mardi 29 juin 2010

Rencontre avec Alex Toucourt


Evoluant dans un genre qu’il définit lui-même d’ « acousticool », Alex Toucourt (voir mon message du 30 mai 2010), accompagné pour l’occasion de son compagnon de scène Jib, sort un excellent premier album « orangé » le 28 juin. Faisons plus ample connaissance…

Les paroles de « Trace ta route » m’ont beaucoup frappé…
Alex Toucourt : En fait c’est une chanson autobiographique par anticipation. Je me suis posé la question : Quand je vais avoir mon premier enfant, que vais-je pouvoir lui dire la première fois que je vais lui parler… La chanson a été écrite super rapidement, en une petite demi-heure, je pense. Les paroles et la musique me sont venues vraiment naturellement. J’ai juste retravaillé un peu le texte.

Tu penses que les meilleures chansons s’écrivent rapidement ?
A.T. : Non, pas forcément. Il n’y a pas de règles en fait. On peut vraiment faire une bonne chanson en prenant le temps de la retravailler longtemps aussi bien qu’un truc spontané qui vient super vite. C’est ça qui est excitant. Des fois tu te laisses dépasser par ce que tu es en train d’écrire et tu ne sais jamais trop pourquoi ça vient.

Dans le même ordre d’idées, qu’est-ce que vous faîtes le dimanche ? (cf. voir les chansons « Dimanche ouh ouh » et « Dimanche la la la » NDA)
A.T.
(rires) : Ca dépend des dimanches. Si on a fait la fête la veille, on va plutôt être dans un dimanche où on va se lever tard. Si il fait beau et qu’on n’a pas eu l’occasion de faire la fête la veille, on va plutôt se lever tôt et profiter du beau temps… L’idée derrière ces chansons m’est venue quand j’étais gamin, j’ai toujours détesté les dimanches. Comme beaucoup d’enfants. Tu reprends l’école le lendemain, toujours un peu le cafard… C’est une journée qui a toujours fait débat autour de moi, il y a toujours quelqu’un qui disait : « Ah j’aime pas le dimanche » et quelqu’un qui rebondissait : « Ah si c’est super le dimanche on peut se balader, c’est chouette… ». Ca m’a inspiré, je me suis dit qu’il y avait un truc à faire avec ça. Au départ je pensais ne faire qu’une seule chanson. Et comme il y avait trop de matière, j’ai traité le sujet de deux façons.

Est-ce que c’est plus compliqué, ou plus long, de faire un album tout seul ?
A.T.
: Non je ne pense pas. Ce n’est ni plus compliqué, ni plus long. Le faire seul, cela ne veut pas dire ne pas demander des avis autour de soi. Finalement, le processus est le même. Moi je concerte mes proches, je vois ce qui marche, ce qui plait ou pas. Je tiens compte des réactions du public pendant les concerts, j’avance, j’enlève des choses, j’en mets d’autres. Il y a un point sur lequel bosser seul est plus rapide, c’est que tu n’as pas besoin de faire des compromis. Il n’y a que toi qui décides, ça évite de se perdre dans des discussions où chacun amène son idée et la défend. Donc, inversement, c’est peut-être même plus long de bosser en groupe.

Et toi Jib, comment tu t’intègres dans ce projet solo sur scène ?
Jib :
On était ensemble dans le même groupe, j’ai simplement suivi Alex dans son projet solo. Moi j’interviens simplement sur scène en tant que musicien : « il faudrait que tu fasses ça, ça serait bien… ». Je suis là en tant que pote, accompagnateur. Ca fait dix ans que l’on fait de la musique ensemble.
A.T : Au début, quand on est passé du groupe au projet solo, il y a eu un petit temps d’adaptation…
Jib : Ouais, c’était pas évident, le changement de statut. Dans le groupe on était cinq. Donc, j’étais 1/5ème des propositions. Et là c’est Alex le patron, c’est lui qui dit, qui choisit. Enfin, ça ne m’empêche pas de proposer. Et finalement dans son projet artistique, si il veut se réaliser, c’est important pour lui d’avoir la totalité de la décision. Que tout lui appartienne vraiment. Après, moi j’essaye d’être de meilleur conseil possible. C’est tout.

Et sur scène comment ça se passe ? Il paraît que tu déménages ton salon (rires)…
A.T.
: On a toute une équipe de déménagement avec nous… Quatre semis sur la route ! On part quatre mois en avance… Non en fait c’est tout con. J’ai juste pris de chez moi quelques éléments de mon salon : moumoutes, lampes, tapis, pouf, une petite table avec un poste radio, voilà. Des petits trucs comme ça, ce qui fait qu’au final on a un camion assez rempli. Et puis après je reconstitue mon chez moi sur scène. Quand j’ai quitté mon groupe j’avais peur de me retrouver un peu trop seul sur scène, de ne pas assumer. Je me suis entouré de quelques éléments de déco pour me cacher, me protéger. Ca fera diversion. Et puis je me suis pris au jeu, j’ai commencé à en rajouter de plus en plus… Au début j’avais juste un petit pouf. Maintenant, la scène est complètement occupée, il y a des trucs dans tous les sens…

T’as un groupe avec toi ?
A.T.
: On est juste deux sur scène. C’est vraiment un choix artistique. Je trouve que la formule à deux marche super bien. Je fais encore quelques concerts en solo, mais c’est très rare. Et j’ai essayé quelques concerts en groupe aussi. Mais on perd de l’originalité, de la fraîcheur et la proximité que l’on peut avoir avec le public aussi bien devant 30.000 personnes que dans de toutes petites salles. Pour l’instant je n’ai pas encore trouvé la formule. Maintenant, j’aimerai bien aussi jouer avec d’autres musiciens. Peut-être à long terme. On verra…

Est-ce que tu pourrais nous parler du bric-à-brac sur la pochette ?
A.T.
: Je ne vais pas dévoiler toutes mes sources (rires) ! En gros, il y a des trucs de récupération, des greniers de la famille, des potes, des cadeaux d’anniversaire… Et quelques trucs achetés d’occasion sur internet. Des brocantes aussi. Ca a pris du temps pour tout réunir. Et au hasard des concerts, on tombe parfois sur des magasins et puis « tiens, il me faut absolument ce truc là ! ». Et puis encore aujourd’hui, on m’offre quelques trucs orange. C’est même devenu un rituel. A chaque anniversaire on m’offre quelque chose d’orange. Et pour l’instant, je ne m’en lasse pas. Ca me va bien.

Et qui a eu l’idée de la pochette ?
A.T.
: C’est Fred Arnoux, un graphiste de Nancy. Super graphiste, très talentueux, que j’ai rencontré par l’intermédiaire d’un autre groupe. Il a eu l’idée et après on a travaillé en trio avec Jib pour la conception de la charte graphique. Et alors pour la petite anecdote, le tapis, dans le fond, je l’ai trouvé dans une rue à côté de chez moi. Il était sous la pluie, enroulé. Je lui ai donné une seconde vie !

Comment tu trouves l’inspiration pour les textes ?
A.T.
: Parfois, j’ai une idée. Parfois, j’ai juste un thème de base. Parfois, ça vient vraiment tout seul, sans que tu saches vraiment pourquoi. Des fois je m’inspire de ce qui peut arriver à moi ou à mes potes. Des anecdotes… Il n’y a pas de méthodologie de travail. Souvent je prends ma guitare et je commence à improviser n’importe quoi, sur une mélodie. Dès que j’ai une phrase qui a l’air bien, où au moins pas trop mal, je l’écris et j’essaye de partir de ça. La plupart du temps, je ne sais pas du tout où je vais. Je me surprends un peu tout seul à voir la direction prise. Mes chansons c’est souvent des histoires avec une petite morale à la fin. C’est un peu instinctif, j’aime bien l’idée de me surprendre moi-même.

Un premier album, pour toi, c’est l’aboutissement de plusieurs années de travail, de conception ou le début d’une aventure ou les deux en même temps ?
A.T
: C’est exactement ça, les deux en même temps. Un aboutissement en premier lieu. On tourne depuis quatre sur ce projet là. Là, on fige, on fossilise les chansons une bonne fois pour toutes. Et en même temps, c’est une ouverture sur le terrain. Le but maintenant, c’est d’aller se faire connaître un peu partout. D’agrandir le cercle du public, de « proposer » le disque.

Comment tu as commencé la musique ?
A.T.
: J’ai commencé petit par le piano. Mon grand-père était accordéoniste, mon père, guitariste amateur. Le goût, la passion de la musique était très présent dans la famille. On a été initié, ma sœur aînée et moi, par la force des choses. Presque une question de logique. Je me suis mis à la guitare assez vite pour faire comme mon père. Et vers 14 ans, j’ai eu une espèce de déclic. C’est vraiment devenu une passion. J’ai adoré la musique à partir de ce moment là.

En écoutant le disque j’ai trouvé qu’il y avait un mélange entre chanson et folk, quelles sont tes influences ?
A.T.
: Je suis passé par un million de trucs. Petit, chez moi, j’ai été initié à Pink Floyd, Dire Straits, Eagles et The Shadows. Après, je suis passé par plein, plein de choses. J’ai écouté autant de la pop que du hard-rock. Du blues aussi. Beaucoup de choses anglo-saxonnes : Clapton, B.B. King, Chuck Berry (Alex cite Chuck Norris avant de se reprendre, fou rire général autour de la table, NDA). J’ai été fan de Nirvana, j’ai décortiqué les chansons. Du folk aussi : Tracy Chapman, Neil Young… Vraiment plein de choses. Par phases.

Et comment tu es passé des influences anglo-saxonnes au français ?
A.T
: Un jour on a monté un groupe. LE GROUPE, sérieux. Celui dans lequel j’étais avant. Et on n’avait pas de chanteur. On était cinq potes, avec Jib et on a commencé par faire de la musique instrumentale. Et puis on s’est dit que ça serait bien d’ajouter du chant. J’étais guitariste rythmique, le job le moins compliqué, celui qui laissait le plus d’espace pour chanter. C’est à ce moment là que j’ai commencé à écrire un petit peu. Et puis, j’ai découvert le reggae qui est devenu le fil conducteur du groupe. Puis, via le reggae, j’ai découvert Tryo qui commençait au même moment. Et petit à petit, je me suis mis à la chanson française. En me mettant à écrire, j’ai découvert Brel, Brassens, Renaud, tous ces artistes que je ne connaissais pas forcément avant. J’ai décortiqué tout ce qui pouvait se chanter en français.

Ton univers est assez marqué par les années 70…
A.T.
: Oui, mais c’est un peu accidentel. Quand je suis parti habiter seul, j’ai fouillé le grenier de mes parents pour faire de la récup. Cela m’a toujours plu, ce côté psychédélique, orange, couleurs flashy. Je trouve ça beau et marrant. Aujourd’hui, le design est plus classique, triste… Enfin, ça revient un petit peu. C’est un petit peu moins funky. Je me suis raccroché à ça, l’orange ça a toujours été une couleur qui m’a plu.

Et Musicalement ?
A.T
: Forcément j’ai écouté des choses sans avoir d’attachement particulier avec la musique de ces années là. Mais il y a eu beaucoup de choses novatrices. J’écoute de tout, des groupes d’aujourd’hui, le deuxième album de JP Nataf, je suis super fan. Je peux écouter n’importe quoi. Je n’ai pas une période de prédilection.

Jib : Moi aussi j’aime bien les années 70 mais je suis plus attaché à la musique de ces années là. J’ai travaillé comme designer à Nancy. J’aime beaucoup ce genre de design. Finalement avec Alex sur scène, je me sens vachement bien entouré de pleins d’objets de cette décennie.

Tu joues de quel instrument sur scène ?
Jib
: Plein de trucs ! A la base, je suis percussionniste. Comme on n’est que deux, Alex m’a proposé de jouer un petit peu de piano, un petit peu de glockenspiel… D’enrichir les arrangements. Petit à petit, je me suis mis à plusieurs instruments…

Tu participes à l’écriture des arrangements ?
Jib
: Non, non, non… Du tout. Je donne mon avis à Alex mais c’est vraiment lui qui est le maître à bord.

Vous êtes souvent en tournée ?
A.T.
: Ouais. On joue quasiment toutes les semaines. Parfois un concert, parfois deux, trois. Mais on a rarement deux semaines sans concert. Depuis quatre ans. Parfois on a des périodes où on a volontairement arrêté de jouer par ce que j’enregistrai l’album. Mais des tout petits breaks. Hormis ça on joue régulièrement. On vient de la scène.

Quelle a été votre plus grosse galère sur la route ?
A.T
: Souvent des pannes. Mais par chance, à chaque fois sur les retours.

Vous ne vous êtes jamais retrouvé à jouer dans des endroits spéciaux, particuliers, des conventions de motards…
A.T :
Non, mais on s’est retrouvé dans des tout petits lieux. Et tu te dis, mais comment on va tenir là-dessus… Notamment à Paris, tu es obligé de commencer par les petits bars. Et il y a un bar en particulier. Où que l’on aille, on sait que cela ira, par ce qu’on est passé par ce bar-là.
Jib : On a joué sur deux mètres carré, assis sur le caisson de basse…
A.T. : Presque assis l’un sur l’autre. Un truc de fou. On a eu deux, trois mauvaises expériences, de patrons pas cool où on a failli partir tellement ils étaient insupportables. Mais jamais vraiment de grosses galères. Là dessus, on ne s’en sort pas trop mal. Des fois tu joues entre deux barbecues et une pèche aux canards. Deux, trois trucs comme ça, plus rigolos qu’autre chose.

Vous aimez la scène, la vie en tournée ?
Jib
(pensif) : Je ne pense pas que je pourrais m’en passer un jour… Sauf à être véritablement grabataire. J’aurai trop trop de mal à arrêter de faire de la scène.
A.T. : C’est le but. Quand on fait de la musique c’est pour partager avec le public. Par ce que répéter c’est chiant, on n’est que tous les deux… Je n’aime pas du tout. Alors que chanter les mêmes chansons devant du public… Il y a un partage. Tu chantes AVEC les gens. On échange un truc. Et quand on arrive à ça c’est génial. C’est vraiment ce qui me booste. C’est clair, je ne pourrais pas m’en passer non plus ! Après si on n’a pas le choix on en reparlera, mais j’espère ne jamais être confronté à cela.

Votre meilleur concert ?
A.T.
: C’est dur à dire, il y a eu tellement de biens… Un seul c’est impossible. Mais il y en a un particulièrement qui me tient à cœur, c’est la première partie de Tracy Chapman au Zénith de Strasbourg. Par ce que je suis fan depuis assez jeune. J’ai commencé le chant, chez moi, en chantant ses chansons. Et aussi par ce que c’est le genre de truc que tu ne fais pas tous les jours. C’était assez magique. Grosse pression aussi, j’étais en solo guitare/voix, et je ne l’ai su que le matin même… Un jour un peu particulier où on faisait la finale des découvertes du printemps de Bourges. Deux concerts la même soirée un à Nancy et un à Strasbourg. Une soirée marathon, beaucoup de pression positive. Mais c’est loin d’être le seul…
Jib : On avait fait un concert à Nancy avec plein d’invités. C’est une petite salle, mais on niveau de l’échange, du partage… Avec plein de copains musiciens sur scène. Un bonheur énorme…
A.T : Cela s’appelait Alex Toucourt mais pas tout seul ! (rires)
Jib : C’est ce principe là qui me plait le plus, par ce que cela échange, sur scène cela bouge dans tous les sens…
A.T. : Il y a un côté spontané que l’on perd quand on part en tournée. Le spectacle est rodé, les grandes lignes sont écrites. On se laisse rarement aller à des improvisations. Alors que là, sur un concert comme ça avec invités, c’est plus spontané. On ne sait pas trop ce qui se va se passer. On n’a pas vraiment le temps de travailler sur les chansons non plus. Ca se fait dans le feu de l’action. Les invités viennent d’un peu partout… Une énergie exceptionnelle. Une magie un peu particulière aussi.

Vous pouvez nous parler un peu de Nancy ?
A.T.
: La place Stanislas ! La bergamote ! La pépinière ! Nancy, c’est une ville que j’ai découvert en étant étudiant. J’y ai fait mes études de lettres. J’y suis resté un bon moment et on a tissé un grand réseau de liens avec des amis musiciens. Une ville étudiante qui bouge beaucoup sur le plan culturel. Très jeune, très dynamique. Un super vivier de groupes en Lorraine. Il y a une grande école de musique, la M.A.I. à Nancy, Une des plus grande d’Europe. Beaucoup de gens qui viennent de tous les horizons…

Jib : Le Manchester français ! Moi j’y suis né et je suis resté après le lycée pour faire mes études. On a habité ensemble avec Alex, on a bien rigolé !

A.T. : Et on continue de rigoler, c’est ça qui est bien !

http://www.alextoucourt.com/

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