vendredi 12 février 2010

Gainsbourg (vie héroïque) de Joann Sfar




Les avis sont très tranchés sur le « Gainsbourg, vie héroïque » réalisé par le dessinateur de bande dessinée Joann Sfar qui fait ici ses premiers pas au cinéma. D’aucuns s’empressent de trouver le film « nul et chiant », d’autres l’adorent… La première erreur est de considérer ce métrage comme un film, le générique et l’affiche nous donne une idée claire des intentions de l’auteur, « Gainsbourg » est un conte. Un conte dans lequel il faut rentrer et par lequel il faut se laisser porter. « Gainsbourg » n’est pas un biopic, Sfar a tenté, tant bien que mal, de livrer sa vision de l’artiste dont il est visiblement un grand fan. Il en résulte ce conte aux visions oniriques, cette étrange créature au nez et mains proéminentes qui poursuit Serge partout et que ce dernier appelle « ma gueule ». La première partie est la plus réussie et le Paris des clubs jazzy enfumés est parfaitement reproduit. Malheureusement, Sfar, réalisateur débutant, n’a pas eu les coudées franches pour réaliser « son Gainsbourg » et on touche là aux limites du projet qui a vite fait de retomber dans un certain académisme. Le film, pardon le conte, est en fait une succession de sketchs illustrant les différentes périodes de la vie de Gainsbourg. On retrouve le cliché selon lequel ce dernier est un « génie ». Eduqué à la musique à la dure (un coup de ceinture à la première fausse note), Gainsbourg avait en fait développé une certaine aversion pour le piano et rêvait plutôt de peinture. Pianiste médiocre, il ne jouait jamais sur scène ni sur disque. C’était, du moins à mon avis, surtout un homme de lettres, un parolier de génie se jouant des doubles sens et des sonorités, qui a réussi dans la chanson en étant extrêmement bien entouré. Les arrangeurs Jean-Claude Vannier (entre autres sur le chef-d’œuvre Melody Nelson) et Michel Colombier ont eu une influence considérable sur la partie musicale de son œuvre et n’apparaissent jamais dans le film. L’autre réserve que j’entretiens vis-à-vis de « Gainsbourg, vie héroïque » concerne la B.O, franchement pas terrible vu le sujet. Il faut préciser que Sfar n’a pas utilisé les versions originales, pourtant d’authentiques bijoux de la chanson française, mais a en fait constitué une sorte d’album hommage, composé de reprises. Reste les acteurs, excellents, Eric Elmosnino et Laetitia Casta, surprenants de mimétisme et la regrettée Lucy Gordon (décédée après le tournage). Mon conseil, allez voir « Gainsbourg » ne serait-ce que pour l’hommage rendu à ce grand artiste et aussi par ce que ce conte a une véritable ambition artistique. Mais surtout replongez-vous dans les disques, ces bijoux que sont « Melody Nelson », « Confidentiel » ou bien l’album avec Jane Birkin. On aimerait aujourd’hui retrouver un tel culot dans cette chanson pop française aseptisée…






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