jeudi 20 janvier 2011

Rencontre avec CharlElie


En pleine campagne de promotion de son nouvel album « Fort rêveur » CharlElie Couture (voir mon post du 7 janvier 2011) a trouvé 15 petites minutes pour évoquer sa musique, ses paroles et la sortie originale de son nouvel effort. Sympa, détendu (une tape sur l’épaule et un « merci bonhomme et à bientôt » en forme de conclusion), il se dégage une très grande honnêteté artistique de ce pilier de la scène francophone à la carrière commencée en 1978. Rencontre…

En écoutant l’album j’ai été marqué par l’ambiance très new yorkaise du disque (Le Phénix, Ta phosphorescence) mais avec des textes chantés en français. « Fort Rêveur » est-il une passerelle entre la France et les Etats-Unis ?

CharlElie (silence) : Il y a quand même 6000 kilomètres qui nous sépare et j’ai du mal à imaginer le pont du Verrazano traverser l’Atlantique (rires)… Le disque a été produit par Sean Flora qui travaille surtout avec des groupes de rock indépendant de la côte ouest. Il a traité mes chansons comme il enregistre les groupes avec lesquels il travaille d’habitude. Donc sans s’appuyer sur le sens des mots mais en écoutant l’émotion. C’est un disque de rock américain mais chanté en français. La plupart du temps c’est l’inverse, des mecs de Bordeaux, Lille où Roubaix vont chanter en anglais alors qu’il s’agît de disques français.

Tes paroles ont un aspect très storytelling, est-ce que tu te sens plus comme un conteur qu’un chanteur ?

CharlElie : Je fais des paraboles, des métaphores… Les chansons que je raconte sont des mises en formes d’idées et de concepts. La chanson sur l’anorexie (« Si Légère », ndlr) c’est une chanson sur le malaise des jeunes d’aujourd’hui qui ne savent plus quoi trouver pour être attrayantes. La question est clairement posée. Ou « La vie facile », j’attends tout le temps des gens qui disent : « c’est dur, c’est dur ». Mais pour qui c’est facile (il insiste) ? C’est plus facile pour un boulanger, un plombier, un homme politique ? La vie facile cela n’existe pas. Chacune des chansons essaye de mettre en forme des histoires, des concepts. Quelque fois c’est des énoncés, comme dans « La vie facile », d’autre fois c’est sous forme de métaphore comme « Le Phénix » par exemple qui est l’histoire d’une ballade qui évoque en fait la reconstruction d’une Amérique suite à l’élection d’Obama. Le phénix c’est Obama et l’Amérique qui renaît de ses cendres. Cela commence dans le Bronx et cela redescend tout le long de Manhattan, Brooklyn pour finir à Ground Zero. Donc effectivement, depuis toujours que cela soit sur « Under Control », « Bob le prophète », les chansons que je raconte sont des paraboles. Souvent je me dis que pour faire partager le film, il faut raconter une histoire. Il y a le niveau d’écoute des mots, ensuite ce que la musique évoque et enfin ce que l’on retire du mélange des deux.

Le disque a bénéficié d’une sortie particulière, avec une édition collector disponible en avant première sur internet…

(CharlElie sort de la salle et va chercher une édition collector de l’album) Je n’arrivais pas à trouver de distribution. Je suis allé les maisons de disques en leur proposant ce projet et on m’a dit ça va coûter trop cher, c’est en dehors des formats traditionnels, il va falloir construire des trucs spéciaux et ainsi de suite (visiblement il a l’air très affecté par toute cette histoire)… Les médias n’ont pas voulu en parler (CharlElie déballe le disque et semble très fier de sa création. L’album est présenté dans une pochette grand format, comme les anciens EP anglais dans une taille intermédiaire entre les petits 45 et les grands 33 tours. Un très beau feuillet grand format contenant les textes des chansons et des photos exclusives et une affiche de la tournée sont livrés avec. Le cd est une superbe réplique vinyle.). C’est une formalisation du disque complètement nouvelle. On retrouve la dimension objet d’un album et le plaisir qui va avec. Et tout cela pour six euros (effectivement à ce prix là, c’est une affaire, ndlr) ! Moins cher qu’un téléchargement légal, je ne sais si tu te rends compte (et aussi beaucoup moins cher que le prix moyen d’un cd dans le commerce, ndlr). Et ça ce n’était pas question ni pour les maisons de disques où les distributeurs de prendre ça. Le seul qui a risqué le coup c’a été vente-privée chez qui il est disponible jusqu’à la fin du mois de janvier.

Et le fait qu’il s’en est écoulé 6000 exemplaires en deux jours, cela t’a rassuré ?

CharlElie : Tu peux aussi dire qu’il s’en est vendu 14000 en une semaine, ce qui d’emblée nous a placé au quatrième rang des ventes. Personne n’a voulu en parler, mais bon passons sur ces détails, on perdrait du temps…

Musicalement, l’album marque un retour vers les guitares, le rock avec quelques notes de blues…

CharlElie : Le blues c’est un questionnement existentiel, ce qu’il y a au fond, à l’intérieur de beaucoup de musiques qui me touchent. Le rock donne au blues une espèce de portée supérieure, mais le blues reste intrinsèquement un point d’interrogation. Et c’est ce que l’on ressent à l’écoute de l’album car il n’y aucune chanson qui est un vrai blues. Moi je suis autant attiré par Satie, Debussy, Ravel que par Bob Dylan, les Stones ou les Beatles. Mais c’est vrai qu’il y a une sous-jacence de la question blues avec le fameux majeur/mineur qui intervient dans les structures. Avec un mélange de beat, de pulsion avec une espèce de formalisation des notes appuyées sur la quarte et la quinte. Après ce n’est pas du blues à la Paul Personne…

C’est surtout dans les intros que l’on ressent l’influence du blues…

CharlElie : Oui, oui c’est ça. Je ne pense pas être un chanteur de blues. Le blues fait partie de mes interrogations et de mes fondements comme le rock qui est important pour moi par ce que suis urbain.

www.charlelie.com

Propos recueillis le 18 janvier 2011.

Un grand merci à CharlElie pour sa gentillesse et sa disponibilité et un grand merci à Netta (Ephélide) qui m'a arrangé le coup.

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