vendredi 26 août 2016

Interview avec Bill Pritchard




Survivant des années 1980, Bill Pritchard est comme le bon vin, se bonifie avec le temps, vieillit avec élégance. Après une décennie passée loin des scènes et des studios, Bill a opéré un retour remarquable en 2014 avec un excellent album « A trip to the coast », un état de grâce prolongé cet année avec « Mother town hall », un disque excellent en tout points. « Classiques instantanés » étant les termes venant spontanément à l'esprit à l'évocation de ces deux albums. Professeur de français dans le civil, et parfaitement francophone, Bill a depuis longtemps noué des liens étroits avec la France collaborant avec Daniel Darc (l'album « Parce que », 1988) ou Etienne Daho (« Three months, three weeks and two days », 1989). C'est donc avec grand plaisir que l'on retrouve Bill, deux ans après une première rencontre, quelques semaines avant de retrouver une scène Parisienne, celle du Petit Bain, le trois septembre prochain…


Bonjour Bill, ravi de te revoir. Donc « Mother town hall » est ton deuxième album après un long break et j'ai l'impression que quelque chose a changé dans ta musique…
Bill Pritchard : En fait, je suis revenu à ce que j'aime faire, c'est à dire de la pop basée sur la guitare. On a utilisé des « vrais » instruments, que j'aime et qui m'évoquent des souvenirs : du piano, des cuivres… On s'est éloigné de tout ce qui est électronique ou synthétique. C'est très important.

Quel a été l'apport de ton fidèle producteur, Tim Bradshaw, dans cette démarche ?
B.P : Je connais Tim depuis très longtemps. Je voulais quelqu'un pour traduire en musique mes idées. J'écrivais les chansons, le squelette et Tim arrivait pour les habiller. J'ai fait quelques suggestions cependant. Pour « Saturn & Co » (un titre du nouvel album, ndlr) je lui ai dit que je voulais sonner comme une face B de Brigitte Bardot de la moitié des années 1960. Ce genre de trucs. Et Tim disait, « Ok je comprends. Faisons-le ! »

Ce nouvel album, comme le précédent « A trip to the Coast » sort sur le label Tapete Records, qui a signé beaucoup de songwriters des années 1980 comme toi…
B.P : Ah oui, Lloyd Cole, Robert Forster, il y en a toute une collection (sourire)…

Comment les choses ont-elles commencées avec ce label ?
B.P : J'ai fait un concert en France et il y avait ce bassiste Vincent Lemarchand dans mon groupe. Il m'a demandé si j'avais de nouvelles chansons, ce type possède tous mes vieux albums… Il a écouté quelques démos faites avec Tim et quelques amis et il m'a dit : Il faut absolument les sortir ! J'ai commencé à y penser. Et puis un fan Allemand m'a suggéré Tapete Records. Je les ai contactés. Le premier label que je contacte et ils me disent oui tout de suite ! C'est tellement rare (sourire) ! Fantastique !

Tu chantes souvent à propos de la France (« Paname », « Mont St Michel ») mais tu ne chantes pas souvent en français (rappelons que Bill est parfaitement francophone et professeur de français dans le civil, ndlr)…
B.P. : Le Mont St Michel, j'y étais avec ma famille. Je traversais une période un peu morne dans ma vie. Tu sais, ça arrive des fois… Donc, j'étais là-bas et d'un coup je me suis senti super bien ! Soudainement, tout cela faisait sens pour moi. C'est la raison pour laquelle la chanson existe. Récemment j'ai fait une tournée en Allemagne et j'ai joué « Rien de toi » une chanson écrite par Daniel (Darc, ndlr) sur notre disque en commun (« Parce que », 1988). J'ai chanté en Français et j'ai vraiment aimé cela. Et le public a adoré ! En Allemagne ! Très surprenant ! Sur « A trip to the coast » j'ai enregistré « Tout seul ». La chanson originale « Morning Morning » (1966, ndlr) vient d'un groupe Américain, The Fugs. Un Québecois, Richard Drouet en a fait une version française au début des années 1970 avec des paroles magnifiques. J'ai adoré, j'en ai fait ma propre version.

« Vampire in New York » a un angle jazz assez surprenant, presque New Orleans…
B.P. : J'adore le jazz New Orleans, Dr John, ce genre de trucs. J'ai même joué avec lui une fois ! Je n'avais jamais eu l'opportunité auparavant d'embrasser ce style. La chanson a été écrite au piano, on a fait venir des musiciens français pour les cuivres afin de s'approcher au plus près de ce feeling Nouvelle-Orléans.

Tu aimes tenter des trucs dingues en studio ?
B.P : J'aime expérimenter. Avec les harmonies. J'adore l'idée d'être spontané. Avec les paroles également. J'écris les paroles mais je me permet de changer un verbe ou un adjectif suivant la façon dont cela sonne.


Est-ce que tu fais souvent tes courses dans la « Déjà vu boutique » (un titre du nouvel album, ndlr) ?
B.P. : (rires) Je vais te dire un secret. La « Déjà vu boutique » c'est en fait un coiffeur à Newcastle. Je conduisais et j'ai vu l'enseigne « Déjà vu boutique » sur la gauche. C'était génial, alors je l'ai utilisé ! Je vais t'envoyer une photo ! Il faut absolument que je prenne cette vitrine en photo ! Au beau milieu des Midlands, quelles étaient les chances de voir un truc pareil !

Qui réside au « 50 A Holy Street » (une chanson du nouveau disque, ndlr) ?
B.P. : C'est à Erfuhrt en Allemagne. J'y étais avec un ami. Le titre a été écrit là-bas.

Une chanson comme « Victorious » est très ambitieuse, très arrangée, c'est une démarche très différente de « A trip to the coast » qui semblait plus intimiste…
B.P. : On voulait développer notre son. On avait une idée générale plus précise sur la façon dont le disque devait sonner. Savoir que le disque allait sortir dans le commerce a tout changé ! « A trip to the coast » a été écrit et enregistré sur une période très longue sans savoir ce que les chansons allaient devenir. Cette fois on avait un objectif et c'était beaucoup mieux pour bosser. On avait une idée très précise de ce que l'on voulait. On a fait venir un batteur, des cuivres, on a utilisé plusieurs guitares, des cordages différents.

« Lily Anne » est une de mes préférées sur ce nouveau disque. Il y a quelque chose qui me rappelle le Gainsbourg des années 60…
B.P. : Oh wow, merci beaucoup, c'est super gentil de me dire ça !

En fait, maintenant que j'y pense, c'est dans la lignée de ce qu'on disait tout à l'heure à propos de Brigitte Bardot…
B.P. : Oui tout à fait. Il faut imaginer une atmosphère particulière. Un club parisien à une époque donnée avec une certaine catégorie de personnes. On peut penser à Dani par exemple à sa grande époque. Les sixties, ce genre de choses…

La chanson finale « The Lamplighter » termine l'album sur une note plus dure. Cela me rappelle « In June » du disque précédent...
B.P. : Elle est basée sur un motif de piano répétitif. Ta ta ta (Il chantonne). En fait il s'agît de deux chansons que l'on a assemblée l'une dans l'autre. On a fait monter la sauce et cela me semblait comme une conclusion naturelle pour un album. Je résonne toujours en termes d'album : douze chansons. Six sur la face A et six sur la face B. Je pense toujours en vinyle ! C'était la fin naturelle pour l'album, elle se devait d'être puissante.

Le séquençage, définir l'ordre des chansons, c'est un travail important pour toi ?
B.P. : Ah oui ! J'y passe beaucoup de temps. Un album c'est un tout. Deux faces. Bon je ne passe pas autant de temps que Carole King pour « Tapestry » (1971, ndlr) qui a duré des mois. Mais on a quand même passé quelques nuits sur la question.

Et à part ça, qu'est-ce que cela te fait de revenir à Paris ?
B.P. : C'est génial, fantastique ! J'ai envoyé un message sur Instagram en arrivant : « Paris génial. Pourquoi je suis resté éloigné si longtemps ? ». Le feeling est très plaisant. Tu sais j'étais dévasté après les événements du Bataclan. J'ai une histoire avec l'endroit, j'y ai joué il y a longtemps. Je connais des gens qui connaissais des gens qui ont été affectés par ce désastre. J'ai pensé : « Mais, pourquoi ? ». J'étais triste tout simplement…

Et comment tu décrirais ton lien avec la France ?
B.P. : Il est toujours là. Je n'arrive pas à m'en séparer. Tu vois mon lien avec la France il est là (il sort un exemplaire du « Premier Homme » d'Albert Camus)...

En concert à Paris (Petit Bain) le 3 septembre 2016.

Propos recueillis le 2 mai 2016.

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