L’histoire était peut-être trop belle. Complètement ignoré,
tombé dans l’oubli depuis des décennies, Jesus Sixto Rodriguez, qui était jusqu’alors
un obscur chanteur folk de Detroit, a rencontré une gloire aussi tardive et
inattendue que surprenante depuis la sortie au cinéma d’un documentaire illustrant
sa carrière. Depuis les questions affluent, comment l’homme, aujourd’hui
septuagénaire, gère-t-il cette gloire soudaine ? Quid de ses réelles
aptitudes du moment, lui qui n’a pas pratiqué la musique (de manière
professionnelle tout du moins) depuis 1971 ? Oui, l’histoire, un véritable
conte de fées était belle, et résonnait comme une véritable lueur d’espoir, et
croyez-moi, ils sont nombreux dans le milieu de la musique (tout métiers
confondus) a en avoir besoin, d’espoir. Soyons honnêtes, Sixto Rodriguez avait
peu de choses à gagner et beaucoup à perdre, notamment le risque d’écorner sa
légende toute fraîche, en venant se frotter à la scène. Car jusqu’ici c’était
parfait, plus réussi et efficace que n’importe quel plan marketing ourdi par
une bande de stratèges réunis autour d’une table. En effet, la gloire récente
de Sixto Rodriguez ne repose pas sur le vide issu d’une quelconque émission de
téléralité mais sur un véritable talent, unanimement reconnu depuis, de
songwriter et de deux merveilleux albums qui devraient occuper une place
majeure dans l’histoire du rock. Soit en tout et pour tout 25 malheureux
titres, c’est peu pour une place de concert à 35 euros. Pourtant tout avait
commencé pour le mieux, lorsque Sixto est accompagné, soutenu même, par son
groupe (composé de musiciens hyper pros et peut-être un peu froids), c’est
parfait. Un superbe « Climb up on my music » en ouverture,
« Sugar Man », « I wonder » c’est magnifique. On peut alors
admirer son jeu de guitare peu académique, fait de grands mouvements
circulaires de la main droite, Sixto joue sans médiator, frappant les cordes de
ses cinq doigts en les écartant vers l’extérieur. Ce qui donne ce son ample
unique en son genre. C’est lorsqu’il est livré à lui-même, que Sixto déraille
totalement. Balbutiant des reprises peu lisibles, seule « Like a rolling
stone » de Bob Dylan sort du lot, alignant des notes sans grande
cohérence, il éprouve de plus les pires difficultés à placer sa voix avec
justesse et à garder le bon tempo. Le concert se déroule ainsi péniblement,
entre de rares éclaircies de génie. Sixto enlève régulièrement son chapeau, pour
s’essuyer, boit beaucoup, semble très éprouvé et complètement perdu sur scène
ne sachant que faire. Peut-être est-ce la préparation de cette tournée qui a
été bâclée ? En à peine une heure l’affaire est emballée et c’est presque
un soulagement tellement le résultat fait peine à voir. Pour n’importe quel
artiste on aurait hurlé avec les loups, crié au scandale, réclamé un
remboursement à corps et à cris. Pourtant on n’éprouve ni colère ni déception,
on est, bien au-delà de tout ça, simplement triste. On a voulu y croire, qu’il
était possible de rattraper le temps perdu, d’arrêter la cruauté des horloges.
Mais il est tout simplement trop tard… Il règne comme un parfum de fin de règne
lorsque l’on quitte le zénith dans le jour finissant, il est alors 21h30 et la
nuit n’est même pas encore tombée. Les sixties c’était il y a fort longtemps…
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire