C’était la date à ne pas manquer pour tous les amoureux de la six cordes qui se retrouvaient en ce vendredi soir avec une belle, et double, affiche réunissant sur la scène de l’Olympia deux maîtres de la guitare électrique, Johnny Winter le vétéran revenu de tout et Warren Haynes, l’un de ses disciples.
Assez étonnamment c’est à l’aîné, Johnny Winter, qu’il revient l’honneur d’ouvrir les débats. Avec la vie qu’il a vécue, les excès, l’alcool, les drogues et les ennuis de santé en découlant, c’est en soi un petit miracle que Johnny Winter soit encore parmi nous, alors le revoir en concert… Son entrée en scène fait un peu pitié. D’une maigreur inquiétante, pâle, il a besoin d’être soutenu pour rejoindre son siège. Il se produit maintenant assis la majorité du temps. Si il n’est plus le guitariste percutant qu’il fût dans les années 60 et 70, Winter a encore de beaux restes, musicalement parlant s’entend. Bien soutenu par un groupe (basse, batterie et deuxième guitare) puissant mais aussi capable de groove quand le besoin s’en fait sentir, Winter reprend les classiques (« Got my mojo working », « Goodbye little school girl », « Johnny be good », « Hideaway », « Highway 61 »…) dans des versions blues chargées en guitares. Globalement comparée au concert précédent à Bobino, Winter semble avoir retrouvé de sa superbe. Image rarissime, il se lèvera même pour jouer un rappel debout, tel un homme se battant pour retrouver sa dignité. Ses solos sont inspirés et bien exécutés, même si il se contente du minimum syndical, cela suffit à scotcher tout le monde. Après Hendrix l’année dernière, le clin d’œil du soir fut ce coup-ci adressé à Eric Clapton avec un petit bout du riff de « Sunshine of your love » (Cream) enquillé à une excellente reprise du « Gimme Shelter » (des Rolling Stones). Le concert fût également plus long que la dernière fois, une bonne heure et demie. Globalement un bon moment de guitare, efficace a défaut, soyons honnêtes, de retrouver la magie d’antan. Un peu comme un passage de témoin entre deux générations différentes, mais pratiquant le même son, c’est Johnny Winter en personne qui a accueilli Warren Haynes sur scène le temps d’un rappel en commun (« Dust my broom ») avant que ce dernier ne prenne possession de la scène à son tour. Au côté de l’un de ses héros (comme il l’expliquera plus tard les deux autres sont Jimi Hendrix et Eric Clapton) Warren semble un peu intimidé et a un peu de mal à trouver ses marques, on ne l’entends pratiquement pas sauf au moment de son solo.
Si il est encore assez peu connu du grand public et si on le découvre ces temps-ci en artiste solo, Warren Haynes a un CV long comme le bras, guitariste au sein des Allman Brothers et fondateur de Gov’t Mule. A l’instar de son ex-bandmate, Gregg Allman, Warren Haynes infuse une bonne dose de groove héritée des musiques noire dans son blues symbolisée par la reprise du « It’s a man’s world » de James Brown. Un batteur originaire de la Nouvelle Orléans, ça aide aussi pas mal. D’ailleurs, à deux percussionnistes et un pianiste près, la formation entourant Warren Haynes est quasiment identique à celle de Gregg Allman (qui au passage avait repris l’une de ses compos) lors de son passage récent au Grand Rex : orgue Hammond B3, basse, batterie, saxophone et une chanteuse à la voix superbe assurant chœurs et contre-chants. Comme quoi Warren a bien retenu deux ou trois trucs de son ex-patron. Le son est propre et excellent, la rythmique est redoutable, au groove puissant. Les soli de Haynes sont déliés et il est loin de tirer la couverture à lui, régulièrement sa guitare converse avec le saxophone ou les claviers (orgue hammond et fender rhodes). Il est aussi remarquable à la pédale wha-wha. Le timbre de Warren Haynes est également particulier, un peu éraillé, grave et profond, cela convient bien au blues. Le seul reproche que l’on pourrait lui faire, c’est un manque de concision, les morceaux s’étirant à n’en plus finir aux fils des soli des intervenants mais à part cela il n’y a rien à redire, c’est un grand artiste.
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