Mélangeant les influences, électro, free jazz ou bien encore
la musique de film, les chicagoans de Tortoise jetaient, au milieu des années
1990, les bases de ce que l’on appelle aujourd’hui, au gré des modes, le post
rock ou le math rock. Et il faut bien comprendre que dans ces dénominations ce
sont bien les termes de « post » ou de « math » qui sont
les plus importants… Il en résulte une musique complexe, intellectuelle dont le
format (10, 20 minutes par titre) déborde très largement de ce qui passe
habituellement en radio. Cela peut-être selon les cas passionnant (l’album
« TNT » de 1998 est une petite merveille) ou disons le franchement un
peu rasoir. La remarque vaut également pour les compositions tantôt mélodiques,
tantôt partant dans tous les sens possibles. Tortoise donc est ce soir sur la
scène de la maison des arts et de la culture dans le cadre du festival sons
d’hiver. Le concert est présenté sous l’égide d’une toute nouvelle association
transatlantique, The Bridge, visant à favoriser les échanges entre musiciens
français et étasuniens. La formation est donc complétée ce soir par des
musiciens français invités, soit une petite dizaine de personnes installées sur
scène dans une disposition rectangulaire : cuivres, deux batteries, autant
de guitares, basse, piano et manipulations sonores diverses sont au programme
de cette création totalement originale. Dernière précision avant d’entrer dans
le vif du sujet, Tortoise, mené par le sorcier du son John McEntire, est un
groupe exclusivement instrumental. Les débats commencent dans la confusion,
chacun donnant l’impression de ferrailler dans son coin sans grande cohérence
puis, après quelques minutes de maelström, le miracle survint et d’un coût
l’ensemble prend toute sa logique. La musique est très fouillée et le moindre
petit feulement de guitare à son importance. Le groupe part en général d’un
gimmick de basse ou de guitare efficace puis extrapole ensuite autour pendant
de longues minutes chacun y allant de son petit solo. Ruptures brutales,
changements d’ambiances, de rythmes, instruments devenant d’un coup muet pour
laisser plus d’espace aux autres… Les possibilités sont multiples et infinies.
On passe ainsi du jazz à l’électro dans une sorte de déconstruction étudiée
pour mieux reconstruire ensuite. Parfois déroutant et imprévisible, le résultat
n’en est pas moins poignant. Et pourquoi me direz-vous ? Parce que c’est
le jazz reste la clef ouvrant toutes les portes…
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