceinte feutrée de l'institution. Il se retrouve rapidement en butte avec une frange de sa classe, des élèves surdoués. Ces derniers, défiants, hostiles, questionnent l'autorité et la compétence du professeur (« Êtes-vous de gauche ? Êtes-vous sûr d'avoir les compétences nécessaires ? »), affichent un comportement froid, déshumanisé, erratique ; sont adeptes de méthodes survivalistes limites et borderline. Que trame les élèves, quel est leur funeste projet ? Le malaise s'installe…
Déjà remarqué avec un excellent premier film, « Irréprochable », le réalisateur Sébastien Marnier s'impose avec ce deuxième long métrage comme le cinéaste du grain de sable, cherchant la poussière sous des dehors (trop) sages et normaux, traquant chez ses personnages le moment de bascule, celui où la folie s'installe et gomme tous les repères. Ainsi à l'instar de Constance, le personnage principal d' « Irréprochable » (interprété par Marina Foïs), Pierre sombre ainsi peu à peu dans la paranoïa. Une grande performance de Laurent Laffite, tout en retenue, dans la lignée de celles livrées par le sociétaire de la Comédie Française dans « Elle » (Paul Verhoeven) et dans « K.O. » (Fabrice Gobert). Cet aspect là est un peu moins assumé que dans le premier film, ce qui tend à rendre la chose encore plus flippante. Le réalisateur fait ainsi preuve d'un véritable talent pour instiller un climat d'angoisse latent dans une ambiance estivale, ciel d'un bleu céruléen et soleil au zénith, et instaurer un sentiment d'angoisse chez le spectateur. Le tout parfaitement souligné par la musique de Zombie Zombie (déjà compositeurs de la partition du premier long du réalisateur) qui, par de subtiles virgules de synthés analogiques vintage, accentue le sentiment, le rendant encore plus prégnant. Moins marqué par la techno, la transe rythmique et le free jazz, que les derniers efforts du trio, l'apport du groupe au film est aussi discret, mais toujours à bon escient, qu'indéniable. Zombie Zombie n'a ainsi jamais aussi proche du modèle John Carpenter. Enfin, dans une volonté d'inscrire ses personnages dans un contexte plus général, jugé déliquescent, le réalisateur souligne son propos par l'utilisation de nombreuses images d'archives, parfois filmées au téléphone portable, de désastres écologiques, du 11 septembre ou d'animaux dans un abattoir. Autant d'images chocs, qui n'ont que peu à voir avec l'intrigue, et qui ont plus tendance à polluer le propos qu'à le mettre en exergue. Une tentative maladroite de décrire un monde au bord de la dystopie qui se prolonge jusqu'au final un peu décevant, pas vraiment à la hauteur des promesses suscitées. Un excellent film néanmoins de la part d'un réalisateur talentueux mais que l'on sent bridé dans ses aspirations, n'assumant pas totalement l'aspect « genre » de son métrage. Un film qui par ses maladresses illustre bien la difficulté de faire vivre le cinéma de genre dans L’Hexagone.
Sortie au cinéma le 9 janvier 2019.
Sortie de la BO le 11 janvier 2019.
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