(c) Bastien Bonnarme |
Surfeurs pratiquant une
musique d'inspiration plutôt cold wave, les Dedicated Nothing,
originaires de Biarritz, sont de visite à Paris. Après La Femme et Chocolaté (dont les lecteurs le plus fidèles de cette page se
souviennent peut-être) voici une nouvelle preuve de l'éclatante
santé musicale du Pays Basque.
Un petit mot sur le nom
du groupe pour commencer ?
- C'est une catégorie
de surfeur. Mais pour bien comprendre, il faut d'abord savoir que
l'on est du sud-ouest (de Biarritz, ndlr) et le surf, on le voit tous
les matins sur le pas de notre porte. Notre lien avec le surf et
surtout d'ordre contre culturel et esthétique. Notamment tout ce qui
a trait avec les origines, la Californie, les années 1950. C'est
l'époque de Miki Dora (qui a longtemps vécu sur la côte Basque),
une icône du surf, rebelle, bad boy, artiste. C'est lui qui a
inspiré cet aspect contre-culturel du surf. En écrivant ses
mémoires, Miki Dora c'était amusé à classer les surfeurs en
différentes catégories : les punks, les freaks, les kooks et
les dedicated nothing. C'est son point de vue bien sur, mais cela
nous correspondait pas mal...
Et pour être plus
précis, c'était qui les Dedicated Nothing au juste ?
- Littéralement on ne
se dédie à rien et on profite surtout de ce qu'on aime et de ce
qu'on envie de faire. C'est notre interprétation du moins. On essaie
d'éviter de rentrer dans les cases et de lâcher prise. En ce qui
concerne la musique, jusque là c'est comme ça qu'on le vit et ça
se passe super bien.
Et Miki Dora, il vous a
beaucoup inspiré alors ?
- C'était l'icône
sulfureuse et rebelle des années 1950-1960. Il s'est même rebellé
contre la médiatisation à outrance du surf, le côte Dick Dale,
Beach Boys. Sa posture nous plaisait, cela nous correspondait pas
mal. Après la référence n'est pas musicale. Nous musicalement on
serait plutôt inspiré par la côte est des Etats-Unis plutôt que
la Californie. On a construit notre univers autour du personnage, le
noir et blanc, le grain des photos, la sophistication de l'époque...
En plus c'était un surfeur très connecté avec la scène
hollywoodienne, les musiciens, photographes et les gens du cinéma.
Cela faisait un bon lien. On est vraiment à la croisée des chemins
entre la contre-culture surf et ce qu'on fait vraiment, du rock
plutôt inspiré par l'Angleterre.
Et vous surfez ?
- Carrément ! On
surf tous depuis longtemps, cela fait partie de notre vie
quotidienne. Comme les parisiens font du squash, nous on surfe. C'est
notre activité, notre loisir. On travaille aussi (rires) !
Justement, l'océan
vous inspire-t-il ?
- Oui mais il y a un
espèce de cliché autour du surf : blond platine, combi VW,
chemises à fleurs et pétards. Sur la pochette de l'EP, il y a cet
esprit un peu plage mais très noir, dark, sombre. Finalement on se
retrouve plus dans l'univers urbain, musical et stylistique. C'est là
qu'on puise ce qui nous intéresse. On aime l'Océan, on le voit tous
les jours, cela fait partie de nos vies. Mais on n'y puise pas
d'inspiration particulière. Dans nos textes il n'y a pas l'esprit
« sunny », palmiers, cocotiers.
Comment est né le
groupe ?
- En fait les quatre
morceaux de l'ep sont arrivés très naturellement puisque ce sont
nos quatre premiers morceaux. On se connaissait tous en fait de nos
projets antérieurs. La règle d'or du groupe c'est pas de reprises.
On veut vraiment « faire » de la musique. Pour nous, pour
se faire plaisir. Le premier titre qui est sorti de notre première
répétition c'était « running away » qui a finalement
donné son nom à l'ep. Au niveau composition, cela a tout de suite
bien marché entre nous. Cela nous a plu. Les idées sont sorties
assez vite. Les trois morceaux suivants sont la suite de « running
away ». Tout cela n'a pas forcément été très réfléchi
finalement.
En écoutant l'ep, j'ai
surtout pensé aux groupes cold-wave. Cependant il y a un titre un
peu plus fun, pop « love me girls »...
- C'est un morceau très
spontané, le riff est sorti en premier on a rajouté un beat un peu
dansant, assez électro dans le fond, qui donne envie de bouger la
tête. Et voilà ! « Love me girls » ! (rires).
En général le chant vient en dernier dans nos chansons. Celui de
« love me girls » est très simple, l'idée c'est il faut
bouger ! En concert, les gens partent dessus, direct. On aime
bien la jouer en live. C'est pop mais en même temps cela représente
bien de quelle manière on voit la musique : on n'est pas
cloisonnés dans un style. « Running away » peut-être
très dark et « Love me girls » très ensoleillée. Nos
thèmes sont assez concentrés autour de la chute, le début et la
fin de la vie. On trouve intéressantes ces variations d'intensité,
de profondeur, de pesanteur sur les morceaux. C'est quelque chose que
l'on retrouve sur l'ep mais aussi sur nos sets en live. Cela donne
une belle vie à nos concerts. Si on faisait « running away »
pendant cinquante minutes je pense qu'on finirait tous chez le psy !
C'est assez lourd quand-même (rires). C'est nos quatre premiers
morceaux de toute manière, on ouvre le spectre. L'album aura une
couleur plus définie.
Personnellement, j'ai
beaucoup entendu les influences, Interpol entre-autres. Pour être
honnête cela m'a un peu gêné...
- Ah bon ? On
écoute beaucoup de rock indé, on baigne dans un son en quelque
sorte. Et Interpol a influencé plein de monde. Tout ça, c'est comme
une bulle géante de rock indé. Tout est casé dans des cases
quelque part et inconsciemment, cela ressort. Ce qui intéressant
dans notre groupe, c'est que au-delà de notre socle commun, on
apporte tous des couleurs différentes. Le spectre des influences est
du coup beaucoup plus large. Et c'est pour cela que ça fonctionne
entre nous. Par exemple Clément, le guitariste, va chercher dans la
britpop, la cold-wave ça n'était pas forcément son domaine de
prédilection. Ca l'est devenu quand on a commencé à faire de la
musique ensemble. On emmène chacun notre pierre à l'édifice, notre
petite touche. Et jusqu'ici cette complémentarité nous va bien.
Vous avez déjà essayé
de chanter en français ?
- C'est une bonne
question. En fait l'anglais nous vient naturellement. J'ai habité
(Grégoire, le chanteur, ndlr) à l'étranger une vingtaine d'années
et j'ai appris l'anglais avant le français. Du coup, après avoir
autant écouté de musique anglaise en plus, c'est l'anglais qui me
vient en premier. Personnellement, je ne sais pas bien chanter en
français. En fait, la question ne s'est même pas posée. Greg est
bilingue, il n'a pas d'accent. Est-ce qu'un jour on chantera en
français ? Rien n'est impossible. Mais bon franchement, notre
culture musicale n'est pas française. On est imprégné d'autre
chose... On a tous beaucoup voyagé et au final on est imprégné
d'une culture plus internationale, européenne, anglo-saxonne que
franco-française. Enfin niveau musique, parce que pour la bouffe et
le pinard, on est bien français (rires) !
Et votre album alors ?
- Il est quasiment
prêt. Il sera bien et même plus que ça (rires) ! En fait on a
mené deux travaux en parallèle. D'un côté le live, on a fait
beaucoup de concerts ces six derniers mois ce qui nous a permis de
travailler et tester nos chansons. C'est la finalité de notre
musique, on l'écrit pour la jouer en live, pour que les gens la
vivent en concert. Ensuite on retranscrit en studio. Mais cet EP est
déjà important pour nous, c'est la première fois que l'on sort un
disque. Tout est allé très très vite, le groupe n'existe que
depuis deux ans. On a quatorze titres qui tournent sur scène. On a
hâte d'avoir un feedback, le plus neutre possible. On a hâte de
voir ce que cela donne.
C'est émouvant la
sortie d'un premier disque ?
- Ouais, c'est super
émouvant. L'autre jour on regardait le cd, c'est vraiment un bel
objet. Il y a une dimension physique, organique.
C'est bien de dire ça,
car avec le numérique on perd justement cette dimension physique...
- Oui, c'est justement
quelque chose qui nous avait marqué, le jour où on a reçu les
exemplaires physiques de notre EP. La matérialisation, le sentiment
d'avoir « fabriqué » quelque chose. On aimerait faire un
vinyle, faire quelque chose qui reste pas juste dans une case sur
internet qui après va disparaître. C'est une part importante de
notre vie, la musique c'est quelque chose de très prenant. Et le cd,
il restera à jamais, quoi qu'il arrive. De prendre l'objet, de
retirer le plastique, mettre la galette dans le lecteur, appuyer sur
« play », c'est une gestuelle particulière et cela reste
un plaisir. C'est un peu old school, mais cela existe encore, il faut
continuer à le faire.
C'est tout un
cérémonial...
- Oui il y a un côté
tactile, physique dans notre musique. Notre parti pris, c'est de ne
pas utiliser de machines et il n'y a pas d'arrangements non plus. Un
disque qui est surproduit en studio, ça ne rend pas en concert. D'où
les mauvaises surprises. Nous on est quatre, rien n'est caché, tout
vient de nos tripes. Sur scène il n' y a rien de moins. Ca peut
paraître « pauvre » en termes d'arrangements mais
aujourd'hui on est abreuvés de musique surproduite. On respecte
cette démarche, mais nous on a besoin d'une dimension physique,
tangible dans notre musique.
L'EP a été enregistré
en live ?
- Non mais pour nous la
finalité ça serait d'enregistrer notre live. Kenneth Ploquin, notre
ingénieur du son, nous l'a dit en sortant de studio : « les
gars, le prochain album on l'enregistre en live ».
Vous êtes de Biarritz,
la proximité avec la frontière espagnole, San Sebastian, cela vous
a ouvert des portes en Espagne ?
- On n'hésite pas à
aller voir de l' « autre côté », comme on dit chez
nous, pour voir si il y a des opportunités de concerts, on a déjà
joué à San Sebastian, et on a partagé plein de fois la scène avec
des groupes de l' « autre côté ». Notre clip a été
tourné à San Sebastian avec des potes qu'on a là-bas. C'est un
endroit qu'on apprécie beaucoup, pas que pour la musique d'ailleurs.
On a été suivi par deux trois médias espagnols. On vit vraiment
dans une sorte d'inter-culturalité entre Biarritz, San Sebastian,
Bilbao... Le programmateur de l'Atabal (la salle de concert « musique
moderne », de Biarritz, ndlr) est très connecté avec tout le
réseau du Pays Basque espagnol. Il y a une véritable dynamique
musicale, entre Bilbao et Biarritz, il se passe vraiment beaucoup de
choses. La vie artistique est très riche. C'est une seule et même
région de toute façon, certains membres du groupe ont même vécu à
« San Sé » tout en travaillant en France, Greg travaille
en Espagne.
Propos recueillis le 14 février 2013.
THE DEDICATED NOTHING - Love Me Girls (Official... par thededicatednothing
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