Audrey Ismaël, la moitié de Smoking Smoking, nous a reçu
avec beaucoup de gentillesse chez elle afin de répondre à quelques questions…
Au début quand j’ai découvert Smoking Smoking, j’ai tout de
suite trouvé la formule, avec un seul piano pour deux chanteuses/pianistes,
unique en son genre. Vous avez débuté comment ?
Audrey (piano/voix) : C’est assez naturel. Vanessa et
moi on se connaît depuis très longtemps, des années. Un jour on était en train
de discuter, comme deux super potes qui refont le monde autour d’un verre. Et
puis on a commencé à chantonner. On faisait toute les deux de la musique, mais
chacune de son côté. On a décidé d’essayer d’en faire ensemble. On s’est
enregistré. Le lendemain on s’est revu pour réécouter ce qu’on avait fait la
veille et qui est ensuite devenu le refrain d’Are we lucky ? On a trouvé
ça pas mal ! On s’est retrouvé chez Vanessa où il n’y avait qu’un seul
piano. Je me suis assise à gauche, Vanessa à droite et on a commencé à jouer.
Je faisais les accords alors que Vanessa arrangeait en direct le morceau. La
formule n’était ni pensée ni conceptualisée. On s’est juste retrouvée toutes
les deux avec un seul piano et une énorme envie d’en jouer (rires).
Vos voix se marient très bien, les harmonies vocales c’est
quelque chose que vous travaillez particulièrement ?
Audrey : Sur l’album on n’est pas automatiquement en
harmonie ni à l’unisson. C’est vraiment au service de la chanson. Parfois
l’unisson donne de la force, on chante la même chose, nos voix se confondent.
Quand on est parties sur des harmonies, elles n’ont jamais été travaillées au
sens classique. Tout vient de la mélodie, une fois qu’on avait trouvé le bon
mariage, ça restait.
Il y a quand même un côté très mélancolique sur l’album je
pense à un titre comme « dancing » par exemple…
Audrey : Oui, c’est un album très personnel. « It’s
all about love », le titre est clair. Après, il y a d’autres titres plus
épiques. En tout cas, on n’a jamais voulu faire une chanson triste, on essaye
plutôt de mettre un état d’âme en musique. On s’inspire autant de nos histoires
personnelles que de personnages fantasmés. Ceux qu’on retrouve dans le
clip : Marilyn, Elvis, l’astronaute, la diva désespérée en fin de carrière
qui attends le retour de son homme… Ces personnages, on a le sentiment de les
porter en nous, ils nous ont inspirés. Vanessa et moi on est très proches, on
est vraiment très amies dans la vie, ça nous a permis d’écrire des textes qui
nous sont très personnels à nous deux, ce qui est assez particulier quand même.
Tu parlais de Dancing, c’est l’histoire d’une danse entre moi (ou Vanessa) et
un marin et du souvenir de cette danse. Mais bon tu vois, ce n’est pas si
personnel que ça, car la chanson ne parle pas d’un marin en particulier mais
plutôt de l’image du marin en général. Ces personnages romantiques, le cow-boy,
le marin… Ces personnages qui nous permettait de parler de nos histoires
personnelles mais de manière très imagée.
L’album est très bien produit et même parfois très arrangé,
« Hold my hand », « Don’t let me down » qui est un peu
jazzy. Comment vous transposez tout cela sur scène ?
Audrey : Parfois on est toutes les deux, comme quand on
est parties en tournée avec Aaron, avant la sortie de l’album. Maintenant on a
un percussionniste avec nous, ce qui donne un côté tribal qu’on retrouve sur
« in circles ». On est parfois très proche de ce qui se passe sur
l’album même si on a seulement un piano et des percussions. On est en train de
travailler sur une tournée pour 2013, idéalement on aimerait que Jérémy, qui a
fait tout les arrangement de cordes sur l’album, et Thomas, qui s’est occupé
des cuivres, nous rejoignent.
L’image est une des composantes principales du groupe...
Audrey : Vanessa est également réalisatrice et
photographe. C’est d’ailleurs comme ça qu’on s’est rencontrée, elle travaillait
comme réalisatrice pour une boîte de production dans laquelle j’étais en stage.
L’image c’est vraiment lié à notre univers musical, les musiques nous inspirent
des images et inversement. Souvent quand on compose une chanson, on se regarde
et on se dit : « T’as vu quoi là ? ». On va avoir l’image d’un cabaret, d’un quai.
Ca inspire directement notre musique. Une fois l’album enregistré, le fait de
le mettre en images était totalement évident et naturel. En plus ça pouvait
être « fait maison » grâce à Vanessa. Après l’enregistrement on est
parties à New York toutes les deux pour faire le clip, la pochette et les
photos de l’album. Smoking Smoking, c’est autant la musique que les images et
vice-versa.
Il y a un côté à la fois très américain et très
cinématographique sur la pochette…
Audrey : Oui cela rappelle les affiches des films de
John Cassavetes. C’est le frère de Vanessa, un graphiste, qui a travaillé sur
la pochette. Il a complètement compris notre idée d’affiche de film, très
1970s. C’était super, on était très heureuses. Et puis tous les noms sont
indiqués sur la pochette, cela permet de mettre en avant les personnes avec qui
on a collaboré qui sont partie intégrante du projet et des chansons que l’on
retrouve sur l’album.
Quel genre de film aurait pu être « It’s all about
love » ?
Audrey : Dans l’absolu, ces personnages pourraient être
dans un film un jour…
Il y a aussi cette ressemblance physique entre vous deux, au
début j’ai cru que vous étiez jumelles…
Audrey : On n’est pas jumelles, juste des amies très
proches. On se connaît depuis des années et pendant des années personnes ne
nous a jamais dit que l’on se ressemblait. Et depuis que l’on a commencé ce
projet, on rencontre beaucoup de personnes qui nous demandent si on est sœurs
ou jumelles ! Même des personnes qu’on rencontre en vacances en dehors des
activités du groupe. Je ne sais pas, c’est peut être naturel vu que l’on
collabore énormément. Il y a des mimétismes qui se créent. Cela tient aussi des
vases communicants, on s’influence mutuellement. On s’est fait découvrir nos
univers respectifs de manière très profonde pour pouvoir travailler ensemble. C’est
un côté que l’on n’a jamais cherché à creuser en tout cas. Ca s’est fait tout seul.
On n’a jamais cherché à se ressembler, c’est juste la complicité créée avec le
temps.
C’est aussi une belle histoire d’amitié…
Audrey : C’est avant tout une belle histoire d’amitié.
On avait déjà travaillé ensemble sur le clip et les photos de mon projet solo.
Et j’ai toujours suivi de très près les projets de Vanessa que ce soit en
matière de musique ou de réalisation. J’ai posé pour elle pour ses photos. On
avait déjà un peu l’habitude de travailler ensemble. C’est une amitié très
forte.
Un petit mot sur le tournage du clip à New York ?
Audrey : Epique ! On est parties toutes les deux.
Encore une fois ce clip à New York cela a été possible parce que on avait déjà
un vécu commun très important Vanessa et moi. On avait déjà tout fait toutes
les deux ensemble. On n’avait absolument pas peur. Tous les flashs d’images que
l’on avait en tête au moment de l’enregistrement on les a trouvé là-bas à New
York. Vanessa était toute seule à cadrer, moi je l’assistais, je tenais les
lumières. On a rencontré des comédiens là-bas notamment l’actrice qui ressemble
à Gena Rowlands. On a eu la chance de tomber sur des comédiens qui ont été très
généreux et qui ont joué le jeu. On est parti deux semaines. Cela nous a donné
plein d’autres idées, d’autres envies. Vanessa a depuis fait des séances photos
qui déclinent l’univers visuel de l’album qui vont donner lieu à une expo photo
et à la publication d’un livre.
Et avant ce clip à New York, il y avait eu une autre vidéo
pour la même chanson réalisée par Mark Maggiori. Que s’est-il passé, c’est
assez rare deux vidéos pour le même titre ?
Audrey : Mark c’est une très belle rencontre, on est
très heureuses de ce clip. On avait envie d’avoir le point de vue d’un
réalisateur. Un regard masculin. Ensuite l’évolution du projet a fait que l’on
a eu envie d’autres images. On avait envie de faire un nouveau clip nous-mêmes.
Les deux vidéos sont très différentes, l’une est en noir et
blanc, l’autre est en couleur. Le clip à New York est beaucoup plus long et
ressemble plus à un court métrage…
Audrey : C’est vraiment quand on a enregistré l’album,
des images nous sont venues alors qu’on était en studio à La Frette. On a eu
envie de noir et blanc. C’est l’évolution du projet…
L’album est sous-titré : « 11 chansons sous
influence ». Quelle influence ?
Audrey : C’est un petit clin d’œil à Cassavetes, au
film « une femme sous influence ». On l’a laissé au singulier de
manière volontaire.
« The man who crashed my heart left for the
moon », c’est un peu mystérieux comme titre…
Audrey : Tout ça c’est des personnages. Le cow-boy,
l’appel à la liberté, ça nous parle, ça nous fait fantasmer. L’astronaute c’est
aussi un personnage. C’est le début du clip, une histoire un peu absurde :
« après cinquante ans d’hibernation sur la lune, l’astronaute revient sur
terre ». La lune, le ciel, les étoiles, c’est des appels à l’absolu, la
liberté. Tant qu’à se faire briser le cœur, autant que cela soit par un homme
qui part sur la lune. C’est plus romanesque. C’est un album très absolu et donc
du coup très romantique.
On dit souvent que pour les jeunes groupes français, l’album
sert de carte de visite pour décrocher des concerts (je précise que ce n’est
pas du tout ce que j’ai ressenti en l’écoutant). Qu’en penses-tu ?
Audrey : Le live et le studio c’est deux choses très
différentes. C’est comme de comparer le théâtre et le cinéma. L’enregistrement
d’un album c’est quelque chose de très intime. C’est très minutieux,
microscopique. On réécoute beaucoup tout ce qu’on a fait. On cherche si une
note de plus ne va pas apporter quelque chose. On a passé des heures et des
heures à enregistrer les voix avec Vanessa. On a pleuré, on a été émues…
C’était très fort et dense. Sur scène, on est en contact avec le public. On
n’est pas sur soi, on essaye de partager quelque chose avec le public. C’est un
travail complètement différent. Les chansons ne sont pas véhiculées de la même
manière. C’est complémentaire. Moi, personnellement, j’ai très envie de faire
des concerts.
Tu parlais de l’enregistrement comme d’un moment d’intimité,
comment est-ce que le groupe s’est senti quand le disque est sorti dans le
commerce ?
Audrey : C’était un peu fou. Pour Vanessa et pour moi,
c’est notre premier disque qui sort dans le commerce. Quand on a vu notre album
à la fnac la première fois, c’était l’euphorie. C’est tellement de travail…
Après le sentiment se dématérialise, on ne se rend plus vraiment compte. On a
reçu beaucoup de messages assez touchants. On avait quand même hâte de le
sortir cet album, c’est comme un accouchement après une gestation. On n’avait
pas peur.
« Are we lucky ? », vous êtes chanceuses
finalement ?
Audrey : Ah oui ! Mais ce n’est pas la question
soulevée par cette chanson. Notre destin ne dépend pas de la chance. Chanceux
ou pas, il faut se décider, vaincre ses peurs et se lancer dans un chemin qui
nous correspond. Après la chance elle vient ou pas. En l’occurrence, sur ce
projet on a plutôt été chanceuses. Tout ce qui se passe depuis deux ans, nous
fait dire que l’on est sur le bon chemin.
Propos recueillis le 12 décembre 2012.
En concert au café de la danse (Paris) le 4 juin.
Un grand merci à Audrey, Vanessa et Jérémy !
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