Survivant des années
1980, Bill Pritchard est comme le bon vin, se bonifie avec le temps,
vieillit avec élégance. Après une décennie passée loin des
scènes et des studios, Bill a opéré un retour remarquable en 2014
avec un excellent album « A trip to the coast », un état
de grâce prolongé cet année avec « Mother town hall »,
un disque excellent en tout points. « Classiques instantanés »
étant les termes venant spontanément à l'esprit à l'évocation de
ces deux albums. Professeur de français dans le civil, et
parfaitement francophone, Bill a depuis longtemps noué des liens
étroits avec la France collaborant avec Daniel Darc (l'album « Parce
que », 1988) ou Etienne Daho (« Three months, three weeks
and two days », 1989). C'est donc avec grand plaisir que l'on
retrouve Bill, deux ans après une première rencontre, quelques
semaines avant de retrouver une scène Parisienne, celle du Petit
Bain, le trois septembre prochain…
Bonjour Bill, ravi
de te revoir. Donc « Mother town hall » est ton deuxième
album après un long break et j'ai l'impression que quelque chose a
changé dans ta musique…
Bill Pritchard :
En fait, je suis revenu à ce que j'aime faire, c'est à dire de la
pop basée sur la guitare. On a utilisé des « vrais »
instruments, que j'aime et qui m'évoquent des souvenirs : du
piano, des cuivres… On s'est éloigné de tout ce qui est
électronique ou synthétique. C'est très important.
Quel a été
l'apport de ton fidèle producteur, Tim Bradshaw, dans cette
démarche ?
B.P : Je
connais Tim depuis très longtemps. Je voulais quelqu'un pour
traduire en musique mes idées. J'écrivais les chansons, le
squelette et Tim arrivait pour les habiller. J'ai fait quelques
suggestions cependant. Pour « Saturn & Co » (un titre
du nouvel album, ndlr) je lui ai dit que je voulais sonner comme une
face B de Brigitte Bardot de la moitié des années 1960. Ce genre de
trucs. Et Tim disait, « Ok je comprends. Faisons-le ! »
Ce nouvel album,
comme le précédent « A trip to the Coast » sort sur le
label Tapete Records, qui a signé beaucoup de songwriters des années
1980 comme toi…
B.P : Ah oui,
Lloyd Cole, Robert Forster, il y en a toute une collection (sourire)…
Comment les choses
ont-elles commencées avec ce label ?
B.P : J'ai fait
un concert en France et il y avait ce bassiste Vincent Lemarchand
dans mon groupe. Il m'a demandé si j'avais de nouvelles chansons, ce
type possède tous mes vieux albums… Il a écouté quelques démos
faites avec Tim et quelques amis et il m'a dit : Il faut
absolument les sortir ! J'ai commencé à y penser. Et puis un
fan Allemand m'a suggéré Tapete Records. Je les ai contactés. Le
premier label que je contacte et ils me disent oui tout de suite !
C'est tellement rare (sourire) ! Fantastique !
Tu chantes souvent à
propos de la France (« Paname », « Mont St
Michel ») mais tu ne chantes pas souvent en français
(rappelons que Bill est parfaitement francophone et professeur de
français dans le civil, ndlr)…
B.P. : Le Mont
St Michel, j'y étais avec ma famille. Je traversais une période un
peu morne dans ma vie. Tu sais, ça arrive des fois… Donc, j'étais
là-bas et d'un coup je me suis senti super bien ! Soudainement,
tout cela faisait sens pour moi. C'est la raison pour laquelle la
chanson existe. Récemment j'ai fait une tournée en Allemagne et
j'ai joué « Rien de toi » une chanson écrite par Daniel
(Darc, ndlr) sur notre disque en commun (« Parce que »,
1988). J'ai chanté en Français et j'ai vraiment aimé cela. Et le
public a adoré ! En Allemagne ! Très surprenant !
Sur « A trip to the coast » j'ai enregistré « Tout
seul ». La chanson originale « Morning Morning »
(1966, ndlr) vient d'un groupe Américain, The Fugs. Un Québecois,
Richard Drouet en a fait une version française au début des années
1970 avec des paroles magnifiques. J'ai adoré, j'en ai fait ma
propre version.
« Vampire in
New York » a un angle jazz assez surprenant, presque New
Orleans…
B.P. : J'adore
le jazz New Orleans, Dr John, ce genre de trucs. J'ai même joué
avec lui une fois ! Je n'avais jamais eu l'opportunité
auparavant d'embrasser ce style. La chanson a été écrite au piano,
on a fait venir des musiciens français pour les cuivres afin de
s'approcher au plus près de ce feeling Nouvelle-Orléans.
Tu aimes tenter des
trucs dingues en studio ?
B.P : J'aime
expérimenter. Avec les harmonies. J'adore l'idée d'être spontané.
Avec les paroles également. J'écris les paroles mais je me permet
de changer un verbe ou un adjectif suivant la façon dont cela sonne.
Est-ce que tu fais
souvent tes courses dans la « Déjà vu boutique » (un
titre du nouvel album, ndlr) ?
B.P. : (rires)
Je vais te dire un secret. La « Déjà vu boutique »
c'est en fait un coiffeur à Newcastle. Je conduisais et j'ai vu
l'enseigne « Déjà vu boutique » sur la gauche. C'était
génial, alors je l'ai utilisé ! Je vais t'envoyer une photo !
Il faut absolument que je prenne cette vitrine en photo ! Au
beau milieu des Midlands, quelles étaient les chances de voir un
truc pareil !
Qui réside au « 50
A Holy Street » (une chanson du nouveau disque, ndlr) ?
B.P. : C'est à
Erfuhrt en Allemagne. J'y étais avec un ami. Le titre a été écrit
là-bas.
Une chanson comme
« Victorious » est très ambitieuse, très arrangée,
c'est une démarche très différente de « A trip to the
coast » qui semblait plus intimiste…
B.P. : On
voulait développer notre son. On avait une idée générale plus
précise sur la façon dont le disque devait sonner. Savoir que le
disque allait sortir dans le commerce a tout changé ! « A
trip to the coast » a été écrit et enregistré sur une
période très longue sans savoir ce que les chansons allaient
devenir. Cette fois on avait un objectif et c'était beaucoup mieux
pour bosser. On avait une idée très précise de ce que l'on
voulait. On a fait venir un batteur, des cuivres, on a utilisé
plusieurs guitares, des cordages différents.
« Lily Anne »
est une de mes préférées sur ce nouveau disque. Il y a quelque
chose qui me rappelle le Gainsbourg des années 60…
B.P. : Oh wow,
merci beaucoup, c'est super gentil de me dire ça !
En fait, maintenant
que j'y pense, c'est dans la lignée de ce qu'on disait tout à
l'heure à propos de Brigitte Bardot…
B.P. : Oui tout
à fait. Il faut imaginer une atmosphère particulière. Un club
parisien à une époque donnée avec une certaine catégorie de
personnes. On peut penser à Dani par exemple à sa grande époque.
Les sixties, ce genre de choses…
La chanson finale
« The Lamplighter » termine l'album sur une note plus
dure. Cela me rappelle « In June » du disque précédent...
B.P. : Elle est
basée sur un motif de piano répétitif. Ta ta ta (Il chantonne). En
fait il s'agît de deux chansons que l'on a assemblée l'une dans
l'autre. On a fait monter la sauce et cela me semblait comme une
conclusion naturelle pour un album. Je résonne toujours en termes
d'album : douze chansons. Six sur la face A et six sur la face
B. Je pense toujours en vinyle ! C'était la fin naturelle pour
l'album, elle se devait d'être puissante.
Le séquençage,
définir l'ordre des chansons, c'est un travail important pour toi ?
B.P. : Ah oui !
J'y passe beaucoup de temps. Un album c'est un tout. Deux faces. Bon
je ne passe pas autant de temps que Carole King pour « Tapestry »
(1971, ndlr) qui a duré des mois. Mais on a quand même passé
quelques nuits sur la question.
Et à part ça,
qu'est-ce que cela te fait de revenir à Paris ?
B.P. : C'est
génial, fantastique ! J'ai envoyé un message sur Instagram en
arrivant : « Paris génial. Pourquoi je suis resté
éloigné si longtemps ? ». Le feeling est très plaisant.
Tu sais j'étais dévasté après les événements du Bataclan. J'ai
une histoire avec l'endroit, j'y ai joué il y a longtemps. Je
connais des gens qui connaissais des gens qui ont été affectés par
ce désastre. J'ai pensé : « Mais, pourquoi ? ».
J'étais triste tout simplement…
Et comment tu
décrirais ton lien avec la France ?
B.P. : Il est
toujours là. Je n'arrive pas à m'en séparer. Tu vois mon lien avec
la France il est là (il sort un exemplaire du « Premier
Homme » d'Albert Camus)...
En concert à Paris
(Petit Bain) le 3 septembre 2016.
Propos recueillis le
2 mai 2016.
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