jeudi 28 août 2014

Rock en Seine 2014, 22, 23 et 24 Août 2014.

(c) Victor Picon

Parmi les nouveautés de cette édition 2014, la plus marquante fut certainement l'installation d'un village du disque regroupant plusieurs disquaires réputés (Born Bad, Fargo, Ground Zero entre autres) de la place de Paris dans l'enceinte même du site. L'occasion de faire quelques emplettes entre deux concerts, attention l'endroit est un véritable lieu de perdition pour les cartes bleues... On en profite également pour faire un petit tour de l'exposition regroupant les affiches créées tout spécialement pour illustrer l'ensemble des concerts du festival...

Vendredi 22 Aout
Cage the Elephant (c) Victor Picon
 
Niveau musique on attaque très fort d'entrée avec CAGE THE ELEPHANT, de retour trois ans après une première apparition très remarquée sur la scène de la cascade. Suite à la défection de dernière minute de Volbeat, les Américains ont cette fois les honneurs de la grande scène. Festival oblige, leur prestation d'une petite heure ne permet de voir la totalité du spectre musical couvert par CAGE THE ELEPHANT désormais plus porté sur la pop et la mélodie. Le set est orienté sur le dernier album en date, « Melophobia » mais le punk fait cependant toujours parti de leur préoccupations comme le prouve un « Aberdeen » du feu de Dieu. Matt Shultz le chanteur tout de blanc vêtu est en grande forme. Triple saut, 100 mètres départ arrêté, saut en hauteur, vraiment, quelle perte pour l'athlétisme que cet homme là ! C'est également la sécurité de l'emploi assurée pour tous les services de sécurité de la planète qui sont en général bien occupés dès que notre homme Matt pose le pied sur scène... Ce fût un excellent moment passé en leur compagnie.
Kitty Daisy and Lewis (c) Nicolas Joubard

Direction en suite la scène de la cascade où, divine surprise, nous attends Kitty Daisy & Lewis débarqués en toute dernière minute en remplacement des danois de Volbeat. En pleine préparation de leur troisième album la famille rockabilly nous a plongé dans une ambiance surannée 1950s plutôt étonnante en ces lieux. Piano, harmonica, contrebasse, guitare ça fait du bien ! Multi instrumentistes surdoués chaque membres de fratrie passe du piano à la batterie en passant par la guitare. Papa assure la guitare rythmique et Maman est à la contrebasse. La transformation physique des musiciens, que l'on a connus adolescents à leurs débuts rappelons-le, est étonnante. Combinaison moulante dorée ou cuir des pieds à la tête, Mon Dieu Kitty et Daisy sont devenues des vraies femmes...

Gary Clark Jnr (c) Victor Picon
On continue dans une veine très roots avec le bluesman Gary Clark Junior sur la grande scène toujours aussi hypnotique avec ses riffs de guitare qui s'étirent à l'envie. Ah si seulement il pouvait montrer la même classe sur disque au lieu de se disperser entre blues et R n'B... Toujours sur la grande scène le petit prodige anglais du songwriting Jake Bugg prends ensuite possession des lieux. Evoluant désormais en quatuor, Bugg livre un set mi-électrique/mi-acoustique très marqué par la country mais également les années 1960. A noter une très belle et étonnante reprise du « Voodoo Chile (Slight Return) » de l'immense Hendrix. Si on ne retrouve rien à redire sur la qualité musicale de la chose, entre country, pop et Mersey Beat, la prestation de Bugg manque tout de même de passion, un petit grain de folie serait plutôt bienvenu. Mine renfrognée, assez peu expressive, manque flagrant de charisme, déjà blasé à 20 ans, Jake ?
Jake Bugg (c) Victor Picon
 
Coincée entre les stands de sandwiches, la minuscule scène Ile-de-France, dont l'ambiance rappelle celle d'une petite salle de concert, offre une fenêtre d'exposition aux groupes locaux. C'est également l'occasion de faire de belles découvertes. Comme les Velvet Veins par exemple, notre coup de cœur du week-end. Lookés à l'extrême, genre Dandys, le quatuor fait montre d'une classe très sixties et d'une formidable compréhension du blues au fil de soli de guitares assez inspirés. Lorsque le volume monte d'un cran, c'est toute la scène rock des années 1960 qui défile devant nos yeux. Rythmique solide, guitares sur le fil, le groupe est bluffant. Chaude ambiance, applaudissements nourris, comment se fait-il qu'une formation de cette qualité ne partage pas la scène avec les « grands » ? Mystère...

Mac Demarco (c) Nicolas Joubard
On termine enfin par un petit tour sur la scène de l'industrie ou se trouve la coqueluche canadienne Mac Demarco et son impayable sens de l'humour (The Hives jouent en même temps, vous êtes sur que vous ne vous êtes pas trompés de concert ? Ah ah!). Petit génie du songwriting (son dernier disque « Salad Days » est un régal), entre pop et garage, Mac Demarco évoque un je ne sais quoi de Californien. Etonnant pour un type débarqué des plaines glacées du Canada et désormais installé à New-York. Mélodique et ensoleillée, on pense à un Chris Isaak en version slacker 1990s, les influences 50s en moins. Plutôt déconneur, du genre à nous faire une reprise au débotté de « Yellow » (Coldplay) chantée par le bassiste, Mac Demarco nous a offert la prestation la plus décontractée du week-end dans un registre bricolo fort sympathique.

Samedi 23 Août.
Dorian Pimpernel (c) Sylvere Hieulle
 
La deuxième journée des agapes commence par un petit tour par la scène de l'industrie où se trouve le quintet parisien Dorian Pimpernel. Très porté sur les années 1960, mais pas uniquement, Dorian Pimpernel montre une appétence particulière pour les claviers et les instruments vintage (amplis vox, rickenbaker demi-caisse, mellotron, ce genre de choses). La « Moonshine pop », ouvragée à l'extrême, de Dorian Pimpernel est un savant mélange où se télescope une basse très ronde, très sixties (« Paralipomenon ») et les synthés krautrock (« Existential Suit ») de la décennie suivante au service d'un songwriting soigné. Le résultat, forcément précieux, est à classer entre « Sgt Pepper », « Pet Sounds » et le « Triggers » d'April March. Excellent.

Junip (c) Sylvere Hieulle
Puisque chaque journée semble se dérouler suivant une thématique particulière, on continue dans cette veine planante en compagnie des belges de Junip. La troupe menée par le baladin folk José Gonzalez mélange claviers et guitare acoustique à cheval entre les grands classiques et une approche indie pop plus contemporaine. Pas mal.
Thee Oh Sees (c) Sylvere Hieulle
 
La tension monte d'un cran ensuite avec l'apparition des Californiens de Thee oh sees toujours sur la scène de la cascade. Formation difficile à suivre, le groupe de San Francisco à multiplié les annonces contradictoires, un temps annoncés comme splittés le groupe a finalement sorti un nouvel album... Bref, passons, la troupe de John Dwyer est désormais un trio se partageant entre punk, garage et rock psyché. On passe d'une attaque frontale de guitare, belle SG en plexiglas soit dit en passant, à une longue dérive psyché noisy entre guitare saturée ou mini clavier. A noter la belle efficacité des marathoniens de la section rythmique. Une prestation solide en dépit d'un son un peu mal foutu.
The Goastt (c) Nicolas Joubard

The Goastt (c) Nicolas Joubard

Toujours dans cette veine psyché, on retrouve The Ghost of a Saber Tooth Tiger (aka The Goastt) le groupe mené par le couple Sean Lennon (voix/guitare) et la très jolie Charlotte Kemp Muhl (basse/voix). Très sincèrement, et cela fait des années qu'on le répète, on ne donne pas assez de crédit à Sean Lennon. Ce type, compte-tenu de son hérédité et de la fortune personnelle qui en découle, pourrait se contenter de traverser l'existence en faisant les délices de la presse à scandale, victime d'une sorte de syndrome Paris Hilton. Il n'en est rien. Bien au contraire, Sean Lennon est un artiste appliqué, menant de front carrière solo et en groupe ainsi que la destinée de son label Chimera. Et ce n'est pas la très solide prestation du jour qui va nous faire changer d'avis. The Goastt se présente en cette après-midi en sextet et revisite les thèmes classiques du rock psychédélique des années 1960 entre giclées de guitares acides (le fils de John est un soliste inspiré), nappes de claviers planantes et percussions rigolotes à base d'instruments de cuisine. Sean fait en plus l'effort de s'exprimer dans notre langue. Franchement pas mal. On reste sur la grande scène le temps de vérifier que le temps n'a pas de prise sur le spleen lancinant de Portishead, vingt ans après la sortie de « Dummy » (des obligations nous ont empêchés d'assister au concert entier). On termine enfin la soirée par un petit détour par la scène pression live profiter du groove exotique (et très marqué par l'Afrique) de François & The Atlas Mountains. Etonnante prestation entre pop française et world music chantée tantôt en français tantôt en anglais. Plutôt énergique sur scène, François communie avec le public avec un enthousiasme communicatif. La petite danse finale du groupe est assez sympathique.
François & The Atlas Mountains (c) Nicolas Joubard

Dimanche 24 Août.
 
Cloud Nothnigs (c) Victor Picon
 
Petite déception pour commencer avec le trio punk/grunge US Cloud Nothings, formation pas foncièrement mauvaise mais sans ampleur véritable. Chanter faux cela n'amuse qu'un temps... Cela ne s'arrange guère avec les Australiens de Airbourne, le meilleur succédané d'AC/DC lorsque le version originale n'est pas disponible. Gros hard rock à la crétinerie assumée et revendiquée, Airbourne lâche les watts grâce à un impressionnant mur composé de 24 (on a compté) amplis Marshall. La clé de voûte du show d'Airbourne semble être le jet de bière en direction du public après un savant fracassage de ladite canette sur le sommet du crâne. Tout un art maîtrisé à la perfection par les gros bras des antipodes. Le plaisir régressif du week-end, on est même resté jusqu'au bout ! Changement d'ambiance avec Jeanne Added sur la petite scène Ile-de-France accompagnée de son excellente batteuse. Alternant entre basse et clavier, qu'elle soit en version rock ou électro Jeanne laisse transparaître des influences punk, ce qui n'est pas fait pour nous déplaire. Chant passionné, lyrisme exacerbé, Jeanne est très certainement une incorrigible romantique. Un projet à suivre... On aurait aimé ensuite vous toucher deux mot de la punkette Brody Dalle mais impossible de s'approcher de la scène de l'industrie, tellement la foule est impressionnante. Un passage sur la grande scène aurait été plus approprié. On a cependant pu profiter du lâché de décibels...
Airbourne (c) Nicolas Joubard

Maline la programmation de la scène pression live qui en ce dimanche après-midi propose un revival de la scène alternative US avec un excellent enchaînement Thurston Moore / Stephen Malkmus respectivement anciens membres de Sonic Youth et de Pavement ! Un véritable voyage dans le temps qui nous régale ! Toujours accompagné du batteur Steve Shelley, Thurston Moore paye son tribut à la scène bruitiste depuis près de trente ans. Même séparé de Sonic Youth, sa démarche reste équivalente, faîte d'un solide songwriting pop vitriolé à grands coups de larsen, distorsions, harmoniques et autres dissonances. Avec le temps le guitariste a acquis un sens du psychédélisme au détour de compositions à rallonge (15 minutes pour le morceau d'ouverture), tiens, tiens cela rappelle le concert de Thee oh sees la veille (où John Dwyer a-t-il bien pu trouver son inspiration ?). Star éminente du grunge à l'époque de Pavement (les années 1990) Stephen Malkmus, désormais accompagné de son groupe les Jicks, a lentement évolué vers un songwriting pop/rock assez marqué par la Californie et un son classique 70s à la coule faisant la part belle aux guitares. Une prestation solide et très agréable agrémentée d'un salut amical à Thurston Moore (pour répondre aux délirantes piques amicales de ce dernier un peu plus tôt dans l'après-midi). Quoi qu'il en soit, un excellent enchaînement, on a rajeuni de vingt ans d'un coup ! Pour un peu on se croirait de retour à la fac... Mais quel dommage d'avoir raté les très prometteurs Forever Pavot programmés en même temps...
Thurston Moore (c) Sylvere Hieulle
 

Stephen Malkmus (c) Sylvere Hieulle
Dans l'idéal, Tinariwen (sur la scène de l'industrie) et ses faux airs de Rolling Stone Touareg, serait le point de rencontre entre le rock occidental et l'Afrique. Dans l'idéal. Car dans les faits, il ne reste plus grand chose du Ténéré (hormis les costumes traditionnels, les percussions et le chant en langue vernaculaire) chez le groupe Malien, par ailleurs totalement occidental dans son mode de fonctionnement (niveau merchandising notamment). Un groupe dans le fond assez calibré même si son « desert blues », plutôt bien fait, ne manque pas de charme et réserve quelques bonnes et assez envoûtantes surprises...
Tinariwen (c) Victor Picon

QOTSA (c) Sylvere Hieulle
On termine enfin avec la tête d'affiche de cette édition, les Californiens de The Queens Of The Stone Age, groupe qui fait le désespoir de ses fans qui n'ont de cesse de réclamer à Josh Homme « Du lourd, du vulgaris » ! Las, ce dernier se complaît dans une sorte de pop ramollie (quelle idée, franchement), la monotonie guette... Une prestation en demi-teinte donc, malgré quelques éclairs de génies (« The lost art of keeping a secret », hhhuuummm!). On regrette le stoner suintant le désert et les guitares génialement heavy-metal blues...

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