mardi 4 décembre 2018

Delgres + Des Lions Pour Des Lions, Le Café de la Danse, 03/12/2018.


Le plateau, cohérent dans ses couleurs incantatoires teintées de vaudou, réunis en ce lundi soir sur la scène du Café de la Danse est magnifique. 

On commence avec Des Lions Pour Des Lions, formation venue d'Angers au mitan du marching band, de la fanfare louisianaise et du groupe de rock. Bâtie autour d'un squelette rythmique, fait d'une unique et énorme grosse caisse, de clochettes portées aux chevilles par le percussionniste aux pieds nus et de deux cymbales la musique du quatuor alterne entre blues et rock (la guitare typée 50s) et un aspect répétitif, hypnotique et funky en diable (les deux vents, trombones et/ou saxophone). Pour qui connaît l'album, la prestation du soir, 20 minutes, est forcément frustrante car, n'en doutons pas, ce groupe peut emmener l'auditeur très très loin dans la transe. Le set se termine là où on pressent que les choses commencent vraiment, un goût de trop peu forcément frustrant. 

Pour Delgres, le passage au statut de tête d'affiche a changé la donne. Et si les choses sérieuses ne faisaient que commencer pour le trio ? Le changement est perceptible dans la disposition même de la scène, son décor, le portrait du Colonel Louis Delgrès affiché dans le fond de la scène, le groupe joue entouré d'ampoules à filament fixées à des bouts, une ambiance marine rappelant les navires négriers. Le trio profite à plein du temps qui lui est offert, expérimentant davantage avec son matériau, chaque musicien à le droit à son solo, l'investissement physique des musiciens, ruisselant de sueur, est maximal. A la batterie, puissante de Baptiste, s'ajoute une boîte à rythme discrète mais utilisée à bon escient, solidifiant la structure rythmique, et par conséquent le groove, du groupe, un aspect fondamentale de leur musique entre blues et Caraïbes. En lieu et place de la basse on retrouve Rafgee et son soubassophone, un cuivre énorme teintant la musique d'un peu de jazz mais surtout faisant le lien avec le funk de la Nouvelle-Orléans et des marching bands. Le jeu de guitare de Pascal se résume en deux aspects : un jeu aux doigts, sans médiator, précis, délicat et d'une grande finesse. Et, deuxième angle, un bottelneck pour le blues. Enfin, la semi-reprise, à leur sauce, du « Whole Lotta Love » de Led Zeppelin, se charge bien de recadrer les racines rock de la chose. Mais la musique de Delgres est d'une telle ferveur communicative, il suffit de voir le public se trémousser, chanter en cœur et frapper des mains, qu'elle ne peut se résumer à ces quelques aspects techniques. Festif mais lourd de sens (« Mo Jodi », « Mr President » aux paroles réactualisées par rapport aux événements récents) le blues de Delgres, aux vertus de résistances et de combat, fait travailler le corps et les esprits. Les émotions sont telles, qu'elles transcendent la barrière de la langue (ah oui on a oublié de le préciser mais la chose est chantée en créole), « Sere mwen pli fo » (Serre-moi plus fort) et « Pardone mwen » (pardonne-moi) dégagent une émotion palpable qui prend au cœur évoquant avec des mots simples et une grande délicatesse les épreuves de la vie, le deuil, la difficulté de se dire au-revoir, adieu, ou de demander pardon. Le concert s'achève par un rappel acoustique (Baptiste au ukulélé, une nouveauté) et une seconde version, squelettique et près de l'os (preuve de leur registre étendu) de « Mr President ». Un concert de Delgres est toujours émotionnellement très fort. Emouvant. 

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