Détendu et souriant, Ben Mazué enquille les interviews depuis ce midi. L’après-midi s’achève lorsque arrive notre tour. Le magnétophone est en place, allez Ben raconte nous ton histoire…
Pas trop fatigué ?
Ben Mazué : Non, non pas du tout fatigué. C’est sympa tu sais, parler de toi il y a quand même pire dans la vie (c’est vrai ! nda). Franchement ça va.
Quelle a été ta première émotion musicale ? Qu’est-ce qui a déclenché l’étincelle ?
B.M : Il y en a eu plusieurs des étincelles. La première, première (regard réfléchi). Je me souviens quand j’étais petit la chanson d’Europe, The final countdown (Ben chantonne). Pas très classe. Ensuite, je me souviens d’Otis Redding. Mon père avait acheté le « Greatest hits ». J’ai halluciné. Chaque titre était monstrueux et me faisait des frissons… Je devais avoir 10 ans.
Tu penses souvent à lui quand tu chantes ? C’est une influence pour toi ?
B.M : Tout ce qui m’apporte de l’émotion est une influence. Lui en l’occurrence m’a apporté beaucoup d’émotions. Surtout dans l’interprétation. Cette espèce de soul les pieds dans le béton. J’adore.
J’ai trouvé que l’EP avait une tonalité un peu soul, le final de « Tout recommencer » et sur « Quand je vous voie »…
B.M : Complètement. C’est voulu. J’ai beaucoup écouté la musique noire américaine en général. De la soul au hip-hop en passant par le jazz et le blues. Ca intervient forcément sur la musique que j’écris. Je l’espère en tout cas, c’est là-dedans que j’aimerai bien m’inscrire.
Ou se situerait la France là-dedans ? Tu chantes en français avec des influences très marquées par l’Amérique ? Y-a-t-il des artistes français qui t’on influencé ?
B.M : Tu ne sais jamais trop ce qui t’influence. A partir du moment où tu sais ce qui t’influence tu vas considérer que tu copies. Donc il faut se démarquer. Certains musiciens t’ouvrent des portes mais après ce que tu en fait deviens très différent. Tu t’éloignes. Certains artistes sont indispensables. Par exemple, je pense à NTM, Souchon, Renaud…
C’est vaste…
B.M : C’est assez vaste mais globalement ce sont des auteurs-compositeurs. Pas tellement les interprètes.
Et c’est dans cette tradition là que tu veux t’inscrire ? Comme auteur-compositeur ?
B.M : Non. Musicalement je suis très influencé par la musique noire américaine mais le verbe me plaît en français. Du coup je chante en français sans m’inscrire dans une continuité de pop française. Maintenant la France bouge beaucoup : Anis, Féfé…
Beaucoup de groupes que j’interviewe m’avouent un certain blocage avec le français, tellement ils sont ancrés dans une tradition anglo-saxonne. Automatiquement après la musique les paroles leur viennent en anglais, pas en français. Comment abordes-tu l’écriture des textes ?
B.M : Parfois les paroles qui m’arrivent sont en anglais. Tu vois « T’es trop près » ? C’est une chanson de Clément Simounet, mon guitariste. Quand il me l’a jouée, j’entendais des choses en anglais. Après je me dis que c’est toujours intéressant d’essayer en Français. Après si cela ne marche pas je laisse tomber. Il y aura des titres en anglais sur l’album.
Comment tu as rencontré Clément (NDA son guitariste) ?
B.M : C’est une rencontre musicale. On n’était pas amis au départ. Je cherchais un guitariste et on me l’a présenté. Au fur et à mesure, de répétitions, de la vie, on a trouvé une complicité musicale et artistique qui m’a permis de définir un style musical. Sans lui… Cet après-midi je n’arrête pas de faire des titres pour des sessions acoustiques (il regarde sa guitare posée à côté). Sans lui c’est nul ! Il m’apporte beaucoup sur le plan rythmique. Il vient du folk et du hip-hop. Il a des gimmicks de guitare hyper puissant. Je ne pourrais jamais jouer ce qu’il fait et chanter en même temps. Et puis il a plein d’idées, c’est un artiste à part entière.
Et est-ce que plus tard t’aurait éventuellement envie d’un big band, d’un batteur, de cuivres ?
B.M : J’aurais envie de jouer avec d’autres musiciens. Je n’ai pas envie de jouer toute ma vie à deux. Un big band, ouais ça donne envie en soi c’est génial. Mais il faut avoir aussi le style et l’écriture qui va avec. Moi si demain je devais m’entourer je prendrais plus un dj et des choristes. Et garder Clément comme guitariste.
Quand as-tu commencé la guitare ?
B.M : Je joue depuis 10 ans. J’ai appris tout seul. En regardant les gens.
J’ai trouvé le maxi hyper ensoleillé, coloré, et après j’ai appris que tu étais né en Provence…
B.M : On est très nomades dans ma famille. On est des voyageurs pour la plupart. J’ai une sœur qui vit en Chine, une autre au Niger. Mes parents vivent en Provence, mais ont vécus à Madagascar, en Côte d’Ivoire, aux Etats-Unis. Je suis arrivé à Paris à 10 ans et j’ai retrouvé cette multitude, cette diversité culturelle, ce métissage dont mes parents m’avait parlé. Et les influences culinaires aussi. On mange très épicé, très pimenté, du riz à tous les repas… Si je suis tombé amoureux de la ville (Paris nda), c’est aussi à cause de son métissage. Et ces gens qui venaient de partout. Et comme mes parents viennent de partout aussi, je me suis vite senti chez moi. Mais je ne suis pas parisien au sens musical du terme, sinon je ferai un truc plus électro-rock. Notre musique n’est pas parisienne mais urbaine dans son métissage. Et le côté ensoleillé vient de notre attitude positive.
J’ai toujours pensé que la musique était un voyage en soi. Qu’en penses-tu ?
B.M : Exactement. L’écoute d’un disque, c’est un voyage. C’est d’ailleurs extraordinaire. Ce que la chanson te permet de ressentir… C’est un voyage émotif. Après quand on joue, c’est plus un partage qu’un voyage. Il y a un truc assez sensuel, sexuel même dans le fait de partager la musique. Tu communiques sans parler. Tu peux t’aimer autour de la musique…
Oui quand tu joues avec des gens et parfois tu sens qu’il se passe un truc…
B.M : (Ses yeux brillent) Ouais, exactement. Personne ne s’est parlé et tout le monde a ressenti quelque chose.
Et puisque l’on parle de voyage, où veux-tu emmener les gens qui t’écoutent ?
B.M : (pensif). Ca dépend des titres. Chaque fois que j’ai en face de moi des gens qui m’écoutent, j’ai envie d’aller les chercher, de les embarquer. Tant que je ne les ai pas embarqués, cela ne m’intéresse pas. Ca prend du temps. Parfois, c’est difficile. Mercredi on a joué avec Hocus Pocus, c’était très facile. Ils étaient « très très là ». L’idée c’est de leur ressentir l’émotion dont je parle dans la chanson. C’est un voyage vers des sensations, d’amour, de sourires.
J’ai senti cela dans le titre « quand je vous voie »…
B.M : Oui, il y a beaucoup d’amour dans ce titre.
Tu aimes être en tournée ?
B.M : J’adore, c’est mon kif. C’est une manière extraordinaire de voyager, de faire des rencontres, du tourisme. On vient te récupérer dans une gare, on te fait visiter la ville. C’est un rêve. Nous on est quatre sur la route : Clément, moi, l’ingé son et le mec qui fait la lumière. On n’est pas beaucoup. C’est incroyable ce que l’on peut partager. C’est très fort. En même temps c’est très dur. Parfois c’est très compliqué. C’est aussi beaucoup d’attente, beaucoup de trains…
Une anecdote en particulier ?
B.M : On a fait la première partie d’Oxmo Puccino à Reims. Le lendemain matin on devait repartir à Paris pour reprendre un train pour le Finistère. Et il se trouve qu’il y avait une grève. On avait dormi deux heures. On est arrivé à Paris avec une tête dans le cul monstrueuse. Le train que l’on devait prendre à neuf heures n’était pas là et il a fallu attendre 13 heures. En attendant, je suis allé chez moi, faire de la bouffe. On voulait faire un picnic énorme dans le train. J’ai fait une super salade. Je suis revenu à la gare avec mon picnic. Mon tourneur était là, on est allé prendre un café dans le train. Après je retourne dans le wagon. J’avais faim, je voulais goûter ma salade. Le guitariste était endormi. Et là, plus de bouffe, plus de manteau, plus rien. Je vais alors dans le wagon suivant et je vois une vieille dame, moitié folle-moitié sdf en train de bouffer la salade à pleines mains avec mon manteau sur les genoux pour faire nappe et mon écharpe autour du cou. Alors je lui dis : « Mais Madame, vous êtes en train de manger ma salade ! Elle me répond, oui mais j’avais trop faim et elle me rend la salade. Moi je récupère mon manteau. Je regarde la salade et je me dis que je ne peux pas manger ça, c’est dégueulasse, elle se gavait à pleines mains. Alors je lui redonne la salade. Et là elle n’en veut plus. Elle commence à se balader dans le train et propose de la salade aux voyageurs. C’était assez marrant.
Et pour finir, est-ce que tu aurais un message à faire passer ?
B.M : Le consensus n’est pas toujours un consensus mou. Moi je suis du côté du consensus dur. Modeste mais qui ne dit pas pardon.
Et c’est sur ses paroles énigmatiques que nous avons pris congé…
Propos recueillis le 19 février 2010.
http://www.benmazue.com/
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